Hating, Craving, Falling

Da VicArroyo

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| Gagnant Wattys 2018, catégorie « Acteurs du changement » | Si Charly Sanders est bien sûre d'une chose, c'... Altro

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
ÉPILOGUE
Bonus - Lettre
Playlist Hating, Craving, Falling

Chapitre 27

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Da VicArroyo

– Charly ! s'exclame mon frère.

– Qu'est-ce qui t'anime tant à huit heures du matin un samedi ?

– Je suis juste content d'enfin t'entendre.

Je grimace. Je me suis répété une multitude de fois que je devais appeler Alex, mais je ne l'ai pas fait. Un besoin de m'éloigner de tout ça j'imagine, de tout lien avec ma famille, bien qu'il n'y soit pour rien dans tout ce merdier.

– Désolée d'avoir disparu si longtemps...

J'entends quelques bruits de l'autre côté de la ligne puis un froissement et enfin un petit soupir.

– Écoute Charly, je pensais éventuellement échanger des banalités avant d'en venir au fait, mais tu n'aimes pas vraiment ça, alors...

Je grimace à nouveau. Comme l'impression qu'il m'appelle pour me faire la morale. Ça m'emmerde d'avance. Je revêts ma cotte de mailles, installe le bouclier, positionne les lances.

– ... Je ne veux pas que tu t'excuses d'avoir choisi de prendre du recul. Ni que tu te sentes coupable de ce qu'il s'est passé.

Tout mon attirail de protection s'écrase à mes pieds dans un bruit fracassant. Si je m'attendais à ça, tiens.

– Et puis, finalement, ce n'est pas plus mal que tu n'aies pas répondu immédiatement. Ça m'a laissé du temps pour réfléchir. Tu sais, j'ai parfois pensé que tu aurais pu faire des efforts. Que, certes, la situation avec Papa n'était pas franchement idéale, mais que si tu y mettais un peu plus du tien, au lieu de rajouter de l'huile sur le feu...

Il s'interrompt, semblant avoir avalé sa salive de travers. J'ai du mal à voir où il veut en venir, alors je décide de le laisser continuer.

– Puis récemment, je me disais que ça serait bien que tu confrontes Papa. Que tu lui avoues ce que tu penses vraiment, et que ça serait une manière d'avancer, de clore ce chapitre de ta vie. Peut-être qu'il aurait pu comprendre certaines choses à son niveau, et que tu aurais pu en comprendre certaines le concernant.

Je ne suis pas convaincue de vouloir entendre tout ça.

– Alex...

– Non, laisse-moi parler, s'il te plaît.

Je soupire et m'installe sur le canapé tout contre Artémis pour absorber un peu de son énergie. J'imagine déjà que cette discussion va pomper toutes mes réserves.

– Après l'enterrement, continue-t-il avec hésitation, eh bien, après l'enterrement tout n'a pas été très beau. J'ai entendu certaines choses, j'en ai compris d'autres. Globalement, ça a même été franchement moche. Je me demande encore pourquoi je n'ouvre les yeux sur certains sujets que maintenant. Comment ai-je pu passer à côté pendant tant de temps ? J'ai été très déçu... Par beaucoup de choses. Par beaucoup de gens. Certains plus que d'autres. Enfin, certaines surtout.

– Maman ?

– Non... Léa, ajoute-t-il d'une voix frustrée.

– Ça t'étonne tant que ça ?

– Honnêtement oui ! Parce que je ne comprends pas comment j'ai pu être aveugle pendant tant d'années. Mon amour pour elle servait d'excuse pour toutes les horreurs qu'elle pouvait débiter. Je croyais qu'elle était encore jeune. Puis influençable. Puis que la famille, c'était plus fort que tout. Mais c'est faux. J'ai l'impression d'émerger d'un long sommeil, c'est totalement aberrant.

J'ai envie de lui dire que ce n'est pas de sa faute. Que le cœur est bien trompeur et se targue de voiler toute la vérité. Mais rien ne sort cette fois-ci.

– J'ai toujours été derrière toi...

– Je n'en ai jamais douté, le coupé-je.

– Tu vas me laisser parler, oui ? me gronde-t-il avec amusement.

Mes lèvres s'étirent en un faible sourire et je lui permets de continuer.

– J'ai toujours été derrière toi, mais finalement peu présent. J'ai compris très jeune qu'il y avait un problème entre papa et toi, mais il me manquait tellement d'éléments pour en saisir l'importance que je n'ai jamais vraiment pris ça au sérieux, je pensais qu'il s'agissait seulement de désaccords.

Il laisse passer un silence, mais le bourdonnement dans mes oreilles atrophie mon esprit. Je respire trop fort soudainement et j'attends qu'il poursuive, le corps tendu.

– Je me souviens d'un soir, d'une énième engueulade entre Papa et toi. Et il a dit quelque chose que je n'oublierai jamais...

Il hésite, et je crois connaître la suite. Il mentionne en effet une des quelques attaques indirectes qu'il se permettait en présence des autres. Ce jour-là, il avait posé ses grandes mains sur les petites épaules frêles de mon frère, et lui avait dit qu'il était son fils préféré, le vrai homme de la famille. Encore naïf de son jeune âge, Alex avait répliqué qu'il était de toute façon le seul. Les traits de mon père s'étaient alors durcis quand il lui a appris que ce n'était pas censé se passer comme ça. Que s'il avait su que j'allais être une fille au final, mon frère n'aurait eu que Léa comme sœur.

Alors qu'un silence laisse place à sa voix étranglée, je rabats mes genoux contre ma poitrine et attends qu'Alex poursuive, mais il reste silencieux. Au bout de quelques minutes, je lui demande s'il est toujours là, de peur qu'il n'ait raccroché.

– Je ne comprenais pas ce que ça signifiait, reprend-il. À cette époque-là, je croyais que les magasins de poupées existaient pour choisir son bébé. On parcourait les étagères et on choisissait le modèle qui nous intéressait. Donc ils t'avaient forcément choisie toi, puisqu'ils pouvaient décider de ce genre de choses. Des explications d'enfant, quoi. Et ça m'a pris un moment pour saisir la véritable signification de ses dires.

Pendant la grossesse de ma mère, mes parents se sont projetés dans le parfait schéma qu'ils avaient de leur famille. Léa attendait un petit frère, que mon père se voyait déjà éduquer de telle et telle façon, et faire telles activités avec lui. Ils voulaient deux enfants, et mon père souhaitait absolument avoir un garçon. Alors tout correspondait. Mais au bout des neuf mois, et malgré l'annonce des échographies, c'est moi qui ai débarqué entre les jambes de ma mère. Trois kilos cent, quarante-neuf centimètres, et un vagin à la place du pénis. Une surprise qui n'a pas été au goût de mon père qui ne l'a jamais accepté et m'a toujours fait payer d'être une fille.

– Au fur et à mesure, j'ai compris que sa manière de constamment me répéter que je devais être un homme, un vrai, avec sa mâchoire qui durcissait toujours plus, ce n'était pas pour m'inciter à être fort et courageux...

Je réalise tout d'un coup qu'Alex est en train de se flageller. Qu'il s'en veut.

– C'était juste pour compenser.

Je sens la colère dans sa voix. Une rage naissante qu'il a du mal à contrôler. Lui, mon frère qui maîtrise chaque parcelle de ses émotions, qui n'a jamais un mot plus haut que l'autre.

– J'ai merdé, Charly ! J'aurais dû m'en rendre compte plus tôt.

Ma salive reste coincée dans ma gorge. Je n'ai jamais parlé à personne de ce que m'a fait subir mon père, à part à Pauline et les psychologues que j'ai consulté en dents de scie. Il s'arrangeait toujours pour qu'il n'y ait que lui et moi lorsqu'il décidait de me démontrer à quel point je le dégoûtais. Il n'était jamais très sympa en présence des autres, mais il faisait bonne figure, et j'espérais à chaque fois qu'il puisse avoir changé. Mais ce n'était pas le cas, et je n'ai jamais réussi à me confier. Ma mère ne me donnait pas l'impression qu'elle pouvait arranger quoi que ce soit. Quant à Léa, elle était si proche de mon père, j'étais terrorisée qu'elle pense que j'étais jalouse d'elle au point de mentir sur les choses que pouvaient me dire mon père. Et les années passant, elle n'a fait que confirmer mon point de vue, tandis que je me refermais sur moi-même, Alex étant trop jeune pour que je lui impose ce fardeau.

Je ne sais pas à quel point mon frère est prêt à savoir tout cela, ni même si je devrais me confier. N'est-ce pas lui rajouter un poids sur les épaules ? Devrais-je lui avouer qu'à chaque occasion qu'il avait, mon père détruisait chaque petite parcelle de mon être ? Que les traces des quelques claques qu'il m'a collées sont bien invisibles comparées à celles que ses mots ont laissés ?

– Ça n'aurait rien changé, interviens-je d'une voix rauque. Papa pensait avoir quelque chose et il ne l'a pas eu. Tu sais très bien comment ça se passe dans ces cas-là.

– Mais en ne faisant rien, en ne disant rien dès qu'il s'attaquait à toi, je lui donnais raison et ça faisait de moi son complice. J'aurais dû faire plus attention. J'aurais dû essayer d'enrayer sa violence avant qu'il ne soit trop tard.

Je me recroqueville sous mon plaid et ferme les yeux face aux souvenirs qui remontent en moi. Je ne suis pas sûre que ce soit vraiment une conversation à tenir au téléphone. Si je voulais, je pourrais raccrocher. Oublier cette discussion. Oublier mon père. Oublier mon passé. Mais à mesure que la conversation avance, tout ce que je pensais avoir réglé reflue en moi comme une grenade dégoupillée.

Un long soupir saccadé s'échappe de ma gorge serrée. Je presse mes cuisses l'une contre l'autre et pose ma tête sur mes genoux.

– Charly ? murmure mon frère au bout du fil avec une pointe d'inquiétude dans sa voix.

C'est peut-être mieux au téléphone finalement. Je crois que je n'aurais pas supporté son regard ou la douceur de ses bras les rares fois où il m'enlace. Je hausse les épaules comme s'il pouvait me voir.

– Ça va... Il ne m'a pas frappé non plus, rétorqué-je dans une tentative de dédramatiser.

Après réflexion, je ne souhaite pas mettre au courant mon frère. Pour l'instant en tout cas. Mais c'est sans compter sur son intelligence et sa facilité à cerner les situations.

– Il n'a pas eu besoin de le faire pour t'abîmer, ma Lily.

Mon cœur se serre. Il ne m'appelle presque jamais comme ça. C'est seulement dans le désespoir qu'il brandit ce nom rempli d'amour comme une torche flamboyante au fin fond d'un dédale.

Il me raconte alors comment certains comportements de mon père dernièrement lui ont permis de faire des liens avec des situations du passé. Entre des attitudes de mon père envers moi et des réactions que j'avais, la manière que j'avais de pomper l'énergie de mon frère quand il rentrait d'internat pour mieux me blinder les semaines sans lui. Des années que j'ai passé à me déprécier, n'accepter aucun compliment, m'auto-saboter de trop croire n'être capable de rien. De la manière dont j'ai changé à partir du moment où j'ai enfin quitté le « cocon » familial, qui n'avait de cocon que l'aspect emprisonnant.

– Il m'a fallu du temps pour comprendre que toutes les formes de violence ne sont pas toujours visibles. Tu n'as jamais eu de bleus sur le corps, mais il a été bien, bien plus violent que quelques gifles. Et il n'a pas eu besoin de ses mains pour ça.

Des frissons me parcourent la peau tandis que ses paroles ravivent de désagréables souvenirs.

– J'ai fini par m'habituer à ses critiques, ça me passe au-dessus.

– Mais c'est justement ça le problème Charly, ça ne devrait pas exister ce genre de chose. Personne ne devrait jamais avoir à s'habituer à s'en prendre plein la gueule.

– Oui, eh bien j'ai fait ce que je pouvais ! crié-je tout à coup dans le combiné, le souffle court. J'ai passé mon enfance à essayer de me conformer à ce qu'il voulait. À essayer de comprendre ce qui n'allait pas chez moi pour qu'il me déteste autant. À réfléchir à chacun de mes actes et à chacune de mes paroles en espérant que cette fois-ci ça serait la bonne. Qu'il aurait un jour une illumination et qu'il m'ouvrirait les bras pour me dire que malgré tout, il m'aime, moi, sa fille. Mais ce n'était jamais assez bien, et ce jour n'est jamais venu. Alors j'ai inversé la donne. Je me suis battue contre lui le reste du temps. Et ça n'a rien changé ! Tout ça parce que ce connard a cru dur comme fer pendant 9 mois que j'allais naître avec un truc qui pendouille entre les jambes à cause d'une erreur d'interprétation. Et c'est tout ce qui comptait pour lui ! Sa putain de virilité toxique de merde. J'ai été un problème dès le premier jour juste parce que je ne suis pas son fils prodigue et rien ne pourra jamais changer ça. Alors j'abandonne !

Depuis mon canapé, je fulmine. La grenade a explosé sans que je ne puisse rien contrôler. Artémis a fui lorsque je me suis redressée machinalement par accès de colère. Mon souffle est erratique et ma poitrine fait le yoyo.

J'ai envie de pleurer, et comme prévu, une fatigue mentale s'abat sur moi. J'en ai assez de penser à tout ça. J'en ai marre de subir l'emprise de mon père tant d'années après. J'aimerais que ça disparaisse, et qu'on arrête de me dire ce que j'aurai dû faire ou ne pas faire.

– Non, Charly, tu ne m'as pas compris.

– Bah non, tu sais bien que je ne comprends jamais rien !

Je lui balance toute ma rancœur à la figure en le coupant dans ses propos, mais ma voix se tord et je redoute de me mettre à pleurer, alors je me tais.

– Ce que je cherchais à te dire, reprend-il presque en chuchotant, c'est que ce n'est pas toi le problème, c'est lui. Tu ne devrais pas avoir à t'habituer à ça parce que son comportement ne devrait même pas exister. Parce que malgré ce que tu peux penser, c'est de la violence. Psychologique, certes, mais c'est tout aussi grave que te taper dessus, ma Lily.

J'entends sa respiration se mêler au grésillement métallique du combiné. Mon frère, si calme, si mature que j'en oublie souvent que c'est lui le petit dernier, essaie de reprendre le dessus sur ses émotions.

Je lui raconte alors mes quelques rendez-vous de suivi psychologique. Je lui explique ce que je sais, ce que j'ai appris sur la manière dont les mots peuvent marquer à vie. Je lui passe les détails des horreurs qu'a pu me dire mon père, comme le fait que je n'aurais jamais dû naitre, qu'il m'aurait tuée depuis longtemps si la loi l'en empêchait, que je n'étais qu'un déchet n'ayant jamais trouvé sa poubelle. Il s'est aussi donné à cœur joie de me raconter, en pleine adolescence, toutes les manières dont les hommes s'y prendraient pour me faire rentrer dans le droit chemin. Mais personne n'a besoin d'entendre ce que je n'aurais jamais dû entendre en premier lieu.

– J'ai tant de rage et de colère à son égard, articulé-je les dents serrées. Je ne pensais pas que j'avais encore tout ça en moi, à cause de la culpabilité qui me ronge depuis des années. Mais l'avoir revu a fait remonter toute ma haine à la surface et je ne sais plus comment la gérer. J'y arrivais pourtant très bien depuis sept ans ! Et il suffit d'un jour, un seul maudit jour pour que tout explose. Ce repas a ouvert la boîte de Pandore et maintenant c'est la débandade dans mon cerveau.

De longues minutes s'égrènent sans qu'un de nous ne parle. Artémis essaie de calmer le déluge de mes larmes en patounant mon épaule. Finalement, la voix d'Alex rompt le silence, plus douce, plus tendre :

– J'ai aussi compris ça, Charly. Tu n'es coupable de rien, pas même de tes pensées. Tu ne peux pas continuer à te torturer pour ça. Honnêtement, je crois que j'aurai eu la même réaction que toi si j'avais été à ta place...

Cette dernière phrase est sortie dans un souffle. Comme un aveu s'échappant de son âme. Quelque chose en moi se fissure et mon cœur se contracte. Mais aucune douleur ne se manifeste. Au contraire, c'est plutôt comme si une légère faille avait fait s'envoler quelques éclats de plomb, me permettant de respirer un tout petit peu mieux.

– En fait, je réalise que rester en colère contre des gens comme ça est inutile, continue-t-il comme si sa phrase précédente n'avait jamais existé.

Mais je l'ai entendue, je l'ai enregistrée au plus profond de moi, car grâce à elle, ce que j'ai ressenti face à mon père ce jour-là est devenu légitime. Je me sens toujours coupable. Mais moins.

– C'est leur donner de l'importance et se noircir le cœur alors qu'eux ne se préoccupent pas le moins du monde de nous. Pendant qu'on se tarit de notre splendeur, ils se nourrissent de notre rancœur...

Un soupir moqueur s'échappe néanmoins de mes lèvres en réaction à ses derniers propos.

– Je sais, c'est facile de dire ça. Encore plus quand on n'est pas concerné. Mais ça te pourrit la vie alors que c'est lui qui mérite d'être misérable. On t'a répété que la famille, c'est le sang. Qu'il n'y a rien de plus fort. Mais c'est faux. L'ADN ne fait pas tout, et quand des membres de notre famille sont toxiques, personne ne devrait nous reprocher de nous en éloigner, et surtout pas nous-même. On ne pourra pas le changer. S'il était capable de changer de point de vue, ça aurait été le cas depuis bien longtemps, alors autant te protéger pour pouvoir vivre correctement ta vie. Et tu sais quoi ? C'est pour lui que c'est le plus triste au final. Parce qu'il ne pourra jamais voir quelle merveilleuse femme tu es devenue.

Ses paroles relancent le flot de larmes jaillissant de mes yeux. Je n'ai jamais eu aucun doute de l'amour que me porte mon frère, mais il n'a jamais clairement évoqué ce qu'il pensait de moi.

– Il ne pourra jamais se rendre compte de ton intelligence, de ta force, de ta résilience. Il n'aura jamais l'ouverture d'esprit nécessaire pour apprécier ta personnalité et pour t'accepter telle que tu es. Se battre contre lui c'est perdre son temps, et ma Lily, tu as tant de meilleures choses à faire avec ton temps que de l'allouer aux cons. Laisse-les patauger dans leur merde pendant que tu te libères. Laisse-les se ratatiner pendant que tu t'élèves.

Je prends de longues inspirations pour essayer de me calmer, et je sens mon cœur se gonfler. Les compliments de mon frère sont rares, ses sentiments aussi. Chaque mot qu'il prononce entraîne un soulagement dans ma poitrine. Comme si l'échoppe de plomb qui m'étouffe de l'intérieur se morcelait et qu'une multitude de petits morceaux s'évaporaient dans l'espace.

– Tu as suffisamment donné, et il est temps de te détacher de tout ça. Parce que rien ne changera, et ça n'ira sûrement jamais mieux avec eux, donc il faut que tu avances maintenant. Saisis-toi de ce caractère déterminé que ça t'a forgé malgré tout et avance ! Vis ! Ne regarde plus derrière. Ne t'occupe plus d'eux. Ne te sens plus obligée de rien.

Son discours opère comme un éclat de lumière dans les plus sombres ténèbres. Alex n'a pas encore le don de panser instantanément des plaies vieilles de plus de vingt ans, mais il les apaise. Il m'offre la possibilité de regarder les choses sous un nouvel angle, de chausser de nouvelles lunettes pour voir la vie plus clairement, plus légèrement. Il est le premier à m'offrir ces mots depuis la mort de ma grand-mère. Seule elle savait comment me redresser lorsque les attaques de mon père me faisaient flancher, même sans en connaître la cause. Mon caractère, c'est à elle que je le dois, et c'est aujourd'hui mon frère qui me le rappelle. Et il a raison, encore une fois. Ça serait presque une manie chez lui.

Nous bavardons encore un moment au téléphone. De son regret de ne pas avoir été plus entreprenant pour me protéger, de l'horrible influence que notre père a sur Léa, mais aussi de choses plus légères. Alex n'est pas du genre à parler pour ne rien dire. Je sais qu'il fait ça pour s'assurer que je ne reste pas dans le brouillard pendant deux heures après cette lourde discussion.

– Je pensais passer te voir, tout à l'heure. Je n'aime pas l'idée de te laisser seule aujourd'hui.

– Je ne le serais pas, je rejoins Chloé pour un tournoi à 13h. D'ailleurs je n'ai encore strictement rien préparé donc je vais t'abandonner, histoire de prendre une bonne douche et me remettre les idées en place.

– Tu es sûre ? Parce que ça ne me dérange vraiment pas.

– Ne t'inquiète pas, Alex. Mais on se voit bientôt, c'est promis.

Un silence se fait sans qu'aucun de nous deux ne se décide à raccrocher.

– Je t'aime Charly.

– Merci, petit frère.

Nos voix se superposent dansle combiné et nous rions. Je coupe l'appel, l'oreille rouge et chaude, mais le cœurlégèrement rafistolé.

*******

Bien le bonjour, 

Ce chapitre est assez dense, j'espère que vous l'avez digéré et qu'il vous a plu !

Je sais pas trop vers quelle heure je posterai demain, matin ou soir, ça sera la surprise !

A demain pour la suite,

xx

Victoria

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