La Gardienne des Légendes ✷ T...

By NeoQueenSerenity28

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Elle n'est pas comme les autres. À la différence de toutes les créatures vivantes sur sa planète, Seira n'a p... More

☾ Avant-propos...
PROLOGUE
CHAPITRE 1 - Illusion
CHAPITRE 2 - Vérité
CHAPITRE 3 - L'Honorus
CHAPITRE 4 - Xemehys
CHAPITRE 5 - Renaissance
CHAPITRE 6 - Rapidiorem
CHAPITRE 7 - Pratique désastreuse
CHAPITRE 8 - Soleil Nocturne
CHAPITRE 9, PARTIE 1 - La Seizième
CHAPITRE 9, PARTIE 2 - La Seizième
CHAPITRE 10 - Reprendre où tout s'est arrêté
CHAPITRE 11 - Survivre
CHAPITRE 12 - Armés de patience
CHAPITRE 13 - L'Heure de vérité
CHAPITRE 14 - Face à face
CHAPITRE 15 - Si tu savais
CHAPITRE 16 - Rester dans l'ombre
CHAPITRE 17 - Le temps n'est pas à perdre
CHAPITRE 18 - Maintenant ou jamais
CHAPITRE 19, PARTIE 1 - La vérité dans le mensonge
CHAPITRE 19, PARTIE 2 - La vérité dans le mensonge
CHAPITRE 20 - Le vrai courage
CHAPITRE 21 - Vivre ou mourir ?
CHAPITRE 23 - La souffrance d'aimer
CHAPITRE 24 - Le Guerrier de l'Aube
CHAPITRE 25 - Délivrance
CHAPITRE 26 - Amiliation
CHAPITRE 27 - Solaris
CHAPITRE 28 - L'Eclipse
CHAPITRE 29 - Réminiscence
CHAPITRE 30, PARTIE 1 - Ad vitam æternam
CHAPITRE 30, PARTIE 2 - Ad vitam æternam
CHAPITRE 31 - Octotemporas
CHAPITRE 32 - Héritage
CHAPITRE 33, PARTIE 1 - Vainqueurs et vaincus
CHAPITRE 33, PARTIE 2 - Vainqueurs et vaincus
Remerciements
À quand la suite ?

CHAPITRE 22 - Lueur d'espoir

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By NeoQueenSerenity28

—        Je reste.

Mes deux mots avaient résonné fort dans l'immensité vide, sonnant comme deux gongs. J'espérai ne jamais regretter la décision que je venais de prendre.

Ma mère me sourit tristement, alors que ses yeux virent miroiter une lueur de fierté dans leurs iris verts. Cela me redonna courage, et je me précipitai dans ses bras, dans un ultime au revoir.

Ses deux bras m'enserrèrent fermement, alors que je sentis nos deux cœurs se gonfler d'amour et de tendresse.

—        On se retrouvera, me murmura-t-elle tout bas à l'oreille. En attendant, savoure chaque instant des moments qu'il te reste à vivre. La vie est un voyage unique. Si la mort est libératrice, la vie est indéniablement belle. C'est elle qui forme la personne que tu es et qui vivra dans la mort pour l'éternité.

Mon visage perdu dans ses cheveux, je hochai vivement la tête et tentai de dissimuler mon émotion en laissant mes longues mèches brunes tomber devant mes yeux.

L'espace entre nos deux poitrines s'élargit alors, et ce n'est que quand je relevais le menton que je distinguai à quel point elle s'était éloignée. Prête à partir, dos à la porte, son regard fouillait le mien en transportant avec lui un message gorgé d'amour.

Les deux larges battants du portail étaient maintenant grands ouverts, une vive lumière s'échappant du monde qui se trouvait derrière lui : Lytenis. De loin, j'eus presque l'impression de voir des ombres bouger, d'une forme vague, mais relative à celle humaine.

—        Je dois y aller, dit-elle, masquant mal ses sanglots.

J'étais incapable d'articuler quoique ce soit : manifestant ma réponse en hochant la tête, je la vis se rapprocher de plus en plus du portail. Mon cœur se déchirait à mesure qu'elle s'éloignait. Sans réfléchir, mes jambes coururent jusqu'à elle et, avant qu'elle ne franchisse le passage, je la retins par le bras. Déconcertée, elle s'immobilisa et j'en profitai pour l'étreindre, une dernière fois.

—        Je t'aime, bafouillai-je.

Ses bras m'enlacèrent encore plus fort tandis que je sentis une goutte s'échouer sur mon épaule.

—        Moi aussi. Tellement.

—        Embrasse Papa pour moi, lui réclamai-je d'une petite voix.

—        Je n'y manquerai pas, me promit-elle.

Elle se redressa et je sus alors qu'il était plus que temps, que ma mère ne pouvait pas rester plus; Lytenis l'appelait. Après un dernier regard, bien trop furtif à mon goût, son corps s'effaça dans l'océan de lumière. Et, avant que la porte ne se referme totalement et ne disparaisse, je crus apercevoir un visage; entouré de cheveux bruns et ondulés, semblables aux miens, il affichait de grands yeux brillants et d'une magnifique couleur marron. Son teint était hâlé, et ses lèvres déformées en un doux sourire. Un nom apparut en moi, et inconsciemment, je l'associai à cet homme.

Laiken.

Papa.

***

Point de vue d'Elyon

« On ne peut pas la sauver. »

« On ne peut pas la sauver. »

« On ne peut pas la sauver. »

On ne peut pas la sauver.

Il n'arriva pas à y croire. Ces mots n'avaient aucun sens. Ils résonnaient de manière étrange dans ses oreilles, comme si son cerveau ne reconnaissait pas les sons. À ce moment-là, quand l'elfe médecin lui avait dit qu'il ne pouvait rien faire, qu'il n'avait rien pour la guérir, il lui avait semblé que son cœur le lâchait. Et l'avenir avait commencé à lui faire peur. Pas de cette crainte innocente et légère, que l'on nomme l'anxiété ; non, c'était une peur viscérale, qui frappe si violemment qu'elle en donne de sueurs froides. Pourquoi un tel sentiment ? Pourquoi avait-il autant besoin d'elle pour vivre ?

Il avait déjà aimé, et il avait tout perdu. Cela l'avait détruit, mis plus bas que Terre ; il avait bien mis dix ans à s'en remettre. Il se souvenait encore de cette douleur immense qu'il avait ressentie durant toute son enfance, une souffrance qui l'avait poursuivi jusque dans son sommeil. Ce qu'il avait vécu avait ouvert un trou béant dans sa poitrine, qu'il était finalement parvenu à panser après d'innombrables moments d'horreur et d'angoisse. Lui-même avouait qu'il ne s'en était jamais totalement remis. Il s'était promis une seule chose, une seule : ne plus revivre, jamais, ce qu'il avait subi. Toutefois, cela impliquait de ne plus aimer : aimer, c'était courir le risque de souffrir, et c'était un risque qu'il avait déjà lourdement payé. Était-il prêt à le prendre, pour la deuxième fois ? En avait-il seulement envie ? Et si, finalement, il avait dit la vérité à Seira lors de leur dispute ? À cet instant, tout ce qui sortait de sa bouche lui semblait n'être que mensonges, mais s'il s'avérait que c'était ce qu'il pensait vraiment, au fond de lui-même ?

Adossé contre le mur qui séparait le couloir central et la salle de soin, il patientait, le cœur battant. On lui avait promis de faire le maximum — le statut de Seira avait sûrement largement aidé — mais savoir qu'ils n'étaient toujours pas débarrassés de ce fichu venin le rendait fou. Et en même temps, il avait conscience qu'il s'emballait : il parlait comme si Seira n'avait qu'à guérir, alors qu'elle devait aussi survivre. Et si elle était déjà morte ? Et s'il était déjà trop tard ? Non, elle devait rester en vie, il ne le voyait pas autrement.

—        Tes amis ne sont pas encore arrivés, mais mes hommes sont prêts à les accueillir, surgit alors la voix de Griselda, l'elfe apparaissant de nulle part.

Perdu dans ses pensées, il ne l'avait pas entendue. Autre effet que Seira portait sur lui : il n'était plus concentré. Un an plus tôt, il aurait pu sentir la Maréchale avant même qu'elle n'apparaisse à sa vue.

—        Prêts à les accueillir comme vous l'avez fait avec nous, vous voulez dire ? railla-t-il, cynique.

—        Toutes mes excuses. Mes soldats n'ont pas souvent eu l'occasion de rencontrer les Meridems, si ce n'est jamais. Ils ont pris tes ailes pour celles d'une Ombre, répliqua un peu froidement l'elfe.

Il n'ajouta aucun commentaire, se retenant de faire remarquer que celles des dragons noirs ont une envergure bien plus large. Il ne souhaitait pas envenimer davantage les choses.

—        Que s'est-il passé ? Depuis quand se trouve-t-elle dans un état pareil ?

—        Une semaine. Des Ombres nous ont attaqués.

—        Combien ?

—        Une bonne dizaine.

Il y eut un silence, puis elle susurra, dissimulant maladroitement sa surprise : 

—        Et... et vous avez survécu ?

—        Les Présences sont arrivées juste à temps, dis-je simplement.

—        Et elle ? demanda Griselda et désignant la porte d'un coup de tête. Comment a-t-elle fait pour survivre, pendant une semaine avec une telle arme dans le sang ?

Il haussa les épaules. Comment pouvait-il répondre, s'il ne le savait pas lui-même ? Son silence marqua le départ d'un long moment de blanc, durant lequel personne ne dit mot. Peut-être Griselda réfléchissait-elle, mais Elyon, lui, s'efforçait d'amenuiser son envie d'ouvrir la porte pour voir ce qu'il se passait derrière le mur.

Brusquement, au détour d'un couloir, le bruit de talons frappant le sol se fit entendre. À l'unisson, l'elfe et la Meridiem redressèrent la tête.

C'était la Reine Torryn. D'une beauté froide et inéluctable, elle était dans sa tenue d'apparat, chose qu'elle ne faisait que rarement. Du moins, c'était ce qu'Elyon pensait, car le peu de fois où il l'avait vue, elle était tout habillée de métal, dans un splendide ensemble de combat. Avant de devenir Reine et d'abandonner les armes au profit de la couronne, c'était une guerrière respectée qui savait se faire entendre. Durant la Guerre des Ombres, elle avait mené nombre de bataillons jusqu'à la victoire. Elyon était admiratif de la stratégie qu'elle avait exercée en ces jours sombres ; ses tactiques, très astucieuses, étaient restées célèbres, devenant des incontournables de la stratégie de combat. Se tenir devant elle, c'était un peu faire face à celle qui a révolutionné le sport des armes.

—        Elyon Kaerio... murmura-t-elle, son regard de glace le sondant des pieds à la tête. Il paraît que tu as ramené à l'Arbor la Gardienne des Légendes ?

Il s'inclina, avant de brièvement hocher la tête.

—        Griselda, reprit la Reine en s'adressant à la Maréchale. Qui sont ces jeunes gens dans le couloir principal ? Pourquoi la Princesse Veris est-elle avec eux ?

—        Ce sont mes amis, intervint Elyon. J'ai dû prendre de l'avance sur eux par manque de temps.

Si Torryn était offensée qu'il ait répondu à la place de son Officier, elle n'en montra rien et se contenta de plisser les yeux. Puis, d'un claquement de doigts sec, ordonna à l'elfe de se rendre sur les lieux. Sans attendre, Griselda disparut dans le couloir.

—        Tu as dû voler vite, pour arriver jusqu'ici. Depuis combien de temps marchez-vous ?

—        Près de trois semaines, répliqua le Meridiem.

—        Vous avez traversé tout le Bois de Vie à pieds ? Sans vous perdre ? s'étonna-t-elle, visiblement impressionnée.

Elyon hocha la tête.

—        Les Présences nous ont apporté leur aide pour la dernière centaine de kilomètres, admit-il humblement.

Le regard encore plus désarçonné qu'elle lui adressa lui fit comprendre qu'elle ne s'attendait pas à une telle réponse. Finalement, elle passa près de lui, et après l'avoir dépassé de quelques mètres, lui lança :

—        Suis-moi. On m'a dit qu'elle a été touchée par une Ombre, et si c'est vraiment le cas, mes soigneurs en auront pour longtemps. Et impatients comme vous êtes, vous les Meridiems, j'aimerais éviter que tu ne brises ma magnifique porte.

Le ton sérieux qu'avait utilisé la Reine lui fit esquisser un rictus discret, et il se résigna à s'engager à sa suite.

—        Lethir t'a-t-il dit qu'il ne pourra pas la soigner ? s'enquit-elle ensuite, adoptant alors un ton plus prudent.

Il devina que Lethir était le soigneur, et il hocha la tête. Non, les seuls mots que l'elfe lui avait jeté nonchalamment avant de lui claquer la porte au nez, il ne les avait pas oubliés.

—        Il n'existe qu'un unique antidote à cette horreur, et malheureusement, nous ne la possédons pas ici.

Le Meridiem tendit l'oreille, son cœur triplant violemment de cadence. S'il existait un remède au venin, il n'en avait jamais eu connaissance. En même temps, personne n'a jamais vraiment eu le temps de s'en procurer, les victimes mourraient presque à chaque fois sur le coup. Et quand ce n'était pas le cas, c'était dans les trois minutes qui suivaient.

L'elfe dut percevoir son regard intéressé, car elle l'interrogea :

—        Voyons, ne me dit pas que tu n'as aucune idée de ce que cela pourrait être. Un jeune homme aussi doué que toi ? Tu me déçois, Guerrier de l'Aube.

Il se concentra, cherchant dans sa mémoire. Il n'y trouva rien ; non, il était sûr de ne jamais rien avoir entendu, lu ou parlé d'un tel sujet.

—        Je vais t'aider : si tu avais peur du noir et que tu voulais combattre l'obscurité, quelle serait la première chose que tu ferais ?

Un déclic parut résonner dans sa tête, et il susurra alors :

—        Les Lumières. Il nous faut l'aide des Lumières.

Satisfaite, l'elfe sourit.

—        Ces créatures m'ont toujours un peu fascinée, fit remarquer la Reine, pensive. Les Ombres et les Lumières n'ont rien en commun – à part peut-être leur morphologie, mais ont besoin l'une de l'autre pour survivre.

Elyon se caressa le visage, l'espoir jaillissant en lui comme une déferlante sur des rochers. Puis, il se rendit compte d'une chose : il ne savait pas où les trouver. Personne, en fait. La majorité de la population estimait que ces grands dragons blancs, à l'exact opposé des Ombres, avaient tout simplement disparu après le bain de sang que nous leur avions infligé ; après avoir découvert par hasard que, dès qu'une Lumière mourrait, une Ombre tombait à son tour, des soldats de chaque nation ont commencé à voir cette révélation comme une ultime porte de secours. Ils entamèrent de tuer les Lumières pour combattre indirectement les Ombres. Depuis, ces créatures ne se sont plus jamais montrées au grand jour, coupant définitivement tout lien avec ses premiers alliés : les humains. Leur royaume, Amaurëa, a été rendu invisible et serait, selon les dires, en mouvement permanent.

—        Où pouvons-nous les trouver ?

—        Ce sont des créatures aussi bien marines qu'aériennes, et c'est d'ailleurs cela leur première particularité, développa Torryn. Avant, il me semble que mes hommes les avaient localisées dans le Lagon des Étoiles, mais depuis, l'Océan s'est fortement dégradé et elles ont sûrement déplacé leurs îles dans les airs.

—        Il n'y a donc aucun moyen de les situer ?

—        Je n'ai jamais dit ça. Je te rappelle que tu es dans le plus grand pôle de Services de Renseignement d'Amoris, jeune homme. Je pensais qu'après toutes tes missions ici, tu l'aurais intégré, plaisanta-t-elle amèrement. 

Elle s'engagea dans un couloir secondaire, beaucoup plus sombre et étroit. Il le connaissait par cœur, pour l'avoir arpenté maintes fois. Où il menait, il n'en avait aucun doute. La salle de contrôle principale.

—        Cela tombe bien, je voulais te montrer quelque chose, l'informa-t-elle, plus grave.

Elle poussa de son bras agile une lourde porte de bois, et la vision d'une salle en pleine effervescence s'offrit à leurs yeux. Des dizaines d'elfes, tous ayant l'air les plus à bout les uns que les autres, couraient dans tous les sens ou, à l'inverse, étaient assis le long de larges tables de pierre ; devant eux, de grands miroirs sur lesquels se miraient de complexes runes magiques. Jamais Elyon n'avait vu cette pièce aussi désordonnée, aussi empreinte de cette ambiance angoissante ; les elfes, parmi toutes les espèces qui respiraient sur Amoris, étaient bien les derniers à céder à la panique.

La Reine Torryn traversa d'un pas pressé la salle, saluant rapidement les elfes assez déconcentrés pour remarquer sa présence. Elle se dirigea vers une autre porte, qui n'était également pas inconnue au Meridiem. C'est ici qu'était organisée chacune des missions, ici que tous les plans étaient discutés. Des milliers de secrets étaient dits entre ces murs, certains qu'il avait entendu et qui faisaient froid dans le dos, même pour lui.

Sur l'une des cloisons de la Chambre Victorieuse, car c'était ainsi qu'elle était désignée, était accroché un immense miroir, assurément le plus grand qui lui ai été donné de voir. Sur sa surface lumineuse y était dessinée la carte complète et détaillée d'Amoris, et trois représentations en trois dimensions de cette dernière.

Leur planète — si l'on pouvait l'appeler ainsi — avait une forme bien à elle, bien particulière. En effet, à l'inverse de Saturne, Neptune ou de toutes les autres étoiles du ciel, elle était creuse, et jusqu'à six fois plus grande. On vivait à l'intérieur d'elle, et non à sa surface. Ensuite, ce n'était pas simplement qu'un gros globe de pierre ou de métal, mais bien plusieurs amas de terre reliés par l'eau des mers et océans d'Amoris. Il y en avait trois couches : les deux plus grandes étaient habitées, mais la dernière, la plus proche du noyau, était parfaitement infranchissable, protégée par un champ de force surpuissant. Au centre et jouant le rôle d'aimant, le noyau. Entièrement constitué de Valentia, il transmettait la magie des Légendes aux hommes et les rendait invisibles au monde extérieur par la plus puissante des Aegis, l'Impériale. Autrement dit, il était à l'origine de leur existence. Le schéma était d'ailleurs si précis que l'on arrivait à percevoir les cristaux démesurés qui parsemaient la surface extérieure de la dernière couche.

Plusieurs zones du planisphère étaient teintées de rouge, d'orange et de jaunes, et par endroit étaient tracés quelques rares ronds verts ou noirs. Il connaissait par cœur la signification de ces différents marquages, certains qu'il redoutait de voir un jour : les zones rouges sont déclarées comme détruites ou à grand danger ; les oranges comme étant en grande difficulté de résistance et les jaunes susceptibles d'être attaquées. Les cercles verts sont les Aegis déployées par les différents royaumes et les noirs les Aegis qui se sont effondrées ou qui ont été déployées trop tard. En bref, les royaumes détruits. Elyon sentit son regard s'aiguiser et ses muscles se tendre, comme lorsqu'il pouvait percevoir le danger.

—        Tu sais ce que tout cela signifie, n'est-ce pas ? résonna à ses oreilles la voix noble et sérieuse de la Reine.

Lentement, il acquiesça. Pour avoir décidé d'en faire sa vie, oui, il reconnaissait ce genre de situation. Cela se résumait en un mot :

—        Une guerre.

L'elfe hocha gravement la tête, ses yeux clairs tournés vers l'écran.

—        La Capitale de Tamilaris, Neres, a essuyé une tentative d'attaque il y a trois jours, et y a perdu la moitié de ses hommes. L'Aegis a tenu, par miracle. On m'a demandé une escadrille entière en renfort, sachant que les trois quarts des réserves de crocale y sont entreposés. Ces explosifs sont trop dangereux pour que nous courions le risque de les laisser entre les mains de ce malade. Il est encore plus puissant qu'il ne l'était auparavant.

—        Comment a réagi Kalyra ? s'enquit-il, examinant les zones marquées de rouge. Et surtout, pourquoi ne m'a-t-elle pas mis au courant ? pensa-t-il sans rien en dire.

—        Tu connais ton peuple, il n'aime pas parler de lui. Mes hommes savent de source sûre qu'elle a renforcé son Aegis territoriale, et a aidé de manière non officielle des villages alentour qui pourraient potentiellement être touchés. Malheureusement, ses désaccords avec Tamilaris ne l'autorisent pas à agir sur leur territoire... sauf qu'évidemment, leur royaume est le principal touché.

Elyon se retint de lever les yeux au ciel. Après la fin de la guerre, Tamilaris a accusé les Meridiem et la couronne de Danamore de ne pas leur avoir apporté tout leur soutien, les abandonnant au chaos sans pitié. Depuis, les deux royaumes ne se supportaient plus, s'imposant restriction sur restriction. En temps de guerre, surtout lorsque chacun est dans le même bateau, cela en devient ridicule.

—        Et vous, qu'avez-vous décidé de faire ? enchaîna-t-il, s'abstenant de toute remarque condescendante sur Tamilaris.

La Reine se passa la main sur le visage, l'air soudainement exténué, puis répondit :

—        Tamilaris s'est entièrement tournée vers nous, et presque tous mes hommes sont là-bas. Le reste devrait suivre d'ici peu, mais j'hésite, car je m'expose à mon tour à une attaque potentielle. Seulement, si je ne le fais pas...

—        Nos terres pourraient bien imploser, oui, je vois, complétai-je.

—        Les autres royaumes sont bien trop en difficulté pour agir à notre place et le tien, nous en avons déjà parlé.

Elle s'approcha du miroir, duquel il n'avait toujours pas détourné les yeux, et se tourna vers lui. Le cerveau en pleine ébullition pour trouver une solution à ce dilemme, Elyon mit à temps avant de s'intéresser enfin à l'elfe.

—        Tu es le plus jeune Invictus qu'il m'ait été donné de rencontrer. La première fois que tu es rentré dans cette pièce, je me suis dit que tu n'étais qu'un jeune fanfaron de plus à la recherche de la gloire, et que la sélection des Invictus avait perdu en sérieux au fil des ans. Mais lors de cette mission, ta première d'une telle importance, tu as été d'un véritable secours. Tu es doué, cela ne fait aucun doute. Alors, même si mon ego démesuré déteste avoir à te le demander... j'ai besoin de ton aide.

Il tendit l'oreille, intéressé et, il faut le dire, abasourdi par le fait que celle qu'il idolâtrait petit, demande à ce qu'il lui apporte son soutien.

—        Que dois-je faire ? dit-elle. Je te parle en tant qu'ancienne Guerrière, mais aussi en tant que Souveraine d'un peuple qui compte sur elle pour le garder sain et sauf.

Elyon sentit d'un coup un énorme poids tomber sur ses épaules, s'ajoutant aux nombreux autres. Pendant une minute, il resta là, à la regarder dans les yeux sans effectuer un geste. Et si ce qu'il dirait les menait tous à leur perte ? Que penseraient-ils de lui ? Puis, brusquement, il se reprit. Il avait travaillé trop dur, surmonté trop de choses. Cela ne lui faisait pas peur. Son cerveau se remit soudainement en marche, et ses yeux bleus se reposèrent sur le miroir. Il passa en revue toutes les possibilités, pesa le pour et le contre. Il devait se concentrer pour ne pas s'embrouiller. 

Si c'est compliqué, pense à faire au plus simple, se rappela-t-il.

—        Vous les adultes, vous êtes souvent retenus par le passé : les divisions, les querelles et toutes ces difficultés de l'ancien temps, avança la Meridiem. Vous en faites un poids alors que cela devrait être votre première arme : le passé, c'est l'Histoire, le garant de notre expérience.

—        Que veux-tu dire ?

—        Ce que je vous propose n'est pas nouveau, nous l'avons déjà fait, même si nous avons en partie échoué. Vous souvenez-vous de la Ligue des cinq Couronnes ?

—        L'Alliance de la Guerre des Ombres ? (il hocha la tête.) Elyon, cela a été un pur massacre.

—        C'est pour cela que nous devons apprendre de nos erreurs et revoir le concept : pour commencer, ce ne sera plus chacun chez soi. Des centaines de villes ont été détruites parce que leur puissance n'était pas suffisante. On va transformer les villes les plus résistantes en Refuges, quitte à devoir vivre serrés pendant un certain temps. Ton peuple n'est pas très nombreux ; s'il doit protéger Tamilaris, fais emmener les plus faibles avec eux et s'il n'est pas possible de faire également amener ceux qui restent, utilise l'Arbor.

L'Arbor a toujours joué le rôle de réservoir magique, apte à multiplier la capacité de résistance d'une Aegis par six pendant un temps limité. Peut-être ce temps-là était-il venu.

—        Je ne sais pas, réfléchit la Reine. Ton idée est bonne, mais cela va être compliqué à organiser et je pensais n'user de la magie de l'arbre qu'en dernier recourt. Personne ne sait ce qu'il adviendrait quand il aura tout épuisé...

Elyon n'ajouta rien, la laissant réfléchir. Seulement, il ne voyait pas d'autres solutions. D'après ce qu'il voyait, ils n'étaient plus aux prémices d'une bataille, mais bien en pleine guerre et le jeune homme était même très surpris que Frondor n'ait pas encore été attaqué. Peut-être était-il le suivant ; pour l'instant, un seul Royaume était aux mains de l'ennemi : le Royaume de Belanor, à la frontière nord de Tamilaris. Tous les autres étaient marqués de rouge, encerclant ce dernier. Archaos est malin, du bien avouer Elyon. Quoi qu'il attende de Tamilaris, il fera bientôt plier tous les rois.

— Bien, abandonna finalement Torryn. J'en parlerais aux autres royaumes et je suivrai tes conseils. De toute façon, je ne crois pas avoir le choix. En attendant, s'il pouvait y avoir au moins un Invictus par refuge, même si ce n'est que pour entraîner au mieux nos armées respectives, ce serait d'un grand secours.

Il hocha la tête. Même s'il était la main droite du Leader et que par là, il pouvait se permettre de parler en son nom, il ne pouvait pas prendre une telle décision sans lui en parler en abord.

—        Je m'entretiendrai le plus rapidement possible avec Armos, promis-je.

—        Je n'en doute pas, lui assura-t-elle en inclinant respectueusement le menton.  

La Reine posa alors le doigt sur le miroir, traça prestement de ses doigts fins un ou deux symboles sur l'écran et se recula. La carte changea d'angle, puis s'agrandit pour gagner en précision. On distinguait maintenant une sorte de zone plus lumineuse, semblant remuer. Elle se trouvait entre la première et la deuxième couche d'Amoris, à plus de huit mille kilomètres d'ici.

—        Et voilà tes Lumières. Malheureusement pour elles, leur passage laisse une trace magique pendant plusieurs jours à cause de leur bouclier d'invisibilité. Je te l'avais dit, nous ne sommes pas le plus grand pôle de Services de Renseignement pour rien.

—        Elles sont situées à plus de deux mois de marche, et Xerys ne saurait pas nous téléporter sur d'aussi longues distances, dit-il, abattu. On n'y sera jamais à temps.

—        Peut-être qu'elle ne peut pas, mais moi en revanche, je peux.

Il se sentit bête. Bien sûr qu'elle pouvait, il n'y avait même pas pensé. Il la remercia, et elle secoua la tête pour lui signifiait que c'était la moindre des choses qu'elle pouvait faire.

—        Dis-moi... Sans vouloir me mêler de ce qui ne me regarde pas, s'excusa Torryn, mais j'ai l'impression que tu es différent de la dernière fois où je t'ai vu.

Elyon fronça les sourcils.

—        Tu me parais ailleurs, comme si quelque chose te préoccupait sans cesse. Et puis, il y a une autre lueur dans ton regard...

Il garda le silence et, par automatisme, détourna la tête de sorte à cacher ses yeux.

—        Cela a un rapport avec la jeune Gardienne ? (Sans qu'il puisse s'en empêcher, il se pétrifia, tous ses muscles se tendant sur le coup. Cela n'échappa pas aux yeux trop perspicaces de la Reine, qui murmura :) Je vois... tu es amoureux.

Elyon recula en se dirigeant vers la porte, puis bredouilla, ses yeux cachés par ses longues mèches noires :

—        Je pense que je devrais y aller, mes amis doivent me chercher.

—        Attends. (il s'immobilisa, la main sur la poignée) Si cela te fait peur, c'est normal. Tu ne pouvais pas rester pour l'éternité invulnérable. Écoute, je n'ai jamais eu la chance de tomber amoureuse, mais j'ai vu l'effet que cela a sur les gens : Aimer, c'est s'accepter une nouvelle faiblesse pour en fin de compte, en devenir plus fort. Ne sous-estime jamais le pouvoir de l'amour, comme certains ont fait l'erreur de le faire. Tu serais étonné de voir ce que tu pourrais accomplir pour cette petite.

Sans répondre, il ouvrit la porte et sortit presque en courant de cette pièce qui s'était soudainement mise à l'étouffer. Ses ailes étaient habitées d'une sensation étrange, il ne se sentait pas bien. Sans un regard autour de lui, il traversa d'un pas rapide la longue salle de contrôle. Une minute plus tard et sans qu'il ait réalisé, il se trouvait déjà dans le couloir principal, là où il devait retrouver ses amis. Ce fut les grognements de Saphir et les hurlements furieux de Xerys et Lenora qui le sortirent de sa torpeur. Près d'elles, le garde et Leven tentaient de les maîtriser, sous l'oeil hautain et dédaigneux de Griselda et ses deux acolytes.

—        Je veux juste savoir où ils sont, s'énerva Xerys. Écoutez, je suis très inquiète pour mon amie, je veux juste... Comment cela, non ?

—        Vous connaissez certainement mon nom, renchérit Lenora, les poings sur les hanches. Bien, on va pouvoir s'entendre. Je disais - et comme vous devez sûrement le savoir, je suis très impatiente : emmenez-moi tout de sui... (elle tourna la tête vers lui, et ses yeux s'ouvrirent grands) Elyon !

Les deux jeunes filles accoururent vers lui, suivies de très près par le garde, Saphir et Leven. Si Lenora ne prit pas le temps de souffler et s'enquit sans attendre de l'état de Seira, il en fut autrement pour Xerys. Sans qu'il puisse comprendre ce qu'il se passait, elle abattit avec violence ses poings sur son torse, le frappant sans ménagement :

—        Tu savais ! Tu savais qu'elle risquait de mourir, tu savais qu'elle devait économiser ses forces ! Et toi, tu la fais crier ? Tu la fais souffrir ? Tu n'es qu'un insensible égoïste, Elyon Kaerio !

Leven lui attrapa les poignets, alors que le Meridiem se laissa faire. La Xemehys avait raison. Si Seira n'avait pas été capable de tenir jusqu'à Ophar, c'était à cause de leur dispute. De lui, qui tentait encore et toujours de résister, faute de conséquences qui lui faisaient peur. Il s'était concentré sur lui, enfermé dans sa bulle pour mieux lutter, mais cela lui avait valu de ne pas l'entendre sombrer un peu plus profondément vers la mort. Oui, il était égoïste.

Xerys continuait à se débattre, ses yeux bleus furieux vissés sur lui. Sa fureur n'était d'autant plus intense que l'était le lien qu'elle partageait avec la jeune Aequoriale, et il le comprenait très bien. Si Seira devait mourir, il serait bien pire que cela.

✶⦁⦁✶

C'est les vacaaaaaances ! Et vous s'avez ce que ça veut dire ? Plus de chapitres ! Je vais essayer d'en corriger pas mal pendant ces deux semaines, histoire de prendre de l'avance avant les exams 😂

Bon sinon, vous partez pour Noël ? Moi, direction la Picardie pour retrouver mes grands-parents et mes cousines 😉 Je fêterai mes 16 ans là-bas aussi... eh oui, je suis de décembre ! (D'autres Capricornes ici ? On est d'accord qu'on est les best ?) (D'ailleurs quel est votre signe astrologique ?)

Bonne aprèm les choups,

Neo

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