La Gardienne des Légendes ✷ T...

By NeoQueenSerenity28

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Elle n'est pas comme les autres. À la différence de toutes les créatures vivantes sur sa planète, Seira n'a p... More

☾ Avant-propos...
PROLOGUE
CHAPITRE 1 - Illusion
CHAPITRE 2 - Vérité
CHAPITRE 3 - L'Honorus
CHAPITRE 4 - Xemehys
CHAPITRE 5 - Renaissance
CHAPITRE 6 - Rapidiorem
CHAPITRE 7 - Pratique désastreuse
CHAPITRE 8 - Soleil Nocturne
CHAPITRE 9, PARTIE 1 - La Seizième
CHAPITRE 9, PARTIE 2 - La Seizième
CHAPITRE 10 - Reprendre où tout s'est arrêté
CHAPITRE 11 - Survivre
CHAPITRE 12 - Armés de patience
CHAPITRE 13 - L'Heure de vérité
CHAPITRE 14 - Face à face
CHAPITRE 15 - Si tu savais
CHAPITRE 16 - Rester dans l'ombre
CHAPITRE 17 - Le temps n'est pas à perdre
CHAPITRE 18 - Maintenant ou jamais
CHAPITRE 19, PARTIE 1 - La vérité dans le mensonge
CHAPITRE 19, PARTIE 2 - La vérité dans le mensonge
CHAPITRE 20 - Le vrai courage
CHAPITRE 21 - Vivre ou mourir ?
CHAPITRE 22 - Lueur d'espoir
CHAPITRE 24 - Le Guerrier de l'Aube
CHAPITRE 25 - Délivrance
CHAPITRE 26 - Amiliation
CHAPITRE 27 - Solaris
CHAPITRE 28 - L'Eclipse
CHAPITRE 29 - Réminiscence
CHAPITRE 30, PARTIE 1 - Ad vitam æternam
CHAPITRE 30, PARTIE 2 - Ad vitam æternam
CHAPITRE 31 - Octotemporas
CHAPITRE 32 - Héritage
CHAPITRE 33, PARTIE 1 - Vainqueurs et vaincus
CHAPITRE 33, PARTIE 2 - Vainqueurs et vaincus
Remerciements
À quand la suite ?

CHAPITRE 23 - La souffrance d'aimer

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By NeoQueenSerenity28

Point de vue d'Elyon

— Viens, allons discuter, lui chuchota Lenora, l'entraînant déjà par le bras dans une pièce annexe.

Il se laissa faire, épuisé par tout ce qu'il vivait dernièrement. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait dépassé par les évènements, comme s'il ne cessait de vouloir tout rattraper en vol.

Avant que leurs deux corps ne disparaissent derrière la charnure de la porte, il jeta un dernier coup d'œil à Xerys. Celle-ci était blottie dans les bras de Leven, le visage blafard, mais son regard encore capable de tuer quiconque s'y trouverait exposé. Griselda fit comprendre silencieusement à Elyon, du bout des lèvres : « Je m'en occupe. » Il inclina la tête, la remerciant sans bruit.

Lenora le poussa presque à l'intérieur, puis ordonna sèchement aux gardes présents dans le lieu de « bien vouloir déguerpir ». Les elfes, bien que visiblement offensés, ne dirent mot et s'exécutèrent en constatant leur identité. La jeune héritière se planta alors devant lui, puis lâcha sans artifices :

— ­Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Xerys a tout dit, répliqua-il, morne.

Je suis l'égoïste qui a peut-être tué notre seul espoir de survie, se retint-il d'ajouter.

Elle secoua la tête.

— ­Non, tu n'as pas compris. Qu'est-ce qu'il se passe entre toi et Seira ?

Il hésita à répondre, sachant pertinemment que la jeune rousse avait éprouvé des sentiments à son égard par le passé ; la repousser à l'époque a été plus douloureux que bien des blessures, elle qui était si importante pour lui. Il ne savait d'ailleurs pas vraiment si elle ne ressentait vraiment plus rien, comme elle le lui avait assuré récemment. Lenora avait le don de savoir dissimuler ses émotions comme personne, le battant à plate couture.

— Tu peux me le dire, je veux juste t'aider, le rassura-t-elle, adoptant un ton plus calme. Quoique cela puisse-être.

— Je suis perdu...

— Alors, dis-moi comment te trouver.

Il se retourna, croisant les bras contre sa poitrine. Il ne voulait pas se montrer aussi démuni, il voulait continuer à être fort. Il prit un temps pour ordonner ses idées, dénicher dans cet amas de paroles les bons mots ; Lenora attendit patiemment, le laissant évoluer à son rythme. Il commença doucement, presque pour lui-même :

— Je ne suis pas affectueux, romanesque ou langoureux... J'avais oublié le sens du mot « amour ». Je ne savais pas, je ne savais plus. Ou peut-être que je ne l'avais jamais connu ? Peu importe. Maintenant elle est là. Quand je la vois, mes yeux ne peuvent plus quitter les siens ; si elle n'est plus là, son visage reste gravé dans mon esprit ; je pense à ma vie sans elle, et j'ai le sentiment qu'elle ne vaut plus la peine d'être vécue... C'est comme si mon cœur, mon âme, mon corps et mon futur tout entier étaient dorénavant liés aux siens. (Il se frotte le visage, et soudain, redevient l'enfant perdu qu'il avait enfoui au fond de lui :) Est-ce que c'est ça, l'amour ?

Il avait tout déballé d'une traite, sans réfléchir comme s'il s'enlevait un pansement. Il avait simplement laissé ses lèvres remuer, formuler ce qu'au fond de lui, son cœur rêvait de dire depuis trop longtemps ; il fallait juste que cela sorte.

Un silence suivit sa tirade, et il eut peur d'avoir blessé son amie. Seulement, la main fine de la jeune fille vint se poser délicatement sur son épaule, l'obligeant à lui faire face. Presque en fermant les yeux, adoptant honteusement un air effrayé, il obtempéra.

— ­Je n'ai été amoureuse qu'une fois, déclara-t-elle à brûle pour point. J'ai eu plusieurs... aventures — sans grande importance — mais avec toi, pour la première fois dans ma vie, j'ai vraiment eu la sensation de ressentir mon cœur jusqu'au fond de mes tripes. C'était il y a deux ans ; c'est révolu maintenant, mais je m'en souviens comme si c'était hier. Alors je ne suis peut-être pas une professionnelle, mais de ce que j'ai vécu, je crois bien que oui, l'amour, c'est ça.

Elyon ne répondit rien, le cerveau embrouillé.

— Tu lui as dit, au moins ? lui demanda-t-elle, se baissant pour essayer de capter son regard caché derrière sa tignasse de geai.

— À quoi cela servirait-il ? s'exaspéra-t-il. Tu connais aussi bien que moi cette histoire, celle du Prince déchu. Lui et son aimée provenaient des mêmes royaumes que nous, et celle qu'il aimait a été transpercée d'une lame pour le punir. Nos peuples se détestent, s'engager dans une histoire pareille est une folie. Je ne supporterais pas de la perdre, le jeu n'en vaut pas la chandelle.

Elle soupira, passant ses doigts dans sa longue chevelure couleur de feu.

— ­ Elyon, les mentalités devraient avoir changé, non ?

— Même si ce n'est qu'un risque... Pas cette fois, je ne peux pas. Je préfère passer mon tour et la voir avec un autre plutôt que de savoir que Seira ne pourrait ne plus jamais faire partie de mon monde.

— C'est cela qui te retient ?

— Ça, et le fait qu'elle ait un statut bien plus élevé que le mien. (Voyant le regard agacé de la princesse, il développa :) Je ne me sens pas inférieur à elle, je ne suis pas frustré, simplement, j'ai cette sensation de ne pas la mériter.

— J'ai presque l'impression de te préférer solitaire ; quand tu es amoureux, tu frôles la stupidité, sérieusement. Elyon, écoute-moi : (il redressa la tête) tu penses réellement que si tu avais été banal, médiocre — ou tout ce que tu veux — j'aurais posé les yeux sur toi ? Tu crois vraiment que si tu ne convenais pas à Seira, elle serait tombée amoureuse ?

Elle se mit à marcher de long en large dans la pièce, ses longues ailes cuivrées pleines de fougue face au mécontentement de leur maîtresse.

— Et puis si tu penses que quelqu'un tombe amoureux pour le statut que porte l'autre, tu es complètement à côté de la plaque. Ce qui l'intéresse, c'est toi tout entier, ce qu'elle a su voir en toi sous tes airs de gros dur. Et puis si ce que je te dis ne suffit pas, réveille-toi, un peu ! Tu es un Invictus, probablement la distinction la plus grande que l'on puisse attribuer à un soldat, surtout à ton âge. Tu es le guerrier le plus doué que ma Grand-Tante ait jamais eu, et en plus de cela pratiquement tout le monde dans le milieu de l'armée te connaît.

Il secoua la tête. Cela ne suffisait pas. Quelque chose le retenait. La peur peut-être ? Depuis le jour où il l'avait vue pour la première fois, il s'était comme métamorphosé, revenu à celui qu'il avait essayé de combattre toute sa vie ; cet Elyon fragile et sensible, qui redoutait l'abandon et la souffrance plus que tout. Il s'était déconcentré, avait acquis une nouvelle faiblesse ; il ne voulait pas, de tout ça. Il devait rester fort, être capable de protéger les autres sans avoir à se protéger soi-même.

— Quand bien même je la mériterais, nous ne sommes pas faits pour être ensemble, et je lui ai dit. C'est un être de l'eau, et nous résidons dans les airs. Elle vit la nuit, nous nous levons à l'aube ; elle n'a jamais été soumise à ce mode de vie, mais quand elle occupera le trône d'Oblivion, elle y sera bien obligée. Et à quoi cela aura-t-il servi, alors ?

Lenora garda le silence, s'étant immobilisée dans un coin de la pièce. Il poursuivit, d'un ton plus dur, plus décidé :

— Il vaut mieux que je parte.

— Elyon... tu...

— Lenora, c'est gentil de vouloir m'aider, la coupa-t-il, mais pour elle comme pour moi, c'est la meilleure chose à faire. Et de toute façon, c'est la panique dehors, Kalyra a sûrement besoin de mon soutien. Sans compter le fait qu'après ce que j'ai dit à Seira, elle ne souhaitera pas me voir à son réveil... Je crois que ce qu'il y a pu avoir entre nous est définitivement terminé.

— Ne fais pas ça, le pria Lenora. Comment allons-nous faire sans toi ?

Il lui sourit tristement, détaillant de ses prunelles bleues le visage crispé de son amie. Il répondit, le cœur battant :

— J'ai pu discuter avec Torryn ; selon elle, le seul antidote qui existe, c'est la magie des Lumières. La Reine vous téléportera là-bas et vous serez accompagnés de quelques-uns de ses hommes. Cela suffira, vous n'avez pas besoin de moi pour cela.

— Tu te trompes, on...

— Vous saurez vous occuper d'elle, continua-t-il en ignorant son altercation. Veille à ce qu'il ne lui arrive rien pour moi. Et surveille Leven, je t'ai déjà dit ce que je pensai de lui. On se retrouvera à Danamore, même si je serai sûrement de mission.

Il s'apprêta à partir, sans laisser à la jeune fille l'opportunité de répondre ; il ne savait pas s'il aurait la force de batailler plus longtemps. Quoi qu'elle en pense, les quitter lui faisait plus de mal que de bien, mais il avait conscience que c'était la meilleure chose à faire. Et c'était peut-être cela, le plus important.

— Elyon ! Le retint-elle, à la dernière seconde. Tu pars tout de suite ?

Il secoua la tête, évitant de croiser ses yeux noisette, bien trop persuasifs et manipulateurs.

— J'attendrais de connaître l'état de Seira, la rassura-t-il. D'ici là, n'essaye pas de me faire changer d'avis. Je suis aussi borné que toi, lui rappela-t-il, dans une vaine tentative d'humour.

***

Point de vue de Seira

Le retour à la réalité est brutal. C'est comme se prendre un mur, ou sentir une cascade de rochers nous tomber dessus.

Il n'y a pas même un instant, je m'étais trouvée dans un endroit calme, avec son atmosphère flottante et douce, l'air me frôlant comme une caresse. Ici, tout était noir et mon corps était lourd, s'enfonçant dans le matelas comme s'il pesait des tonnes. Cependant, ce n'était pas le pire, et de loin : non, le pire, l'horrible, la douche froide, c'est la douleur qui refait violemment surface ; comme si elle voulait se manifester avec d'autant plus d'ardeur pour prouver qu'elle était encore là, et qu'elle ne comptait pas me lâcher. Et, alors que je me sentais petit à petit revenir à moi, mes nerfs se remirent à fonctionner, et par-là, le venin acide incendier mes veines, mes artères, brûler chacune de me cellules comme un jet de lave implacable. Toutefois, je constatai que je rassemblai néanmoins assez d'énergie pour tenir encore quelque temps. La Légende de Vie ne devait pas y être étrangère, car une magie qui n'était ni la mienne, ni celle de Xerys, protégeait mes organes principaux. Ma respiration n'était pas des plus agréables, mais au moins, je ne crachai plus de sang. Bonne nouvelle, notai-je ironiquement.

Des images surgissaient une à une, et je parvins à reconstituer les scènes les plus récentes ; premièrement, j'étais sûre de ne pas avoir rêvé. J'avais vu ma mère, dans cet endroit à mi-chemin entre la vie et la mort. J'avais, même si cela n'avait été que pour une fraction de seconde, aperçu mon père. À ce souvenir, je me sentis remontée à bloc, gonflée de l'amour que mes parents me portaient. Un élan d'amour qui fut immédiatement assombri par les images qui suivirent, alors que je remontais le temps : je m'étais disputée avec Elyon. C'était d'ailleurs à cause de mes cris que mes poumons s'étaient percés. Si la scène me restait relativement floue, en revanche, ses paroles étaient plus claires que de l'eau de roche, ses mots s'étant comme imprimés dans le fin fond de ma mémoire : « Et si je n'avais pas envie d'être avec toi?»; «Je ne mens jamais.» Mon ventre se contracta d'une douleur étrange, et je me hâtai de chasser ses pensées obscures de ma tête. Ce n'était pas le moment de retomber dans un gouffre, moi qui venais certainement de me relever du plus profond de tous.

Je parvins à esquisser un mouvement au niveau de mes doigts. Dans une tentative visant à ouvrir mes paupières, j'arrivai à les faire frémir. Puis, finalement, je vins à bout de ces deux rideaux de plombs alors que mon ouïe se remettait à fonctionner.

Mes yeux se posèrent sur un plafond de bois sombre, surplombant une pièce baignant dans une obscurité à peine tranchée par la lumière de la lune. J'étais couchée dans un lit, emmitouflée dans un édredon épais et soyeux. Cela faisait longtemps que mes doigts n'avaient pas touché quelque chose d'aussi doux. À ma gauche étaient entreposés sur une table de chevet un nombre incalculable de flacons et autres récipients, contenant tous des substances liquides ou visqueuses qui m'étaient complètement étrangères et m'ayant l'air peu ragoutantes.

Xerys était couchée à mes côtés, étalée sur la seconde moitié du lit et sa tête sur mes côtes. D'épais cernes violets lui soulignaient les yeux et son teint d'habitude si mat était devenu translucide. Cette vue me serra la gorge. Saphir ronronnait contre elle, sa truffe remuant de temps en temps.

Xerys... Je suis si désolée... Tu ne mérites pas de vivre de telles choses.

Je voulus la caresser, quand une voix impérieuse résonna dans le silence nocturne de la chambre :

— Ne la réveille pas, elle a besoin de dormir.

Je tournai la tête. Une femme se tenait devant l'une des trois larges fenêtres de la pièce, observant l'extérieur d'un air hautain et impérial. Des yeux clairs, de longs cheveux platine, une armure d'argent parée d'émeraudes et d'interminables oreilles pointues : ce devait être une elfe, d'une classe sociale élevée. Je hochai fébrilement la tête et reposai ma main sur le drap.

— Qui êtes-vous ? demandai-je faiblement.

Elle ne répondit pas immédiatement, ses yeux peinant à quitter le paysage de nuit qui s'étendait sous elle. Mais, après quelques instants de silence, elle lâcha finalement :

— Je suis Torryn, Reine du peuple Elfique.

La réponse me sembla évidente. Oui, bien sûr : lors de notre dispute, nous étions en route vers Ophar. Je ne savais pas combien de temps j'étais restée inconsciente, mais nous étions sûrement arrivés à la Capitale Elfique depuis un moment. J'inclinai la tête pour montrer mon respect, espérant pouvoir remplacer la révérence conventionnelle que je n'étais pas en mesure d'accomplir.

— On a bien failli croire que vous ne vous réveillerez pas cette fois, d'après ce que les autres m'ont raconté. Mes soigneurs n'ont rien pu faire.

Je restai muette. Je savais que ma place dans le monde des vivants était presque volée, que je ne devrais normalement plus me trouver ici.

— Votre cœur, votre corps entier ne répondait plus, poursuivit-elle, s'approchant du lit. Pire, refusait de répondre, malgré tous nos soins. C'était comme si... inconsciemment, vous ne vouliez plus vivre.

Elle s'immobilisa soudain, les mains croisées derrière elle, me fixant dans le blanc des yeux.

— ­Je ne vous poserai pas de questions quant à... ce miracle, car cela ne me regarde pas. Simplement, j'aimerais vous donner un conseil : j'ai toujours dit à mes soldats que s'ils marchaient vers le champ de bataille en se pensant vaincus, alors ils étaient déjà morts.

Elle se pencha, rapprochant nos deux visages, puis murmura :

— ­Vous êtes une Gardienne très jeune. Mais si vous avez été choisie et nommée aussi tôt, c'est que vous êtes capable d'assumer ce qui vous attend, donc n'en doutez pas. C'est inscrit dans vos gènes.

J'écoutai attentivement ce qu'elle me disait, profondément impressionnée par le charisme dont savait faire preuve le monarque. Ses mots pénétrèrent en moi, et mon cœur se mit à battre plus fort face à la véracité de ses paroles. J'acquiesçai et, sans détourner le regard, elle abaissa à son tour le menton, dans une geste solennel.

— Vos amis ont dû voler très vite pour parvenir ici à temps, et plus particulièrement l'Invictus. Ils sont exténués et dorment dans les pièces voisines, même si je suspecte beaucoup d'entre eux de ne pas arriver à fermer l'œil : ils s'inquiètent tous beaucoup pour vous. Votre amie a catégoriquement refusé de quitter votre chambre.

Je n'avais pas tout saisi dans ce qu'elle venait de prononcer, le terme Invictus m'étant totalement inconnu. Elle devait parler d'Elyon, mais que signifiait ce mot ? Était-ce un grade ? Un métier ? Je n'osai pas poser ma question, ne voulant pas passer pour une jeune fille inculte. Je demanderai à Lenora ou Xerys de me l'expliquer.

— Je vais les chercher. Le fait qu'ils soient tous déjà réveillés va nous faciliter les choses, cela nous permettra de bouger plus rapidement. Nous serons à Amaurëa plus tôt.

— Pardon, excusez-moi, fis-je en lui signalant de la main de cesser de parler. Où ?

— Nous connaissons l'antidote au venin, m'expliqua-t-elle patiemment. Malheureusement, il n'est pas ici. Il faut aller le chercher.

Amaurëa. Je crois avoir lu dans un des livres de la bibliothèque du Pensionnat que ce Royaume était celui des créatures jumelles aux Ombres, les Lumières. J'eus à peine le temps de répondre quoique ce soit qu'elle avait déjà disparu derrière la grande porte de bois, qui servait d'entrée à la chambre. En se refermant, la structure produisit un grincement sonore, et je sentis la tête de Xerys remuer contre mon ventre. Mon amie ne tarda pas à redresser le menton, le regard encore plongé dans le sommeil profond qu'elle venait de quitter. Quand elle réalisa que j'étais consciente, sa bouche s'ouvrit en grand. Le mouvement brusque qu'elle effectua pour se relever fit se réveiller Saphir en sursaut.

— Seira ? Seira!

Elle voulut me serrer dans ses bras, mais abandonna rapidement l'idée par peur de me faire davantage de mal. Alors, à la place, elle passa ses deux paumes le long de mes joues, inspectant chaque recoin de mon visage de ses yeux scintillants.

La Nocturnale ne se donna pas cette peine, entamant de me nettoyer la figure avec sa langue. J'étais si heureuse de les revoir toutes les deux que je ne fis rien pour me libérer.

— J'ai cru... J'ai cru... Ne me laisse pas, je t'en prie... Ne me laisse pas...

La voix de mon amie renfermait une telle détresse que cela m'agrippa la gorge comme une corde que l'on m'aurait passée au cou. Je lui caressai les cheveux, lui chuchotant pour la calmer :

— Je suis vivante, je ne partirai pas... Je te le promets.

Une promesse pas des plus faciles à respecter, mais j'allais tout faire pour. Pas seulement pour elle, mais aussi pour toutes ces familles en misère qui attendaient qu'on vienne les aider. Il a été écrit que c'était la mission de ma vie, ce pour quoi j'étais née ? Eh bien, j'allais m'y tenir.

— Tu l'es maintenant, mais combien de temps résisteras-tu avant la prochaine rechute ? riposta-t-elle. Seira, ton cœur s'est arrêté de battre pendant deux heures entières. Dire que tu es un miracle médical est un euphémisme ; on a tous cru que c'était fini. Tout le monde était en train d'imploser, les médecins compris. Malgré tout ce qu'ils t'administraient, tout ce qu'ils tentaient, tu nous glissais entre les doigts. On était impuissants, c'était insoutenable. J'ai bien cru qu'Elyon et moi allions nous entretuer. Puis, sans prévenir, au bout de deux heures de lutte, il y a eu une pulsation, puis une autre, et ton cœur s'est remis à battre. Normalement, comme si rien ne s'était passé. Comme si ce n'était qu'une machine qui redémarrait.

Deux heures ? Le temps ne m'avait pas semblé aussi long, là où j'étais. Je ne dis rien, hésitant à lui répondre. Non, elle a le droit de savoir.

— Je suis morte, c'est vrai, admis-je. Puis ma mère m'est apparue, dans un espace blanc et lumineux aux limites indéterminables. Elle m'a très clairement expliqué qu'il n'était pas encore temps pour moi de la rejoindre et qu'on me laissait le choix : partir, ou rester.

Xerys se tut, me regardant comme si j'avais perdu la tête. Je la comprenais : moi-même et hier encore, on m'aurait raconté que l'on pouvait revenir du monde des morts, je lui aurais ri au nez en pensant que c'était une blague.

— Tu... tu veux dire que tu as... quoi, ressuscité ?

Dans sa bouche, ce mot avait une consonance divine. Je n'étais pas une déesse. Simplement, je n'avais pas encore accompli ce que je devais faire dans ce monde.

— Tu as pu choisir, et tu es restée... bégaya la jeune fille blonde, des larmes de reconnaissance à deux doigts de franchir la barrière de ses paupières.

Je hochai la tête, souriant faiblement. À cet instant, je réalisai à quel point la quitter m'aurait fait mal ; Xerys représentait la famille que j'avais toujours voulue, la sœur et l'amie dont je rêvais.

— Je t'aime, lui chuchotai-je, ma voix déraillant dans les aigus sous le coup de l'émotion.

— Moi aussi, murmura-t-elle, se recouchant sur moi. Moi aussi, si fort.

Nous pûmes avoir une ou deux minutes de silence avant que la porte ne s'ouvre à nouveau. Deux têtes apparurent, une blonde et une roux cendré. Leven et Lenora. Le jeune Meridiem fut le premier à s'approcher, s'asseyant d'une fesse sur le bord du lit. Saphir accueillit son arrivée avec quelques bonds de joie qui le firent sourire. Ce dernier posa sa main sur l'épaule de Xerys, caressant son épaule dénudée d'un geste doux. Mon amie lui jeta un regard plein d'amour, et je compris qu'entre eux, c'était sérieux. Et qu'accessoirement, j'allais devoir rattraper un bon paquet d'épisodes.

— Comment se porte notre miraculée ?

J'esquissai un sourire à l'entente du surnom dont il m'avait affublée.

— Tu vas m'appeler comme ça, maintenant ? ris-je.

— Le pire, c'est que j'y songe très sérieusement, répondit-il d'un air malicieux. Regarde-toi ! Même la Mort ne peut rien contre notre Gardienne des Légendes préférée, je pense que les Ombres peuvent retourner hiberner.

— Parce que les Ombres, ça hiberne ? s'étonna l'héritière derrière lui, peu convaincue.

— Je n'en sais rien du tout, répliqua le jeune homme, désinvolte.

La princesse à la chevelure de feu leva les yeux au ciel, puis fit le tour du lit pour se rapprocher de moi. Timidement, elle me prit la main, et la serra brièvement.

— Je suis contente que tu sois là, me confia-t-elle. Au fait, félicitations pour ta nouvelle gemme.

Touchée, mes lèvres s'étirèrent en un sourire sincère. Petit à petit, j'apprenais à comprendre et à connaître la jeune fille, la reconnaissant chaque jour un peu plus comme une amie. Elle qui était avant comme mon ennemie, on peut dire que nous étions maintenant comme de meilleures ennemies.

Puis, je réalisai ce qu'elle venait de me dire. Nouvelle gemme? Je portais instantanément mes doigts à mon front, qui saisirent le contact d'une nouvelle surface, juste à côté de mon rubis. Fidélité, me susurra ma conscience. L'obsidienne, la pierre de la Légende de Terre. Un cadeau de la Légende de Magie pour me remercier d'être restée, sûrement. Troublée, je relevai les yeux vers la jeune rousse qui me souriait en retour, ses beaux yeux noisettes se plissant davantage. Sa main douce posée avec gentillesse sur la mienne me ramena sur terre, et je réalisai que quelqu'un manquait à l'appel.

Xerys était occupée à glisser des mots doux dans l'oreille de son nouveau petit-ami, alors le plus bas possible, je m'enquis auprès de Lenora :

— Elyon n'est pas là ?

Je savais bien que je ne devrais pas m'inquiéter de son absence après ce qu'il a laissé sous-entendre récemment, mais c'était plus fort que moi. Ce n'est pas parce que je ne comptais pas pour lui que ce devait être pareil de mon côté. D'ailleurs, pour être totalement transparente, j'espérais qu'il soit à mes côtés au réveil. Il se serait excusé, puis m'aurais dit qu'il ne pensait pas ce qu'il m'avait dit. Mais il fallait bel et bien croire que tout était fini. Tout? me reprit ma conscience. Il n'y a jamais rien eu!

— Je... il... bégaya Lenora, ne sachant quoi répondre.

Ses yeux dérivèrent automatiquement dans la commissure de la porte, et par réflexe, je suivis son regard. Je fus soudain confrontée à ces yeux bleu outre-mer, flanqués de leur éternelle allure mystérieuse. Elyon. Pourquoi restait-il ainsi derrière la porte ? C'est alors que le contact visuel se rompit, et les magnifiques iris s'envolèrent. Un vide prit place en moi, et totalement retournée, je balbutiai :

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Il s'en va.


✶⦁⦁✶

Merci pour les 400k, vous êtes dingues ! Je n'arrive pas à y croire. Un pitit chap' pour vous remercier...

Il vous a plu ? À votre avis, Seira va-t-elle réussir à retenir Elyon ? Que pensez-vous du couple Xeven ?

Que pensez-vous recevoir à Noël/qu'avez vous mis sur votre liste ? 😊

(Demain c'est noël 😜)

Ho ho ho !

Neo.

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