Second

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La jalousie lui tord les entrailles, et durant une seconde, il est certain qu'il en mourra.

Il avait déjà écouté des témoignages de gens qui se plaignaient de n'avoir aucun talent. Ce n'était pas son cas.
Il était bon en sport, à l'école, et en relation.
Il était fort.

Mais vous savez ce qu'il y a de pire que de n'être bon à rien ? Être bon en tout, sauf à être premier.
Ce n'est pas lui-même qui l'a poussé à devenir le meilleur.
Ce n'est pas lui-même qui a voulu surpasser les autres, c'est les autres qui ont voulu qu'il les surpasse.

C'est les autres qui lui ont dit qu'il était le plus fort.
Mais c'était faux.
Et quand il s'en est aperçu, il a compris que tous les échelons qu'il avait gravis n'était pas l'escalier de la réussite mais l'échelle de l'illusion.

Il a cru un moment qu'il pouvait rivaliser. Mais plus le temps est passé et plus la réalité l'a rattrapé.

Il n'est bon qu'à être le dernier des premiers. Il n'est bon qu'à éclairer en l'absence de lumière.
Le premier qu'il déçoit ce n'est même pas lui-même, puisqu'il vient toujours après. Il voit le mépris dans les yeux de son père. Il n'arrive plus à être fier de ses résultats. Bon à la course mais mauvais au tournoi. Bon à l'école mais second de la classe.

Moins bon, moins bon, pas assez bien, trop peu, trop pas assez, pas assez bon, moins bien et trop peu bon.
Médiocre.
Médiocre dans la qualité.

L'éternel second. L'éternel caché.
Celui qui doit tuer le premier pour briller. Celui qui doit brûler le premier pour flamber. Celui qui doit éteindre le premier pour vivre.

Et la jalousie le ronge. Il voudrait juste montrer qu'il est le meilleur.

Quand il sera grand, il leur montrera, à tous. Il sera en haut de l'échelle sociale.
Le plus riche, le plus aimé, le plus intelligent et le plus talentueux.

Il les terrassera tous.

Le soir il rentre chez lui. Son bulletin en main. Il court moins vite qu'avant, il a eu un B au lieu d'un A. Il ne connaît plus les règles de la perspective.

Plus personne n'est venu le féliciter depuis longtemps.

Il pleure.

Il pleure et il se dit que s'il était premier, ç'aurait été des larmes de joie.

Mais il est l'éternel second.
Celui dont on oubliera toujours le nom.

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