LES CLÉS DE THO

Chapitre 5 - IZAMBARD

Le nain marchait, les jambes lourdes, la soif intenable, les mains meurtries, après avoir creusé la tombe d'Ainel.

Les pensées se mélangeaient dans sa tête; il revoyait Zaana, son frère, la terrifiante créature qui lui avait si longtemps servi de sorcier, et le petit livre avec cette mystérieuse légende.

Il ne voulait pas penser à ce récit d'un autre temps, et il jugeait à présent qu'il avait bien fait de laisser cet ouvrage auprès d'Ainel. Sa bouche sèche et son estomac noué, lui rappelèrent d'ailleurs qu'il y avait plus urgent à traiter.

Car à présent s'ouvrait devant lui l'immensité brûlante du désert.

- Heureusement, pensa Kess, tout haut, en regardant les soleils, ces deux là ont commencé leur descente vers l'horizon. Si tout va bien, mon vieux, dans quelques heures tu seras au frais.

Les yeux dans le vague et son esprit plongé dans une profonde léthargie, il ne vit pas arriver les deux krakens, chevauchant silencieusement leurs lazulis ailés. Il eut juste le temps d'apercevoir les deux ombres projetées par l'un d'entre eux sous les astres brûlants.

Il sentit un choc, associé à un bruit mat et il se retrouva la figure dans la poussière avec une terrible douleur derrière la tête.

Il fit volte face, et se retrouva nez à nez avec le kraken. C'était une effrayante créature au visage torturé, à la peau grise, pustuleuse et plissée, et aux longues pattes maigres.

Son comparse se tenait en arrière, tenant d'une bride, les deux lazulis ailés.

- Alors nain ? lança le monstre d'un ton méprisant, approchant sa gueule baveuse et aux dents pointues.

Kess toujours étendu au sol était paralysé d'effroi.

- Serais-tu perdu ? reprit-il, avant de se mettre à rire grassement, en cherchant du regard l'autre kraken qui ne tarda pas à s'esclaffer lui aussi. Allez ! lève toi, demi-portion et montre nous ce que nous allons te voler.

- Je n'ai rien à voler ! lança sèchement le nain, qui se tenait à présent droit face au monstre.

- Ah oui ? Qu'est ce que ce joli sabre ? interrogea le kraken d'un ton piquant, en désignant l'arme à la lame recourbée qui pendait à la ceinture de Kess.

- Tu devrais le savoir, toi un kraken, une créature de l'ombre.

Le kraken ouvrit en grand ses yeux vitreux et resta en arrêt.

- Que veux-tu dire, avorton ? Explique toi !

- C'est le sabre d'Athorr, et je suis la clé noire, peut-être la seule chance pour ton peuple de régner un jour sur THO. A présent, si tu veux voir de quoi est capable cette arme, regarde donc ça.

Le nain saisit le sabre à deux main. Il brilla à nouveau.

Le Kraken, surprit, fit un pas en arrière, puis sortit lui aussi son épée à la lame dentelée. Il bondit sur Kess. Ce dernier évita le coup, puis porta à son tour une attaque. Le métal s'entrechoqua.

Le moojin se sentait habité par une force toute nouvelle, et il ne tarda pas à désarmer son adversaire, qui pourtant bien plus grand que lui, trébucha et tomba, à son tour, à terre.

C'est dans les yeux ronds et transparents du monstre désarmé, que Kess vit la silhouette du deuxième Kraken s'approcher de lui par derrière, brandissant sa lourde massue toute hérissée de pointes.