La Gardienne des Légendes ✷ T...

By NeoQueenSerenity28

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Elle n'est pas comme les autres. À la différence de toutes les créatures vivantes sur sa planète, Seira n'a p... More

☾ Avant-propos...
PROLOGUE
CHAPITRE 1 - Illusion
CHAPITRE 2 - Vérité
CHAPITRE 3 - L'Honorus
CHAPITRE 4 - Xemehys
CHAPITRE 5 - Renaissance
CHAPITRE 6 - Rapidiorem
CHAPITRE 7 - Pratique désastreuse
CHAPITRE 8 - Soleil Nocturne
CHAPITRE 9, PARTIE 1 - La Seizième
CHAPITRE 9, PARTIE 2 - La Seizième
CHAPITRE 10 - Reprendre où tout s'est arrêté
CHAPITRE 11 - Survivre
CHAPITRE 12 - Armés de patience
CHAPITRE 13 - L'Heure de vérité
CHAPITRE 14 - Face à face
CHAPITRE 15 - Si tu savais
CHAPITRE 16 - Rester dans l'ombre
CHAPITRE 17 - Le temps n'est pas à perdre
CHAPITRE 18 - Maintenant ou jamais
CHAPITRE 19, PARTIE 1 - La vérité dans le mensonge
CHAPITRE 19, PARTIE 2 - La vérité dans le mensonge
CHAPITRE 20 - Le vrai courage
CHAPITRE 21 - Vivre ou mourir ?
CHAPITRE 22 - Lueur d'espoir
CHAPITRE 23 - La souffrance d'aimer
CHAPITRE 24 - Le Guerrier de l'Aube
CHAPITRE 25 - Délivrance
CHAPITRE 26 - Amiliation
CHAPITRE 27 - Solaris
CHAPITRE 28 - L'Eclipse
CHAPITRE 29 - Réminiscence
CHAPITRE 30, PARTIE 1 - Ad vitam æternam
CHAPITRE 30, PARTIE 2 - Ad vitam æternam
CHAPITRE 31 - Octotemporas
CHAPITRE 32 - Héritage
CHAPITRE 33, PARTIE 1 - Vainqueurs et vaincus
Remerciements
À quand la suite ?

CHAPITRE 33, PARTIE 2 - Vainqueurs et vaincus

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By NeoQueenSerenity28

[NDA : Musique recommandée : 300 Violin Orchestra (Jorge Quintero) / Ride to glory (Epic Score) / Archangel (Two Steps From Hell)]

Les Meridiems prirent leur envol, armes en main, alors que les Ombres chargeaient vers eux avec une démence dans le regard qui ferait reculer le plus brave d'entre eux. Mais la haine empiétait sur le courage, s'assemblait à lui, et doublait les quantités d'adrénaline.

Elyon accourut vers moi, braquant la lame de son épée dans la clavicule de son ancien ami. En réaction et à la vitesse d'un battement de cil, celui-ci sortit une dague de sa veste et me la pointa sous la gorge. Je n'osai plus respirer, craignant qu'un simple mouvement ne taille ma gorge. Il n'oserait pas.

— Ne fais pas ça, l'avertit Elyon. Abandonne, et rejoins-nous. Il n'est pas trop tard pour te faire pardonner.

— Il est toujours trop tard, répliqua froidement Leven.

Un long moment de flottement s'installa, et j'exploitai le soudain manque de concentration de Leven pour saisir l'occasion. La lame m'éraflerait peut-être, mais il fallait tenter le coup. Je devais prendre part au combat, toutes les chances devaient être de notre côté. D'un mouvement brut et rapide, j'administrai à mon geôlier un puissant coup de coude dans le ventre qui le fit se plier en deux. Simple, mais efficace. Je profitai du relâchement de son étreinte pour glisser entre ses bras, et m'éloignai le plus vite possible. La dague ne m'avait qu'effleurée ; je sentis une minuscule goutte de sang se créer au bord de l'égratignure.

Elyon me prit dans ses bras, me serrant de toutes ses forces. Un moment d'intimité au milieu d'une telle bataille, c'était insensé ; et pourtant, à la chaleur que dégageaient nos deux marques respectives, je sus que c'était nécessaire. Avant de se détacher, ses lèvres se plaquèrent avec force sur les miennes.

— Tu n'es pas blessée ?

— Non, il n'a pas eu le temps de vraiment me toucher, le rassurai-je.

Il se passa une main dans ses cheveux de jais, les ébouriffant au passage. Je vis sa mâchoire se contracter, et je sus que ça allait être ma fête :

— Mais qu'est-ce qui t'est passé par la tête ?! J'ai cru devenir fou quand on a découvert que tu avais disparu !

Il m'en voulait beaucoup, et ce constat me serra le cœur. Tu t'y attendais. J'ouvris la bouche pour répondre que je ne souhaitais pas qu'il leur arrive quelque chose, que je n'avais pas le temps de les attendre, mais rien ne sortit.

Ses iris bleus s'intéressèrent alors à la goutte de sang dans ma gorge, et il l'essuya de son pouce. La souffrance passa dans ses yeux. Je le rassurai d'un faible sourire, ma paume embrassant la courbe de sa joue.

Une immense boule de feu manqua de nous brûler vifs. Notre bulle éclata d'un coup, et notre côté guerrier fit instantanément surface. Le Profundeanus se mit à scintiller dans mon poing, vibrant presque, comme s'il savait que c'était son moment. Je n'eus à peine à le penser que ma main avait déjà positionné ma première flèche. Elyon, lui, avait fait apparaître son arme à son épaule — une épée qui paraissait très lourde — ses mains trop occupées à accueillir le projectile de magie qu'il s'apprêtait à infliger à son futur ennemi. Une aura étrange l'enveloppait également, et je devinai que se devait être une aura d'Antimagie particulièrement puissante : quiconque s'approcherait de trop près se verrait privé de ses pouvoirs pendant quelques minutes...

Je me concentrai sur ma première cible, tandis qu'une voix de serpent ne cessait de tourner en boucle dans ma tête : « Si tu tues, tu deviens une meurtrière. » Oui, mais si je ne le fais pas, c'est l'autre qui me tuera.

La flèche partit se loger dans la poitrine d'un félon, qui s'écroula presque immédiatement au sol.

***

Point de vue de Xerys

Leven se tenait le ventre, à l'autre bout du temple, une grimace de douleur profondément ancrée sur son visage. Seira et Elyon s'enlaçaient juste à côté, mon ami prononçant des mots que je ne parvins à déchiffrer.

Mon corps mourrait d'envie d'aller rejoindre celui que j'avais aimé si fort ces dernières semaines, désirant ardemment retrouver son contact. Mais mon cerveau savait ce qu'il avait fait, même si mon cœur refusait encore de l'admettre. Une seule question me brûlait les lèvres : ce n'était pas la raison de sa trahison, comment il avait pu me faire ça, mais bien : « M'as-tu réellement aimée ? ». Tous ses regards, tous ses sourires, toutes ses paroles... Ils ne pouvaient qu'être vrais ! Ils le paraissaient tellement !

Subitement, il releva la tête, comme s'il avait senti mes yeux peser sur lui. Ses prunelles noisette m'atteignirent en plein cœur, avec la même force que durant cette période où il prétendait m'aimer. Il me détaillait de la même manière. Qu'il arrête cette comédie, pensai-je, la rancune me compressant la poitrine.

Je détournai le regard. Je ne pouvais rien faire. On se battait dans deux camps ennemis. S'il y avait bien eu quoique ce soit entre nous, sa trahison y avait mis de toute façon fin.

L'Arcesso, le sceptre de ma mère et maintenant le mien, se matérialisa dans mon poing. La gemme à son extrémité brillait, et je sus que je n'aurais qu'à me laisser porter par lui : il savait déjà quoi faire.

Mes ailes, plus éblouissantes qu'elles ne l'avaient jamais été, étaient traversées d'une force nouvelle. Il ne suffit que d'un battement pour qu'elles me projettent haut dans le ciel, où je pus avoir une vision d'ensemble du terrain : la rosace gravée au sol était presque entièrement conquise par la lumière, qui suivait lentement sa progression. Archaos restait au centre, protégé derrière un bouclier de magie noire, qui apparaissait plus que solide. Les soldats meridiems étaient déjà bien trop débordés au niveau des félons et des Ombres pour s'intéresser à lui.

Je cherchai mes amis du regard. Elyon s'attaquait à plusieurs Ombres en même temps, apportant son aide aux forces aériennes. Lenora usait de son pouvoir de destruction pour pulvériser les armes des félons, et en incendiait un de temps en temps ; comme mon ami d'enfance, elle paraissait dépassée. Pour le moment, elle tenait le coup, mais nous avions tout intérêt à faire en sorte que cet affrontement se termine le plus tôt possible. Quant à Seira, la jeune fille tentait d'atteindre Archaos, transperçant d'une flèche les hommes qui se mettaient en travers de son chemin. Elle aussi avait de la difficulté à suivre, et je lisais dans ses yeux que tuer lui faisait mal.

J'inspirai profondément, et m'élançai dans la bataille. L'Arcesso produisait de puissants projectiles, qui atteignaient presque à chaque fois leurs cibles. Je ne trouvais pas le temps de créer des champs de forces, et je redoutai le moment où je le regretterai. Tout allait trop vite, tout était trop fort, on agissait telles des bêtes sauvages conditionnées à tuer. Celui que l'on regarderait en temps normal comme un simple être humain n'était maintenant rien d'autre que le mal absolu, l'ennemi qu'il fallait à tout prix éradiquer. Chacun de nous, qu'il soit dans un camp ou dans un autre, était prisonnier d'une force animale qui le poussait à courir, à sauter, se baisser, se relever, à viser, puis à frapper. Et la boucle recommençait, sans laisser place à aucune étape intermédiaire. Il y avait également un vacarme épouvantable : le bruit tintant des épées qui s'entrechoquaient, le fracas d'un homme qui s'écroulait au sol, la déflagration d'un pouvoir qui atteignait un soldat en pleine poitrine ; les hurlements des blessés, les râles des mourants, les cris de guerre, les vociférations des plus agitateurs guidant les autres... À en donner le tournis.

Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine, je respirais à une vitesse totalement anormale, déjà essoufflée. Ma conscience était en proie à un combat intérieur entre la peur d'y rester, le désir de s'enfuir le plus loin possible, et l'envie terrifiante de tuer pour anéantir l'Ennemi. Je n'étais plus moi-même, accomplissant des choses dont je ne me serais même pas cru capable, découvrant un côté sombre dans ma personne que je ne m'imaginais pas. La haine s'était comme emparée de moi : mon père, ma mère, Meryl étaient morts à cause de cet homme et de ceux qui le suivaient ! Je frappai sans me soucier du fait que ma victime pouvait avoir une famille, qu'elle souffrait ou qu'elle avait souffert, qu'elle ne se rendait peut-être pas compte de ce qu'elle faisait... J'avais dépassé le stade où je me battais pour survivre. Non, j'étais à celui où je devais blesser pour me sentir mieux. Et cette prise de conscience m'effraya soudain bien plus que l'idée de mourir.

Quand je relevai la tête, détendant les muscles de mon cou et de mes bras, je réalisai que le soleil était maintenant bien haut dans le ciel. Le temps s'était écoulé à une vitesse hallucinante, comme éjecté de l'équation ; nos cerveaux ne le prenaient même plus en compte, se concentrant désormais plus que sur l'immédiat et les gestes qu'il fallait déployer.

Je soupirai, mes ailes faiblissant peu à peu. La quantité d'énergie que nous dépensions comparée aux résultats obtenus n'étaient pas bons. Plusieurs félons étaient à terre, mais bon nombre de nos soldats l'étaient aussi. La fatigue pointait le bout de son nez, et l'envie d'abandonner se faisait de plus en plus tentante. Sauf que l'on ne pouvait pas se le permettre : un seul signe de vulnérabilité et c'était la mort assurée.

Mes yeux, plus vifs du fait de l'adrénaline parcourant chaque parcelle de mon être, rencontrèrent un visage qui était loin de m'être étranger ; mieux, que je connaissais par cœur, que j'avais embrassé maintes fois : une peau mate, de beaux cheveux blonds, d'intenses iris chocolat... Leven. Même si le soulagement fut grand de le voir encore en vie, cela ne m'étonna pas plus que cela. Il était bon guerrier, je le savais. Mon cœur s'emballa, et je me surpris à avoir envie de sourire. Idiote, tu n'as pas compris ? Il t'a menti. Il t'a trahie.

J'allai me détourner, retournant me battre, quand je vis quelque chose qui me fit m'immobiliser net. C'était un elfe, le visage maculé de terre et de sang et traversé d'une grande plaie encore toute fraîche. Dans son regard, on y décelait une folie meurtrière, qui le rendait plus dangereux que bien de ses congénères. Ce qu'il avait vécu ces dernières heures paraissait lui avoir fait perdre la raison. Sa main encore valide serrait un poignard, et il semblait déterminé à le voir dans la poitrine de Leven.

Je paniquais quand il se mit à s'élancer vers lui, alors que mon ancien petit-ami était trop pris dans son combat pour se rendre compte de la menace qui approchait derrière son dos. L'assassin se reprochait vite, la distance entre eux s'amenuisait drastiquement de seconde en seconde... mais Leven ne réagissait toujours pas. Mon sang ne fit qu'un tour, et je plongeais jusqu'à lui. Tel un automate, je ramenai mes ailes contre mes côtes pour gagner en rapidité. Le tout ne dura qu'une ou deux secondes, trop peu pour tenter de déployer une quelconque défense. Le sang pulsait dans mes tempes, mes yeux étaient agrandis par l'horreur. Il ne devait pas mourir. Je ne pouvais pas laisser faire une telle chose. Il m'avait trahie, mais quoi que l'on dise, je l'avais aimé. Il m'avait appris ce qu'était l'amour, le plus beau cadeau qui soit, et pour cela, je me sentais redevable. Qu'importe si les sentiments avaient été partagés ou non.

Je parvins à lui bien une nanoseconde après que le Meridiem ait lancé son poignard. Je vis arriver l'objet, valsant dans les airs, comme si le temps s'était arrêté. Je m'attendis à ce que ma vie défila devant mes yeux, lors de cet instant-là. À la place, les visages de ceux que j'aimais le plus vinrent à ma mémoire : Saphir, Maman, Seira, Lenora... et Leven. Les traits de celui que j'avais aimé furent les derniers à apparaître, et ceux qui restèrent jusqu'à la fin ; il était le garçon pour lequel je me sacrifiais en ce moment précis, celui pour lequel malgré tout, j'étais tombée amoureuse.

L'arme m'atteint en plein cœur, ne me donnant même pas l'occasion de pousser un cri, de prononcer un dernier mot.

***

Point de vue de Seira

Je n'allais pas tarder à être à court de flèches. En fait, il m'en restait une. Et je n'avais pas le temps d'aller chercher les autres dans le corps de leur victime, parce que les adversaires ne cessaient d'affluer, se succédant comme s'ils se démultipliaient à l'infini. Mais bon sang, combien sont-ils ? Heureusement, bien que cela ne semblait pas être le cas, la balance était en train de basculer, et du bon côté cette fois. Elyon, aidé d'Halcyon et de quelques Meridiems, avait réussi à nous débarrasser d'un bon nombre d'Ombres ; au sol, Xerys et Lenora avaient fait un travail de titan, qui avait fini par porter ses fruits. Il y avait maintenant autant de corps ennemis qu'amis au sol, et quelques heures plus tôt, c'était loin d'être gagné.

La dernière flèche ne tarda pas à disparaître, me laissant désarmée. Un élan de panique me traversa toute entière, même si l'unique solution qui s'offrait à moi clignotait en gros dans ma tête : mon pouvoir. Que je me sentisse prête ou non à m'en servir, je n'avais plus le choix. Maintenant qu'on commençait enfin à considérer une victoire, il n'était pas temps de faiblir.

Je cherchai Archaos des yeux. Celui-ci était encore positionné au centre, protégé par ce bouclier apparemment indestructible. Il m'observait, et ce peut-être depuis un petit moment déjà. Sa tête s'inclina ensuite vers le sol, et instinctivement, je le suivis du regard ; la magie de la clé avait à présent imprégné tout le cercle et chacun des symboles, il ne manquait plus maintenant qu'à passer à l'étape supérieure. Mon cœur bondit dans ma poitrine. Il tendit la main vers moi, et instantanément, le monde se fit flou. Je ne pensai plus par moi-même : mon unique but dorénavant était de le rejoindre. Il te manipule, ne... Trop tard, je me mis déjà et marcher vers lui. Dès que je tentai de résister à son contrôle, une vive douleur m'emplissait le crâne, me donnant l'impression que cela me détruisait le cerveau de l'intérieur. Je serrai les dents, jusqu'à m'en faire mal, essayant de camper mes pieds dans le sol pour ne pas bouger. En vain... Jusqu'à ce qu'une voix parvienne à mes oreilles. Je reconnus le timbre grave, mais doux de Lenora. Elle m'appelait de loin, criant mon prénom. On percevait des sanglots dans ses paroles. Pourquoi pleurait-elle ? Je la cherchai du regard, continuant toujours de lutter contre l'ordre mental imposé par Archaos. Je finis par la trouver, près de l'une des colonnes. Elle était debout, à côté, juste devant un corps. Ses yeux étaient emplis de larmes, qui dégoulinaient sans s'arrêter sur ses joues. Une main sur sa bouche, elle se retenait de hurler sa douleur. Est-elle blessée ? Non, elle ne réagirait pas de cette manière, et ce n'était pas ce que mon instinct me disait. C'était plus grave.

Et c'est là que je la sentis. Cette rupture. Cette déchirure, cette plaie béante, comme si on m'avait arraché une partie de moi. La douleur fut telle que la chaîne qui m'emprisonnait à mon oncle se rompit d'un coup, et je tombai au sol, sonnée. Les larmes jaillirent d'elles-mêmes, et je me forçai à me relever pour gagner mon amie. Jamais encore je n'avais eu autant peur.

Quand je m'approchai, je remarquai que Leven se trouvait là, lui aussi. Penché au-dessus de ce corps que je n'avais qu'aperçu de loin. Il pleurait, mais sa souffrance était différente de la nôtre ; elle était pleine de regrets, de culpabilité, d'un amour infini.

Je fus bientôt assez proche pour voir distinctement le corps, même avec les larmes qui me brouillaient la vue. Transpercé d'un poignard en pleine poitrine, il avait de longs cheveux blonds, ces cheveux blonds que j'avais toujours trouvé magnifiques et que j'avais pu admirer tant de fois ce dernier mois. C'était une évidence maintenant, je ne pouvais plus me leurrer. Je savais à qui appartenait ce corps sans vie. Mais ma tête rejeta l'information, comme si c'était une chose aussi impossible que l'inexistence de la magie. Il faut qu'elle se réveille. Je tombai à genoux, et, les mains tremblantes, j'examinai le large rond rouge qui recouvrait toute sa poitrine. Mes paumes furent bientôt pleines de sang. Il est trop tard, me chuchota ma conscience. Mais je ne voulais pas l'écouter. Pas elle, pas celle qui méritait le plus de vivre !

— Xerys... non, non, revient ! croassai-je, les sanglots noyant ma voix, m'étranglant la gorge. Xerys, je t'en supplie... pas toi... ne m'abandonne pas !

Je sentis une main se poser entre mes deux omoplates, puis deux bras frêles m'entourer les épaules. Les longs cheveux cuivrés de Lenora me tombèrent sur le visage, et je me ruai dans son cou, laissant échapper toutes les larmes qui menaçaient de me noyer. Je pouvais sentir son corps tressauter aussi, ses larmes s'échouer sur le haut de mon dos. Lenora m'étreignait de toutes ses forces, à m'en faire mal. Mais je ne dis rien, car j'avais l'impression que cette douleur physique pouvait m'aider à oublier cette autre souffrance, immense, qui me serrait le cœur.

— Elle m'a sauvé la vie... murmura Leven, le chagrin parfaitement perceptible dans chacun de ses mots. Elle s'est jetée devant moi... elle l'a pris à ma place...

Il tenait le poignard dans sa main, louchant dessus, comme s'il peinait à réaliser que le sang qui le maculait n'était pas le sien. Son bras droit passé sous les aisselles de ma Xemehys, il avait calé le visage de Xerys dans son cou, comme si elle s'était endormie dans leur étreinte. L'expression de la jeune Messagère était sereine, sereine malgré l'atrocité qu'elle venait de vivre.

J'eus envie de l'étrangler, de planter le poignard à l'endroit où il devait normalement se trouver. Ce devait être lui ! Lui qui devait mourir, pas elle ! Ma rage était immense, me consommait de l'intérieur. Et pourtant, je ne fis rien. Parce que le supplice, la torture que cette mort provoquait en lui, étaient meilleures punitions.

— Xerys... Xerys, gémit-il. Xerys, je t'aime... Je n'ai jamais cessé de t'aimer... Oh, pardonne-moi...

Aimer.

Xerys l'aimait. Elle a continué de l'aimer malgré tout, si fort qu'elle lui a sacrifié sa vie. Elle est morte à sa place dans cette guerre, déclenchée par Archaos. La deuxième après celle qui a également tué mes parents. Archaos.

La fureur explosa en moi. Raide comme un piquet, je me détachai des bras de Lenora. Celle-ci me jaugea d'un air incompréhensif, interrogateur, mais je ne répondis pas à sa question muette. Je me mis à marcher vers mon oncle, le regard noir, avec une seule aspiration : en finir. Je me sentais tellement gonflée de puissance, que mes mains s'enflammèrent d'elles-mêmes. Je ne pouvais plus retenir cette magie qui s'accumulait à l'intérieur de moi depuis trop longtemps. Mon oncle dû voir toute la haine qui embrasait mes prunelles, car il recula, renforçant son bouclier. Dans les airs, je vis Elyon s'immobiliser, et me suivre du regard. Il ne semblait pas encore au courant du drame qui s'était déroulé en bas, ce drame à l'origine de ma colère profonde. Protège-toi, lui fis-je comprendre, d'un coup d'oeil. Il parut saisir mes paroles, et à peine s'était-il abrité derrière une colonne, que tout implosa.

Pour la première fois, je ne cherchai pas à endiguer mon pouvoir. Je le laissai s'échapper entre mes doigts, à sa guise. Je le laissai parler, chanter, détruire... J'étais invincible, mesurant pleinement l'étendue de ma magie. Je n'étais plus qu'une nova, rayonnant de toutes parts. Le sol se mit à trembler sous mes pieds, et je le perçus s'élever, émerger de la mer. Mais j'étais trop absorbée par mon pouvoir que je n'en fis rien, continuant d'avancer vers l'homme que j'avais le plus envie de tuer. Mon oncle me redoutait, je le sentais. C'était à mon tour de jubiler, désormais. La sphère magique qui se créa entre mes deux mains était effrayante, chargée à bloc. Ceux qui se trouvaient encore à proximité de moi s'enfuirent presque en courant. Mais qu'ils se rassurent, ce n'était pas eux que je visais. Juste lui.

La sphère était maintenant entourée de multiples cercles, et grandissait de plus en plus. La mer s'agitait autour de nous, réagissait à ma fureur et à mon chagrin intérieurs. Le vent bousculait tout sur son passage, manquait de me renverser. Les nuages s'étaient regroupés au-dessus de nos têtes, tournoyant autour du temple qui ne cessait de monter plus haut dans le ciel. La foudre trancha le ciel, le tonnerre gronda. La pluie se mit à tomber avec violence.

Les éléments semblaient s'être accordés sur mon état intérieur, se déchaînant avec fougue.

Au moment où je m'apprêtai à laisser s'échapper la boule de puissance qui crépitait entre mes deux paumes, un doute immense me prit. Qu'est-ce que tu es en train de devenir ? Toute cette haine, ce n'était pas moi. Cependant, il ne suffit que d'un regard vers mon oncle, que d'une pensée vers mon père, ma mère, Meryl, et maintenant Xerys, pour que la magie file de mes mains. Presque instantanément, une énorme détonation résonna dans mes oreilles, manquant de déchirer mes tympans. Une déflagration me fit m'envoler dans les airs, et durement retomber sur le sol recouvert de débris. Mon souffle fut violemment coupé lorsque mon dos percuta avec force l'armure d'un guerrier étendu sans vie au sol.

À mon grand étonnement, le choc ne me fit pas perdre connaissance. J'étais juste profondément sonnée, assez pour ne pas voir venir Elyon. Celui-ci se précipita à mes côtés, m'examinant de partout à la recherche d'une éventuelle blessure. Ma première pensée en le voyant fut : « je ne l'ai pas tué ».

— Seira, Seira je t'en prie, dis-moi que tu vas bien.

Je hochai machinalement la tête, les yeux perdus dans le vide. Non, à part un gros bleu aux côtes et de légères éraflures au niveau des jambes, des mains, des bras et des ailes, cela allait. Ça aurait pu être bien pire.

— Il... il est vivant ?

Un brouillard monstre me bouchait la vue, et je devinai aux morceaux de pierre qui avaient atterris jusqu'à moi que j'avais bien endommagé le bâtiment.

— Je ne sais pas. Mais à voir les dégâts, il doit être sacrément amoché. En tous cas, tu nous as débarrassés des Ombres, et mes hommes se chargent des derniers félons. C'est fini, Seira.

Pas tout à fait, avais-je envie de répliquer. Tant que je n'apercevrais pas la poitrine immobile d'Archaos de mes yeux, je n'y croirais pas. Cependant, je ne dis rien et me contentai d'un hochement de tête.

J'entendais Lenora m'appeler de loin, accourant vers nous. Sa voix était encore brisée par la tristesse.

— Seira ! Seira, tu es blessée ?!

Je voulus répondre, mais ma gorge était comme enserrée d'une corde invisible. Elyon répliqua à ma place :

— Non, elle va bien ! (puis, découvrant les traînées de larmes sur les joues de la jeune princesse) Lenora ? Qu'est-ce que...

— Xerys est morte.

Je ne compris pas tout de suite que c'était moi qui avais asséné une telle atrocité, sans aucune délicatesse. Ce n'était pas juste pour Elyon ; il avait connu Xerys petite. Il aurait dû l'apprendre d'une manière plus douce. À moins qu'on ne compare cette méthode à l'enlèvement d'un pansement : rapide, sans faux détours inutiles.

Mon âme sœur ouvrit de grands yeux, se demandant certainement si j'étais sérieuse. Il y eut un long moment de silence, où il me dévisagea dans l'attente où je lui avouerais sûrement que c'était une blague, certes de très mauvais goûts. Mais ce n'en était pas une, même si je ferais n'importe quoi pour que cela puisse l'être. La vérité n'avait jamais fait aussi mal qu'aujourd'hui. Puis, il sembla comprendre :

— Qu... quoi ?

Sa voix était rêche, on sentait qu'il avait peiné à exprimer ces deux syllabes. Ses yeux bleus s'étaient soudain faits ternes, plus brillants. J'eus envie de sauter dans ses bras, de le conforter, qu'il le fasse à son tour... mais mon corps était cloué au sol. Il dut deviner mon besoin profond, car il s'agenouilla et me prit dans ses bras, me serrant contre son torse chaud et musclé. Il tremblait un peu, lui aussi.

— C'est à cause de cela que tu as agi de la sorte...

Sa réplique sonna davantage comme une affirmation que comme une question, alors je ne répondis pas. On resta ainsi une longue minute, mais sachant aussi bien l'un que l'autre qu'il n'était pas encore temps aux consolations, on se détacha à regret.

Lenora essuyait ses larmes derrière nous, reniflant de temps en temps, luttant pour retrouver le contrôle de ses émotions.

— Archaos est... voulut-elle demander.

— Je vais vérifier, se proposa immédiatement Elyon, déjà en route.

— Fais attention, lui dis-je en le regardant s'éloigner.

De toute évidence, il n'était pas encore prêt à voir le corps de son amie d'enfance sans vie. Et je le comprenais. À la place, il faisait comme il avait l'habitude : il s'activait, pour oublier ses sentiments.

On attendit donc patiemment son retour, prêtes à en découdre s'il s'avérait qu'Archaos était encore vivant.

« Prêtes à en découdre s'il s'avérait qu'Archaos était encore vivant. » Définitivement, le fait d'être celle qui avait tué Archaos ne posait aucun souci à ma conscience.

Je patientais, comptant presque les secondes. Je voulais voir Elyon revenir, et m'annoncer que mon oncle n'était plus. Face à ce nuage de poussière, qui n'était toujours pas retombé, je finis cependant par m'inquiéter :

— Il met beaucoup de temps, non ?

— Laisse-lui le temps de prendre son pouls, renchérit mon amie.

En effet, il finit par réapparaître, émergeant du brouillard d'un pas pressé ; ses ailes remuaient nerveusement, chassant au passage la nuée grise. Mais son visage était déformé par l'angoisse.

— Il a disparu !

— Quoi ?!

Je me redressai vivement, montée sur des ressorts. Il s'apprêta à poursuivre, quand ses yeux furent traversés par une vague de panique. Sans que je ne le voie venir, il déploya ses ailes et me voulut me plaquer au sol. Je me préparai au choc, surement rude, et ouvris la bouche pour lui demander ce qui lui prenait, tandis que quelque chose nous heurta en vol et de plein fouet. Lenora recula vivement, mais ce n'était pas elle qui avait été visée.

Je m'écroulai avec lourdeur sur le marbre bleu, pour la deuxième fois en moins d'un quart d'heure. Cette fois plus durement touchée du fait de mes blessures précédentes, je ne parvins pas à reprendre mes esprits aussi vite que je le voulus. Cependant, une énergie tirée de nulle part me fit relever la tête par réflexe, me préparant à une éventuelle récidive.

Ce que je distinguai à travers le voile qui m'obstruait la vue, je ne pensais que le voir dans le pire de mes cauchemars.

Elyon, étendu sur le sol, inconscient. Son abdomen transpercé d'une plaie béante, dégoulinant de sang. Sa poitrine immobile.

Non.

Non !

NON !

Mon cœur rata un battement. Je crus défaillir. Les larmes montèrent à mes yeux à toute vitesse. Mon ventre se tordit de douleur.

Je mis un moment avant de relever le regard, et de réaliser qu'il se trouvait aux pieds d'une tunique noire... Celle d'Archaos. Mon oncle était juste derrière Elyon, luttant pour se maintenir debout. À moitié dissimulé dans le brouillard et se tenant les côtes, il était recouvert de sang. Son masque était fendu, démontrant la puissance de la déflagration. Il avait dû avoir le temps de s'éjecter assez loin — et encore, qu'il continuait de respirer était un miracle. Dans son dos remuait un vortex de fumée noire semblable à celui par lequel il était arrivé. Je compris une seconde trop tard.

Il attrapa le bras d'Elyon et le tira vers lui, l'embarquant à sa suite dans le portail. Je les vis disparaître tous les deux, impuissante. Mon ennemi juré, et l'homme de ma vie. Volatilisés, ne laissant qu'un espace uniquement occupé par les dernières particules de poussière. 

⋅∙✶⦁☾⦁✶∙⋅ 

Oui, il y aura un tome 2. Non, il n'a pas été encore été écrit. Il faut que je digère le fait que mon premier bébé est fini, ok ?!

Bref, vraiment, je n'arrive pas à croire que j'en suis là aujourd'hui. 

J'ai mis du temps à poster cette partie. Je ne pensais pas la poster un jour, en fait. Qui l'eut cru ? Qui eut cru que je finirai ce roman ?

Je ne vais pas vous demander ce que vous avez pensé de cette fin de roman, je pense que vous vous exprimerez de vous-mêmes. Gloups, j'ai peur.

On est à deux doigts d'atteindre le demi-million, et wouah. Merci. Love y'all. ♥︎ 

Neo.

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