Renarde et flocon de neige

By MatchaMademoiselle

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Rencontres hautes en couleurs, sentiments bouleversants et explosions de péripétie attendent Violette lors de... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20

Chapitre 21

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By MatchaMademoiselle

Point de vue de Violette

Je n'étais pas assez concentrée, Christopher s'apprêtait à me lancer un couteau... Je l'abats de sang-froid puis détourne le regard. Lou est debout, pointant son arme vers Christopher. Elle vient de me sauver la vie. Je me déride enfin pour la remercier et me précipite vers elle pour l'empêcher de tomber une fois de plus. Je place son bras autour de mon cou et la soulève doucement pour l'aider à marcher.

— Merci... Je m'en serais jamais sortie sans toi.

— Je tiens beaucoup trop à toi pour te laisser mourir si facilement.

Je lui souris. Nous avançons sans embûches. Personne ne vient nous interrompre. C'est trop calme à mon goût. Ce n'est pas normal. Les aurait-on déjà tous tué ? Non, j'en doute, ça aurait été trop simple. Je sens Lou bouger brusquement pour sortir son arme et tirer derrière nous. Je me retourne et remarque trois hommes armés se diriger vers nous en courant. J'attrape également mon arme et nous les abattons. Lou a un mouvement de recul et m'observe stupéfaite.

— Tu n'as pas réagi rapidement.

Je grimace.

— Ne plaisante pas ! Pourquoi tu n'as pas réagi immédiatement ?!

— Je ne les ai pas entendus...

— Comment ça ?! Qu'est ce qui t'arrive ?! Ils faisaient un boucan horrible en se ruant sur nous et toi tu me dis que tu ne les as pas entendus ?! Il t'est arrivé quelque chose ?!

— Non, ne t'inquiète pas comme ça. Je me suis juste fait blesser dans le bureau. Christopher m'a égratigné le bras avec un couteau.

Je m'avance et lui montre la coupure. Ça saigne légèrement mais cela ne me fait pas souffrir plus que ça. Lou examine ma plaie avec attention.

Fin du point de vue de Violette

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Point de vue de Lou

Du poison... Je reconnais l'odeur. Il lui a injecté du poison. Je reste figée devant la coupure.
Je ne sens même plus les pulsations douloureuses dans ma poitrine. La douleur a disparu au moment où l'odeur du poison a titillé mes narines. Comme si ce que je venais d'apprendre était plus douloureux que le mal qui me hante.

— Il t'a empoisonnée... Il avait bien dit qu'il allait nous faire souffrir...

Elle n'a aucune réaction. Même pas un regard dépité. Juste ses yeux dans les miens. Elle me sourit.

— Pourquoi tu ne réagis pas ?

— Parce que je sais que tout va bien se passer. Une fois que nous aurons tué Shaun, nous irons à l'hôpital pour me soigner. Tout va bien se passer, c'est promis.

Je ne peux même pas la contredire tant son sourire me rassure. Elle veut tout faire pour me protéger. Violette m'attrape la main fermement en me tournant le dos et me tire. Elle enjambe le corps inerte de Christopher et je fais de même. Nous entrons de nouveau dans le bâtiment mais Violette me pousse brusquement vers l'arrière et je manque de chuter sur la dépouille au sol. Pendant ce temps elle s'est baissée pour esquiver un coup de poing qui aurait été dévastateur s'il n'avait pas été évité.

Violette se relève rapidement en enfonçant son poing en dessous de la mâchoire de celui qui a tenté de la frapper. Mais un second homme apparaît et lui donne un coup de pied dans le ventre ce qui la fait tomber au sol elle et son arme qui glisse un peu plus loin. Elle se relève et donne un coup de poing dans le visage de l'homme l'ayant mise à terre. Un autre homme se jette sur Violette suivi d'une troisième truande.

Ils continuent de se battre et je finis par me joindre au combat. Je m'appuie sur les têtes de chacun des deux hommes qui se sont jetés sur moi et saute en l'air, les entrechoquant entre eux. L'un agrippe mon pull et en déchire une partie. Je m'énerve, me retourne et enfonce mon pied dans son estomac.

Nous finissons par tous les assommer mais nous ne sommes pas sorties indemnes. On est dans un sale état. J'ai plusieurs coups et coupures sur l'ensemble du corps. Violette n'est guère mieux. Elle s'essuie la commissure des lèvres d'où ruisselle un filet de sang. Nous avons tout de même réussi à mettre à nous débarrasser d'une bonne dizaine d'hommes...

Violette m'attrape une nouvelle fois la main pour m'entraîner jusqu'à la chambre qui n'a pas été complètement détruite. Elle se tourne vers moi en souriant.

Profitant d'un court répit, nous nous asseyons sur mon lit. Elle attrape la trousse de premiers secours pour bander certaines de mes plaies.

— Tu penses que Shaun est quelque part dans l'établissement ?

Elle continue de limiter les dégâts en s'occupant de nos blessures.

— Sans doute, mais il se cache. Il doit nous observer de loin pour pouvoir analyser nos techniques et nos faiblesses. C'est un homme minutieux, un homme déterminé, et doté d'une volonté de fer. Il va nous traquer jusqu'à ce que nous soyons trop faibles pour pouvoir lui tenir tête. – Elle grimace en serrant un bandage sur son avant-bras – Nous perdons déjà beaucoup de sang et s'il s'avère qu'il y a encore beaucoup de ses hommes ici... Nous serons très vite à bout de forces et nous risquons d'être vulnérables. C'est ce moment qu'il attend.

Je la regarde sans éprouver de peur. Non, je n'ai pas peur. Je suis décidée. Je savais que ce moment devait arriver un jour ou l'autre. C'était inévitable. Nous touchons enfin au but.

— Valery est le frère de Shaun, souffle-t-elle en pansant ma joue.

Cette fois, je ne peux retenir un hoquet de surprise.

— Je sais, c'est choquant... Mais le lien n'est pas difficile à faire quand on y réfléchit bien. Il souhaite arrêter son frère, mais il n'a pas le courage d'être l'auteur d'un fratricide, dit-elle en finissant de me soigner.

Elle me regarde dans les yeux, déterminée, et poursuit :

— Il m'a enseigné comment le combattre et quelles sont ses faiblesses. Mais... Il m'a aussi dit qu'à partir du moment où il commence quelque chose il n'y a plus d'issue possible. Il ne renonce devant rien.

Je reste silencieuse, l'écoutant sagement en hochant simplement de la tête.

— Nous allons sans doute perdre beaucoup de sang et d'énergie. Il s'apprête à lancer une nouvelle attaque. À partir du moment où nous franchirons cette porte nous ne pourrons plus revenir en arrière. Ils nous tomberont dessus dès notre sortie.

Fin du point de vue de Lou

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Point de vue de Violette

Elle se lève pour aller vers son armoire et retire son pantalon pour passer un cargo qui possède énormément de poches. Elle enfile des rangers, s'attache les cheveux et change son pull déchiré.

Elle se baisse et passe une bandoulière autour de son corps, à laquelle est accrochée une mitraillette qu'elle fait glisser dans son dos. Elle range un pistolet à sa ceinture puis attrape deux lames. L'un qu'elle glisse dans une de ses poches et l'autre accroché l'une de ses cuisses. Elle finit en rangeant une grenade, trouvée plus tôt sur un homme, qu'elle met dans une dernière poche vide qui lui reste.

— Prends, tu en auras besoin, dit-elle en se tournant vers moi pour me lancer un pistolet et deux couteaux.

Je les range sagement mais j'ai une irrésistible envie de l'embrasser, rongée par l'angoisse que ce soit la dernière fois. Je me lève, la prend par la taille, la rapproche de moi et l'embrasse sauvagement. Elle se laisse faire et me répond avec la même énergie. Nous rompons notre baiser pour reprendre notre souffle. Je lui souris. Nous nous détachons l'une de l'autre et je lui prends la main pour l'embrasser doucement. Nous nous lançons un dernier regard. Je sors une arme et elle fait de même avant que je n'enfonce la porte d'un coup de pied.

Les coups de feu fusent immédiatement. On court tout en tirant. Nous descendons les escaliers et nous allons dans une salle où nous nous enfermons. La porte ne va pas tenir longtemps. Mais nous avons un autre problème.

Une jeune femme au regard inexpressif braqué sur nous, la kalachnikov à la main et le canon pointé dans notre direction, le doigt posé sur la gâchette. Elle penche la tête sur le côté et appuie. J'attrape Lou, cours vers l'autre bout de la pièce en évitant les balles qui détruisent tout autour de nous. Je saute par la fenêtre sans prendre le temps de l'ouvrir. Je sens les éclats de verre me transpercer la peau. Je protège mes yeux avec mon bras qui se fait alors entailler à plusieurs reprises. Nous faisons une chute d'un étage. Je prends Lou dans mes bras avant d'atteindre le sol de manière à la protéger au maximum de l'impact de la chute. Nous atterrissons dans des buissons. Je ne me pose pas de questions et cours le plus vite possible, en traînant mon amour par la main. Je stoppe ma course au fond du parc, derrière un arbre. Je tombe à genoux, en soufflant fortement.
Lou attrape subitement un couteau et le lance rapidement dans les buissons non loin. Un cri se fait entendre, puis, le silence. Elle s'agenouille près de moi et me passe un bras dans le dos.

— Tu es sûre que ça va aller ?

— Ou... Oui ne t'en fais pas. Je tiens le coup.

Je me relève et tourne mon visage vers le ciel. Il est sombre. La nuit est tombée mais il n'y a pas d'étoiles. Il pleut, c'est un véritable déluge. Mes cheveux sont déjà trempés et ceux de Lou aussi.

J'ai un mauvais pressentiment. Un léger vent se lève et transporte avec lui l'odeur de la mort. J'ai un très mauvais pressentiment. Je me tourne vers Lou. Elle me regarde, inquiète. Je la prends dans mes bras pour la serrer contre moi un court instant. En lui affirmant qu'on va s'en sortir. Des mots qui sonnent faux à mes oreilles.

Elle se détache de moi et nous nous précipitons vers le bâtiment. La cité U est maintenant définitivement condamnée, on ne peut plus y retourner. Je regarde dans la direction de la cafétéria. Elle est en proie aux flammes. Je me tourne vers le gymnase. Le toit s'est entièrement effondré. Il ne nous reste plus que les salles de cours et la bibliothèque.

Lou pense visiblement la même chose que moi puisqu'elle se dirige vers le bâtiment en question. Je la suis de près, toujours à l'affût, prête à tirer à n'importe quel moment. Avec l'obscurité, on ne voit plus grand-chose, on fonctionne désormais à l'instinct. Nous arrivons à l'entrée. Je défonce la porte et entre en tirant sur les hommes présents, aidée par Lou. Une fois nos ennemis à terre, ma belle tente d'allumer les lumières sans succès. Merde.

— On y va à l'aveugle ? chuchote Lou.

— Est ce qu'on a vraiment le choix ?

Nous montons les escaliers. Nous abattons encore quelques gardes avant d'arriver sur le toit. Nous nous trouvons juste devant la porte encore fermée.

— Il est sûrement là... Tu es prête ?

Je la regarde dans les yeux.

— J'espère. De toute façon nous n'avons pas d'autre option. Si nous partons et, en supposant que nous survivions à notre sortie en force, il nous retrouvera un jour ou l'autre. Maintenant ou plus tard, je ne serai jamais sûre d'être prête à l'affronter.

Elle soupire doucement.

— Alors on y va ?

Je fais oui de la tête et j'enfonce violemment la porte qui s'effondre sur le sol. Les secondes qui suivent paraissent durer une éternité. Les plus longues de toute ma vie. Mes yeux se lèvent vers ceux de l'horrible monstre. Les siens sont déjà sur moi, accompagnés par sa kalachnikov énorme. Son air de famille me glace le sang, je suis sous le choc, je m'attendais à tout sauf à ça, je me trompe, c'est forcément ça, ça ne peut pas en être autrement, c'est impossible.

— Vous êtes là, constate-t-il avec un calme glaçant en nous détaillant de haut en bas. Et en piteux état à ce que je vois.

— Et tu penses que ça va nous empêcher de te battre ordure ? crie Lou pleine de rage.

— Bien sûr, vous ne le pourrez en aucun cas !

Il nous tire dessus. Nous sautons chacune d'un côté pour éviter les balles. Il choisit ma direction. Je continue de courir sur le côté pendant que Lou sort son arme et tire. J'arrive au bord. Que faire ?

Je saute, je n'ai pas le choix. Je m'accroche au bord du bout des doigts. Je me sens lâcher prise. Je ne vais pas tarder à tomber. Je sens le vide m'emporter. Il m'attire. Shaun a cessé de me viser mais il s'en prend à Lou désormais. J'essaye désespérément de reprendre mes appuis mais je n'y arrive pas. Je sors une arme et tire dans la fenêtre en dessous de moi. Puis, dans un dernier effort, je me redresse quelques secondes et tire une balle sur Shaun. Je l'entends crier. Mais je chute.

Heureusement, j'arrive à m'agripper à la fenêtre que je viens de briser et retourne à l'intérieur. Je grimpe les marches de l'escalier quatre à quatre. Et une fois en haut, je vois avec horreur Lou au sol, inconsciente. Je me précipite vers elle. Elle respire. Je la prends dans mes bras. Je lance un regard à Shaun qui se tient le bras. C'est sans doute à cet endroit que je l'ai touché.

Je redescends les marches à toute vitesse. J'entends ses pas plus haut. Il est lent. Je n'y prête pas attention et continue ma course folle. J'arrive dans le parc et me cache dans les buissons. J'allonge Lou dans l'herbe et regarde ses blessures. Un petit filet de sang s'écoule du côté droit de son front. Je relève un peu ses cheveux. Elle a une légère entaille à la tempe. L'une des balles a dû l'effleurer et elle s'est évanouie.

Il faut que je la réveille. Je la secoue doucement mais elle ne réagit pas. Je chuchote son nom. Toujours rien. J'essaye de lui parler :

— Lou ! Réveille-toi bon sang ! Ce n'est pas le moment de me lâcher !

Mais il est trop tard. Quand je relève les yeux, il est déjà là, son arme braquée sur nous, les yeux brillants de haine, le visage fendu dans un rictus horrible.

Il tire.

Je reprends Lou et cours en direction de la cafétéria en flammes dans l'espoir de nous cacher parmi les débris noircis. Je réussis à trouver un espace entre les poutres couvertes de suie. Mes vêtements sont devenus noirs et il fait une chaleur atroce ! Je retire ma veste et la jette. Elle ne me servira plus à grand-chose de toute façon.

Je reporte mon attention sur Lou. Elle a une trace de cendre sur le visage et ses vêtements ressemblent aux miens. Elle respire fortement. Je lui mets une petite claque et elle finit par ouvrir les yeux.

— Lou, aide-moi, je ne sais plus quoi faire !

Son regard est vide et elle me fixe sans me répondre.

— Lou ! Dis-moi qu'est-ce qu'il t'arrive !

— Tes yeux...

Elle lève une main pour me caresser le visage.

— Tes yeux ont perdus leur lueur...

Je ne comprends pas. Qu'est-ce qu'elle veut dire par là ? Je n'ai pas le temps de réfléchir. Un morceau de bois enflammé tombe à côté de nous.

— Il faut absolument partir, sinon on risque de se faire ensevelir.

Elle essaye de se lever en s'appuyant péniblement sur ses coudes, puis sur ses mains. Elle finit par se mettre sur ses jambes. Je m'approche pour la porter quand elle me coupe brutalement dans mon élan :

— Arrête ! Ne me touche pas ! Je ne supporte pas que tu me traites comme une poupée fragile ! Je suis bien plus forte que ça ! Tu le sais !

Elle pose son regard sur moi, l'air énervé. Je baisse les yeux, désolée, et elle finit par reprendre son expression habituelle.

— Je suis désolée, je n'aurais pas dû m'emporter. Je sais que tu fais tout ça pour mon bien...

Une voix rauque et étrangement posée vient nous couper :

— Comme c'est mignon. Vous avez raison, un peu de niaiserie avant de mourir, ce sont des adieux remarquables.

Nous nous retournons simultanément, pointant nos armes sur Shaun. Nous tirons. Lou attrape sa mitraillette et continue de le viser péniblement. Mais avec la fumée, nous ne parvenons pas à distinguer grand-chose et nous commençons à étouffer. Je me mets à tousser à en cracher mes poumons. Je sens la cendre me brûler la gorge. Je n'arrive plus à tenir et tombe à genoux.

Fin du point de vue de Violette

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Point de vue de Lou

Shaun a disparu et Violette est à terre. Je replace ma mitraillette dans mon dos et me met à hauteur de ma rousse. Je fais passer son bras par-dessus mes épaules, ignorant la douleur lancinante de ma poitrine et la tire en dehors du feu. Elle pèse de tout son poids sur moi. Une fois sorties des flammes, je me laisse tomber à côté d'elle. Elle est en sueur et couverte de suie.
C'est le poison qui l'empêche de respirer correctement.

Je l'appelle désespérément par son prénom. Elle ouvre les yeux difficilement et me sourit. Puis elle se lève en tremblant. Elle attrape une de ses armes et se met en tête de vouloir essayer de marcher.

— Mais qu'est-ce que tu fais ?

— Je ne compte pas te laisser toute seule, et ce n'est pas ce foutu poison qui va m'en empêcher ! Je ne suis pas la seule à être têtue ! Et puis, ça ne va pas si mal que ça, regarde, j'arrive à marcher.

Je me rapproche d'elle, et nous continuons de marcher à son allure. Mais je ne suis pas sereine. Elle est vraiment mal en point. Violette a beau posséder une endurance exceptionnelle, elle est à bout de force, c'est un miracle qu'elle puisse encore bouger. Nous tenons chacune une arme dans nos mains. Regardant à droite et à gauche.

Une énorme explosion nous surprend et nous projette à terre. Quand je rouvre les yeux, les derniers étages de l'ultime bâtiment se sont effondrés. Il ne nous reste plus que la bibliothèque. Shaun le sait également. Violette m'attrape la main en se relevant et nous courons vers le bâtiment qui vient d'exploser :

— Il faut que nous soyons les premières à arriver là-bas !

Nous entrons puis nous descendons le plus vite possible à l'étage inférieur, la bibliothèque.

Je lui demande ce qu'elle compte faire maintenant. Elle regarde partout rapidement, complètement désorientée. Elle n'en sait pas plus que moi. Je réfléchis quelques secondes puis une idée émerge dans mon esprit :

— Nous pouvons lui tendre un piège.

Elle se tourne vers moi et me regarde dans les yeux. Un frisson horrible me traverse le corps. Ses yeux sont injectés de sang, créant des reflets rougeâtres sur l'ensemble de sa cornée. On dirait qu'elle n'a pas dormi depuis plusieurs jours. Elle me fait peur. Elle respire tellement fort que je sens son souffle soulever mes cheveux. J'essaye d'ignorer tous ces symptômes, me concentrant sur le plan.

— Nous pouvons le piéger ici et utiliser une grenade pour tout faire sauter avec lui.

— Mais comment l'enfermer ici sans que nous ne soyons à l'intérieur avec lui ? Nous resterions bloquées aussi.

— La grille d'aération...

Elle se calme enfin, respirant un peu moins fort mais toujours excessivement vite. J'insiste, après tout, c'est la seule solution.

— Tu es sûre ?

Je hoche la tête sans la lâcher du regard.

Fin du point de vue de Lou

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Point de vue de Violette

Je vois quelques larmes se former dans ses yeux. Mais elle les retient de couler. Je la prends dans mes bras un instant puis nous nous séparons et je lui propose d'utiliser les bibliothèques pour condamner le passage.

— Oui mais on ne peut pas les déplacer juste après que Shaun soit à l'intérieur, elles sont beaucoup trop lourdes.

— Donc, il nous faut quelque chose qui puisse les soutenir et une fois que Shaun sera avec nous, on fera tomber les bibliothèques.

— Des cordes.

— Mais où en trouver ?

Elle réfléchit quelques secondes avant de se précipiter dans l'une des allées puis revient rapidement avec, dans ses bras, plusieurs mètres de cordes.

— Où est ce que tu as... ? lui demandé-je interloquée.

— Ce sont celles du gymnase. Je ne supporte pas de grimper à la corde alors je les ai toutes volées et cachées ici.

Je ris. Mais je suis prise d'une quinte de toux. Je mets ma main devant ma bouche en me tenant les côtes. J'ai horriblement mal à la gorge. Quand cela s'arrête enfin, je constate avec horreur que ma main est couverte de sang.

— Oh mon Dieu ! Tu craches du sang !

Elle court vers moi en lâchant les cordes dans sa précipitation.

— C'est bon, ça va aller, je vais m'en sortir. Ce n'est pas ça le plus important maintenant.

Je passe rapidement ma main pour l'essuyer sur mon pantalon. Lou est en face de moi. Elle caresse ma joue d'un air triste et essuie le coin de ma bouche avec son pouce.

— Tu avais encore un peu de sang...

Elle me sourit tristement. Je mets ma main sur la sienne et ferme les yeux un instant, mais je suis réveillée par des coups de feu. Je me retourne brusquement mais il n'y a personne.

— C'est bien ce que je me disais ... Ton sens de l'audition est aussi endommagé. Il ne s'est rien passé.

Je me tourne vers elle, paniquée.

— Mais, il y a eu des coups de feu, j'en suis persuadée !

Elle me fait non de la tête puis elle s'éloigne pour récupérer les cordes. Je suis si atteinte... ?

— Est-ce que tu peux m'aider à mettre deux étagères près de l'escalier, une de chaque côté ?

Je me dirige donc vers le meuble le plus proche et le moins couvert de livres pour ne pas avoir un poids supplémentaire à déplacer. J'agrippe la bibliothèque et la tire de toutes mes forces et Lou fait pareil de l'autre côté. On parvient à la bouger péniblement. Nous avançons jusqu'au côté droit des escaliers. On fait de même avec une autre étagère que l'on place de l'autre côté. Quand cela est fait, je suis à bout de souffle. Je sens Lou poser une main sur mon épaule. Je tourne la tête et elle me sourit puis me fait un baiser sur la joue. Elle m'intime de la laisser faire maintenant.

De toute façon, je ne suis plus capable de grand-chose dans mon état...

Elle entoure les deux bibliothèques avec une corde différente. Pour l'une, elle accroche le bout de la corde à la lucarne. Pour l'autre, elle l'accroche à un crochet qui servait à soutenir un énorme panneau qu'elle avait retiré.

Elle recule afin d'avoir une vue d'ensemble. Puis elle s'avance à nouveau et pousse le bas de l'étagère soutenu par la lucarne. Celle-ci tombe mais reste bloquée par la corde qui se tend. Elle réitère l'opération de l'autre côté.

— Ça devrait être bon maintenant. Quand il franchira la dernière marche de l'escalier, je lancerai une lame pour couper les cordes et les bibliothèques tomberont en bloquant le passage.

Le son des portes qui claquent la coupe dans son explication. Il ne va pas tarder. Lou réagit immédiatement et m'attrape la main pour aller nous cacher dans l'ombre. Ses pas résonnent dans l'escalier. Il est toujours aussi lent et confiant. Il tient à nous faire mijoter. Ou il préfère faire durer le plaisir...

Ça-y-est ! Il atteint la dernière marche. Lou a déjà sorti ses lames. Elle se concentre et au moment où ses deux pieds sont au sol, elle lance ses armes dans un geste vif.

Les deux cordes se coupent et les bibliothèques s'écrasent lourdement, laissant l'ensemble des livres se répandre au sol. Un épais nuage de poussière recouvre toute la pièce, nous empêchant de voir quelle est la réaction de Shaun, mais on l'entend vider ses chargeurs dans une rage folle. Il ne voit plus rien.

Mais je n'ai pas le temps de reprendre mon souffle, Lou m'a déjà attrapée le bras en m'entraînant vers l'arrière. On traverse plusieurs allées en courant. Mes poumons vont lâcher.
Nous arrivons enfin à la grille d'aération que Lou insulte sans retenue.

La grille est bouchée par de la boue. La pluie a dû transformer la terre en tourbe et comme il pleut énormément, celle-ci à du réussir à atteindre l'aération. Elle est bouchée.

Lou tombe à genoux, le regard vide, des larmes coulant doucement sur son visage. Je n'arrive pas à parler, trop essoufflée et ma tête me fait mal.

— On va mourir, c'est fini...

On entend les pas de Shaun se rapprocher. La fumée s'est dissipée lui permettant de nous voir. Je tire Lou par le bras pour l'obliger à se lever.

— Arrête... De ra... Raconter n'importe quoi ! Allez de... Debout ! Je ne v... vais pas y arr... Arriver sans ton aide ! Lou ! Écou... Écoute-moi ! Je t'... T'en supplie ! haleté-je.

J'ai du mal à articuler. Elle lève les yeux et se relève. Elle sort son arme mais la jette à terre, puis elle fait de même avec le reste de son équipement.

— Violette, je n'ai plus de balles ni de couteau et je ne peux pas utiliser ma grenade si nous sommes encore à l'intérieur du bâtiment. Je ne peux plus me défendre. Je ne peux plus nous défendre.

Je vérifie mes poches, paniquée.

— Je n'ai p... Plus d'armes non p... Plus ! Il ne me re... Reste plus que mon vieux pistolet !

— C'est donc ici que vous vous cachiez ?

On tourne la tête vers l'intrus.

Pas le temps de réfléchir, juste assez pour agir. On se sépare, je m'engouffre dans l'une des allées, courant même si je suis à bout de force.

Fin du point de vue de Violette

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Point de vue de Lou

Je suis en train de courir dans l'une des allées. Je n'ai rien pour me défendre et c'est moi qu'il va poursuivre. Il a bien compris que ça ne vaut plus le coup de suivre Violette, de toute façon, il doit être au courant pour le poison, son cœur ne va pas tarder à lâcher.

Mais je ne dois pas penser à ça ! Il me suit, je l'entends. Il me court après. Il tire dans le vide mais il va bientôt me rattraper. Je n'arrive pas à me concentrer sur le chemin à suivre alors que je connais chaque recoin de cette foutue bibliothèque ! Je cours sans savoir où je suis ni où je vais. Je perds mon souffle et ma blessure me fait terriblement souffrir. Je m'arrête. Un cul-de-sac. Je fixe les livres devant moi. Mes larmes coulent. Je me retourne. Il est là, devant moi, son arme braquée sur moi. Il n'a plus qu'une balle. Je le sais. Je les ai comptées. Chaque balle qu'il a tiré depuis qu'il nous poursuit.

Je ferme les yeux, en attendant la mort. Mais, tout ce que j'entends, c'est le coup de feu et un cri. J'ouvre brusquement les paupières et un horrible spectacle m'apparaît. Violette est devant moi, les bras écartés. Elle vient de se prendre la balle à ma place. Shaun a déjà disparu. Je me précipite pour rattraper l'amour de ma vie qui vient de s'effondrer sur le sol.

— Violette !

Elle est dans mes bras. J'appuie sur la blessure à son ventre pour empêcher le sang de couler mais c'est peine perdue.

— Violette... Non... ! Tu ne vas pas mourir... Tu ne vas pas mourir... Tu ne vas pas mourir ! Tu n'as pas le droit !

Mes larmes brouillent mon champ vision. Non, elle ne peut pas mourir !

Elle pose l'une de ses mains sur ma joue et essuie mes larmes avec son pouce même si elles continuent de couler.

— Ne pleure pas...

— Comment oses-tu me dire ça ?

— Je suis désolée ma belle, je pense que mon chemin va s'arrêter ici, tu vas devoir t'en sortir seule ...

— Ne dis pas des choses pareilles, tu vas t'en sortir ! Tu m'as promis ! Tu m'as promis que nous allions rester ensemble ! Tu m'as promis qu'aucune de nous deux n'allait mourir !

— Je t'aime...

— Violette... Ne me laisse pas, je t'en supplie, j'ai besoin de toi...

Mais je n'arrive plus à prononcer le moindre mot, mes larmes ont pris le dessus. Elle rapproche mon visage du sien et m'embrasse doucement, avec tendresse, puis elle me sourit une dernière fois. Ses yeux se ferment. Son souffle s'arrête brusquement et sa cage thoracique cesse de s'élever.

Non... Non... Non...

Elle ne peut pas être morte !

Non !

Je la serre dans mes bras de toutes mes forces. Je murmure son nom plusieurs fois, des sanglots dans la voix. Une envie de hurler me prend à la gorge. J'ai mal aux tripes ! Je ne veux pas qu'elle parte ! C'est impossible...

Non !

Elle ne peut pas... Elle ne peut pas...

J'ai mal ! J'ai mal ! Plus que je n'ai jamais souffert !

Quelque chose d'horrible, de brutal, d'effrayant ! Un mal impossible à décrire mais pourtant si palpable. Elle m'a dit de ne pas pleurer, mais comment je pourrais faire autrement ?

Comment je vais faire sans toi ? Tu n'avais pas le droit de mourir ! On était tellement heureuses toutes les deux. Je ne sais pas quoi faire, je suis perdue. Toute ma vie reposait sur toi. Tu étais mon filet de sauvetage et voilà que tu t'en vas. Qu'est-ce que je vais pouvoir faire sans toi ?

Seul le silence me répond. Elle est donc vraiment partie... Je voudrais hurler mais je me mords la lèvre inférieure. Je ne dois pas crier. Je voudrais mourir mais quelque chose me retient. Je ne dois pas craquer maintenant. Je dois mener à bien ma mission, la dernière chose qu'il me reste d'elle.

Mais c'est tellement dur... Tellement atroce comme souffrance. Quelque chose qui nous prend la gorge, qui nous tue de l'intérieur. Elle est morte dans mes bras, mais elle n'était pas seule.

Je l'ai accompagnée jusqu'au bout.

J'avais entrevu la vie de l'autre côté du miroir mais il est désormais brisé... La tristesse laisse place à la colère. Je prends l'arme de Violette, celle que Valery lui a cédée. Je dépose délicatement le corps de mon amour sur le sol glacial, un mal horrible m'étreignant le cœur de l'abandonner ici.

Je pose mes lèvres sur les siennes pour la dernière fois, lui chuchote une nouvelle fois à l'oreille que je l'aime et me lève, la rage m'envahit. Je me mets à la recherche de l'assassin qui a détruit la dernière personne à qui je pouvais me raccrocher. Celle qui m'a sauvée. J'avance lentement, fixant droit devant moi, le visage bas. Il ne peut plus aller nulle part. J'entends des bruits de pas et je tourne la tête violemment. Je le vois, devant moi, pris comme un rat. Ses traits transpirent la peur. Celle de la mort. Il sait à qui il a affaire, il est condamné. Néanmoins j'arrive encore à y discerner une lueur de défi :

— Vous vouliez ma mort mais au fond qu'est-ce que tu as de plus que moi ? Toi et ta famille assassinez à longueur de temps comme ça vous chante sans être punis. Au contraire vous êtes l'élite, richement récompensés et portés en gloire. Vous commettez l'irréparable puis dormez paisiblement sur vos deux oreilles dans vos draps en soie et ça serait moi le mal ? Mafia, gang, entreprise, multinationale, police, c'est du pareil au même, un simple groupe d'individu régie par des règles et des objectifs. Un camp parmi tant d'autre simplement plus ou moins reconnus. -Il émet un rire sardonique- La ressemblance est frappante, il suffit d'y faire attention et de dépasser son image préconçue. La police ou votre petite justice autoproclamée est simplement jugée comme légitime par son histoire et son envergure. Tu n'es personne pour imposer ta vision du monde pauvre sotte.

— Tu es un véritable monstre. Tu dois et tu vas mourir. Mais tu ne seras pas le seul aujourd'hui. J'ai toujours rêvé de ce moment mais je n'aurais jamais pensé que j'aurais à venger autant de vies...

— La vengeance et l'ambition ont toujours faim. Ce sont deux sentiments insatiables, qui se renouvellent sans cesse. Personne ne vous donnera rien, c'est à vous de prendre. Cette affaire fait vivre des centaines de familles, que fera tu pour combler ça ? Es-tu prête à prendre la responsabilité de tes actes ? – Silence- Tu n'avais pas réfléchi à ça on dirait ... Tu n'es pas à la hauteur de tes prétentions. Vous vous êtes lancées dans un combat dont vous ignoriez les tenants et les aboutissants ! Un bon chef a le rôle de protecteur, il doit défendre les intérêts du groupe, affronter l'opposition... Défendre son influence et sa domination, c'est son but. Tu devrais me comprendre... Je suis cupide de pouvoir et toi de châtiment. Tu ne gagneras rien en faisant ça.

Je souffle, lasse de son discours, en partageant mes derniers mots avec la personne que je hais le plus au monde :

— Je sais pertinemment que ce n'est pas un signe de bonne santé d'être intégrée dans une société malade, pas besoin d'insister ça ne te mènera à rien. Celui qui recherche la vengeance doit commencer par creuser deux tombes ... Et je suis persuadée que mourir en se vengeant vaut mieux que vivre dans la honte.

J'agrippe la goupille de ma grenade et la tire d'un geste assuré.

Puis je compte, comme on me l'a appris, un, deux, trois, quatre, cinq, six...

Sept

Huit

Neuf

Dix...

Des particules de cendre s'élèvent et virevoltent dans les airs, semblables à une neige macabre. Puis, le silence...

Fin

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