15. Willow

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Cynthia et sa copine s'attardaient et Mélodie, qui avait terminé son brownie et son chocolat depuis longtemps, ne se voyait pas rester éternellement sur place même si l'endroit où elles se trouvaient toutes les trois (la boulangerie Settepani) n'avait plus beaucoup de clients à cette heure.

Pour se donner une contenance, elle commanda une tranche de panettone, pain sucré italien qui n'avait pas volé son extraordinaire réputation comme elle put s'en assurer quand elle croqua dedans. Les deux filles, quant à elles, dégustaient un bombolone, beignet garni de crème pâtissière et recouvert de sucre.

La fille avait l'air aux anges. Quand elle engloutit sa dernière bouchée, ses yeux se plissèrent de plaisir, croisèrent ceux de Mélodie et s'arrondirent de stupeur. Elle se pencha en avant pour parler à voix basse à Cynthia qui se retourna sans trop de discrétion et surprit Mélodie en train de se ratatiner sur sa chaise. La méduse noire était devenue blanche comme un cachet d'aspirine, une manière de record étant donné son teint halé.

Mélodie était pétrifiée. Je suis cuite, se dit-elle. Quelle idée, aussi, d'avoir suivi Cynthia ? Sur ce coup-là, Félix n'avait pas été de bon conseil.

Elle se sentit plus mal encore quand elle vit les deux amies discuter âprement. Malgré les protestations de Cynthia, la fille finit par se lever et vint s'asseoir en face de Mélodie.

— Salut, moi c'est Willow. Et toi, j'ai cru comprendre que tu t'appelais Mélodie.

Elle avait un sourire jovial qui mit notre héroïne en confiance. Son corps charnu était de ceux qui vous enveloppent et vous apaisent. Elle avait encore un physique adolescent avec un visage qui n'était pas complètement dessiné. Mais on devinait un vrai potentiel de mamma italienne. Dans dix ans, se dit Mélodie, elle sera entourée de petits enfants qu'elle passera son temps à chapitrer ou à nourrir quand elle ne les prendra pas dans ses bras pour les consoler de leurs petits malheurs. L'antithèse absolue de Cynthia qui était le prototype de la meuf froide et sophistiquée.

— Cynthia doit se demander ce que je fais là.

— Absolument. Et je lui ai expliqué que c'était ton droit.

— ...

— Tu m'as l'air timide.

— Mon Dieu, oui. Et maladroite. Je me suis mis à dos ta copine.

— J'avais compris mais tu me donnes pas l'impression d'être méchante, au contraire. Ce serait sympa si on avait une vraie discussion toutes les deux.

Elles s'échangèrent leurs numéros et Willow regagna sa place auprès de Cynthia qui, tout au long de leur conversation, n'avait cessé de leur adresser des regards courroucés. D'ordinaire, elle ressemblait à une automate aux traits détendus et aux mouvements hiératiques. Cette fois, elle avait des mouvements brusques et les traits crispés par l'angoisse. Signe que cela n'allait pas du tout.

Mélodie se convainquit qu'il était temps de partir. Elle regagna l'école Summer à petits pas.

Elle aurait dû se sentir inquiète mais sa petite conversation avec Willow lui avait procuré un sentiment intense de plénitude qui avait perduré tout au long de la promenade Riegelmann.

Elle n'avait pas encore atteint sa chambre que son téléphone sonna. Le numéro affiché était inconnu.

— Salut.

Mélodie reconnut tout de suite la voix de Cynthia.

— Bonsoir, Cynthia.

— Je veux te voir.

Mélodie eut un mouvement de recul.

— Non.

— Tu peux venir avec Madison. On se retrouve toutes les trois à la cafét', O.K. ? Dans dix minutes. 

Et elle raccrocha.

Le cœur de Mélodie battait à toute allure. Cynthia ne lui avait pas laissé le loisir de réfléchir. Elle courut à sa chambre. Et si c'était un piège ? Elle n'aurait d'autre choix que de se rendre là-bas toute seule si sa copine, par malheur, se trouvait ailleurs.

Du reste, Madison avait toutes les raisons de ne pas être sur place : elle passait de plus en plus de temps à l'extérieur avec son bodybuilder d'Azerbaïdjan. Mélodie en était même venue à se demander s'ils n'étaient pas passés à la vitesse supérieure (même si Madison lui assurait qu'elle continuait de le tenir à distance respectueuse).

— Ouf ! T'es là ! s'écria Mélodie en apercevant sa copine allongée sur son lit en train de textoter des mots doux à Ernest.

Cynthia s'était racheté une contenance. Recoiffée, remaquillée, elle se tenait toute droite comme une poupée de cire. Le seul indice qu'elle fût encore en vie étaient les éclairs dont ses yeux s'illuminaient à intervalles réguliers. On la sentait à l'affût, prête à sortir de son immobilité et à mordre ses proies.

— Les filles, dit-elle, qu'est-ce que vous voulez boire ?

Il s'ensuivit une conversation très sympathique. Les Coca s'enchaînèrent et Madison se trémoussait sur son siège :

— Ma vessie va exploser ! pouffa-t-elle.

Elle venait à peine de se lever de sa chaise que Cynthia s'était déjà penchée en travers de la table et chuchotait à Mélodie :

— Je vais te détruire. Te casser. Te briser. Ta vie était déjà un enfer mais je peux t'assurer que tu vas regretter les semaines qui viennent de se dérouler quand tu auras découvert ce que je te réserve...

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