Les Royaumes d'Eredjan 1 - La...

By marinecrivain

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Saillans et Elenith, Nord et Sud de l'Île d'Eredjan, deux royaumes qui s'affontrent depuis cinq siècles, deux... More

Avant tout
Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 5
Partie 6
Partie 7
Partie 8
Partie 9
Partie 10
Partie 11
Partie 12
Partie 13
Partie 14
Partie 15
Partie 16
Partie 17
Partie 18
Partie 19
Partie 20
Partie 21
Partie 22
Partie 23
Partie 24
Partie 25
Partie 26
Partie 27
Partie 28
Partie 29
Partie 31
Partie 32
Partie 33
Partie 34
Partie 35
Partie 36

Partie 30

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By marinecrivain

Galahaad annonça son intention d'épouser Garance quelques jours après que la jeune femme ait accepté sa proposition. Il attendait que son frère rentre, mais le Prince cadet semblait peu enclin à revenir au château. Il avait envoyé plusieurs chevaliers à sa recherche mais n'avait pour l'instant aucune nouvelle. Après un dîner plus que silencieux où les deux jeunes gens se tenaient assis face au couple royal, Galahaad annonça ses intentions. Le Roi et la Reine restèrent muets un moment, puis Acôme éclata:

- Etes-vous satisfaite Garance d'Elenith ? dit-il en toisant la jeune femme.

Celle-ci soutint son regard sans ciller, mais ne dit mot. Elle sursauta quand Galahaad posa sa main sur la sienne. Le geste du Prince rendit le Roi furieux.

- Fils, en épousant cette femme tu vends Saillans à Elenith.

- Père, nous en avons parlé, vous savez qu'épouser Garance d'Elenith est le meilleur des choix. Ce mariage nous assure une paix temporaire avec Cyrius et une main mise sur le lignage d'Elenith. Garance et moi-même avons le pouvoir de réunir les deux royaumes.

- Méfie-toi Galahaad de ne pas te faire prendre à ton propre jeu, de ne pas devenir un simple jouet.

- Je ne le serai pas, et la Princesse non plus, elle sera ma souveraine.

Le Roi soupira violemment, puis son regard quitta Galahaad et se posa sur Garance.

- Malgré les dires de mon fils, ne vous leurrez pas Princesse, vous n'êtes qu'un pion. Votre cousin vous a vendue, nous pouvons faire de vous ce que nous voulons. Même en épousant mon fils, vous n'êtes et ne resterez qu'un butin de guerre, une traîtresse d'Elenith. Vous avez été chassée d'Elenith mais vous ne serez jamais ici chez vous, lui cracha-t-il au visage.

- Père, cela suffit ! s'exclama le Prince, en se levant si violemment que sa chaise tomba au sol.

- J'ai terminé, mon fils, fais désormais ce que tu désires, je ne suis pas parvenu à récupérer Elenith, je considère mon règne terminé, c'est à toi de guider Saillans.

Galahaad resta sans voix. Durant toute sa vie et jusqu'à récemment, Acôme de Saillans n'avait jamais renoncé, jamais abdiqué. Aujourd'hui et pour la seconde fois depuis la fin de la guerre, il cessait le combat, il abandonnait la lutte. Le Roi se leva très lentement de la table, jeta un dernier regard à son fils et quitta la pièce. Galahaad regarda son père sortir, puis se mit à arpenter la salle.

- Es-tu sûr de ton choix Galahaad ? demanda Adrissa au Prince.

- Oui, et vous êtes la mieux placée pour comprendre mon choix, cette alliance permettra d'éteindre pour toujours le conflit, nous ramènerons la paix et la prospérité sur l'île entière et nous serons suffisamment forts pour dissuader l'Empereur.

- Bien, répondit la Reine d'une voix sourde.

Adrissa de Saillans priait depuis des jours pour que les projets de son fils adoptif n'aboutissent pas. Elle en avait parlé à Acôme, mais le Roi ruminait cette trêve qui ne signifiait pour lui que l'échec de son règne, il aurait voulu anéantir Elenith, mettre son ennemi à genoux. La trêve avait tout juste servi à sauver l'honneur de Saillans. Pour Galahaad, ils avaient fait le bon choix, ouvert une porte vers la réussite et la paix. Pour Acôme, ils avaient plié. Eliam avait raison, ses paroles résonnaient en lui depuis ce jour, il n'était plus l'homme qu'il était, il n'avait plus la force de rebondir. Il avait la sensation que le monde avançait désormais trop vite, il ne comprenait plus les motivations d'un fils qu'il avait formé, il avait définitivement perdu Eliam, le fils qui lui ressemblait le plus.

Adrissa connaissait suffisamment son époux pour savoir que quelque chose s'était brisé en lui. Mais ce mariage allait détruire sa famille. Elle avait passé des mois entre les murs de ce château à observer Eliam et son otage, elle avait entendu des portes se refermer discrètement avant l'aube, elle avait surpris des regards, elle avait compris des non-dits. Eliam aimait Garance, si elle avait eu des doutes, le fait qu'il disparaisse dans cette violence peu après l'annonce de Galahaad l'avait définitivement convaincue. Quant à son fils adoptif, elle n'était pas dupe, outre la politique, elle le voyait dévorer Garance du regard. Lui, si calme, si mesuré semblait s'enflammer de désir lorsque la jeune femme entrait dans une pièce. Alors il ressemblait tellement à Eliam qu'Adrissa en tremblait. Elle en était certaine, Garance avait le pouvoir de détruire sa famille.

- Bien, je vais aller voir ton père, dit la Reine en se levant de table.

Avant qu'elle n'ait quitté la pièce, Galahaad la rejoint à grands pas et lui prit les mains.

- Mère, faites-moi confiance...J'ai besoin de votre confiance.

- Tu l'as mon fils, lui répondit-elle en le prenant dans ses bras.

Galahaad la serra contre son torse immense.

- Mais sois prudent, il y a autour de toi des forces que tu ne vois pas, des forces qui vont contre toi.

- Oui mère, c'est pour cela qu'il faut que Liam rentre, j'ai besoin de lui.

La Reine frissonna. Eliam devait se tenir loin d'Estran, de Garance et de Galahaad. Après une dernière étreinte, Adrissa quitta à son tour la pièce. Le Prince se retourna, son regard se figea sur la silhouette de Garance. La jeune femme était toujours assise, ses prunelles mélancoliques perdues dans l'âtre. Elle était distante, insondable, mystérieuse.

Les jours, puis les semaines s'écoulèrent, le printemps accompagnant le rétablissement de Galahaad. Il était désormais certain qu'il ne récupérerait jamais l'entière fonctionnalité de sa jambe droite. La situation aurait pu être plus pénible, s'il n'avait pas eu quotidiennement la présence de Garance à ses côtés. Jour après jour, une complicité s'établissait entre eux. Galahaad avait l'impression d'avoir trouvé son alter-ego. Sa beauté, son esprit, ses réparties cinglantes, la jeune femme le subjuguait à chaque instant. Il tentait de passer le plus de temps avec elle, il déployait tous ses talents pour parvenir à la charmer. Parfois, il lui arrachait un rire cristallin, éclatant. Dans ces rares moments Galahaad avait l'impression que le ciel couvert du printemps s'illuminait d'un grand soleil d'été. Mais la plupart du temps, le regard de la jeune femme était teinté d'une profonde mélancolie. Il ne parvenait à l'extraire de sa réserve permanente que lorsqu'ils se lançaient dans des débats houleux. Dans ses moments, elle s'animait toute entière, son regard brillait, ses joues rosissaient et ses mains s'envolaient dans un ballet infernal. Elle était alors plus désirable que jamais. Galahaad devait se retenir pour ne pas la saisir au creux de ses bras. Car malgré le temps qui passait, elle restait intolérante au moindre contact physique.

Chaque jour, le supplice de Galahaad se répétait : la frôler sans parvenir à la toucher, entrevoir une esquisse de sourire, effleurer son tempérament passionné habilement caché sous son masque d'impassibilité. Il tentait de soulever cette carapace derrière laquelle elle se retranchait; sans parvenir à trouver une faille. Le mystère, l'opacité de sa personnalité et de ses pensées, et le désir qu'elle éveillait en lui, lui faisait peu à peu perdre le sommeil.

Une nuit, où les heures s'écoulaient sans que Galahaad ne parvienne à trouver le repos. Il se leva brusquement de son lit, son énervement était tel, qu'il en oublia sa jambe blessée. Il gémit de douleur, quand son pied heurta violemment le sol. Il retomba assis sur sa couche le souffle coupé et envoya son poing dans son oreiller.

Lui d'un naturel si calme, suffoquait de rage face à son impuissance. Il ne parvenait à rien. Il avait l'impression d'attendre le couperet du bourreau, l'empereur devenu muet l'inquiétait plus que tout car Saillans peinait à retrouver ses forces, le pays resterait instable jusqu'à la prochaine moisson. Les chevaliers qu'il avait dépêchés dans tout le pays étaient rentrés ce matin. Les nouvelles n'étaient pas bonnes, le peuple était inquiet, les réserves de nourriture au plus bas. Aucun côlon ne souhaitait s'installer dans les territoires gagnés en Elenith. S'il ne parvenait pas à convaincre des familles, Cyrius récupérait rapidement la plaine de Yénélia et cette guerre n'aurait servi à rien. L'impotent qu'il était devenu n'était pas encore sorti de la capitale, alors que le peuple avait besoin d'être rassuré. Eliam ne donnait aucun signe de vie, son père campait dans son bureau, la reine semblait s'absorber dans les préparatifs du mariage. Et ce mariage qui aurait lieu dans moins de dix jours et il ne parvenait pas à rompre l'armure de sa future épouse. Pour finir cette foutue jambe qui le faisait souffrir à chaque pas. Peut-être était-ce cela la clé ? Il avait toujours plu aux femmes, mais Garance restait de marbre, était-ce son handicap ? Etait-ce cela qui le dépouillait de sa virilité ?

Il avait la sensation d'étouffer sous les doutes et les idées noires, dans cette chambre morbide. Il se releva brusquement, enfila un simple pantalon de cuir et ses bottes. Il mit la main sur la poignée de la porte en saisissant la canne qui ne le quittait plus. Son regard se figea sur le bout de bois, puis il décida qu'il n'en avait plus besoin et envoya l'objet se fracasser sur le mur de pierre grise. Il s'engouffra dans le couloir, boitant, souffrant à chaque pas. Mais il n'en avait cure. Il sortit de la bâtisse, accéléra le rythme, la douleur recouvrant sa peau de sueur froide. L'air était doux, la nuit sentait de plus en plus l'été. Il parcourut la cour jusqu'aux bois, il ne savait pas où il allait, il ne savait pas ce qu'il cherchait, jusqu'à ce qu'il parvienne en vue de l'étang. L'étendue d'eau le fit immédiatement penser à Liam. Enfants, les deux frères s'échappaient les nuits d'été pour plonger à la recherche d'un quelconque monstre que seul un vaillant prince de Saillans pouvait terrasser. Galahaad savait désormais ce dont il avait besoin. Il voulait la présence de frère, il voulait sa désinvolture, son rire, ses blagues idiotes, sa confiance. Eliam avait cette passion, cette fureur, cette impertinence dont le tempérament pondéré de Galahaad se nourrissait. Le Prince aîné n'était jamais aussi efficace qu'auprès de son cadet, son contraire.

- Où es-tu Liam ? murmura-t-il à l'intention des étoiles.

Un bruissement lui répondit, il tourna alors la tête et vit Garance, assise au bord de l'eau. L'éclat de la lune révélait une robe immaculée, en partie recouverte d'une longue chevelure de jais. Galahaad retint son souffle, il voyait les épaules de la jeune femme secouée de longs sanglots silencieux. Il hésita un long moment à faire demi-tour. Puis, silencieusement, il s'approcha d'un pas mal assuré jusqu'à la silhouette recroquevillée auprès de l'eau. Il émanait de la jeune femme une telle souffrance, qu'elle se diffusa comme une onde de choc jusqu'à Galahaad. Le désespoir de ses sanglots silencieux était tel que pendant un moment, il trouva sa propre douleur physique salvatrice. Combien de temps resta-t-il à l'observer en silence ? Il l'ignorait. Puis quand il eut la sensation de se noyer lui-même dans cette détresse, il s'assit à ses côtés. Tandis qu'il glissait au sol dans un mouvement malhabile, la jeune femme s'aperçut enfin de sa présence. Ses grands yeux de brume, rougis de larmes le scrutèrent avec stupeur. Son visage était ravagé par le chagrin, son corps frissonnant. Elle dégageait une telle solitude qu'il s'autorisa pour la première fois à poser son bras autour de sa taille. A son grand étonnement il ne rencontra aucune résistance. Les sanglots avaient juste fait place à la surprise. Il la fit glisser contre lui. La jeune femme se retrouva blottie contre son torse nu. A cet instant, Galahaad oublia Saillans et Elenith. Il n'y avait qu'elle et lui, une femme et un homme, deux solitudes, deux douleurs, deux corps, deux âmes qui se rencontraient. Le désir qui tenaillait Galahaad depuis des semaines fit alors place à quelque chose de beaucoup plus profond, d'infiniment plus douloureux. Il savait désormais qu'il ne la laisserait jamais partir, un sentiment de possessivité extrême s'empara de ses tripes, chacune de ses veines ressentit le manque d'elle par anticipation. Il devait, il voulait comprendre l'énigme qui tremblait au creux de ses bras.

- Garance... murmura-t-il tandis qu'elle se figeait, immobile contre lui.

- Regarde-moi, dit-il en relevant son visage vers le sien.

Quand ses yeux argent rencontrèrent son regard, il les soutint sans faillir, malgré sa honte.

- Est-ce cela qui te dégoûte de moi ? dit-il en désignant sa jambe blessée.

La jeune femme resta un instant stupéfaite.

- Non, bien sûr que non. Vous ne me dégoûtez pas.

Galahaad retint alors un soupir de soulagement.

- Alors pourquoi ne me laisses-tu pas t'approcher ? Tu sais que je ne te ferai aucun mal.

- Je sais... répondit-elle dans un murmure.

- Je comprends que tu ne me fasses pas confiance, mais donnes moi un chance, une seule chance.

La jeune femme ne répondit pas, mais glissa hors des bras de Galahaad comme si elle réalisait qu'elle n'était pas à sa place.

- Je ne te demande qu'une seule et unique chance.

- Je voudrais vous donner mon cœur, mais je l'ai déjà donné à un autre et je ne puis le reprendre.

Galahaad se garda de tressaillir même si la jalousie le submergeait. "C'était donc cela ", songea-t-il. Malgré tout il se sentit rasséréné, il avait identifié l'ennemi, il savait désormais contre quoi lutter, il ne se battrait plus contre des doutes et des fantoches. Quand il s'agissait de combattre, il avait les armes.

- Entrouvres-moi la porte de ton cœur, laisses-moi ne serait-ce qu'une interstice, rien qu'une infime chance....

Garance releva brusquement les yeux vers Galahaad, il y avait une telle détermination, une telle passion dans son intonation qu'elle imagina un instant retrouver Eliam devant elle. Mais les traits du jeune homme étaient tout autres. Alors, pour la première fois, elle regarda vraiment Galahaad de Saillans, détaillant avec précision chaque parcelle de son visage, de ses yeux azurs si semblables à ceux d'Eliam, à son sourire qui lui donnait une douceur si différente de la sauvagerie de son cadet. Malgré son calme, il y avait une intense lueur de défi dans son regard. Garance sut alors bien avant qu'il ne fonde sur elle, que Galahaad allait l'embrasser.

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