Chapitre 4 - Craintes & Prémonitions (Sylvania) [Partie 1/2]

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Une fois Malden parti, le soleil était sur le point de se coucher. Je m'étais assise quelques secondes sur le canapé en me remémorant l'après-midi dans les moindres détails. Quelle surprise pour moi d'avoir si bien réussi à jouer ma composition pour Malden ! Jamais je n'aurais imaginé que cela puisse autant lui plaire. Je savais qu'il m'admirait beaucoup, néanmoins, quelque chose m'empêchait d'avoir confiance en moi. Je n'étais que la jeune fille banale qu'on appréciait pour son bon travail, qui obéissait à sa mère. Rester dans la norme, c'était rester en sécurité, et probablement la meilleure chose à faire en ce monde.

L'heure avançait. Mes pensées proliféraient. Bientôt, je devais me préparer pour rejoindre Teano. Mais impossible de quitter l'appartement sans remettre ma chambre en ordre. Sur mon ordinateur, je lançai « Arabesques No.1 & 2 » de Debussy. C'était mon sanctuaire : une vaste pièce d'une vingtaine de mètres carrés décorée de meubles en bois blancs, bordures et poignées dorées. Je les chérissais pour l'histoire qu'ils portaient. Mon grand-père et mon oncle avaient eux-mêmes passé du temps dans la forêt d'Arctia pour récolter du bois de Siebyl. L'un de ses bons amis, ébéniste, s'était chargé de la construction de la gamme des meubles.

J'avais des rangements à bijoux, des armoires, deux tableaux, une lampe de chevet sur le bureau ainsi qu'un grand lit et un tapis azur simple, couvrant bien plus de la moitié du sol. Plus jeune, ayant participé à des concours de piano, j'avais remporté des prix plus ou moins élogieux trônant en haut des meubles face aux murs bleu pervenche. J'avais laissé quelques livres d'étude sur des théorèmes mathématiques, l'histoire du Mysticiën ainsi que des textes à travailler pour la semaine à venir. Je m'assis sur mon lit, observai la poussière sur le sol, les ouvrages, les chaussures déplacées ainsi qu'une pile de vêtements.

— Comment j'ai pu laisser tout ça s'accumuler en si peu de temps ? soupirai-je. Maman ne m'autorisera pas à quitter la maison avec un désordre pareil...

Sans un mot de plus, je me mis au travail. La pièce retrouva sa clarté d'origine en quelques minutes. J'entendis soudain la clef dans la serrure de la porte d'entrée. Ma mère, Prudence, était de retour. Rapidement, j'allai à sa rencontre.

— Bonjour maman ! Ça a été aujourd'hui ? Tu as eu beaucoup de visites au musée ?

— Mieux que je l'avais espéré. Et pour toi, ma chérie ? Malden est venu te voir ? Qu'avez-vous fait alors ?

— Comme prévu, le piano, tout ça, quoi...

Elle m'adressa un regard douteux avant de passer à autre chose. Maman était très grande, mince, coiffée d'une coupe courte colorée d'un roux plus vif encore que le mien. Ses yeux émeraude semblaient briller de mille feux lorsqu'elle y dissimulait sa colère. Son visage avait l'air grave, presque émacié par d'indicibles traumatismes que traduisait sa voix entière. S'asseyant, elle retira le long manteau noir qui lui arrivait jusqu'aux bottes.

— Et tu te prépares donc à voir Teano, si ma mémoire est bonne.

— Oui. J'ai toujours le droit ? implorai-je, inquiète.

— As-tu fait tes devoirs, ma fille ?

— Oui, et j'ai même un peu d'avance.

— As-tu bien travaillé tes leçons de piano ? Ta chambre est-elle propre ? À quelle heure vas-tu rentrer en partant déjà si tard ? Que dois-tu faire avec Teano ?

— J'ai tout fait ! Je pense que je reviendrai en milieu de soirée. Je dois discuter un peu avec lui.

— À quel sujet ? Tu sais si son père sera là ?

Je sentis une certaine pointe d'anxiété dans sa voix. Ce n'était pas la première fois que le père de Teano, Oscar, semblait tel un point épineux. Mais quand je l'interrogeais, je me heurtais à des réponses fuyantes, comme « Non, il n'y a rien. », « Tu te fais des idées. », ou encore « Assez de sottises, ma fille ! ».

Lumières & Origines : I - L'autre côté du TempsTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon