Perfect Illusion ( Nouvelle v...

By EmmaThew

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Matthew, la trentaine tout juste passée, a tout pour être heureux. Côté pro, il incarne l'un des rôles princi... More

Edito du 1er août 2023
Avant propos
Chapitre 1
Chapitre 2 (parti 1/4)
Chapitre 2 ( partie 2/4)
Chapitre 2 (partie 3/4)
Chapitre 2 (partie 4/4)
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5 (partie 1/4)
Chapitre 5 (partie 2/4)
Chapitre 5 (partie 3/4)
Chapitre 5 (partie 4/4)
Chapitre 6
Chapitre 7 ( partie 1/3)
Chapitre 7 ( partie 2/3)
Chapitre 7 (partie 3/3)
Chapitre 8
Chapitre 9
Cover Reveal et date de sortie

Prologue

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By EmmaThew

Vingt ans plus tôt.

Nos lèvres s'effleurent à peine qu'une nuée de papillons, clichée et grotesque, prend possession de mon estomac. Je ne sais même pas comment nous en sommes arrivés là.

Tobias est venu à la maison, travailler avec moi sur un devoir pour l'école. Nous nous sommes ensuite accordés quelques instants de détente, assis en tailleur, l'un en face de l'autre sur le tapis moelleux de ma chambre. Nous avons discuté, comme il nous arrive souvent de le faire lorsque nous passons du temps ensemble. Un drôle de silence nous a soudainement enveloppé. Mon regard a fureté sur ses lèvres entrouvertes, et sans que j'en prenne vraiment conscience, mon visage s'est penché vers le sien.

Tandis que nous nous embrassons, un bruit sourd attire mon attention et je me recule comme subitement brûlé par le contact de ses lèvres. Je jette un rapide coup d'œil vers la porte et me fige d'horreur. Elle est là, bouche ouverte, interrompue au milieu d'une phrase que je n'entendrai jamais.

Une vague glacée emprisonne mon cœur douloureusement et je crois même avoir cessé de respirer. Et puis brusquement, un feu d'enfer me vrille les entrailles et je bondis sur mes pieds, mû par un seul désir : celui de fuir. Fuir leurs regards, fuir la situation et peut-être aussi moi­-même... J'ai juste la présence d'esprit d'attraper ma veste avant de faire claquer la porte d'entrée et de courir le plus vite possible.

J'ignore où je vais, mais je cours. Faisant fi des larmes qui brouillent ma vue, je fonce droit devant moi, bousculant parfois les personnes qui croisent ma route.

Je ne sais même pas pourquoi je suis parti. Après tout, un premier baiser ce n'est rien. Ça ne signifie rien. Surtout quand on a douze ans. Et même si c'est avec un garçon. Ça ne fait pas de moi un...

À bout de souffle, je me penche en avant les paumes appuyées sur les genoux pour tenter de calmer ma respiration. Du revers de ma main droite, je chasse distraitement les perles salées ruisselant sur mes joues. Je m'en veux de laisser les émotions prendre le contrôle aussi facilement.

Mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?

Je me redresse en inspirant profondément et suis surpris de me trouver devant l'une des nombreuses entrées de Prospect Park. C'est un endroit où nous venons souvent, pour nos sorties, avec mes parents et mes sœurs. Je me souviens même y avoir fêté plusieurs de mes anniversaires.

Je passe les mains sur mon visage pour faire disparaître les dernières traces de larmes, et avance vers l'étendue verdoyante qui me tend les bras. Il y a beaucoup de monde. J'en profite pour me fondre dans la masse et croise les doigts pour passer inaperçu.

Ce parc est le lieu favori de nombreuses familles. Voir un enfant de mon âge se promener seul pourrait les interpeller. Je n'ai pas envie d'être repéré et ramené chez moi par des policiers.

J'ai besoin de réfléchir, d'être loin de mes proches pendant quelque temps. Je ne peux pas les affronter dans l'état actuel des choses.

J'ai embrassé un garçon. C'est bizarre.

Je ne sais même pas pourquoi je l'ai fait. Il était là, face à moi, il me parlait sans que je ne l'écoute, tant j'étais fasciné par la teinte rosée de ses lèvres qui se mouvaient au rythme de ses mots. Et puis sa langue est venue les humidifier. J'ai eu envie de savoir ce que ça ferait, de poser ma bouche sur la sienne. Est-ce qu'elle était aussi douce qu'elle semblait l'être ?

Je secoue vivement la tête dans tous les sens pour me sortir ces images du crâne, et surtout la honte qui m'a soudainement submergé quand nous avons été découverts. Elle aurait sûrement voulu en parler, et comprendre. C'est justement ce qui a précipité ma fuite.

La nuit tombe lentement sur le parc alors que mes jambes commencent à devenir douloureuses de cette distance parcourue. Je n'ai pas cessé de bouger depuis mon arrivée.

Il m'arrive de surprendre des regards curieux. Sans doute étonnés de me voir seul, des promeneurs s'attardent un instant, observant les alentours à la recherche de mes parents ou d'un adulte responsable, puis ils finissent par reprendre leur vie, accaparés par une de leur tête blonde réclamant leur attention.

Dans l'après-midi, j'ai trouvé, sur un banc, une couverture en polaire, sans doute oublié par une maman débordée. Il y avait aussi un paquet de gâteau et une briquette de jus de fruit. J'ai attendu un moment pour être sûr que personne ne vienne les récupérer et les ai honteusement subtilisés, culpabilisant déjà de mon petit larcin. Je ne suis pas un voleur. Je n'aime pas prendre les affaires des autres. Mais j'avais tellement faim...

Mon estomac gargouille, alors que je me recroqueville dans mon abri de fortune. L'endroit semble être l'entrée de la réserve d'un des bâtiments du parc. Je me suis volontairement éloigné des allées où je sais que le gardien de nuit pourrait me surprendre.

Malgré les appels de mon corps affamé, je resserre la couverture autour de mes épaules et tente de trouver le sommeil. Ce maigre et seul repas de la journée n'est déjà plus qu'un lointain souvenir et je me maudis de ne pas avoir laissé mon porte-monnaie dans ma veste.

De drôles de chuintements dans la forêt, non loin du lieu où je me cache, me font sursauter régulièrement, m'interdisant l'apaisement. Je n'ai pas peur du noir, quand je suis dans le cocon rassurant de ma chambre d'adolescent, mais là, c'est différent. Je ne cesse de m'imaginer la présence d'horribles bêtes sauvages qui ne feraient qu'une bouchée de mon corps frêle.

Je frissonne et ça n'a rien à voir avec la fraîcheur de la nuit.

Les craquements du bois m'apparaissent comme des bruits de pas et je suspends ma respiration, me ratatinant sur moi-même, en priant pour que les sons s'arrêtent.

Le silence revient enfin et je pose mon front sur mes jambes repliées contre mon torse.

J'ignore si je me suis assoupi, mais quand je relève la tête, je constate qu'il fait jour. Les rayons de soleil matinaux jouent entre les branches des arbres et réchauffent les pelouses verdoyantes et humides de rosée. Je me lève, époussette mon pantalon et étire mes bras au-dessus de ma tête pour détendre mes muscles. Mon dos est douloureux et mes cervicales n'ont, de toute évidence, pas apprécié ma position pour dormir.

Je plie soigneusement la couverture et la dissimule dans un recoin de mon abri de fortune, bien conscient que cela pourrait attirer l'attention sur moi si je me baladais avec.

Je me faufile discrètement vers la sortie du parc la plus proche et essaie de me faire une idée de l'heure qu'il est. Je croise une promeneuse de chiens, bien trop occupée à gérer ses cinq boules de poils pour remarquer ma présence.

Glissant machinalement les mains dans les poches de ma veste, j'ai l'agréable surprise d'y rencontrer la fraîcheur de quelques pièces de monnaie. Je les sors prestement et regarde si j'ai de quoi m'acheter quelque chose à manger. Je m'arrête devant une boulangerie, salivant d'avance face à l'étal de gourmandises qui s'offre à moi.

J'entre, un peu mal à l'aise, dans la boutique encore vide et cherche rapidement ce qui est dans mon budget. Malheureusement, tout est beaucoup trop cher. Je m'apprête à quitter l'endroit le plus silencieusement possible quand une dame s'installe derrière le comptoir, un sourire éblouissant sur le visage.

— Qu'est-ce qu'il te faut, mon bonhomme ?

Je baisse la tête en sentant le rouge me monter aux joues et hésite un instant à me sauver sans lui répondre. C'est le moment que choisit mon estomac affamé pour se manifester.

— Je... Je voulais... Mais je n'ai pas...

Je frissonne sous l'inspection de son regard perplexe. Mon sang ne fait qu'un tour tandis qu'une sueur froide se faufile insidieusement le long de mon échine. Je resserre l'étreinte de mes bras contre mon torse et tente de faire refluer la vague de peur sur le point de me submergée. Et si elle prévenait la police ? Et si elle appelait mes parents ? Ils doivent être furieux contre moi...

— Est-ce que tu es tout seul ?

J'avale difficilement ma salive, relève la tête et me plonge dans ses prunelles inquisitrices. Je dois parvenir à lui répondre de façon claire. Ne pas lui laisser l'opportunité de voir mes craintes.

— Non ! Bien sûr que non ! Mes parents attendent dans la voiture. J'aime bien faire les choses par moi-même.

Je suis bluffé par ma propre capacité à mentir et suis surpris que mes cheveux ébouriffés, mes vêtements froissés ou encore mes yeux bouffis du manque de sommeil ne l'interpellent pas plus que ça.

Dépité et toujours aussi affamé, je me dirige vers la porte, sans prêter attention aux sons derrière moi. La main sur la poignée, je suis stoppé dans mon geste par un petit sachet en papier s'interposant dans mon champ de vision. L'odeur exquise qui s'en dégage fait geindre mon ventre une fois de plus.

— Je ne peux pas... Je...

— Prends-le ! Tu es mort de faim. Et va vite retrouver tes parents.

Je la remercie timidement, avant de relever mon regard vers le sien. Ce que j'y lis me bouleverse. Elle semble peinée. J'ignore si elle a compris ma situation ou si elle s'imagine que mes parents n'ont pas assez d'argent pour me nourrir. Son visage compatissant me remplit de tendresse et je me mors les lèvres pour les empêcher de trembler. Ma maman me manque. Ma famille me manque. Mais je ne peux pas rentrer.

Rien que l'idée de franchir la porte de la maison et d'affronter leurs regards me glace le sang. Et s'ils ne voulaient plus de moi ? Ma sœur leur a sans doute tout raconté à l'heure qu'il est. Je ne peux qu'imaginer la déception dans leurs yeux.

Et Tobias ? Il ne voudra certainement plus être ami avec moi après ça...

Je passe cette deuxième journée à déambuler une fois encore dans le parc, prenant mon temps pour savourer ce repas offert gracieusement, mon cerveau ne cessant de turbiner à plein régime.

Quand le soleil disparaît à l'horizon, je retrouve ma cachette, me blottis contre le mur, emmitouflé dans ma couverture et m'encourage silencieusement pour affronter cette seconde nuit peuplée de bruit étrange et de créatures monstrueuses.

Le matin suivant, je me fais réveiller à l'aube par des joggeurs faisant crisser les gravillons sous leurs chaussures. Frissonnant, et le corps encore engourdi de cette nuit chaotique, je marche un peu avant qu'un vertige ne me force à m'asseoir sur un banc. Je finis par m'y allonger, le plaid aux couleurs pastel me servant d'oreiller. Et puis soudain, une voix qui me semble familière attire mon attention.

Un cri de joie et des pas précipités dans ma direction me font ouvrir les yeux et me redresser prestement. Ses prunelles larmoyantes s'accrochent aux miennes. Pris de panique, je me lève, fais quelques pas dans la direction opposée et m'effondre sur le sol. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il s'est passé ensuite.

J'ai rouvert les yeux, perturbé de me retrouver dans l'univers familier et réconfortant de ma chambre, un petit corps blotti contre mon dos et un bras passé autour de ma taille, me serrant aussi fort que possible.

Je remue légèrement, les muscles encore meurtris par ma fugue. Sa petite voix vient alors caresser mon oreille.

— Je n'ai rien dit, et je ne dirais rien. Tu n'as pas à avoir peur. Je garderai ton secret aussi longtemps qu'il le faudra.

Il n'y avait, de toute façon, rien à dire.

Ce n'était rien.

Un accident. Une erreur. Une bêtise.

Je ne recommencerais jamais.

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