17. Les trois lunes

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Maelle sortit avec soulagement du couloir du temps. Lorsque la porte de lumière se referma derrière elle, la pièce qui avait servi à ouvrir le passage tomba en poussière.

Maelle comprit qu'aucun retour ne serait possible. Cette idée lui serra le cœur et elle décida de l'oublier immédiatement pour ne pas se laisser abattre. Après tout ce qu'elle avait enduré jusqu'ici, ce n'était pas le moment de flancher. Elle inspira pour gonfler ses poumons d'air et de courage en lâchant la main de Katya.

Elle se trouvaient au cœur d'une petite clairière entourée d'arbres gigantesques dont le tronc était plus rouge que marron. Leurs feuilles et épines se déclinaient à perte de vue du magenta à l'orangé avec des pointes de doré, à l'instar d'un automne chatoyant. C'était magnifique. Malgré la pénombre inquiétante qui les entourait, Maelle ne put qu'admirer l'incroyable paysage. Cela lui rappela une des toiles de sa mère et l'apaisa un peu.

La clairière était constituée de pierres rondes disposées en arc de cercle et de colonnes en marbre rose. Katya et elle tenaient au milieu de cet étrange construction en plein air, balayée par une brise légère.

En regardant le ciel d'un bleu nuit paisible, elle fronça les sourcils, incertaine de ce qu'elle apercevait :

- Vous avez trois lunes ! s'écria-t-elle devant les trois globes énormes au-dessus de leur tête : deux dorées et une bleue.

- Non seulement une, expliqua Katya en lui faisant signe de la suivre dans la forêt. La dorée à droite est la Lune des Origines, celle de gauche est son reflet dans la barrière de protection d'Eterae, on l'appelle la Lune des Illusions.

- Comment faites-vous la différence entre les deux ?

Bidule sautait devant elle. Il ouvrait le chemin et quitta la clairière. Les adolescentes le suivirent.

- La Lune des Illusions est légèrement plus pâle et parfois son reflet vacille comme dans un lac qui aurait des remous.

- Et la lune bleue ? Maelle tendit son index vers l'orbe plus petite et légèrement plus éloignée.

- C'est la Terre. Mais sur Eterae, on l'appelle la planète du Rêves ou plus communément Rêvalon.

Maelle pénétra dans la forêt. Ses pas s'enfonçaient dans une herbe épaisse et mousseuse, dont la couleur fuchsia était étonnante. Aucune plante ici n'était verte. La chlorophylle avait peut-être d'autres couleur selon les mondes ?

- Pourquoi l'appelez-vous ainsi ?

La lune, son reflet et la Terre disparurent de leur vue en raison de la haute futaie. La cime des arbres était si haute que Maelle n'en voyait même pas la fin. Elle décida donc de regarder attentivement où elle posait les pieds. Elle aurait juré avoir vu la racine de ce gros arbre sortir de terre et s'avancer vers elle... Non, elle devait se tromper.

- Rêvalon est un endroit dangereux pour nous, répondit Katya. Il nous est interdit de nous y rendre.

- Pourtant, toi, tu...

Katya se retourna brusquement vers Maelle, mettant un coup d'arrêt à leur avancée rapide.

- Nous devons arriver au village le plus vite possible, je répondrai à toutes tes questions une fois en sécurité. Il fera bientôt nuit et nous risquons de dépasser le couvre-feu imposé. La nuit, cette forêt est le terrain de jeux de Somnias, nous ne devons donc pas traîner ici. Voici ce que je peux te dire pour l'instant : premièrement, personne ne doit apprendre que tu viens de Rêvalon car les Terriens, qu'on appelle aussi les Rêveurs, sont très mal perçus ici. Pour nous, ils sont la raison de nos malheurs. Si tu veux rester en vie, ne l'avoue jamais.

- Mais...

- Deuxièmement, Rêvalon un endroit interdit pour tout habitant d'Eterae. Personne ne peut si rendre sans dérogation officielle. Tu comprendras que je n'ai pas respecté la loi afin de venir en aide à une Rêveuse de la planète interdite, dont la mère est considérée comme une bannie et une traîtresse par notre gouvernement.

- Je vois, Maelle fronça les sourcils. En gros, je la ferme sur tout ce qui concerne mon monde d'origine.

- Question de survie pour toi et moi.

- Qu'est-ce qu'on risque sinon : la prison ?

- Au mieux, Katya hocha la tête.

- Et au pire ?

- Une petite condamnation à mort, sourit Katya avec désinvolture.

De surprise, Maelle en trébucha presque sur un monticule qu'elle n'avait pas vu, alors que Katya reprit la route comme si de rien n'était. Afin de les éclairer dans l'obscurité qui s'intensifiait, la guerrière sortit de son petit sac noué à la taille, une bille. Elle la tapa de son ongle et celle-ci s'alluma et lévita devant elles pour éclairer leur avancée.

- Une dernière question, s'il te plaît !

- Vas-y, la petite rousse soupira de lassitude.

- Pourquoi les Terriens sont-ils si détestés ? Nous ne savons même pas que vous existez et...

Un craquement à proximité interrompit leur conversation. Quelque chose dans les buissons bougea et un vent gelé fit voler leurs cheveux en rasant leurs joues comme une lame de glace. Bidule poussa un petit « bi » inquiet. Sous les pieds de Maelle, le sol se gondola. De petites bosses se formaient de partout. Elles se perçaient et des racines en surgissaient.

- C'est toi qui fait ça ! s'énerva Katya.

- Moi ? s'écria Maelle en tentant de garder son équilibre. Mais n'importe quoi !

- La forêt te « sent » et elle n'aime pas ta présence, c'est clair !

- Ben, dis-lui que je suis désolée, mais je n'y suis pour rien !

Une onde fit trembler le chemin qu'elles suivaient et des racines sortirent de terre par dizaines. Elles ondulèrent et se nouèrent entre elles, formant un mur immense et circulaire autour des adolescentes. Elles étaient piégées.

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Rendez-vous vite pour la suite.
J'espère que l'histoire vous amuse et vous plaît.
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