Perfect Illusion ( Nouvelle version)

Chapitre 5 (partie 3/4)

Il n'eut pas le temps d'analyser ce qu'elle venait de dire qu'il la vit se lever prestement, tel un diablotin sortant de sa boîte avant de partir en trottinant vers l'allée non loin de leur petit coin de verdure.

Un léger vertige l'envahit quand il se releva tout aussi rapidement, la suivant des yeux alors qu'elle s'avançait vers un couple qu'il ne connaissait que trop bien. Enjouée et souriante, comme à son habitude, sa sœur faisait de grands gestes, parlant d'il ne savait quoi avec son collègue et sa femme, bien loin d'imaginer la tension qui s'infiltrait lentement dans chacun de ses muscles.

Sans lui demander son consentement, son cœur augmenta le rythme de ses battements de façon exponentielle, ses paumes s'humidifièrent à l'instar de son épiderme qui se couvrit d'une fine pellicule de transpiration, comme si la température avait brusquement augmenté au point de devenir presque insupportable.

Des trois personnes qui arrivaient dans sa direction, une seule accaparait toute son attention. Il s'était persuadé que rien ne serait différent, et qu'il lui suffirait d'être en présence de Gabriel pour le constater, mais les réactions de son corps n'étaient visiblement pas en accord avec ses convictions.

Il s'efforça d'arborer un sourire des plus naturels, faisant de son mieux pour ignorer les soubresauts de son muscle cardiaque qui semblait désireux de prendre la fuite loin d'ici, ou plutôt de rejoindre celui de Gabriel.

Un frisson parcourut brusquement son échine quand les prunelles chocolat de son collègue s'accrochèrent aux siennes. Il détourna prestement le regard, paniqué à l'idée que son trouble puisse être perceptible au fond de ses rétines et en profita pour embrasser Heather.

Prenant son courage à deux mains, et tentant au mieux de dissimuler son souffle court derrière une quinte de toux, il se noya de nouveau dans ces yeux qu'il adorait et redoutait tout autant. Gabriel ne semblait pas avoir discerné son malaise, et s'avança vers lui pour le saluer d'une accolade comme ils en avaient l'habitude.

Blotti dans son étreinte, un bras autour de ses épaules et l'autre négligemment enroulé à sa taille, il se sentit étrangement serein comme si la stabilité de Gabriel lui avait redonné la sienne.

Sa paume se resserra involontairement sur l'épaule de Gabriel tandis que celui-ci s'éloignait, laissant traîner sans y prêter attention ses phalanges sur la nuque à sa portée. Le monde réapparut autour d'eux et ils échangèrent un sourire franc et amical avant de se joindre à la discussion qu'avaient poursuivie les deux jeunes femmes à leurs côtés.

Alexa les invita à partager le dessert avec eux, vantant au passage ses talents culinaires quand il était question de préparer un crumble aux myrtilles. Gabriel ne put retenir un rire et dut expliquer les raisons de son hilarité à Heather et Alexa qui le regardaient de façon perplexe. Matthew, lui, avait bien compris.

— Il n'arrête pas de nous parler de son fameux crumble, quand on parle cuisine entre deux prises, mais il n'a jamais voulu nous le faire goûter arguant que c'était un dessert de famille. Je vais donc pouvoir narguer les autres la prochaine fois.

Matthew commença par servir les deux jeunes femmes et tendit ensuite une assiette à son collègue, plongeant une nouvelle fois dans la chaleur réconfortante de son regard chocolat.

— Goûte avant de dire n'importe quoi. Qui sait, il sera peut-être immangeable.

— Impossible, tu réussis tout ce que tu entreprends.

Gabriel tenta de lui faire un clin d'œil, ce qui étira plus encore le sourire ornant déjà ses lèvres. Il avait toujours trouvé ça drôle que Gabriel soit incapable d'y parvenir sans que cela ne se transforme en une grimace. Il trouvait ça juste adorable.

Gabriel

Comme il s'en était douté, la préparation de Matthew était un véritable délice. L'acidité de la myrtille se mariait à merveille avec le croquant de la pâte, et les assiettes ne tardèrent pas à se vider dans un silence presque religieux, chacun étant bien trop occupé à savourer la friandise sucrée.

Il ne s'attendait vraiment pas à croiser son collègue avant la séance photo. Et surtout pas ici, dans l'immensité de Central Park. Sa fuite précipitée de la veille n'entachait en rien le fait qu'il soit heureux de le voir à ce moment précis. Ce qui ne semblait pas être le cas de Matthew qui avait paru étrangement perturbé en le voyant approcher.

Gabriel ne l'avait pas pris personnellement. Peut-être avait-il eu une discussion importante en cours avec Alexa qu'il aurait souhaité poursuivre sans être importuné. Il était au fait de la relation très fusionnelle que partageaient les deux aînés de la famille Préciado, et avait remarqué cette petite étincelle de fierté quand Matthew parlait d'elle. Il était très fier de la réussite professionnelle de sa sœur et y accordait d'ailleurs beaucoup plus d'importance que quand il s'agissait de la sienne.

Interrompre leur déjeuner n'avait pas été son intention, mais la jeune femme était toujours tellement positive et bienveillante que Gabriel n'avait pas eu le cœur à refuser son invitation.

Il n'entretenait pas ce genre de relation avec ses deux sœurs aînées, si bien qu'il lui arrivait parfois d'envier son collègue sur ce point. Par chance, il avait rencontré une personne qui avait comblé ce manque et il avait même fini par l'épouser. Elle se rappela justement à lui avec toute sa tendresse légendaire, lui donnant un léger coup d'épaule pour attirer son attention.

— Hey, Sweetie, il faudrait peut-être y aller si vous ne voulez pas être en retard pour la séance. La circulation est dingue à cette heure.

Il jeta un œil à son téléphone et confirma les dires de sa femme, se permettant toutefois une petite rectification.

— Il n'y a pas qu'à cette heure, Sunshine. L.A. me manque...

Il se pencha vers elle, une moue boudeuse se dessinant sur ses traits et à laquelle elle répondit d'un simple bisou sur son nez.

— Pauvre petit chou. Allez, au boulot les garçons, nous, on va se prélasser encore un peu au soleil.

S'adressant enfin à Matthew, pour lui signaler qu'il était temps pour eux de partir, il fut surpris de le sentir de nouveau nerveux. Ses prunelles se détournèrent des siennes pour s'accrocher à celui, océan, de sa sœur.

Ce simple contact visuel sembla faire disparaître instantanément toutes les tensions qui étaient jusqu'alors présentes dans le corps de Matthew. Il le vit fermer brièvement les yeux et prendre une longue inspiration tandis qu'Alexa accueillait sa joue dans le creux de sa paume.

— N'oublie pas ce que je t'ai dit, Matty. De toute façon, je t'appelle plus tard.

Il le vit acquiescer silencieusement, échappant un discret soupir quand elle se permit de préciser que leur discussion n'était pas finie. Gabriel n'avait pas la moindre idée de la teneur de cette conversation, mais il remarqua que l'actrice paraissait jubiler face au regard désabusé de son petit frère. Le pauvre n'était de toute évidence pas au bout de ses peines.

Ils se levèrent de concert, laissant aux jeunes femmes le soin de s'installer plus confortablement sur la couverture pour continuer de papoter.

Il rejoignit son collègue qui l'avait déjà devancé de quelques pas en direction de l'avenue. Chanceux, ils trouvèrent rapidement un taxi de libre. Ils s'y installèrent silencieusement. Matthew précisa leur destination au chauffeur alors qu'il laissait reposer sa tête contre la vitre fraîche en fermant les yeux, épuisé de sa courte nuit.