Chapitre 1 - Un monde inefficace (Sarasvatî) [Partie 1/2]

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Engoncée dans une inconfortable chaise de bois, je croisais les bras depuis de longues minutes, le regard pendu aux lèvres de ma professeure de biologie. Elle m'observa à son tour. Le soleil couchant illuminait sa courte chevelure rousse tandis que moi, je perdais patience.

— Sarasvatî, tu as quelque chose à ajouter ?

Je soupirai lentement avant de répondre.

— Désolée, mais on ne peut rien comprendre à un cours aussi inutilement détaillé.

— Ces détails sont au programme Sara. Si tu travailles, tu apprendras mieux. Je crus m'enflammer rien qu'à l'entente de ces mots.

— Que je travaille plus ? Moi ? Dans cette salle, je suis persuadée que personne n'a compris votre cours. Vous digressez sur vos théories à propos des Atmos les plus puissants pour neutraliser nos adversaires alors que nous ne sommes même pas encore Atmologistes. Ça n'avait rien à voir avec le début de la séance. Et on n'a toujours aucun cours sur les éléments primaires !

— Sara...

— N'allez pas me faire croire que vos hypothèses sur le fonctionnement des éléments font partie du programme.

Madame Bigot était une jeune femme à la peau d'un bleu très clair, originaire du peuple des Eaux. Ses grands yeux verts s'ouvrirent de plus en plus face à mes remarques. Discrète et aimable, elle peinait néanmoins à dispenser efficacement son cours. Soudain, elle frappa son bureau du plat de la main.

— Assez ! Tu m'amèneras ton carnet de correspondance à la sonnerie. Déléguée de classe ou bonne élève, ça m'est égal !

— Dites plutôt que vous êtes incapable d'accepter la critique, rétorquai-je avant de sortir mon carnet et de le poser en bout de table.

— Pardon ? s'exclama-t-elle.

— Rien. Rien que vous ne seriez en mesure d'entendre. Laura Bigot rêvait sans doute de me faire taire en me lançant un Atmos. Un enchantement habile, susurré entre ses lèvres pour soumettre les forces de la nature à sa volonté et me réduire au silence. Seulement, agir ainsi aurait eu de lourdes conséquences. Elle était sûrement du genre à s'imaginer des réalités alternatives pour se sentir mieux. J'y aurais goûté à ses techniques Atmologiques de plein fouet, ce qui aurait impressionné le reste de la classe, mais je devais la tirer de ces fantasmes inutiles.

— Bon, j'attends. Le carnet ne va pas se prendre tout seul, lançai-je.

— Sors de cette classe, Sara. Tu auras un rapport dont tu te souviendras. J'aurais aimé parler avec toi calmement, mais ce n'est pas possible.

— On en avait déjà discuté. Avec vos cours aussi longs qu'inutiles, vous mettez en péril mes études et mon avenir professionnel. Je verrai le directeur demain pour prendre en compte son avis sur la question. Passez une bonne journée. Madame Bigot marmonnait encore, mais je n'y prêtais plus attention. La sonnerie retentit alors. Ce fut un son strident et répétitif, que je haïssais au plus haut point. J'empoignai ma veste de cuir noir et l'enfilai par-dessus ma longue robe azur. Je me dirigeai vers la sortie, inexpressive. Mon pas était lourd, rapide et assuré. Sans saluer quiconque, je m'arrêtai devant la porte et une fois dans le couloir, je tendis mon bras en laissant pendre mon sac à main. Tandis que je fixais l'allée, un soupir d'impatience s'échappa d'entre mes lèvres. L'une de mes camarades arriva soudainement et se rua vers moi pour récupérer mes affaires.

— Désolée Sara, j'avais pas encore tout noté. Qu'est-ce que t'as mis là-dedans pour que ce soit si lourd ?

— C'est le poids des conneries d'madame Bigot. Très pesant. Annabelle – qu'il m'arrivait de surnommer « Boucles d'or » – m'adressa un sourire embarrassé. Je le lui rendis en singeant son expression dans une niaiserie méprisable avant de poursuivre.

Lumières & Origines : I - L'autre côté du TempsWhere stories live. Discover now