Il est tombé pour elle

Chapitre 19

Sa main dans la mienne, son sourire me réchauffe le cœur. Dereck a dit vrai, le bonheur frappe quand on s'y attend le moins. Elle est ce souffle de vie dans mon tortueux malheur. On se regarde et nos yeux se dévoilent ce que nos bouches n'osent encore s'avouer. J'ai l'impression de voir défiler toute notre relation devant mes yeux. Nos regards dans le couloir, nos rires dans la voiture, nos confidences, notre complicité, nos yeux qui ne voulaient plus se quitter, sa main sur mon cœur et nos battements qui s'affolent. Je n'arrive pas à croire que j'étais au fond du gouffre, que je ne parvenais pas à me dépêtrer de mon cauchemar et qu'encore une fois, ce soit elle qui m'ait fait sourire quand tout était noir. J'ai besoin de plus. Je veux entendre sa voix pour m'assurer que je ne rêve pas, qu'elle est bien là dans cette eau avec moi.

- Bien dormi ?

Je prononce la seule phrase qui me vient à l'esprit. Son sourire s'agrandit et je crois voir ses yeux briller. Une émotion indescriptible se lit sur son visage, différente de toutes celles qu'elle m'a donnée de voir. Sa main se resserre sur la mienne et nos doigts ne semblent plus jamais vouloir se quitter.

- Et toi ?

Par cette simple réponse, je comprends. Elle n'a pas bien dormi, elle l'a à peine fait. Comme moi, Lina a tout ressenti. Je lui ai transmis mes peurs, mes peines, sans un mot je lui ai tout dit. Elle n'attend que ma réponse pour dire oui. Cette nuit dépend de moi et elle veut me le faire entendre. Elle veut savoir pourquoi, ses yeux me le demandent. J'aimerais avoir ce courage et tout lui raconter, mais je n'y arrive pas. Je n'ai jamais réussi à parler de cet accident après que sur ma route il eut tout ravagé. Ma mère et Jason étaient mes seuls piliers, ma seule famille dans cet hôpital. Les seuls auxquels j'ai dévoilé cette nuit et depuis j'ai promis que plus jamais je ne le ferai, plus jamais je ne voulais vivre ça. Car quand je le raconte, je ne fais pas que le conter, je revis tout, comme dans mes cauchemars qui peuplent mes nuits. J'ai peur, je suis terrifié de tout ressasser et de ne jamais me réveiller.

- Ce n'est pas grave, j'attendrai.

Mes yeux brillent en retour, mes mots sont bloqués et je suis époustouflé par la manière qu'on a de se comprendre : d'un simple regard. Mes lèvres se tendent, je ne sais même plus si l'on peut appeler cela un sourire tellement elle m'éblouit de tout son être. Je ferme mes yeux un instant et je respire. Sa main dans la mienne, je me sens tiré, sorti de cette eau, monté vers le haut. Mon regard se pose sur son visage, à quelques centimètres de moi et elle me sourit encore.

- Viens.

Elle m'entraîne dans sa marche, m'emporte sur sa route joyeuse, sans verre ni roses épineuses. Je reprends mon souffle et nos pas s'accélèrent. Elle me guide dans cette maison où tous mes souvenirs sont encore présents. Je ne vois plus les ronces, ni l'eau qui les retiennent, je vois seulement son sourire et sa main dans la mienne. Comme deux enfants insouciants, nous faisons le mur, nous quittons le toit qui nous abrite pour découvrir le ciel.

- Où tu nous amènes ?

Elle se retourne et marche à reculons, je le revois ce regard si pur, si innocent et à ce moment, je me sens vivre. Je ne sais pas où l'on va, mais je sais que n'importe où, avec elle j'irai.

- Tu verras.

Puis elle se retourne et nous courrons comme deux enfants sur le sentier. Bientôt on y est, le sable sous nos pieds nous sert de terrain de jeu. Elle lâche ma main, virevolte dans les airs et danse sur les notes de nos rires. Son sourire nous éclaire, elle l'a fait. Elle m'a fait rire, elle m'a fait tout simplement revivre. Je la regarde et je vais mieux, je l'observe et mon mal s'envole comme le sable du sol. Je ne peux pas m'empêcher de la contempler sous toutes ses coutures. Plus le temps passe et plus je la trouve belle. Mais Lina est beaucoup plus qu'un physique, c'est un tout. Elle court sans se soucier de rien. Le vent nous habille de son voile frais et je la poursuis.