Quelque chose s'achève, quelq...

Per Zachanariel

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Après sa mort, Hitomi se réveilla dans un monde où les conflits se règlaient à torrents de feu et mers de bou... Més

Une nouvelle ère
Onde de choc
Le sens du sacrifice
Leurs plus profondes blessures
Jusqu'à la trame
Un manteau de silence
Discussions à coeurs ouverts
Le dilemme du Jônin en Chef
Un exercice enfantin, vraiment ?
De la douceur dans sa colère
Embrasser ses responsabilités
Une âme à protéger
De retour au sanctuaire
Les bonheurs simples
Nuages à l'horizon
Le cœur derrière l'acier
Le pire ennemi du shinobi
Les ponts brisés et ceux qu'elle bâtit
Le Pays des Vagues appelle à l'aide
Le vent embrasse la vague embrasse le sable
Leur plus profond abandon
Le Cerf et l'acier
Au Pays des Rizières
Un dieu de feu et de haine
Le sang sur leurs mains
Douloureux adieux
Les nouveaux Genin
Dans la cour des grands
Coeurs à couteaux tirés
Un habile jeu d'ombres et de lumière
Aime comme tu l'entends
De l'art de se donner en spectacle
Comme un air de fête
La nouvelle génération s'épanouit
Arcanes interdits
Ce qui peut mal tourner
Le Murmure et l'après
Ode aux coeurs brisés
Une mort lourde de sens
Les services secrets
L'animal acculé
Les lames les plus affûtées de Konoha
Les sources chaudes de Nakajima
Amegakure
L'Ermite, le Murmure et le dieu dupé
Le sang du père
Nagato passe à l'attaque
Que chante le Murmure
Enveloppée dans les Limbes
Dans les yeux d'un père
La décision
Retomber sur ses pattes
Maîtresse des Sceaux
Le cauchemar
Sinistres présages
Au Pays du Fer
Le Gokage
Une terre oubliée des dieux
Perce-neige
Torrents écarlates
Obito
Contemple l'abîme
Baumes insoupçonnés
Ce qu'elle ignorait pouvoir perdre
Quelque chose s'achève, quelque chose commence
Épilogue - Trois ans plus tard

Guerre d'informations

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Per Zachanariel

Il se passa encore plusieurs semaines avant qu'Hitomi ne soit rappelée pour une mission hors du village. Pendant ce laps de temps, son quotidien consista essentiellement en une succession de missions internes et de rencontres diplomatiques. Shibi Aburame semblait favorable à l'accord qu'elle lui proposait, au point de mettre ses propres atouts dans la balance. Bien sûr, l'équipe qu'Hitomi dirigerait dans quelques mois serait un test de cette alliance. Elle en frémissait d'impatience.

Shikaku semblait fier qu'elle décide sérieusement de devenir sensei. Peu de Nara s'intéressaient à ce poste, mais le chef du clan, s'il n'était pas aussi pieux que feu Tobirama, croyait tout de même en l'idéologie de la Flamme de la Volonté. Il voulait voir son clan transmettre le flambeau à la génération suivante, et pas seulement au sein du clan. Son différent avec le reste du village s'était éteint au rythme de la réputation de Danzô, avec la constance de la férocité qu'Hitomi avait employée pour la détruire.

— Shika ? demanda-t-elle avec surprise quand elle arriva devant le bureau du Jônin en Chef. Qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne devrais pas travailler pour le Chûnin en Chef en ce moment ?

Les traits de son cousin s'éclairèrent quand il la vit, puis s'assombrirent à nouveau. Le sujet du Chûnin en Chef était devenu une affaire tendue : l'homme, l'un des petits-fils de la Conseillère Homura, mécontentait les foules. Il avait mal pris la destitution dans le déshonneur de sa grand-mère. Les rumeurs le disaient plus dur avec ses troupes, parfois même cruel. Hitomi n'avait pas encore décidé de se pencher sur le sujet : beaucoup de ses amis de l'Académie se trouvaient sous les ordres de l'homme et elle les estimait tout à fait capables de gérer la situation par eux-mêmes – ou de lui demander de l'aide s'ils voulaient voir sa maison réduite en cendres, du poison enduit sur ses chaussures ou autre traitement imaginatif pour fonctionnaires paresseux.

— Ne me parle même pas de lui. La seule chose qui me motive à demander l'examen Jônin à Tsunade-sama, c'est ce type. Non, Père m'a demandé de venir pour une mission...

— Ça veut dire qu'on va travailler ensemble, alors ! Ça faisait longtemps. Qui est-ce qu'on va emmener avec nous, tu crois ?

Ils ignorèrent tous deux le sujet de leur dernière mission côte à côte et du fiasco qu'elle avait été à bien des niveaux, préférant continuer de spéculer sur les ordres qui arriveraient bientôt devant eux. Shikamaru avait cru laisser sa bien-aimée cousine mourir aux mains de Kakuzu, ou bien pire. Il n'avait pas eu tort, bien entendu... Mais elle le lui avait ordonné. Le poids de cette décision et de ses conséquences reposait sur ses épaules. Asuma – et peut-être Genma aussi – n'aurait pas survécu si elle avait effectué un autre choix. Elle ne pouvait infliger cela à sa mère. Elle ne pouvait l'infliger à qui que ce soit, sauf elle-même.

— Arrêtez de bavarder comme des pies et entrez ! fit la voix de Shikaku derrière la porte.

Hitomi s'exécuta la première, le dos droit et la démarche fière. Elle avait fait un excellent travail dans son entreprise d'éviter Kakashi ces dernières semaines, et s'était concentrée sur l'entraînement offert par Itachi et Ensui. Le soir venu, elle retrouvait son époux dans l'intimité de la chambre – ils dormaient ensemble désormais, et se contentaient rarement de dormir. Ils n'avaient jamais été aussi proches, pas seulement parce que leurs corps se connaissaient désormais bien mieux. Quelque chose à l'intérieur de la jeune Yûhi s'était apaisé et la laissait plus réceptive aux connaissances que l'ancien déserteur avait à lui offrir. Bien entendu, elle n'était toujours pas capable de créer une illusion viable, ce qui signifiait qu'il ne pouvait lui enseigner ce qu'il maîtrisait le mieux, mais ils faisaient une bonne équipe quand ils affrontaient Ensui.

— Je suis content que vous soyez déjà ensemble, ça va me faciliter la tâche. Je ne vais pas tourner autour du pot : j'ai besoin que vous effectuiez une mission pour moi, et elle ne sera pas officielle.

D'habitude, seul l'ANBU traitait les missions qui devaient rester totalement secrètes, y compris au sein du village. Hitomi se détendit quand son oncle sortit un rouleau d'un tiroir de son bureau : elle y reconnaissait le sceau de Tsunade, accompagné d'une étincelle de chakra pour l'authentifier. Hors des canaux officiels, oui, mais pas illégal. Elle appréciait Tsunade. Elle ne voulait pas avoir à la trahir, surtout depuis que Danzô avait disparu. La petite-fille d'Hashirama était une excellente cheffe de guerre, sans doute encore meilleure que son illustre grand-père, dont le plus terrible défaut avait été son obsession pour Madara. Rivaux, amis... Et sans doute amants. La légende laissait peu de doutes à ce sujet.

— Quelle mission ? demanda Shikamaru. Est-ce qu'on risque de mourir sans même que le village l'apprenne ?

Sa voix avait pris des accents durs. Hitomi savait que leur dernière mission ensemble l'avait traumatisé, à juste titre. Comment se serait-elle sentie si les rôles avaient été inversés ? Elle ne parvenait pas à y penser sans étouffer. Shikamaru l'avait vécu. Elle n'osait imaginer la dévastation, et les années de thérapie qu'il lui faudrait pour réparer les dommages. Est-ce qu'il était suivi, au moins ? Elle jeta un regard soupçonneux à Shikaku. Sans doute. Aucun Nara n'était assez stupide pour négliger les bienfaits de la thérapie pour un shinobi, ou pour un civil d'ailleurs. Ce n'était pas par pur désintérêt qu'ils s'étaient rapproché des Yamanaka.

— Non, ce n'est pas secret à ce point. La cible a juste des oreilles dans le village et je ne veux pas qu'elle apprenne ce qu'on prépare.

L'homme fit signe à son fils et sa nièce de s'installer de l'autre côté du bureau. Hitomi n'aimait pas se trouver là. Elle avait commencé à tirer sa chaise de l'autre côté quand elle travaillait, même si cela signifiait que son oncle comme elle disposaient de moins d'espace. Il n'avait même pas essayé de protester, ce qui prouvait sa sagesse si besoin en était.

— Il s'agit d'un noble du Pays des Crocs. J'ai besoin que vous vous infiltriez dans son manoir, que vous échangiez un parchemin contre celui que je vais vous donner et que vous vous repliiez sans que personne ne vous surprenne.

— Quel rouleau, et pourquoi ?

Peu de shinobi osaient poser des questions concernant les ordres qu'on leur remettait, mais jamais un Nara n'aurait gardé de secret contre des membres de son clan. Le savoir, tout comme le pouvoir, se partageait librement tant qu'il restait dans les limites établies par le clan. Shikaku sortit un deuxième rouleau de son tiroir et le posa à côté du premier. Il semblait parfaitement innocent, sans ornement ni fioriture qui aurait évoqué un objet précieux.

— L'homme que vous allez visiter a fait voler l'autre parchemin, l'original, par des hommes d'Otogakure.

Le souffle d'Hitomi se mua en glace dans sa poitrine. Kabuto, encore. Elle dut presser ses mains contre ses genoux pour les empêcher de trembler.

— Et que contenait ce parchemin ?

— Des informations précieuses pour le clan. Des listes d'armes, de stocks, des inventaires en somme. Une liste de nos shinobi actifs, aussi... Bref, pas vraiment quelque chose qu'on veut voir entre les mains d'Otogakure.

— Pourquoi ne pas simplement voler le rouleau ? demanda Shikamaru d'une voix sans timbre. Ce serait plus simple que de les échanger.

Shikaku bascula au fond de son siège. Il avait l'air tellement fatigué. Encore quelques années avant qu'Hitomi ne prenne sa place, avant qu'elle le décharge d'une partie de ses responsabilités. Quand on regardait les rides creusées sur son front, autour de ses yeux, on se demandait s'il aurait autant de temps avant d'épuiser ce qu'il lui restait de forces. Au moins avait-il cessé d'effectuer des missions pour le village. Il ne risquait plus sa vie, plus comme il avait pu le faire par le passé.

— Parce qu'on veut que Kabuto reçoive de fausses informations. Tu sais très bien quel pouvoir réside dans ce genre d'actions, Shikamaru. Je te l'ai appris. C'est plus risqué, oui, mais si ça peut le dissuader d'attaquer, de tuer l'Ermite seul sait combien de Nara dans la manœuvre, ça vaut le coup, non ?

Le plus jeune acquiesça après quelques instants, non sans réticence. Pour un ninja, il n'aimait vraiment pas risquer sa vie. La rumeur courait que Temari et lui s'étaient énormément rapprochés durant son dernier séjour à Suna. Il ne voulait pas mourir, et encore moins avant que ce qu'il partageait avec elle ne se concrétise. Shikaku accepterait-il de marier son fils à une étrangère ? Hitomi n'eut même pas besoin de réfléchir à une réponse : les Nara faisaient partie des clans les plus libérés de Konoha. Son chef mourrait plutôt que d'imposer ou d'interdire un mariage à son fils bien-aimé.

— Bien sûr que ça vaut le coup, intervint Hitomi. Donc, le but de ce parchemin, est-ce que c'est de l'intimider, ou de lui faire croire qu'il n'y a rien d'intéressant à venir chercher chez nous ?

— La deuxième option. S'il essaye malgré tout d'attaquer, il aura une méchante surprise, c'est certain. Nous serons préparés pour eux, et eux, préparés pour bien moins que ce que nous avons à leur opposer.

La jeune femme opina du chef, satisfaite, et empocha les deux parchemins, l'ordre de mission et l'autre, dans un sceau de contact enroulé autour de son poignet comme un bracelet stylisé. Les yeux de Shikamaru s'attardèrent un instant sur l'encre constituée de chakra qui marquait sa peau encore pâle et immaculée quelques instants plus tôt. Elle décela de l'intérêt au fond de ses yeux gris sombre, alors qu'il n'avait jamais manifesté la moindre volonté d'apprendre le fûinjutsu. Comme les gens changeaient...

— Et du coup, qu'est-ce qu'on est officiellement en train d'accepter, pour le bénéfice du reste du village ?

— Un voyage diplomatique en direction de Kirigakure. Je vous envoie signer un accord avec le clan Yuki. Ils ont un savoir médical intéressant à partager en échange des propriétés des plantes de notre forêt.

— Attends, j'ai vu passer cet accord, non ? Il a été signé...

— Il y a une semaine. Ton ami Haku a bien voulu jouer le jeu quand je lui ai dit que tu serais impliquée et que ça te protégerait.

Elle soupira et secoua la tête. Elle aurait voulu reprocher à son oncle de manipuler l'un de ses plus proches amis, une personne pour qui elle éprouvait un amour tendre, discret et irrépressible, mais elle savait pourquoi il l'avait fait, et elle ne pouvait s'empêcher d'approuver. Elle aurait sans doute agi exactement de la même façon à sa place.

— Je n'ai pas d'autre question. Quand est-ce qu'on part ?

— Dans deux heures, par la Porte aux Cerfs. Je veux éviter autant que possible qu'on voie dans quelle direction vous êtes partis, mais vous ne saurez pas tout à fait effacer vos traces, donc vous vous dirigerez vers la côte puis la longerez aussi haut que possible avant de faire demi-tour et de repartir vers votre objectif. Vous pourrez vous téléporter pour rentrer, bien entendu, ce sera plus facile comme ça.

Hitomi acquiesça à nouveau, se leva et fit signe à Shikamaru de faire de même. Quand ils furent dans le couloir, elle le jaugea du regard. Il avait l'air tendu, presque effrayé. Son cœur se serra. Elle voulait l'étreindre, le réconforter, mais était-ce ce dont il avait besoin ? Elle n'en était pas sûre. Leurs chemins s'étaient séparés plus nettement que jamais depuis qu'elle était rentrée à Konoha dans les bras d'Itachi, inconsciente. Elle savait qu'il ne lui en voulait pas, mais elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'il voyait quand il la regardait.

— Je te retrouve là-bas, fit-elle d'une voix douce. Je dois prévenir Itachi et Père de mon départ.

Les traits de son cousin s'adoucirent légèrement. Il opina du chef, lui effleura la main du bout des doigts et s'éloigna, de la démarche lente et souple que les Nara s'entraînaient tous à adopter dès le plus jeune âge. Un sourire triste aux lèvres, Hitomi s'éloigna à son tour, descendant les escaliers à grandes enjambées. Ensui, d'abord. Ce serait le plus facile à ses yeux. Il passait énormément de temps avec Shizune en ce moment, mais il travaillait encore pour Shikaku jusqu'au coucher du soleil tous les jours. Elle savait qu'elle le trouverait dans son bureau.

— Ma puce, est-ce que je dois piéger cette fenêtre pour que tu apprennes à passer par la porte ?

Elle ricana mais ignora sa question, enjambant le rebord d'un geste souple. Elle regarda ce sur quoi il travaillait par-dessus son épaule. Justement, l'inventaire des réserves alimentaires du clan. Il leva la tête juste à temps pour la voir s'affaler dans la causeuse qu'il avait tenu à installer dans son bureau – il y tenait, à ses siestes impromptues ! – et posa son stylo, concentrant son attention sur elle.

— Nouvelle mission ?

— Hm hm. Pays des Crocs. J'espère qu'on ne tombera pas sur des sbires de Kabuto, on n'est pas censés laisser de traces.

— Tu vas emporter des sceaux de stockage pour cadavres au cas où, j'imagine ?

Un sourire carnassier s'épanouit sur les lèvres d'Hitomi.

— Bien entendu, pour qui tu me prends ? S'ils décident de se mettre en travers de notre chemin, ils mériteront totalement ce qui va leur tomber dessus.

— Ma féroce petite guerrière, musa le Jônin avec affection. Tu seras prudente, pas vrai ? Tu resteras aussi loin que possible des imprévus et des ennuis ?

— Je suis prudente ! répondit-elle d'un air scandalisé. Ce sont les imprévus et les ennuis qui me trouvent, et vous le savez très bien !

Il se leva, lui fit signe de venir vers lui et la serra dans ses bras, posant son menton sur le sommet de son crâne. Personne n'aurait su poser en mots la satisfaction viscérale qu'il ressentait en songeant qu'elle ne grandirait jamais au point de rendre ce genre d'étreinte impossible.

— Je sais bien, va. Shikamaru vient avec toi, c'est ça ? Prends soin de lui aussi. Vous veillerez l'un sur l'autre et rien ne pourra vous arrêter.

Elle s'autorisa quelques instants de réconfort, noyée dans le chakra et l'odeur de son père. Elle aurait pu rester blottie dans son étreinte des heures durant, mais il était temps d'y aller, à présent. Elle voulait avoir le temps de dire au revoir à Itachi. Il serait peiné si elle précipitait ses adieux. Oh, elle savait, bien entendu, que son attachement à elle avait quelque chose de désespéré : il avait besoin d'une thérapie, lui aussi, pour soigner les dommages infligés à son âme alors qu'il était à peine plus qu'un enfant... Et adulte aux yeux de la loi. Il en avait besoin, avait commencé à voir une psychologue qu'il semblait grandement apprécier, mais en attendant il s'accrochait comme si elle était l'ancre qui l'empêchait de partir à la dérive.

Il lui avait tant offert. Elle pouvait bien lui accorder cela en retour.

— Tu seras prudente, pas vrai ? s'enquit-il d'une voix douce quand elle eut fini d'expliquer où elle se rendait et pourquoi.

Elle roula des yeux, un sourire tendre aux lèvres.

— Ensui me l'a déjà demandé, donc je vais te dire ce que je lui ai répondu : ce n'est pas moi qui me précipite au-devant du danger, et je ferai de mon mieux pour l'éviter.

— J'imagine qu'on ne peut rien te demander de plus. Je te fais confiance... Mais essaye de me tenir au courant, si tu peux.

Elle croisa son regard et marqua son accord d'un petit signe de tête avant d'aller se blottir dans ses bras. Elle sentit aussitôt ses larges mains se poser sur ses hanches et serrer légèrement, mais ne répondit pas au petit signe discret qu'ils avaient convenu pour signifier leur désir à l'autre sans se trahir auprès d'éventuels invités. Elle n'aurait pas dit non à une étreinte passionnée, à un peu d'abandon... Sauf qu'elle savait à quel point il était difficile de laisser Itachi, allongé dans le lit et esseulé, derrière elle une fois qu'ils avaient terminé. Elle évitait de se trouver dans une situation inconfortable quand elle le pouvait.

— Je reviendrai en un seul morceau, ne t'en fais pas. Qui sait, j'aurai peut-être même un petit souvenir à te ramener !

Elle l'embrassa, le contact aussi bref que l'effleurement des ailes d'un papillon et, avant qu'il puisse réellement répondre, se défit de son étreinte. Il la regarda partir sans rien dire, suivant son chakra pendant encore quelques mètres quand elle eut disparu de son champ de vision. Elle savait qu'il détestait la voir partir – il savait qu'elle ne ferait pas autrement même si c'était possible. Elle avait embrassé le mode de vie des shinobi sans réserve, avec férocité et tendresse tout à la fois. C'était comme cela, de l'intérieur, qu'elle espérait le changer. Parfois, il se prenait à penser qu'elle réussirait. L'échec semblait si peu compatible avec ce qu'il voyait d'elle.

— Shika, appela-t-elle avec douceur en arrivant devant la Porte aux Cerfs.

Il se tenait devant le panneau de bois, les mains dans le dos en poing serré. Elle savait qu'il avait déjà emprunté ce passage bien des fois, qu'il sentait tout comme elle l'irrésistible appel du chakra de leurs ancêtres. Il se retourna néanmoins quand il l'entendit, la saluant d'un sourire.

— Je veux que ce soit toi qui ouvres la porte, Hitomi. Tu ne l'as plus fait depuis des lustres, mais j'étais encore ici le mois dernier, alors...

Ce n'était que justice, oui. Elle avança jusqu'à se trouver à sa hauteur et il se décala pour lui laisser la place, bien qu'à contre-cœur. Elle n'était plus passée par ici depuis si longtemps... Pourtant, comme la première fois, elle posa ses mains sur le bois et mobilisa son chakra, encore guidée par le fantôme des murmures encourageants d'Ensui. Elle plongea sans réserve dans le chakra qui dormait entre les fibres, reconnaissant ceux de son père, du fondateur du clan mort depuis si longtemps, de... Quand la porte pivota sur ses gonds, elle souffrait d'un léger tournis. Shikamaru lui laissa le temps de reprendre son souffle et ses esprits avant d'avancer. Derrière eux, le panneau se referma, les sceaux de protection gravés des décennies plus tôt se reverrouillant aussitôt.

— Est-ce que tu veux qu'on utilise deux de mes chats pour avancer plus vite ?

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait plus travaillé avec Hoshihi et cela lui manquait, elle n'avait pas honte de l'admettre. Elle répondit d'un sourire plein de fossettes à l'approbation de Shikamaru. Au moment de s'entailler la main, elle eut malgré tout un frisson d'appréhension. Son thérapeute affirmait que cela ne s'en irait sans doute jamais vraiment. Elle ne ressentait aucune peur au moment de souffrir de blessures infligées par l'ennemi, mais quand il s'agissait de se faire mal elle-même... C'était si proche de sa presque-tentative de suicide après les tortures infligées par Kakuzu qu'elle ne parvenait pas à dissocier les deux sur le plan inconscient.

— Hitomi ! Ça fait tellement longtemps, je suis content de te voir ! Tu as besoin de nous ?

Elle resta un instant sans répondre, contemplant les silhouettes d'Hoshihi et Kurokumo avec de la tendresse plein les yeux, puis acquiesça.

— On a besoin de voyager rapidement. Est-ce que vous accepteriez de nous transporter, Shikamaru et moi ?

Elle n'avait pas choisi le chat noir au hasard : à l'Académie, c'était celui qui s'était le mieux entendu avec son cousin. Il passait du temps à dormir à ses côtés durant ses siestes sur la petite colline aux nuages qu'il affectionnait tant – et s'il avait été un Yûhi, peut-être aurait-il choisi Kurokumo et non Hoshihi comme familier.

— Bien sûr qu'on accepte, ça nous dégourdira les jambes ! Est-ce que c'est pressé ? Si tu veux, on pourrait prendre le temps de chasser en route, ce genre de choses...

— Je crains que notre mission soit sujette à délai, malheureusement. Je vous expliquerai tout en route.

Elle tint promesse, mais pas avec des mots. Même si le seul chakra qu'elle percevait alentours était le leur, doux et familier – et intense dans le cas des deux félins colossaux – elle était d'opinion qu'on ne faisait jamais preuve d'assez de prudence en mission, quand on pouvait se le permettre. Aussi transmit-elle plutôt toutes les informations qu'elle possédait concernant la mission en tapotant en morse du bout des doigts sur la nuque d'Hoshihi, juste assez fort pour que son compagnon au pelage épais et noir l'entende également.

Ils voyagèrent dans un silence confortable, mais différent de celui qui les avait jadis unis. L'aisance et l'habitude manquaient. Ces sensations si particulières ne leur reviendraient probablement jamais, pas en mission en tout cas. Shikamaru semblait déterminé à rester un Chûnin, peut-être même à se tourner vers une carrière plutôt administrative, tandis qu'Hitomi... Elle appartenait aux lignes de front. Son sang chantait et s'émerveillait au rythme des combats. Ce n'était pas ce que son cousin ressentait dans cette situation. Il restait loin, loin du front, et protégeait les troupes depuis sa position en travaillant sur la stratégie plutôt qu'en se salissant directement les mains. Il était aussi indispensable qu'elle, mais cette séparation si nette signifiait qu'ils ne travailleraient probablement plus très souvent ensemble.

Et avait-elle au moins le droit d'exiger plus que cela de la part de son cousin ? Il effectuait son travail avec diligence malgré quelques protestations – il devait bien prouver qu'il appartenait au clan Nara, pas vrai ? – et c'était tout ce qu'on pouvait demander d'un ninja. Il se montrait disponible au cas où elle aurait besoin d'aide, de se confier, et c'était tout ce qu'on pouvait demander d'un ami. Et leur dernière mission en commun n'avait-elle pas prouvé ce qu'il pouvait coûter à ses proches de la fréquenter ? Peut-être devait-elle laisser cette distance s'installer pour le bien de Shikamaru.

— Je ne sais pas à quoi tu penses, intervint-il tandis qu'ils dressaient le camp la première nuit, mais tu devrais arrêter. Quelque chose qui te rend aussi visiblement triste n'a pas sa place dans ton esprit.

Elle émit un petit rire amer tout en organisant le bois qu'elle avait récolté pour le feu afin de dégager une forme de cheminée qui aiderait les flammes à prendre.

— Nous sommes des shinobi, Shika. Bien des choses nous rendent tristes, tous les jours.

Il roula des yeux et la bouscula gentiment, comme pour attirer son attention.

— Très bien, garde tes secrets. Je veux juste que tu saches que si tu veux en parler, je suis là.

Elle se tourna vers lui, les traits éclairés par la lueur incertaine de la flamme qu'elle venait d'allumer dans son petit tas de bois.

— Je sais que tu es là pour moi si j'en ai besoin, Shika. Je n'en ai jamais douté.

Cela sembla apaiser quelque chose dans le cœur tourmenté de son cousin. Les jours suivants se passèrent sans anicroche : ils voyagèrent d'abord vers l'Est, jusqu'à atteindre le pont vers le Pays des Vagues, puis remontèrent la côte vers un port qui faisait souvent la navette jusqu'au Pays de l'Eau. Ils n'empruntèrent cependant aucun bateau : Hitomi invoqua Hai, son chat le plus jeune, adepte des illusions, et celle-ci s'assura d'entretenir le subterfuge tandis qu'ils longeaient la frontière du Pays du Feu. Il leur faudrait plus d'une semaine, même au rythme de shinobi puissants et bien reposés, pour atteindre le point qu'ils avaient sélectionné comme meilleur endroit pour traverser la frontière du Pays des Crocs.

Hitomi frémit quand ils passèrent en vue du point de la frontière avec le Pays des Rizières qu'Hitomi avait traversé sur le dos de Sasuke durant sa mission désastreuse aux côtés de Sai. Shikamaru perçut son trouble, lui qui ne ratait jamais rien, mais décida de ne pas commenter, pour le plus grand soulagement de sa cousine. Elle ne voulait pas avoir à décrire le désespoir et la maladie qui l'avaient emplie de fièvre durant ces jours maudits. Certaines des choses qu'elle avait vues durant les rêves qui l'avaient hantées alors... Certaines des visions du passé, d'autres des visions du futur, et d'autres encore des possibilités horrifiantes sur lesquelles elle refusait de s'attarder.

Ils parvinrent à éviter les forces ennemies sans grand effort une fois entrés au Pays des Crocs. Hoshihi et Kurokumo les avaient quittés – ils n'avaient rien de discret du fait de leur stature – mais Hai restait avec eux et effaçait leurs traces quand nécessaire. D'après son mentor, elle était prête pour sa cérémonie de guerrière. Il n'avait pas offert à Hitomi d'y assister – c'était trop intime, une chose qui ne pouvait appartenir qu'aux chats ninjas, que leurs invocateurs devaient laisser tranquille. Sous le couvert des illusions de la jeune chatte, ils voyagèrent sans encombre et c'était tout ce qui comptait.

— J'aurais aimé que Tsunade-sama nous donne un plan de ce foutu manoir, grommela Shikamaru contre son oreille.

La nuit était tombée depuis deux heures, et ils observaient les lieux avec une attention accrue. Le parchemin serait vendu à Kabuto dans deux jours à peine. Hitomi détestait avoir droit à si peu de temps pour préparer une stratégie et récolter des informations. Ils ne pouvaient pas se contenter d'enlever l'un des shinobi de la garde. Sa disparition serait sans doute remarquée. Non, ils ne pouvaient pas se permettre d'éveiller le moindre soupçon.

— Laisse-moi une nuit à traquer toutes les signatures de chakra que je peux sentir à l'intérieur et on aura une bonne idée de la configuration des lieux. De toute façon, le parchemin doit se trouver dans un bureau ou quelque chose comme ça...

Elle ferma les yeux sans attendre de réponse, éveillant ses sens avec l'aisance de l'habitude. Shikamaru la laissa faire, étouffant même son chakra pour que sa proximité ne lui soit pas douloureuse. Elle ne s'interrompit pas quand il lui mit une ration de survie dans les mains, se contentant de mâcher et d'avaler sans quitter le manoir du regard. Hai montait la garde dans leur dos. Son invocatrice sentirait approcher la moindre menace, mais on ne pouvait souffrir d'un excès de prudence en pleine mission, pas vrai ?

— Tu as tout ce qu'il te faut ? demanda-t-elle alors que le soleil se levait.

Elle venait de poser le point final sur le plan sommaire qu'elle avait passé la nuit à dessiner tout en traquant les mouvements des habitants du manoir. Shikamaru examina son œuvre et pointa du doigt l'endroit qu'elle avait hachuré.

— Qu'est-ce qu'il y a ici par rapport au reste ?

— Un vide parfait. Le genre qui n'existe pas naturellement, parce que le chakra naturel existe partout... Sauf là où il est dissimulé par un sceau de suppression de chakra, par exemple.

Les traits de Shikamaru se tendirent. Il avait l'air résigné, déterminé... Et quelque chose qu'elle ne parvenait pas à réellement identifier mais qui résonnait profondément en elle.

— Je te parie la solde de cette mission qu'on trouvera le parchemin là-bas.

— Je ne prends pas un pari que je suis certaine de perdre, marmonna la jeune femme. On s'y met ?

Shikamaru s'agenouilla à côté d'elle et joignit les mains dans l'espèce de mudra qu'il utilisait pour se concentrer, les doigts formant un cercle bien délimité. Oui, ils se mettaient au travail.

Continua llegint

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