La nature de Roxane - tome 1 : Maudits

Chapitre 50

Les protestations fusèrent tandis que j'avançai vers Aiden, déterminée.

- C'est irrévocable, Roxane, argumenta Lucy.

- Nous allons tous te perdre ! Tu ne vois pas qu'il fait ça pour te détourner de ton objectif ? Une Élue sans émotions ne fera jamais rien pour son peuple, si ce n'est pour assouvir sa soif de sang, insista Aaron.

- Je viens à peine de retrouver ma meilleure amie, que je vais déjà la perdre, pleurnicha Clara.

Tous essayaient de me convaincre de changer d'avis, mais ma décision était prise.

J'avais juré fidélité aux miens, et je chercherais par tous les moyens de mener à bien notre projet. Même s'il fallait prendre davantage de temps et quelques virages, une détermination indestructible me maintenait debout.

Si éteindre mes émotions était le seul moyen de les sauver, soit.

Je balayai d'un regard les protestations de mes proches et me postai devant Aiden.

- Je suis prête.

Non ! Ne fais pas ça, je t'en prie !

Aaron se rua sur moi et m'enlaça si fort que je fus étonnée d'être encore entière. Puis il écrasa ses lèvres contre les miennes en un baiser pressant, avide. C'était peut-être la dernière fois que je l'embrassais, et son goût boisé, mêlé à mes larmes salées le fit gémir. Il planta ses yeux ténébreux dans les miens et me jura :

Je te promets de trouver un moyen de te ramener.

Allongée sur le sol au centre d'un cercle de bougies allumées, j'accueillais les derniers ravages de la douleur et la tristesse. Mon père. C'était probablement la dernière fois que je pleurais pour lui. Je laissai couler une ultime larme chaude et lisse.

Aiden avait autorisé -dans un élan de bonté monstrueuse- mes amis et ma famille assister à ma... transformation ? J'ignorais même comment ça s'appelait.

Je trouvais cela complètement déroutant, qu'Aiden, qui venait tout juste de tuer mon père me propose de libérer les miens à une seule condition.

Je vais te venger, papa, me répétai-je comme pour me convaincre. Et si, une fois insensible, toute envie de vengeance me délaissait ? Je m'en voulais d'avance.

Mais, émotions ou non, je n'allais pas laisser filer ce monstre qui faisait périr mon espèce depuis plus d'un millénaire.

J'évitai de regarder mes proches, surtout pas Aaron ni ma mère. La douleur que je ressentais était encore trop coriace pour me permettre de feindre l'indifférence.

Une femme inconnue, grande et fine, à la chevelure ténébreuse et soyeuse s'avança vers moi, en roulant de ses hanches voluptueuses tout en grâce. Un diadème orné d'une étoile à cinq branches encerclée et entortillée d'arabesques, reposait fièrement sur son front. La même que celle de ma marque, songeai-je.

La sorcière invoqua les quatre éléments.

- L'eau, par son écoulement,

Éteint le feu et crépitement.

L'air et son infinie force invisible,

Enivre la terre et ses ressources infaillibles.

Je sentis d'abord l'écume salée de l'océan, suivie par la chaleur étouffante du feu, puis la caresse du vent, et enfin, les senteurs boisées de la terre et de sa flore.

La tignasse ondulée de la sorcière cascadait dans son dos et lui balayait les fesses. Les pierres ornant sa couronne scintillaient sous la lueur orangée des bougies, et le reflet me fit cligner des yeux.