La Gardienne des Légendes ✷ T...

By NeoQueenSerenity28

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Elle n'est pas comme les autres. À la différence de toutes les créatures vivantes sur sa planète, Seira n'a p... More

☾ Avant-propos...
PROLOGUE
CHAPITRE 1 - Illusion
CHAPITRE 2 - Vérité
CHAPITRE 3 - L'Honorus
CHAPITRE 4 - Xemehys
CHAPITRE 5 - Renaissance
CHAPITRE 6 - Rapidiorem
CHAPITRE 7 - Pratique désastreuse
CHAPITRE 8 - Soleil Nocturne
CHAPITRE 9, PARTIE 1 - La Seizième
CHAPITRE 9, PARTIE 2 - La Seizième
CHAPITRE 10 - Reprendre où tout s'est arrêté
CHAPITRE 11 - Survivre
CHAPITRE 12 - Armés de patience
CHAPITRE 13 - L'Heure de vérité
CHAPITRE 14 - Face à face
CHAPITRE 15 - Si tu savais
CHAPITRE 16 - Rester dans l'ombre
CHAPITRE 17 - Le temps n'est pas à perdre
CHAPITRE 18 - Maintenant ou jamais
CHAPITRE 19, PARTIE 1 - La vérité dans le mensonge
CHAPITRE 19, PARTIE 2 - La vérité dans le mensonge
CHAPITRE 20 - Le vrai courage
CHAPITRE 21 - Vivre ou mourir ?
CHAPITRE 22 - Lueur d'espoir
CHAPITRE 23 - La souffrance d'aimer
CHAPITRE 24 - Le Guerrier de l'Aube
CHAPITRE 25 - Délivrance
CHAPITRE 27 - Solaris
CHAPITRE 28 - L'Eclipse
CHAPITRE 29 - Réminiscence
CHAPITRE 30, PARTIE 1 - Ad vitam æternam
CHAPITRE 30, PARTIE 2 - Ad vitam æternam
CHAPITRE 31 - Octotemporas
CHAPITRE 32 - Héritage
CHAPITRE 33, PARTIE 1 - Vainqueurs et vaincus
CHAPITRE 33, PARTIE 2 - Vainqueurs et vaincus
Remerciements
À quand la suite ?

CHAPITRE 26 - Amiliation

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By NeoQueenSerenity28

Il y avait eu un long moment de flottement ; tout sonnait étouffé, rien ne me parvenait de façon claire. Garder mes yeux ouverts devenait un réel combat. Puis, fulgurante, inattendue, la douleur monta en flèche. Elle était plus meurtrière et cruelle que jamais ; j'avais la véritable sensation de me faire brûler vive. Elle se mouvait à l'intérieur de moi, partant des extrémités de mon corps — les orteils, les doigts — pour se déplacer à une vitesse alarmante vers ma poitrine. La panique naquit en moi, suivie de cette sensation d'impuissance insoutenable. Elle se dirigeait vers mon cœur ! La Légende de Vie m'avait intimé de ne pas avoir peur, elle me protégeait. Mais, allais-je être capable de résister à une telle concentration de venin à un endroit si fragile et essentiel à ma survie ?

Cela devint un véritable supplice ; on m'enfonçait un poignard chauffé à blanc dans la poitrine, je ne le voyais pas autrement. Ou... ou alors, on l'en retirait ? Je sentis quelque chose d'opaque s'extirper de mon torse, avec insistance. Je voulus hurler, mais pas un bruit ne s'échappa de ma bouche. Puis, plus rien. Les flammes s'éteignirent d'un seul coup, le poignard n'existait plus. Je ne souffrais plus. Je pris soudain conscience du sang qui coulait librement dans mes veines, de mes muscles qui reprenaient vie. Je peinais à y croire. J'étais... j'étais guérie.

Quelque chose effleura ma joue, tendrement. Une vague de sensation passa au travers de tout mon être, et mes paupières en frémirent. Et, cette fois, lorsque je voulus ouvrir les yeux, je le fis sans rencontrer aucune résistance, sans ressentir une quelconque souffrance. Ma vision se posa immédiatement sur deux visages, encore légèrement floue ; mais elle s'adapta très vite et je distinguai les fins traits de Xerys et le teint mat de Lenora. Un large sourire étirait leurs deux lèvres et un scintillement joyeux emplit leur pupille quand elles me virent me réveiller.

Je tentais de me redresser, prenant appui sur mes coudes. Par habitude, mon corps se prépara à encaisser la douleur qui allait tirailler mes muscles, mais il ne se passa rien et je me retrouvai assise sans un effort. Mon cœur bondit de joie ; Lenora, qui s'était disposée à me soutenir par le bras, retira sa main et un rictus ravi se dessina au creux de ses lèvres.

— Comment tu te sens ? s'enquit la jeune Princesse.

— Étrangement et agréablement bien. Je n'ai plus mal du tout !

Xerys me prit dans ses bras, me serrant aussi fort qu'elle le put. Je répondis à son étreinte avec plaisir, appréciant cette odeur de pin qui avait fini par embaumer ses cheveux.

— Je rêve de pouvoir faire ça depuis plus d'une semaine, me confie-t-elle d'un ton facétieux.

Je souris, émue. Qu'est-ce que c'était bon de les retrouver ! De se sentir en vie, de pouvoir à nouveau ressentir les choses sans se demander si tout était dans la tête. Je mesurai alors à quel point j'avais frôlé la mort, à quel point j'étais presque devenue plus morte que vivante... Comment avais-je pu oublier à quel point vivre était extraordinaire ?

Xerys se détacha, presque à contrecœur, et les deux filles se reculèrent pour me laisser me relever complètement. Mes muscles — ceux de mes jambes en particulier — étaient tout ankylosés, même si capables de me porter. La tenue de lin grise qui me servait de vêtement était toute sale et froissée, et je l'époussetai pour espérer la rafraîchir un peu. Puis, je redressai la tête, et ma vue engloba tout l'endroit dans lequel je me situais.

Indirectement, j'avais réalisé que je devais me trouver chez les Lumières : quelques images du trajet et de la façade extérieure de la Ruche subsistaient dans ma mémoire, et les créatures étaient apparemment les seules à pouvoir me débarrasser de ce venin. Alors, même si je sursautai un peu au premier coup d'œil, impressionnée par ces colosses blancs qui me fixaient avec curiosité, je ne fus pas étonnée. Je ne pus qu'avouer à quel point les dragons étaient magnifiques, d'une beauté pure, sensible et véritable ; les Ombres l'étaient aussi quelque part, mais leur splendeur était plus agressive, plus... effrayante. Je m'attardais sur les trois créatures qui m'étaient les plus proches : deux Lumières d'un doux crème à la limite du blanc, encadrant avec supériorité le troisième dragon. Ce dernier paraissait jeune, mais pas pour autant inexpérimenté. Ses écailles étaient d'un blanc presque fluorescent, et quelques minuscules régions de sa cuirasse viraient tout doucement au beige des adultes. Sa tête était à la fois délicate et solide, une élégante collerette entourant sa large encolure. Deux fines cornes dorées commençaient à pointer, de part et d'autre de la fameuse pierre d'un jaune discret qui ressemblait à s'en méprendre à une citrine. Ses yeux en reprenaient la couleur, parfaitement assortis. De longues ailes émergeaient de son dos, faites à la fois d'écailles et de plumes, rappelant que cet animal pouvait vivre dans les airs comme dans l'eau. La lumière se posait avec perfection sur son corps, comme si celui-ci avait été fait pour la recevoir ; elle faisait apparaître le reflet or qui se baladait à sa guise sur le plumage délicat. Quel être magnifique, pensai-je immédiatement.

À peine mes yeux embrassèrent la Lumière que son regard me fit prisonnière. Ce qui eut lieu ensuite me désarçonna complètement : une chaleur mystérieuse, mais confortable, germa au creux de ma poitrine, alors que le sentiment que mon esprit se dédoublait se fit ressentir ; la copie disparut, laissant sa place à une autre conscience, totalement étrangère, qui n'était pas mienne. Les amples iris ambrés de la jeune Lumière scintillèrent, et je sentis qu'il en était de même des miens. L'idée de ce qui était en train de m'arriver me traversa, mais elle m'était trop impossible, trop désirée pour que j'ose l'espérer. Seulement voilà, je ne pus continuer à nier quand un torrent d'amour se déversa en moi, se mêlant à une joie sincère qui se confondit avec mon excitation. Des idées, des pensées, des aspirations nouvelles se frayèrent un chemin dans mon âme, se rangeant aux côtés des miennes.

Ça y est. Je l'avais trouvé.

Le rêve de toute mon enfance, un désir inexprimé, inespéré : un Amili.

La vérité, à l'allure irréelle tellement elle en était belle, me fit vaciller. Lenora, ne saisissant pas ce qui se passait à l'intérieur de moi à cet instant, crut à un vertige et tenta de me rattraper. Mais Xerys, elle, était ma Xemehys. Et par conséquent, elle savait. C'est ce qui fit qu'elle lui attrapa le poignet, alors que la jeune rousse s'apprêtait à me retenir quand je me levai pour m'approcher davantage de la Lumière.

Mon pas se fit lent, timide, chancelant. Ma main, qui désirait caresser l'imposante créature, était incertaine. Au plus profond de moi-même, je savais parfaitement qu'il ne m'arriverait rien ; si j'étais prise d'une telle anxiété, c'est parce que j'avais peur de voir le dragon disparaître sous mes yeux, et que ceci ne soit qu'un songe parmi tant d'autres. Pourtant, mes doigts rencontrèrent bien ses fines écailles, douces et dures à la fois, tièdes de la chaleur que produisait ce corps vivant. Un rire s'échappa de mes lèvres, alors que mon cœur se gonflait d'une émotion puissante et libératrice. La Lumière baissa le cou jusqu'à ce que le bout de sa mâchoire touche mon front, qu'elle effleura affectueusement. Je le compris comme la manifestation de son accord à mes caresses, et j'enserrai son encolure de mes bras nouvellement guéris. La créature se laissa tomber au sol, m'emportant à sa suite et m'enveloppant de ses immenses ailes immaculées. Je ris aux éclats, me surprenant à penser :

Je peux y arriver. Elyon n'est plus là, je vais devoir apprendre à avancer sans lui; mais je peux le faire.

Le souvenir du Meridiem aux cheveux de geai assombrit mon sourire et fit disparaître mon rire. Mon cœur se serra, ma main se mit à trembler ; quelque chose dans mon poignet se manifesta, de façon presque imperceptible. Il allait bien falloir qu'un jour, je me renseigne sur ce phénomène étrange... Je clignais des yeux, refusant de n'émettre qu'une seule larme pour lui. Cela suffisait, je devais être forte, savoir séparer la Seira trop sensible que j'étais de la Seira devenue Gardienne des Légendes. Alors j'inspirai pleinement, me délectant de cet air pur qui emplissait mes poumons, et balayai d'un battement de paupière ce nuage noir — qui ne s'en alla pas pour autant. La Lumière intensifia sa pression sur moi, marquant son soutien. Je la caressai d'une main légère, appréciant de plus en plus ce nouveau contact.

Penser à Elyon m'était douloureux, insupportable. Je me sentais trahie, abandonnée... seule. Mais si je voulais passer outre, je devais user de ce qui me blessait pour en faire ma force. Il était parti, soit. Cependant, de cette manière, ne m'avait-il pas rendu service ? Je ne devais pas mêler ma vie amoureuse à ma vie de guerrière : n'était-ce pas le meilleur moyen, nous séparer ? Et c'est là que, dans ma colère et ma rancune, douloureuses et bouillonnantes, je trouvai une nouvelle énergie. Je lui prouverai. Je prouverai à Elyon que je suis capable de me battre et de gagner sans lui, que j'e suis à même de faire ce que l'on attend de moi : débarrasser Amoris d'Archaos. Il n'a qu'à bien se tenir...

Requinquée, prête à retourner me battre, je me détachai de mon Amili. Le dragon blanc m'avait d'ailleurs fait savoir — par un moyen qui m'était encore incompréhensible — qu'il était un mâle et qu'il se nommait Halcyon. Ce mot effleura ma langue telle une caresse. Je lui fis part de mon nom en retour, lui chuchotant à l'oreille, et je fus surprise de constater à quel point ces cinq lettres le rendirent heureux. Une tendresse nouvelle me traversa alors que je me rendis compte que cette Lumière était bien plus jeune qu'elle n'en avait l'air, comme un bébé qui avait dû grandir trop vite.

Je pivotai alors vers mes deux amies, l'une me dévisageant avec fierté et l'autre avec une stupéfaction qu'elle peinait à dissimuler. Je souris, de ce sourire indéfectible, rempli d'espoir.

Xerys me le rendit, alors que la Meridiem adopta une expression plus espiègle, avec ce regard de braise dont elle seule détenait le secret.

— Qu'est-ce qu'on fait ? s'enquit ma Xemehys, s'adressant à moi comme elle l'aurait fait avant avec Elyon.

— Je propose de reprendre le plan initial, avant que tout ne devienne qu'apocalypse, intervint l'héritière, qui avait réussi à conserver tout son sarcasme.

— Aller à Danamore, complétai-je.

— On te suit, m'assura Xerys.

J'acquiesçai.

— Lenora, tu saurais nous emmener chez toi ?

L'héritière leva les yeux au ciel, presque irritée que j'aie osé poser la question.

— Même aveugle, je pourrais.

J'opinai, adoptant un air plus sérieux.

Lenora approuva, et le visage d'Elyon se fraya, pour la deuxième fois en moins de dix minutes, un chemin dans ma tête trop remplie. La joie de le revoir se fit brève, ma colère et ma tristesse reprenant aussitôt le dessus. Je sus rien qu'à voir le visage de mes amies qu'elles pensaient à la même chose que moi ; cela se confirma quand, voulant adopter un air indifférent et distrait, sûrement pour ne pas me blesser, la rousse commenta :

— Elyon sera en mission, je pense... Roseris, comparée à Tamilaris, est une petite ville...

... Et nécessite donc moins de protection. D'autant plus que les Meridiems sont un peuple de guerriers, et par conséquent sont plus à même de se défendre, songeai-je.

J'espérai réussir à cacher mon trouble, ce fouillis de sentiments qui ne cessaient de s'emmêler que davantage entre eux. Si les filles le remarquèrent, elles eurent la gentillesse de ne pas le montrer. Cela m'était déjà assez douloureux comme ça, je n'avais pas besoin que l'on me le rappelle.

— Où sont les autres ? dis-je.

— Dehors, à côté de l'ouverture par laquelle on est passés, répondit Xerys. Ils nous attendent.

— Parfait. Bon, allons-y.

Les filles acquiescèrent, et derrière moi, comme pour réagir à mes paroles, je sentis Halcyon se redresser. Un silence de plomb s'abattit dans tout l'habitacle, les nombreux dragons nichés dans leurs crevasses n'osant plus faire un bruit. Mon Amili se tourna vers ses parents, et sa gemme rayonna d'une faible lumière. Les deux adultes s'approchèrent, puis les trois créatures se frottèrent entre elles dans une étreinte emplie d'affection, la mère donnant parfois quelques coups dans l'intensité de son émotion. Je sentis ma gorge se nouer quelque peu, coupable de séparer ainsi la mère et le petit. Le roi était moins démonstratif, même si la souffrance se faisait déjà sa place dans ses pupilles. Halcyon se détacha de sa mère, et se rapprocha de moi. Il hocha la tête, comme pour me rassurer, me dire que tout allait bien. Quelque chose en moi me le fit croire sur parole ; j'avais l'impression de ressentir son état serein dans tout mon être, celui-ci débordant même sur mes propres émotions. Bien sûr, il y avait aussi quelques touches de nostalgie, de tristesse aussi ; mais c'était normal. Qu'elle soit Ombre, Lumière, Elfe ou Meridiem, une mère restait une mère et la douleur d'une séparation de s'atténuait pas d'une espèce à une autre. J'en savais quelque chose, et Xerys aussi.

***

Point de vue de Xerys

On volait au-dessus du continent de Tamilaris depuis précisément huit jours, et pourtant, c'était le chemin le plus rapide pour arriver à Danamore. Seira, la seule d'entre nous qui n'avait pas la capacité de voler, évoluait sur le dos de son Amili, Halcyon. La longueur du trajet étant redoutable et ne me sentant pas capable de transporter un tel nombre de personnes sur une aussi grande distance, il avait été décidé que je ne tenterai pas la téléportation. C'était un pouvoir que je ne devinais pas stable, et je ne voulais pas me risquer à l'utiliser dans une situation déjà assez délicate ; pas la peine d'aggraver les choses. Donc, on se relayait ; tour à tour, c'était soit Leven, moi, Lenora ou le garde Meridiem qui montait sur le dos de la Lumière, en compagnie de Seira et Saphir. Pas plus de deux — ou trois, si l'on comptait la Nocturnale — à la fois, sinon le dragon se fatiguerait bien trop vite, sans compter qu'il n'avait pas encore totalement acquis la résistance de ses semblables adultes. Et, quand sonnait l'heure de la pause, on regagnait la terre et l'on se reposait pour quelques heures.

Mon regard se reporta sur Halcyon, battant des ailes avec lenteur et agilité, gardant, malgré l'épuisement qu'il pouvait ressentir, toute sa majesté. C'était une créature aussi belle qu'elle était redoutable, et quand je m'étais rendu compte ce jour-là que mon amie s'était liée à elle, je n'y avais pas cru tout de suite. Un dragon, enfin ! Ma mère disait que notre Amili était un moyen comme un autre de définir nos pouvoirs : plus l'animal est puissant, plus le pouvoir de l'Amilié l'est aussi. Ainsi, peut-être que la Pierre de Sang n'avait pas marché sur Seira, mais Halcyon ne faisait que confirmer le fait que Seira était quelqu'un au patrimoine génétique réellement particulier. Dans mon souvenir, seule une autre personne avait eu comme Amili un dragon : Archaos. Son Ombre lui avait permis de contrôler tout le peuple des dragons noirs, largement responsables du massacre de la Grande Guerre.

— À quoi tu penses ?

Leven, volant à un mètre de moi, me prit la main et la serra avec affection. Comme à chaque fois qu'il me touchait ou que ses yeux chocolat se posaient sur moi, mon cœur fit un bond dans ma poitrine et un sourire bête se dessina sur mes lèvres. Je ne cherchais pas à le dissimuler, j'avais depuis longtemps compris que j'en étais incapable. J'étais amoureuse, c'était comme ça. Tant que Leven l'était aussi, cela m'allait ; ses yeux brillants, me vouant un amour sincère, étaient une preuve suffisante.

— Je rêvasse plus que je ne pense, répondis-je.

— Ah ?

Il fit mine de s'étonner d'un air espiègle, et je pus presque deviner ses prochains mots :

— Tu rêves sûrement de moi, alors !

Gagné.

Je ris, et plantai un doux baiser sur ses lèvres. Il y répondit, et je faillis perdre l'équilibre en vol. Heureusement, sa main se posa sur ma hanche et me redressa à temps. Un frisson me parcourut l'échine, et toute une horde de papillons s'envola à l'unisson dans mon ventre. Quelle sensation magnifique ! Même si j'aimais Seira de tout mon cœur, comme une sœur, ce n'était pas elle qui m'avait permis de faire face à la disparition de Maman. Et ce n'était pas grave, je ne lui en voulais pas le moins du monde ; elle avait été en danger de mort, peinait à se remettre du départ d'Elyon et angoissait face à toutes les responsabilités qu'elle devait assumer en tant que Gardienne des Légendes. Par conséquent, c'était plus moi qui la soutenais qu'inversement. La personne qui m'aidait à tout affronter, qui me rendait invincible, je l'avais, plus elle : celui que j'aime. Sans Leven, je crois que je n'aurais pas tenu jusqu'ici.

Le soleil qui se couchait donnait un aspect doré à ses cheveux blonds et se reflétait dans ses iris chocolat. Il était beau. Un immense bonheur grandit soudain en moi, prenant de plus en plus de place dans ma poitrine, et bientôt, il me fut impossible de le retenir :

— Je t'aime.

Ces sept lettres le rendirent immobile une fraction de seconde, une grande surprise se dessinant dans son regard, quand ses traits se détendirent. Il me prit la main et l'enserra dans la sienne, chaude des rayons du soleil qu'emprisonnait sa peau, et la baisa délicatement. Puis, il redressa la tête, une expression profonde au visage, et susurra presque sensuellement :

— Moi aussi. Moi aussi, je t'aime, Xerys.

Comment pouvais-je être heureuse à ce point ? J'eus envie de danser dans les airs, de batifoler dans les nuages teintés de cette si jolie couleur crépusculaire. Comme s'il avait lu dans mes pensées, Leven me tira encore plus haut dans le ciel, jusqu'à se trouver au-dessus de l'immense matelas de coton qui recouvrait alors le continent. Le Soleil, qui n'avait pas encore laissé sa couronne à la Lune, rayonnait de cette lumière chaude et incroyable, comme pour ne montrer que davantage sa puissance. Le paysage était merveilleux, on pourrait penser rêver... un monde à part, qui à cet instant, n'appartenait qu'à nous.

Leven, tout en continuant à avancer, me faisait tournoyer autour de lui, improvisant une petite danse. Je ris et me prêtai au jeu. Nous devinrent alors de véritables enfants, ce qu'au fond, nous devrions encore être.

Je ne sus pas combien de temps on resta ainsi, rien que lui et moi. Peut-être rien que quelques minutes, ou une heure. Je n'en avais aucune idée... Mais on dut retourner auprès de Seira, Lenora et du garde — prénommé Leander ; il était temps de le savoir — car il était l'heure de se poser à terre pour manger et se reposer. Le Soleil n'était plus qu'un fin trait lumineux sur l'horizon, la Lune s'imposant avec sa lueur argentée dans le rideau sombre de la nuit.

Seira, transportant derrière elle Leander et Saphir, dissimula un sourire malicieux quand elle nous vit revenir d'en-haut, main dans la main. Je rougis, laissant mes cheveux blonds recouvrir mon visage cuisant.

On décida de se poser dans une des nombreuses grottes du massif rocheux — communément appelé le Rempart — que nous survolions actuellement. Il n'y avait normalement pas de créatures trop dangereuses dans cette zone-ci, et Halcyon s'occuperait du reste. Sans compter que, grâce à mon instinct de Xemehys, je pouvais sentir en avance toute menace, tout comme Leven avec son pouvoir de détection.

C'était sombre et humide, avec une odeur de renfermé bien présente, mais cela ferait l'affaire et nous avions déjà été dans un endroit bien pire. De plus, il commençait à pleuvoir, d'où l'atmosphère lourde, et un toit n'était donc pas de refus. Seira descendit de son dragon avec apathie, lasse de n'être que tout le temps en mouvement, de ne jamais pouvoir se reposer et relâcher la pression. Elle se dirigea vers la sortie de la grotte, faisant apparaître à son épaule le Profondeanus, l'arc de sa mère.

— Je vais chercher du bois. J'ai vu quelques arbres morts, ils doivent être secs et ce ne sera que plus efficace pour le feu. Il faut en profiter avant que les premières gouttes ne commencent à tomber.

— J'y vais, dit Lenora. Dort un peu, tu as une mine affreuse ! (Elle se tourna vers Leander, qui se redressa devant sa future souveraine.) Tu m'accompagnes.

Seira murmura un « merci » à la fois reconnaissant et sarcastique, et alla s'allonger contre le flanc de son Amili, qui ronflait déjà. Elle ne volait pas, ne fournissait aucun effort physique, et pourtant elle était sans aucun doute la plus épuisée de nous tous. La raison était bien simple : elle était traumatisée par l'avenir. Si les premiers jours, elle avait paru pouvoir affronter n'importe quoi, plus motivée que jamais, cela s'était fortement dégradé au fil des jours. Je soupçonnais Elyon de ne pas y être étranger... D'ailleurs, moi aussi, j'étais de plus en plus en colère contre lui. On avait besoin de lui ! Il était notre ami, il devrait être là pour nous soutenir.

Ne peut-on pas se passer de lui, pour une fois?

Je réalisai à quel point ma phrase était égoïste. Non, peut-être qu'une famille en danger nécessitait plus sa présence que nous, en ce moment même. Peut-être que quelque part, une petite fille de huit ans serait morte sans lui.

On va devoir serrer les dents, soupirai-je.

Je repensai alors à ces images tout droit sorties d'un cauchemar, cette vision d'horreur que nous avions subie à seulement un kilomètre d'Amaurëa : des villages brûlés jusqu'à la dernière poutre, à perte de vue. Il n'y avait plus rien, plus une vie aux alentours. C'était désert, un véritable paysage de mort. Et encore, à la vue des premiers squelettes à moitié dissimulés sous la cendre, on avait gagné en altitude pour ne plus avoir à les regarder. Je crois que nous avons bien mis deux jours à nous en remettre ; Torryn nous avait prévenus, pourtant. Mais bon, les mots ne valent pas les images, surtout lorsqu'elles se confrontent à nos yeux avec cette même violence. D'après moi, c'est là que Seira a véritablement réalisé ce qui l'attendait, l'importance de sa mission de Gardienne.

Tout cela pour dire que mon amie ne dormait plus. Quelques nuits, je l'avais entendue se lever et se mettre à tirer quelques flèches, quelquefois en retenant un ou deux sanglots, qui ne m'avaient malheureusement pas échappé. La voir ainsi me pinçait le cœur. Elle se refermait peu à peu sur elle-même, parfois ne disant plus un mot pendant une journée entière. Lenora et moi étions totalement désarmées, ne sachant pas quoi faire. En fait, on ne pouvait rien faire. Juste la soutenir comme on le pouvait, en encore, cela ne semblait pas suffire du tout. Même Halcyon paraissait impuissant ; c'était comme si elle était prisonnière d'un mal qui nous dépassait, un mal différent qui aurait simplement remplacé l'autre. Elle ne cessait de se toucher le poignet, ses yeux émeraude perdus dans le vide.

Observant mon amie s'endormir, je sursautai quand Saphir vint se blottir contre moi, en quête d'affection. La pauvre chipie, elle n'avait pas son quota de caresses habituel et elle ne se gênait pas pour me le faire savoir. Je souris, appréciant le frottement de ses poils de geai contre mes doigts. Mon Amili ne tarda pas à ronronner, et se laissa tomber tel le poids lourd qu'elle était sur moi. Elle a osé ! Tout l'air contenu dans les poumons s'extirpa d'un seul coup, alors que je me mis à rire.

Lenora et Leander revinrent, une belle quantité de bois dans les bras et deux lapins sur l'épaule. La Princesse déposa le tout au sol, ne faisant pas de bruit pour ne pas réveiller Seira ; elle remarqua cependant une seconde après qu'en fait, notre amie n'avait même pas les yeux fermés. Lenora remua les épaules, comme si elle désirait se défaire d'une tension qui ne voulait pas partir, puis annonça, d'une voix fatiguée :

— Alors... D'après ce que nous avons vu, nous avons avancé plus vite que prévu. La bonne nouvelle est donc que nous devrions arriver demain en fin de soirée.

— Et la mauvaise, c'est quoi ? marmonna Leven, se massant les tempes de ses index.

— Eh bien, nous ne sommes pas dans la partie nord du Rempart, mais plutôt vers la moitié. C'est-à-dire que cette zone n'est pas vraiment... inoffensive.

On haussa les épaules. Ce n'était pas deux trois petites bêtes qui allaient nous effrayer ; pas après avoir affronté une dizaine d'Ombres. Lenora se contenta de cette réaction et se laissa tomber au sol, étirant ses ailes pour commencer à les masser avec application. Leven ramassa les deux lièvres, entreprenant de les dépecer. Je retins un hoquet de dégoût, et détournai le regard. Leander, qui s'était dirigé vers le centre de la grotte, montait pendant ce temps le feu de camp. Il positionna rapidement les branches de sorte que leurs extrémités se rejoignent, formant une sorte de tipi. Puis, d'un mouvement sec, passa sa main au-dessus ; une boule de feu d'une taille dérisoire s'échappa de sa paume, puis vint allumer d'une flamme chaude et puissante le foyer. Un instant plus tard, on percevait déjà les doux crépitements, berceuse de remplacement. Les lièvres furent mis à cuire, et après une dizaine de minutes, furent prêts à être mangés. Les deux animaux innocents ne devinrent que simples morceaux de viande, capables de contenter ma faim. Je me jetai presque sur la part que Leander me tendit, ne prenant même pas le temps d'apprécier le moment. En face de moi, Seira ne toucha à rien, et proposa sa part à Leven. Il ne se fit pas prier, sous l'oeil jaloux de Lenora et Saphir. De mon côté, cela ne fit qu'accentuer mon inquiétude. La jeune Aequoriale capta mon regard soucieux, et m'assura d'un faible sourire que tout allait bien. J'eus envie de répliquer un « Mais bien sûr ! » exaspéré, mais je n'avais pas la force de démarrer une énième conversation visant à la faire parler.

Ma tête de plus en plus lourde et l'estomac rassasié, je me blottis contre Saphir et Leven, laissant mes paupières se fermer. La main du jeune homme, d'un mouvement à moitié endormi, vint caresser le sommet de mon crâne. Je ne tardais pas à sombrer dans le sommeil, réchauffée par la chaleur du feu, le pelage épais de mon Amili et de la peau de mon Meridiem ; je m'imaginais, avec impatience, les paysages du Royaume de ces fils et filles du Soleil. Savoir que notre errance prenait fin demain m'apporta un soulagement sans nom.

En arrière-plan, le tonnerre gronda, et une vive clarté illumina pour une seconde la grotte. Dehors, la pluie se mit à tomber, bientôt à sceaux, alors que le ciel se fit plus noir qu'encre.

✶⦁⦁✶

2020 is here !

Je suis là seule à me sentir encore en 2016 ?! Je veux dire, je suis pas prête pour passer à une autre décennie là !

Qui avait parié sur le fait que Seira s'amilierait avec une Lumière ? Vous avez été plusieurs à me le demander dans la V1, l'idée me plaisait, alors tadaaam !

Sinon je sais pas vous, mais moi je suis fan de ce petit Xeven là... Et vous ? D'ailleurs, vous êtes plutôt Xeven et Seiryon ? Je sais que je ne vous montre pas trop ce que fricotent ce cher Leven et notre petite Xerys, mais je crois que vous saisissez un peu ce qui se passe entre eux 😂

Je vous embrasse fort fort ♥︎ Bonne année !

Neo.

(Ah, d'ailleurs, plusieurs d'entre vous ont paniqué quand j'ai annoncé dans le Chapitre 25 qu'il ne restait que 8 chapitres... Je vais répondre à quelques questions : 1) Non, ce n'est pas une blague ! 2) Le Tome 2 est prévu mais n'est pas encore écrit, j'ai besoin de faire murir le scénario dans ma tête... 😉 3) Oui, je sais que ce n'est pas beaucoup... Mais ça va s'enchaîner. Prévoyez une bouteille d'eau à côté de vous.)

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