Chapitre 3 : Pure fin de la tranquilité

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  Elona arriva souvent au collège en pleurant.

 - Ah! J'ai trop mal au doigt! s'était-elle plaint un jour.

 - Pourquoi? avais-je demandé doucement.

  Elle avait baissé la tête.

 - Je ne sais pas vraiment. Hier, mon père m'a frappé si fort à la tête que j'ai tapé mon doigt contre la table.

  Je m'en doutais bien : son père la battait.

  L'inquiétude de cette confirmation m'avait soudain rattrapée.

 - Il te frappe à la tête?!

 - Ho, oui! Et même pire, des fois. Il y a quelques jours, il m'a pris par la gorge, m'a soulevée, et il m'a plaquée au mur! Je n'ai jamais eu aussi peur!

  Cet aveux m'avait fichu la frousse! Depuis, elle m'a parlé tous les jours de son "problème" avec ses parents et je m'aperçus bien vite que la situation était bien plus grave que je ne le pensais. Ça allait beaucoup trop loin!


  Un jour, en sport, nous avions fais croire au professeur d'EPS que nous voulions aller aux toilettes pour pouvoir nous rendre dans les vestiaires. Là, elle me montra une page de son journal intime (qui était en réalité un cahier de brouillon, mais elle le camouflait de cette manière pour pas que ses parents ou son frère ne le trouve) où elle avait écris quelques chose comme cela :

"Hier, mon père m'a reprise par la gorge. J'ai cru qu'il allait me tuer! C'en ai trop. Demain, je vais à la vie scolaire avec Diana prendre un rendez-vous chez l'assistante sociale. J'espère qu'ils pourront me retirer de la garde de mes parents. Je voudrais tellement me faire adopter! Par les parents de Diana, par exemple. Ça serait si bien de vivre avec elle. Après tout ce qu'elle fait pour moi ...! "

  Les larmes m'étaient montées aux yeux. Je l'avais regardé, émue, avec un sourire triste et remplis d'émotion aux lèvres. Dans son regard, l'espoir ce lisait et brillait de mille feux.

  "Je te promets que je ne te laisserai jamais tomber, Elona."


*


En sortant, elle me reparla de ses parents:

 - J'hésitais à aller voir l'assistante sociale car ma cousine l'a fait et elle est maintenant en foyer. Et je n'ai pas très envie de l'être moi aussi. Juste de changer de parents. Tu crois que c'est possible de se faire adopter?

 - Je ne sais pas, Elona. Mais je pense que oui. Mais tu ne les aime vraiment plus?

 - Non, m'avoua-t-elle.

 - Tu sais, tu ferais bien d'appeler la police, parfois.

 - Ça ne servirait à rien. Quand j'étais petite, mon père battais ma mère et les voisins ont appelé plusieurs fois la police à cause des cris. Mais mon père n'en a pas peur!

  Je voyais bien dans ses yeux qu'elle était aussi effrayée que moi.


*


  Nous sommes donc allées au bureau de la vie scolaire. C'était la récréation du matin, et une longue file d'attente nous ouvrait les bras. Et à sa fin, le surveillant qui changeait peut-être tout.

  Camila, une amie, passa devant nous. Elle stoppa net en nous apercevant.

 - Ça y est, tu vas voir l'assistante sociale? demanda-t-elle à voix basse à Elona.

 - Oui.

  Camila était la seule, moi mise à part, qui connaissait le terrible secret de notre amie. Et quand je pense qu'au début de l'année elles se détestaient, alors que maintenant, elles se mettent mutuellement dans la confiance et s'adorent, je ne peux pas m'empêcher de me dire à quel point les gens changent facilement. (Ce qui m'inquiète assez, surtout au sujet d'Ulysse ...) Et ça, c'est grâce à moi et au fait que nous allons toutes les trois à l'AS de notre collège, chaque mercredi, pour faire de l'escalade.

  Avec ses yeux verts foncé et ses cheveux épaulaires noirs et bouclés, elle avait un certain charme. Être amie avec elle, s'était comme côtoyer une dynamite de plumes.

  Elle approuva d'un signe de tête, une main encourageante sur l'épaule d'Elona, puis repartie.

  Ce fut à notre tour d'entrer dans le bureau de la vie scolaire. Suivant Elona à l'intérieur je fermais la porte, faisant face à des visages pressés et pas très contents que je les empêche ainsi d'entrer. 

 - Mais non, euh ! gémit Marion, une fille de mon âge aux cheveux courts et aux bouclettes serrées.

 - Tant pis pour eux, répliquais-je en fermant le bureau.

 - Ouais, renchérit Elona, la mine mi- coupable mi- railleuse.

 - Leurs petits soucis ne sont rien à côté du tien, rajoutais-je.

  Elle acquiesça et se tourna vers le surveillant.

 - Oui ? s'enquit Frédéric.

  Elona afficha un air hésitant, soudain moins sûr d'elle.

 - Elona aimerait prendre un rendez-vous chez l'assistante sociale, déclarais-je quand elle me fit signe de parler à sa place.

  Frédéric semblait surpris.

 - Ho ! Euh... oui, bien sûr ! balbutia-t-il. C'est qu'habituellement, c'est elle qui prend des rendez-vous avec les enfants, se justifia-t-il. Mais oui, je vais voir ça.

  Il réfléchit quelques secondes avant de proposer :

 - Elle est là le lundi. Vas donc la voir lundi prochain pour prendre un rendez-vous avec elle.

 - Merci, murmura Elona.

 - Oui, merci beaucoup, renchéris-je. 

  Nous nous apprêtions à sortir, lorsque Frédéric rajouta :

 - Un jour, Elona, tu m'expliqueras pourquoi tu veux aller voir l'assistante sociale.

*


  En dehors du bureau clame et silencieux, le bruit et l'activité du collège nous rattrapa. Comme une cascade de conscience qui nous tombait de nouveau sur la tête.

 - Eh ! Diana ! m'interpella une voix que je connaissais très bien. 

  Une voix que je chérissais, qui m'était très précieuse.

  Je me tournais vers un beau et charmant jeune homme. Sa peau mâte, ses yeux bruns, et ses cheveux noirs et bouclés lui donnait un air ténébreux. Dommage que le masque cache son joli sourire aux belles lèvres pleines et ourlées, et aux fossettes si chaleureuses et joyeuses !

 - Oui ?

 - Tu veux un Kinder ? me proposa-t-il.

 - C'est un Buenos ? demandais-je, les yeux plissés. 

  À part ce type là, je détestais les Kinder.

 - Non, c'est une barre.

 - Alors, non merci, petit frère, refusais-je. Tu sais bien que je n'aime que les Buenos.

  Ulysse s'esclaffa.

 - Alors... une cigarette ? proposa-t-il de nouveau en sortant de sa poche le chewing-gum en bâtonnet. 

 - Oui, merci.

  À travers mon masque, je lui offrit un sourire qu'il me rendit.

 - Mais de rien, grande sœur.

  La sonnerie retentit et nous nos dirigeâmes dans la cour pour se ranger et attendre que nos professeurs viennent nous chercher.


Tous pour ElonaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant