Chapitre 8

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CHAPITRE 8

Mon père, plongé en plein réflexion s'était endormi pendant qu'il me tenait fermement dans ses bras. Je m'étais alors détachée de lui pour pleurer en paix dans ma chambre. Quelques heures plus tard, je dévalai les marches de l'escalier, et m'assit sur une chaise haute de la cuisine, les mains croisées sur le plan de travail, ne sachant quoi faire à part me morfondre.

- Roxane, puis-je te parler une minute ?

Poussant un grognement de protestation qu'il ne manqua pas d'entendre, je répondis tout de même :

- Oui.

Il me fit signe de le rejoindre, et je m'installai sur une chaise à califourchon, face à lui et toute ouïe. Allait-il enfin me raconter ma vraie histoire ? Mon rôle à jouer dans ce dilemme plus qu'embarrassant ?

- À partir de lundi, tu retourneras au lycée, déclara-t-il sans préambule.

Cette phrase me cloua sur place et j'en eus le souffle le coupé, avant qu'un frisson m'ébranle l'échine.

- Non, mais ça ne va pas ?! Je ne retournerai pas au lycée tant que je ne saurai pas me contrôler parfaitement, protestai-je lorsque je retrouvai l'usage de la parole.

- Il te reste cinq jours pour t'entraîner. Tu y arriveras, j'en suis certain, ajouta-t-il sans se départir de son calme.

- Cinq jours ?! répétai-je, hors de moi. Rappelle-moi combien de temps il t'a fallu pour t'habituer, toi !

- J'ai eu besoin de plusieurs mois car j'ai pris un moment avant de m'y mettre sérieusement. Je laissais traîner les choses avant. Mais toi, tu es plus facile à dompter.

- Plus facile à dompter ? Parce que maintenant, je suis une bête de foire ?! Tu te fiches de moi, j'espère, parce que c'est hors-de-question que je retourne en cours la semaine prochaine ! Que veux-tu à la fin ?

Toute la colère que j'avais contenue déborda tel un fleuve qui brise son barrage.

Mon barrage à moi était mon humanité.

Je n'en pouvais plus. Cela devenait insupportable de devoir surmonter épreuve sur épreuve sans aucun répit. Avait-il seulement conscience de ce que je vivais ? Lui était-ce égal ? A mon avis, oui.

Tandis que je tournais en rond dans le séjour, les bras croisés, le regard rougeoyaient et les crocs à l'air, je parvins à sentir une odeur de fauve au milieu de tout ce vacarme de colère et de haine.

- Écoute Roxy, reprit mon père qui semblait avoir humé l'odeur de ma mère également. Je sais que c'est dur, imposant et accablant mais si tu ne reprends pas le cours de ta vie au plus vite, tu risques de la voir se gâcher de plus en plus chaque jour. Je ne veux pas perdre ma fille, tu vaux plus que tout l'or du monde à mes yeux.

- Ma vie est gâchée depuis que cette idiote de Kayna m'a enlevée aux chiottes. Si j'avais su, je n'y serais jamais allée ! Tu aurais dû me laisser mourir, ça nous aurait épargné bien des problèmes.

- Ne dis plus jamais ça ! rugit-il en se levant brusquement et m'attrapant le bras. Tu as du mal à t'adapter et c'est tout à fait normal. Il faut que tu sois forte et courageuse. Il faut que tu surmontes cette épreuve. Tu vas devoir retourner au lycée. C'est la meilleure façon de retrouver tes habitudes.

- Non ! Je n'y retournerai pas tant que je ne saurai pas me contrôler. Combien de personnes vais-je tuer ? Une ? Toute ma classe ? Tout le lycée ?!

Sous l'emprise de l'agressivité, j'attrapai le premier objet qui avait eu le malheur de se trouver sous mes mains et l'envoyai valser à l'autre bout de la pièce. C'était le vase de cristal de ma mère, mais je n'en avais cure.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant