16. Une nouvelle venue

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Mélodie courait. Mais elle n'allait pas assez vite. Derrière elle, quelqu'un la rattrapait. Une personne dont les longues jambes et les doigts crochus représentaient une sérieuse menace. Mélodie accéléra le rythme. Elle avait toujours été bonne à la course. Il lui suffisait de ne pas céder à la panique et de respirer profondément. Bientôt, elle se retrouva devant un lac gelé. Une surface lisse et blanchâtre s'étendait devant elle, à l'infini.

La couche de glace ne risque-t-elle pas de céder sous mon poids ? pensa-t-elle.

Mais il n'était plus temps de tergiverser. Elle s'engagea sur le lac.

Au bout de quelques pas, elle se retourna : Cynthia s'était arrêtée, et une horde de loups affamés s'était rassemblée autour d'elle. Elle semblait hésiter à franchir le pas.

De leur côté, les loups n'avaient pas l'air non plus d'avoir envie de s'engager sur la glace. Ils reniflaient avec méfiance la surface lisse.

Mélodie s'éloignait petit à petit. Plus elle progressait, plus la surface était glissante. À plusieurs reprises, elle manqua de se casser la figure. La distance augmentait entre les deux jeunes filles mais Mélodie parvenait encore à distinguer un rictus sardonique sur le visage de son ennemie. Auprès d'elle venait de s'asseoirle chef de meute et elle lui caressa la tête. Avec ses oreilles dressées, ses yeux qui semblaient ne rater aucun mouvement de la fuyarde et sa queue droite et touffue, il paraissait tellement puissant qu'il n'aurait pas étonné Mélodie s'il l'avait rejointe en quelques bonds.

La glace craqua et sa jambe droite s'enfonça sous la surface. Une horrible sensation de froid lui arracha un cri. Elle se coucha et tenta d'extraire sa cuisse mais la glace se fissura sous son dos. Elle se mit à crier, se débattre... Quelques secondes suffirent pour qu'elle soit engloutie...

Mélodie se réveilla en sueur, les lèvres écarquillées sur un cri strident.

Misère, se dit-elle. Je sors d'un cauchemar pour entrer dans un autre cauchemar...

Madison ronflotait paisiblement. Notre héroïne aurait bien eu besoin d'être réconfortée mais elle n'eut pas le cœur de réveiller son amie.

Elle se rendit dans le parc arboré. Rien de tel qu'une petite promenade pour calmer ses nerfs ! Avec leur floraison blanc crème, les érables du fleuve Amour lui rappelèrent qu'elle n'avait jamais eu de véritable histoire avec un garçon. Avec leur écorce verte veinée de blanc, les érables à peau de serpent lui rappelèrent Cynthia. Désormais, la Méduse noire et lisse ne la lâcherait pas. Toute occasion lui serait bonne pour humilier Mélodie ou la mordre. Autant affronter une vraie couleuvre : au moins, il existe des antidotes...

Ils commençaient par le cours de chant. À l'école Summer, c'est comme ça que ça marche : le matin, chant, danse, composition, pratique d'un instrument ; l'après-midi, évaluations. Quand ils entrèrent dans la salle, Mélodie se fit aussi petite que possible. Mais tous les regards convergeaient vers elle. Ceux de Cynthia, mais aussi ceux de toutes les autres filles. Il n'était pas jusqu'à certains mecs qui ne la regardassent d'un œil goguenard et visqueux. La consigne leur avait sans doute été donnée de ne plus lui manifester aucun respect. Elle allait subir des remarques sexistes, peut-être des mains baladeuses. Il n'y a rien de pire qu'un mâle encouragé à se comporter comme il en a envie avec une jeune fille naïve et sans expérience.

Comme d'habitude, les pupitres étaient alignés sur trois côtés et Mme Rivera complétait le rectangle. Sa bouche était toujours aussi pincée et son regard toujours aussi perçant mais elle semblait ne rien saisir du drame qui était en train de se jouer sous ses yeux. L'estomac noué, le cœur battant à toute allure, Mélodie n'aurait pas été surprise de voir ses camarades se jeter sur elle, la déshabiller, la précipiter du haut d'une tour...

Soudain, toutes les têtes se tournèrent.

Une jeune fille venait de rentrer et elle était d'une beauté incroyable. Même Bianca faisait pâle figure auprès d'elle.

Comment était-il possible d'avoir autant d'allure ? Elle portait une stupéfiante coupe à la garçonne. Mélodie avait parfois été tentée de renoncer à sa crinière mais une abondante chevelure, s'était-elle entendu dire à plusieurs reprises par sa mère, est un atout séduction qu'il convient de ne pas négliger... Seules les filles dont les traits sont magnifiques peuvent opter pour ce genre de coupe sans en être enlaidies !... De petites boucles d'oreilles avec incrustations de fleurs s'agitaient doucement sous ses cheveux taillés juste au-dessus des tempes et la mèche effilée qu'elle avait conservée pour encadrer son visage mettait en valeur ses yeux d'un vert éclatant, ses pommettes slaves et sa bouche glossy. Avec son pantalon blanc roulotté sur les chevilles et son tee-shirt blanc aux manches retroussées, elle ressemblait davantage à une touriste qu'à une étudiante. Elle portait avec un air cool un sac demi-lune en cuir noir.

— Ah, dit Mrs. Rivera, c'est vous, Noëlie. Installez-vous près de Mélodie.

Puis, s'adressant à tout le monde :

— Normalement, nos effectifs sont au complet et personne n'est censé arriver en cours d'année. Mais nous avons fait une exception pour Noëlie dont vous ne tarderez pas à constater qu'elle a déjà une grande maîtrise dans l'art de chanter, de composer et de danser...

— Pour autant, Mademoiselle, ajouta-t-elle en se tournant vers la nouvelle venue, prenez garde à ne pas vous reposer sur vos lauriers. Ici, la concurrence est rude !

Mélodie était tellement subjuguée que ce fut tout juste si elle répondit au hello très aimable que ne manqua pas de lui faire Noëlie.

La chance est en train de me sourire, se dit notre héroïne... Cette meuf a un tel charisme que Bianca ressemble à une ado mal dégrossie auprès d'elle. C'est le genre de fille à tenir en respect même les pestes comme Cynthia !... Je vais m'en faire une alliée et plus personne n'osera s'en prendre à moi...


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