4. Épée et dragon

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Le reste des cours se déroula sans problèmes, si ce n'est les autres élèves qui la regardait bizarrement. La rumeur circulait déjà qu'elle avait tenté de sécher en allant se cacher sur le toit, ce qui était aussi faux que stupide. 

La journée sembla s'éterniser pour Maëlle. En permanence sur le qui-vive, elle jetait sans cesse des coups d'œil à travers la fenêtre, fixant le toit et se méfiant chaque fois qu'elle entrait dans une nouvelle salle. Comme tout était redevenu normal et que les autres élèves ne semblaient absolument pas dans le même état d'esprit, elle finit par se dire que rien de tout cela n'avait existé et que le stress et son imagination fertile devaient avoir tout inventer. Après tout, ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait de faire face à l'étrange.

Comme la fois où elle s'était sentie observée dans le supermarché, son sac de courses lourds de conserves, tandis que sa mère choisissait avec soin des fruits pour le dessert. Un homme immense la regardait depuis l'étal du boucher, vêtu d'un long manteau de laine noire. un chapeau lui couvrait le front jusqu'au nez, lui-même caché par une écharpe foncée. Cela aurait pu être anodin, mais qui s'habille ainsi par un été caniculaire ? L'homme bougeait étrangement comme s'il était fait d'eau mouvante plutôt que d'os et de chair, il ressemblait de loin à de la gelée tremblante. La curiosité de Maelle avait été interrompue par sa mère qui la trainait brusquement hors du supermarché, prétextant un besoin de passer à la boulangerie.

Une autre fois, des dizaines de corbeaux l'avait suivie du collège jusqu'à chez elle, dans un silence étrange, avant de se poser sur les fils des poteaux électriques face à leur maison, comme si la limite du petit jardin de sa maison était une barrière infranchissable. Ou encore, quand elle faisait du vélo en pleine campagne et que le ciel si bleu était soudain devenu rouge en plein après-midi et que le vent s'était levé soufflant d'étranges bourrasques brûlantes dans les jambes, l'empêchant ainsi de rentrer chez elle.
À chaque fois, un déménagement avait suivi. Et cela devenait de plus en plus fréquent.

Mais jamais, elle n'avait vu une fille combattre un serpent de cette taille. Devait-elle en parler à sa mère ?

En sortant du collègue, elle était toute à sa réflexion. Il lui manquait un livre au programme de français et si elle voulait suivre au prochain cours, elle devait l'acheter d'urgence. Elle décida de prendre le métro pour aller dans la librairie que le professeur lui avait recommandée et envoya un texto à sa mère pour la prévenir.

La station aérienne de métro était fréquentée par les autres collégiens et quelques lycéens. Il était encore tôt et les petits groupes parlaient gaiement. Maelle s'assit sur un des bancs et sortit son cahier ainsi qu'un crayon de papier. Sur les feuilles blanches de ce carnet de croquis qu'elle baladait partout, elle notait des idées et crayonnait des fleurs et des paysages qu'elle avait aimés. Une manière de graver dans ses souvenirs toutes ces villes et ses lieux qu'elle avait traversés et dont sa mère ne gardait rien, même pas une photo. Pour une fois, elle ne se mit pas à dessiner l'endroit où elle se trouvait, mais essaya de mémoire de tracer les traits de la silhouette de la fille aux cheveux rouges.

Le premier métro arriva, puis un second. Trop concentrée sur son dessin, Maëlle les laissa passer sans même lever la tête. Le quai à présent s'était vidé et elle était seule.

Elle était en train de faire rouler l'embout du crayon sur ses lèvres en se demandant comment une aussi petite adolescente pouvait brandir et porter d'une seule main une épée aussi gigantesque. Le poids de l'arme en lui-même semblait démentiel. Le bruit de la pluie la ramena à la réalité. De grosses gouttes martelaient la marquise de verre et de fer forgé sous laquelle elle se tenait et tombaient drues sur les rails du métro entre les deux plateformes.

La cité miroirWhere stories live. Discover now