11. Catastrophe

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— Attends, cria Mélodie, je peux tout t'expliquer !

— Voleuse de mec ! Tu vas payer !

D'un geste assuré, Bianca s'empara d'une mèche de Mélodie et tira aussi fort que possible. Notre héroïne eut tellement mal que des larmes lui giclèrent sur les joues.

— Attends ! poursuivit Bianca, le visage crispé par la haine. T'as encore rien vu !

Elle se mit à tourner sur elle-même, contraignant Mélodie à courir elle aussi autour de sa tortionnaire en lâchant de petits cris de supplication :

— Aaaaargh ! Arrête ! Pitié !

— STOP !

C'était la voix de Léon qui, d'une poigne de fer, avait contraint sa meuf à lâcher prise. Bianca ne se laissa pas faire et assena à Léon une énorme baffe qui le projeta contre les boîtes aux lettres du hall. Mélodie profita de la confusion pour se faufiler par la porte d'entrée et fuir à grandes enjambées.

Elle courut, courut. À plusieurs reprises, elle manqua de peu de renverser des passants sur son passage. Elle se faisait insulter dans une langue qu'elle ne comprenait pas mais elle n'y prenait pas garde. C'est seulement quand elle fut assurée que personne ne la suivait qu'elle put reprendre son souffle.

Elle observa les enseignes et fut surprise de voir qu'elles étaient à peu près toutes en cyrilliques. Les boutiques arboraient des drapeaux aux couleurs jaune et bleue de l'Ukraine. En majorité d'origine russe, les habitants affichaient leur soutien au peuple ukrainien opprimé. Des affiches contre la guerre avaient été placardées à tous les coins de rue.

Plus que jamais, elle eut l'impression de ne pas être à sa place. Elle était loin de se douter que les habitants parlaient un mélange de russe et d'anglais — un dialecte appelé runglish. Elle regrettait sa bonne ville de Poitiers et elle se rappela le jour où elle s'était rendue au Futuroscope avec Jeannette et les jumeaux Zack et Sonia. Ils avaient été happés par une tornade époustouflante, s'étaient immergés pour découvrir les impacts cosmiques qui ont modelé l'univers, s'étaient mis dans la peau d'un astronaute, étaient partis sur les traces de Jules Verne à bord d'une incroyable machine... Époque bénie que celle-là ! Qu'est-ce qui lui avait pris de se rendre à New York ? Elle n'y avait récolté que des problèmes.

Elle se rendit compte qu'elle s'était perdue. Elle avait beau aller et venir, elle ne parvenait pas à retrouver son chemin. Elle se réfugia dans une librairie mais n'y trouva que des livres en cyrilliques. De guerre lasse, elle appela Madison :

— Je me suis perdue dans Brighton Beach.

— Essaie de repérer une bouche de métro.

— J'en vois nulle part.

— Décidément, t'en loupes pas une. Demande aux gens la direction de la plage. C'est pas compliqué de rejoindre la promenade Riegelmann. Puis tu prends le Boulevard oriental et c'est Manhattan Beach. On se rejoint là-bas, O.K. ?

— O.K.

Elle se fit violence pour aborder des piétons et il ne lui fallut guère plus de vingt minutes pour atteindre la promenade. Cette longue marche lui fit du bien. Quand elle arriva à proximité du petit salon de thé où le trio des méduses était venu s'asseoir à sa table, elle appela Madison.

— À vrai dire, ça m'arrange que tu m'aies jointe, lâcha Madison avec un demi-sourire. J'avais besoin d'un bon prétexte pour convaincre Ernest de ne pas s'attarder dans la chambre. Encore un peu et nos vêtements volaient autour de nous.

— Désolée, dit Mélodie.

— Non, au contraire. J'aime pas quand ça va trop vite. Les mecs veulent tous la même chose. Et quand ils l'obtiennent, il y a de forts risques de les voir prendre leurs jambes à leur cou.

Mélodie avait porté sa main à son crâne. Une croûte de sang lui resta entre les doigts. Elle s'aperçut également que cette zone était dépourvue de cheveux.

— Qu'est-ce qui t'est arrivé ? blêmit Madison.

— J'ai tout foiré, dit Mélodie qui éclata en sanglots.

Madison se leva, fit le tour de la petite table et prit sa camarade dans ses bras.

— T'as rien foiré du tout, lui souffla-t-elle à l'oreille.

— Mais siiiiii, dit Mélodie. Bianca m'en veut à mort. Je me suis mêlée de ce qui me regardait pas et je me la suis mise à dos définitivement. Je suis fichue...

Estomaquée, Madison ne savait plus que dire. Mélodie ne retenait plus ses larmes. Poitiers lui manquait. Ses amis Jeannette, Zack et Sonia lui manquaient. Ses parents lui manquaient. Elle avait eu tort de passer ce concours. Ici, c'était trop de stress, trop de conflits, trop de compétition. Et la maladie de Léon était une source d'angoisse supplémentaire...

— Je veux rentrer, sanglota-t-elle...

— Pleure, pleure, dit Madison. Pleure tant que tu peux si ça te fait du bien. Et après on se fait un ciné, d'accord ?

Mélodie hocha légèrement du chef, ses larmes redoublèrent et Madison la serra encore plus fort en lui caressant doucement la tête...


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