Chapitre 3

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H A R R Y

J'ai toujours pensé que Louis était le roi des enfoirés au pays des cons – et sa visite n'a fait que confirmer tout ça. J'veux dire... quel genre de personne peut être insensible à ce point ? Je sais qu'on n'est pas amis – et je n'ai pas envie qu'on le devienne – mais... Enfin non, pas de mais. Je ne sais pas à quoi je m'attendais et je m'en veux de lui avoir balancé une info pareille, comme si j'avais confiance en lui. C'est complètement idiot de ma part.

Quoi qu'il en soit, quand la porte d'entrée se referme derrière lui après qu'il m'ait fait une scène pour le devoir de sciences, je regagne rapidement ma chambre. Je froisse la feuille sur laquelle je n'ai pas vraiment écrit les questions que Louis m'a apportées, pour la balancer dans la poubelle. Je n'ai pas l'intention de retourner au lycée et il n'a pas vraiment besoin de moi.

Ça fait des mois que je tanne ma mère pour qu'elle accepte de me déscolariser, que je puisse étudier chez moi, loin de tous les autres, et maintenant que j'ai mon statut d'élève instable avec une fausse phobie scolaire qui – avec toute la pitié du monde – peut finalement étudier chez lui, je ne suis même pas sûr que ce soit suffisant. Peut-être que je ne dois pas simplement disparaître du lycée ? Peut-être que je dois faire plus que ça ? C'est vrai que la situation à la maison ne s'est dégradée que depuis quelque temps, parce que le mari de ma mère a perdu son travail, et que, même chez moi, je ne suis plus tranquille. Ou en sécurité. Mais est-ce qu'il faut vraiment que j'en arrive là ?

J'arrête de m'apitoyer sur mon sort depuis bien longtemps alors je pense que les moqueries et les coups ne me touchent plus, que c'est juste pénible le temps que ça dure. Mais je remets tout ça en cause depuis plus de deux heures maintenant. Je rejoins mon lit et reprends la place que j'avais avant que Mr. le Capitaine de l'équipe de foot ne vienne interrompre mes réflexions. Je jette un œil à ma chambre, à l'ordre inhabituel qui y règne et, finalement, mes yeux trouvent la dizaine de boites de médicaments qui jonchent mon lit. Puis ils se posent sur ma liste. Je ne sais plus très bien quelle prof nous a dit qu'il faut toujours nommer une liste, mais ça m'a marqué alors je le fais. Celle-ci s'appelle tout simplement SUICIDE. Deux colonnes. Une colonne de oui, une colonne de non. Évidemment, les 'oui' l'emportent haut la main par leur nombre, mais si la colonne des 'non' n'a qu'une seule et unique inscription, elle m'empêche tout de même de prendre tous mes antidépresseurs et autres somnifères d'un coup. C'est même logique puisque la personne qui peuple les 'non' n'est autre que ma mère. Est-ce que je serais un bon fils si j'essayais encore une fois ? Est-ce qu'elle méritait d'être malheureuse pour le restant de ses jours ? Est-ce que son mari s'en prendrait à elle une fois qu'il ne pourrait plus passer ses nerfs sur moi ? Autant de questions qui restent sans réponse et qui me pourrissent la journée.

Je croise mes bras tout en continuant de fixer les 'oui', et sans m'en rendre compte, je recommence à me pincer l'intérieur des coudes –ou à me les griffer, je ne fais plus la différence depuis longtemps. J'ai promis à ma mère d'éviter de le faire mais c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour avoir une quelconque emprise sur ma propre vie. Comme si me faire mal me permettait de contrôler la colère et la douleur qui m'envahissaient en permanence. J'ai toujours été persuadé qu'il y avait une différence entre ceux qui utilisent des lames de rasoir et moi, mais on m'a dit que non, que c'est le même principe. Sauf que moi, je n'ai pas besoin de m'enfermer quelque part pour qu'on ne me voit pas. Je n'ai qu'à croiser les bras.

« Ouch. »

La douleur me ramène à moi et quand je vois que je saigne, je soupire– mais je n'ai pas mal à ce point. Je n'ai juste pas envie de nettoyer. J'enfile un sweat-shirt puis je croise à nouveau les bras, sans quitter ma liste des yeux.

Show Me You CareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant