La cité miroir

32. Rencontre

La rue était bruyante et les commerçants parlaient forts, pensa Damian tout en tirant autant que possible son capuchon sur son visage. Des auras tranquilles et faibles se dégageaient des habitants. Rien de suspect ni d'anxiogène à signaler à Ganh. Ce dernier conversait avec les scribes. Damian s'éloigna un peu. Le soleil tapait violement sur la colline où se situait le village des Limites et il avait du mal à supporter la chaleur. Malgré sa gêne, il n'aurait quitté son long manteau pour rien au monde. Il s'y agrippait comme à un radeau en plein naufrage.

Pourquoi fallait-il venir dans un lieu aussi reculé pour subir la certification ? Ganh avait insisté sur le fait que s'inscrire dans ce village était plus astucieux en termes d'anonymat : moins de milices écarlates y patrouillaient en comparaison de la capitale. En outre, ils avaient plus de chance de remporter les épreuves, car les favoris avaient tendances à se diriger vers les villes proches de chez eux pour bénéficier du soutien des autorités et du public. Malgré ces avantages, Damian pestait contre cette décision : il n'avait que faire des milices, personne n'allait le reconnaitre sous ses frusques. Quant à ses chances de gagner, il était sûr de sa force et des pouvoirs de Ganh : pas besoins d'aller aussi loin pour s'en sortir contre des combattants de seconde zone.

- Nous sommes inscrits ! le prévint Ganh en revenant de l'échoppe des scribes.

Si Ganh se montrait toujours prudent, il fallait reconnaître qu'il avait raison sur un point : s'il y avait moins de candidats à la certification ici, ils gagneraient du temps. Le temps était ce qui faisait le plus défaut aux deux équipiers. Tandis que Damian brûlait sous ce soleil printanier, les siens étaient toujours en danger. Il devait les sauver. Y arriverait-il ?

- Quelque chose ne va pas ?

Damian secoua son visage sous son capuchon. Il n'avait rien de spécial à déclarer.

Ganh l'invita à s'assoir sur un banc à l'ombre d'un arbre au feuillage roux. Décidément, la couleur de la végétation le surprendrait toujours.

- Les scribes m'ont indiqué un habitant qui pouvait nous loger. Je vais me renseigner. Préfères-tu attendre ici ? Je reviendrai avec de quoi boire.

Damian se contenta d'approuver d'un hochement de tête.

- J'adore nos conversations à bâtons rompus, commenta Ganh en se levant.

Damian hésita à lui dire que son humour laissait à désirer, mais il avait trop mal à la tête avec ce soleil. Il se contenta donc de rester à l'ombre de l'arbre.

Ses maux de têtes étaient fréquents, encore plus dès qu'il était exposé au soleil, toutefois tout allait bien jusqu'à ce qu'ils arrivent au village et en particulier dans la rue principale. Quelque chose lui avait provoqué cette migraine près de l'échoppe des scibes, l'obligeant à se mettre à l'écart. Il ne savait pas de quoi il s'agissait. Le parfum des encres n'y était pour rien. Il n'avait pas détecté de danger immédiat alentour. Il restait pourtant persuadé qu'un objet ou un être vivant l'avait impacté de son aura.

Il se courba, posa ses coudes sur ses genoux et se massa les tempes en fermant les yeux pour se couper de la lumière trop vive. La dernière fois qu'il avait eu aussi mal et aussi vite, il avait dû combattre un somnia. Mais dans un village de limiteurs, en pleine journée, le risque d'en croiser un était pourtant réduit à peau de chagrin. Quelle créature avait donc pu...

- Monsieur, est-ce que tout va bien ? l'interrompit une voix claire.

Damian se redressa, pris par surprise. Il porta la main à son côté pour prendre un poignard, une bourrasque de vent balaya son capuchon en arrière. Il se retrouva devant une fille aux yeux verts, dont le visage était dévoré de taches de rousseurs.

- Oh, mais vous êtes jeune, constata la rouquine en lui tendant une gourde d'eau. Désolée, j'au cru que vous étiez âgé à cause de votre posture et du...

Elle leva un index vers ses cheveux et Damian rabattit aussitôt son capuchon sur ses yeux. Comment avait-elle pu s'approcher de lui sans qu'il ne la détecte ? C'était impossible ! Il pouvait reconnaître les auras des gens à des lieux à la ronde. C'est ainsi qu'il arrivait à avancer dans une foule, même les yeux fermés. Jamais personne ne l'avait pris au dépourvu ainsi. Sa main se resserra autour du fin poignard à sa taille.

- Vous êtes venu pour la certification ? elle lui tendait toujours une gourde de breuvage bleu que Damian fixait avec suspicion. Cela ne commencera que demain, vous devez être impatient. Vous concourez ou vous venez en spectateurs ?

Devant son manque de réaction, elle s'assit sur le banc et ouvrit la bouteille.

- Vous pouvez vous rassoir, je ne mords pas.

Il la dévisagea longuement. Elle ne devait pas avoir plus de treize ans. Aucune raison d'avoir peur d'elle, mais quelque chose ne collait pas. Il ferma les yeux et se concentra. Rien. Il ne sentait rien. Elle n'avait... aucune aura. Il lui était impossible de connaître ses intentions, ni sa force, ni anticiper ses mouvements sans cela. Pire encore, il n'était pas sûr qu'elle soit humaine. Son mal de crâne s'intensifiait. Il ouvrit les yeux pour la jauger.

- Vous ne parlez pas notre langue ? elle pencha son visage sur le côté.

Ses yeux verts mangeaient son petit visage, alors qu'elle balançait ses pieds dans le vide. Le banc un peu trop haut ne lui permettait pas de les poser au sol.

Une gamine, pensa Damian. C'est juste une enfant !

- Si, vous me comprenez.... La famille Drekostas loge les visiteurs pour la semaine de épreuves. C'est la première à droite, elle désigna du doigt ladite une rue. Je vais vous laisser cette gourde, car vous êtes très pâle.

Elle tapa de sa gourde sur celle qu'elle lui laissait et bu le contenu de la sienne.

- C'est très désaltérant, mais ça laisse la langue bleue. Vous voyez ?

Elle lui tira la langue (d'un bleu violine) pour prouver ces dires.

- À bientôt ! Oh, et puisque nous avons quasiment le même âge, la prochaine fois on se tutoie, d'accord ? Pense à m'encourager depuis les gradins !

Damian fronça les sourcils. Depuis les gradins ?

- Tu es une aspirante ? dit-il, incrédule, avant de se tourner vers une aura jaune qui leur fonçait dessus.

- Katya ! cria un petit garçon en venant près d'elle. Tu en mets du temps ! Moi, j'ai faim, Marhu te cherche et on a perdu Maelle.

La dénommée Katya sauta du banc et partit en courant, avec son ami.

- N'oublie pas de boire, c'est délicieux ! Katya lui fit un signe de la main.

Damian la regarda partir. Il n'en revenait pas. C'était donc elle... le demi-monstre ? La Limiteuse des Ecarlates ? Elle avait beau avoir été avenante avec lui, il n'aurait aucune pitié. L'avenir des siens en dépendait.

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Première rencontre entre Damian et Katya !
On se retrouve vite pour la suite.

Et où est passé Maelle ?