Les Royaumes d'Eredjan 1 - La...

By marinecrivain

42.7K 3.7K 473

Saillans et Elenith, Nord et Sud de l'Île d'Eredjan, deux royaumes qui s'affontrent depuis cinq siècles, deux... More

Avant tout
Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 5
Partie 6
Partie 7
Partie 8
Partie 9
Partie 10
Partie 11
Partie 12
Partie 13
Partie 14
Partie 15
Partie 16
Partie 17
Partie 18
Partie 19
Partie 20
Partie 21
Partie 22
Partie 23
Partie 24
Partie 25
Partie 26
Partie 27
Partie 29
Partie 30
Partie 31
Partie 32
Partie 33
Partie 34
Partie 35
Partie 36

Partie 28

882 83 14
By marinecrivain

Eliam parvint dans la cour du château sur ses deux jambes, mais il avait la sensation que son âme s'était délitée en cours de route. Son cœur décomposé gisait dans un étau de glace. Il releva les yeux du sol, à la recherche du ciel, à la recherche d'une absolution. Mais son regard s'arrêta sur l'escorte qui venait d'entrer. Son corps tout entier se figea, tandis que l'Ambassadeur de l'Empereur descendait de cheval cerné par trois Pallassines. Il n'aurait cru que la rage qui l'habitait pouvait encore augmenter. Mais elle se décupla jusqu'à faire bouillir son sang. Il avait face à lui le représentant d'un tyran, venu tout droit de l'Empire constater que Saillans était à genou après l'avoir trahi sans vergogne. Et l'homme en question se tenait au cœur de la cité des Rois de Saillans, méprisant et présomptueux dans sa longue fourrure aux couleurs argent de l'Empire. Les Pallassines, gardes personnels de l'Empereur Dragan Lancéart, assassins à sa solde, étaient comme à l'accoutumée entièrement vêtus de noir, de leurs cuirasses aux cheichs qui cachaient la majeure partie de leurs visages en passant par leurs destriers. N'avait-il jamais rêvé de décoller la tête des épaules de l'un des leurs ? Il en avait désormais trois sous la main. Le Prince canalisa alors toute sa rancœur, toute sa haine, figea ses lèvres dans un sourire meurtrier et avança d'un pas calme jusqu'à l'escorte impériale. L'ambassadeur remarqua alors le jeune homme. Quand il vit le regard du Prince, il perdit quelque peu de sa superbe.

- Eliam de Saillans ! s'écria-t-il dans un sourire forcé.

- Excellence ! répondit le jeune homme sur le même ton tandis qu'une lueur assassine allumait son regard devenu obsidienne.

Il accéléra encore le pas et avant que l'ambassadeur ou ses hommes n'aient eu le temps de réagir, il décocha un formidable crochet dans le menton de l'ambassadeur. Avant que celui-ci n'aille mordre la poussière, il lui arracha la dague ouvragée attachée à sa ceinture et la lança dans le torse d'un des Pallassines qui s'était jeté sur lui, perforant son armure de cuir. Il saisit la longue épée que l'homme lâcha dans sa chute en évitant la décapitation que lui promettait un autre soldat, puis lui coupa la jambe avec l'arme récupérée. L'homme poussa un hurlement de douleur en s'effondrant dans une mare de sang. Le troisième guerrier le chargea, il attendit le dernier moment avant de faire un pas de côté et de trancher le garrot de sa monture. La bête poussa un hennissement de terreur puis s'effondra, mais le Pallassine sauta à terre sans être écrasé par sa monture. Il s'avança alors vers Eliam, lame au poing, regard meurtrier. Le jeune prince para le premier coup d'une puissance colossale. L'homme faisait la même taille qu'Eliam mais semblait peser vingt kilos de plus. Le jeune homme fit rapidement le ratio de ses chances. Il n'avait ni l'avantage de la force, ni l'effet de surprise, il ne lui restait que son agilité. Il ne para plus les coups de son adversaire, au risque d'épuiser ses forces, mais il les évita avec une vitesse phénoménale. Rapidement, le Pallassine montra des premiers signes de fatigue, ne sachant plus où donner de la tête tant le Prince anticipait ses coups.

Combien de temps dura le combat ? Eliam l'ignorait, galvanisé par la rage et l'adrénaline, il attendit patiemment en esquivant les coups puis une opportunité se présenta. Son adversaire commit l'erreur de baisser une seule fois sa garde. Eliam s'engouffra dans la brèche et le décapita d'un geste souple et précis, sans aucune hésitation. Il regarda un instant les derniers soubresauts du corps sans tête, avant de saisir un mouvement sur sa droite. Dans un geste d'une rapidité déconcertante, il mit son épée souillée de sang sous la gorge de l'Ambassadeur. L'homme, à terre, se figea, suppliant du regard le jeune prince. Un millier de pensées traversèrent l'esprit d'Eliam, mais en aucun cas la clémence. Il s'apprêtait à donner le coup de grâce quand un hurlement retentit :

- Eliam !! Non !!

Le jeune homme sortit alors de sa démence meurtrière. Sans un regard pour son prisonnier, il leva les yeux vers le château. Galahaad, livide, se tenait à la fenêtre de sa chambre. Il venait d'empêcher que son frère ne commette un geste irréparable. Eliam gisait au milieu de cadavres, le visage et le torse couverts de sang, sa chemise blanche devenue pourpre, l'épée Pallassine à la main. Les regards des deux hommes se croisèrent et pour la première fois Galahaad eut peur de ce qu'il voyait dans celui de son jeune frère. Il y avait une somme de rage et de douleur que personne n'aurait dû supporter. L'insouciance, l'arrogance et le cynisme de ses prunelles azur avaient fait place à un désespoir innommable.

Eliam, dont l'adrénaline refluait doucement, parcourut la cour du regard. Des dizaines de gens le dévisageaient, puis il la vit. Garance se tenait à l'orée des arbres, dans sa longue robe noire, figée, blême, égarée, ses yeux aux iris cendrés embués de larmes. S'il lui restait une partie de son âme intacte, elle implosa à cet instant.

- Qu'as-tu fait ? s'écria alors Acôme de Saillans en se précipitant vers le jeune homme.

Le père et le fils se toisèrent, un instant immobiles, face à face. Eliam resta muet.

- Mais qu'as-tu fait ? réitéra Acôme sur le même ton.

- Je montre comment Saillans punis les traîtres ! répondit Eliam d'une voix sourde en jetant l'épée Pallassine à terre.

- Tu nous condamnes à sa fureur, tu vas nous mettre à genoux ! siffla le Roi entre les dents, en désignant l'arme pallassine.

- Depuis quand avez-vous peur de votre ombre, Père ?

Acôme jeta son poing dans la figure de son fils. Celui-ci encaissa le coup, stoïque, puis ses lèvres s'étirèrent dans un long sourire de provocation. Le Roi, furieux serra les poings jusqu'à ce que ses jointures blanchissent.

- Ça suffit ! hurla la Reine, avant qu'un nouveau coup ne parte.

Les deux hommes tressaillirent. Eliam se départit de son sourire, tandis que le Roi faisait volte-face, prenant le chemin du château d'un pas furieux. Le jeune prince sauta alors sur la monture d'un Pallassine et quitta la cour. Garance regarda la silhouette d'Eliam galoper vers la ville. Il disparu au détour du poste de garde. Un silence de plomb régnait dans la cour ensanglantée. Toutes les personnes présentes semblaient avoir été assommées.

En entendant les bruits du combat, Garance avait couru jusque là découvrant avec stupéfaction la scène. Eliam semblait habité d'une fureur sans nom. En quelques minutes, il maîtrisa les trois Pallassines dans un chaos de sang, de chair et de métal. Il se déplaçait tel un fauve, un prédateur, il semblait plus animal qu'humain. Elle sut alors que la fureur d'Eliam était l'écho de son propre désespoir. Le bonheur qu'ils s'étaient accordés se soldait par son équivalence de douleur. Garance baissa ses yeux embués de larmes et se força à avancer pour ne pas s'effondrer à même le sol.

Eliam ne revint pas au château le soir même, ni les jours qui suivirent. Tout le monde mit sa fureur sur le compte de sa culpabilité envers les blessures de son frère. Mais déjà la légende était en marche. Tout Saillans murmurait le courage du Prince face aux redoutés Pallassines, qui n'étaient plus au nombre de trois, mais de dix, voire de vingt, selon le bon plaisir du conteur de l'histoire.

Acôme ne décolérait et Galahaad réfléchissait aux conséquences de l'affaire pour les anticiper, inquiet de ce qu'il avait vu dans les yeux de son frère. Quant à Adrissa, elle se rongeait les sangs, la fureur d'Eliam avait désespérément confirmé ses soupçons. Elle avait vu son fils changer pendant l'hiver, troquer sa désillusion et son cynisme contre quelque chose de bien différent que lui inspirait la jeune Princesse d'Elenith. Après l'inquiétude, elle avait été heureuse de cette métamorphose mais elle aurait dû savoir qu'avec l'impétuosité d'Eliam, les choses allaient mal tourner. Elle avait vu le regard de son fils, les mains couvertes de sang et tout cela n'était que les prémices d'événements dramatiques.

Garance resta cloîtrée dans sa chambre. Le regard d'Eliam la tourmentait dès qu'elle fermait les yeux, et pourtant malgré la lueur assassine qu'elle y avait vue, il lui manquait terriblement. Elle avait la sensation d'être victime d'une addiction. Elle en venait à compter les minutes, tant l'odeur de sa peau, la force de ses bras, la douceur de ses lèvres lui manquaient. Elle avait besoin d'entendre le son de sa voix, de sentir ses doigts sur elle. Elle voulait que ses yeux, ses mains, son désir la dévore. Elle ne parvenait plus à réfléchir tant elle avait peur qu'il ne revienne jamais. A cette idée, le désespoir la submergeait. Elle avait relégué Elenith, Galahaad et ses monceaux de décision à prendre au fond de son esprit. Elle en était incapable tant qu'elle ne savait pas s'il reviendrait et s'il allait bien. Son absence et ce qu'elle provoqua en elle, lui firent prendre conscience d'une dépendance dont elle avait à peine conscience.

Une nuit alors qu'elle scrutait le ciel illuminé d'étoiles, blottie dans un fauteuil face à la fenêtre, la porte de sa chambre s'ouvrit dans un bruissement. Elle n'avait pas besoin de le voir pour savoir que c'était lui. Elle sentait sa présence, il était seul à faire frissonner sa peau quand il entrait dans une pièce. Elle se leva de son siège. Toujours face à la fenêtre, elle jeta une couverture sur sa longue chemise de nuit blanche. Elle prit une profonde inspiration, puis se retourna. Eliam se tenait à quelques mètres d'elle. Ses yeux clairs brillaient dans la nuit, plus torturés que jamais. Une barbe épaisse recouvrait ses joues, des cernes profondes marquaient son visage et pourtant il était plus beau que jamais. Elle pouvait deviner le roulement de ses muscles sous la transparence de sa chemise de coton blanc. Ses larges épaules se soulevaient au rythme de sa respiration intense. Le regard d'Eliam lui brûlait l'âme et la peau. Elle l'observa encore un instant, puis laissa glisser à terre la couverture qu'elle retenait sur épaules et s'élança jusqu'au Prince. Son besoin de lui avait atteint une telle intensité qu'elle eut la sensation de revivre quand son corps souple entra violemment en contact avec celui d'acier d'Eliam. Elle saisit sa nuque et se blottit au creux de ses bras, se délectant de son odeur et de son aura.

Le Prince l'écarta délicatement de lui et la fit asseoir sur un fauteuil devant le feu mourant dans l'âtre. Il lui tourna le dos pour jeter une bûche dans le brasier afin de le réactiver, le temps aussi de calmer les battements de son cœur, qui s'emballait furieusement en présence de Garance. Il lui fit de nouveau face en s'appuyant contre le manteau de la cheminée. La jeune femme le dévisageait de son regard magnétique, inquiète.

- Vas-tu accepter la proposition de Gal ? demanda-t-il d'une voix sourde.

La jeune femme ne répondit pas, parce qu'elle ne savait que répondre. Eliam était face à elle, il faisait vibrer son âme, lui rendait la vie mais choisir Eliam, c'était renoncer à Elenith, laisser son peuple et l'héritage de son père aux mains d'un tyran. Et cela lui était inconcevable. Tout comme il lui semblait impossible de vivre sans Eliam. Le silence qui s'éternisait fut la réponse qu'Eliam redoutait. Désormais, il savait quoi faire. Puis la voix de la jeune femme s'éleva dans la pièce, brisée :

- Je veux que tu m'emmènes loin d'ici, je veux que nous partions loin de cette île maudite et que jamais nous ne nous retournions.

Eliam encaissa ces paroles qui le firent tressaillir.

- C'est impossible, répondit-il en figeant son regard dans celui de la jeune femme.

- Pourquoi ? Tu me l'as proposé... Tu m'as dit que...

- C'était stupide. Epouses Gal, il sera un époux attentionné et il te rendra Elenith.

La jeune femme resta muette de stupeur.

- Tu as vu ce que je suis, ce dont je suis capable, je ne réfléchis pas, j'agis, je suis impulsif, brutal, je ne suis pas Roi, je ne suis qu'un marin.

- Je me fiche de tout cela.

- Tu te fiches du sang que j'ai sur les mains ? demanda-t-il dans un rictus.

Il vit Garance tressaillir.

- Tu vois, tu ne me connais pas autant que tu le crois, choisis Gal.

Il vit alors les prunelles argent de la jeune femme s'emplir de fureur.

Pourquoi me dis-tu cela, alors que quelques semaines auparavant tu voulais faire de moi ta femme ? Parce que c'était une folie, je ne suis pas fait pour toi. Tu es un lâche Eliam de Saillans, tu te sers de ton frère pour reprendre ta liberté, pourquoi ne me dis-tu pas simplement que tu t'es lassé de moi ? Pourquoi ne me dis-tu pas que tu veux me quitter ? Je te la rends ta sacro-sainte liberté, tu es persuadé que je ne te connais pas, j'ai toujours su qu'un jour tu t'envolerais aussi rapidement que tu es apparu dans ma vie, mais je ne pensais pas que tu te servirais d'une excuse aussi minable.

Eliam garda le silence, meurtri, comment pouvait-elle penser cela alors qu'il ne souhaitait que passer le reste de ses jours à ses côtés ? Mais il se garda bien de démentir, n'avait-elle pas trouvé elle-même la solution, le détester lui permettrait de faire le meilleur choix.

A cet instant, elle bondit du canapé animée d'une rage folle.

- Je te hais, je te hais de m'avoir donné tant pour tout me reprendre.

Le prince se perdit dans les prunelles de cendres qui le toisaient. Il saisit brutalement la taille de la jeune femme et s'empara de ses lèvres. Garance resta un instant stupéfaite, tandis qu'il goûtait à sa bouche. Mais elle ne put résister et se reput de sa saveur, saisissant les boucles brunes d'Eliam dans un geste brusque pour l'empêcher de la quitter. Elle sentit les mains du jeune homme parcourir sa peau sans douceur, avec fureur, allumant un brasier sous ses paumes. Ils glissèrent au sol dans un même mouvement, elle lui arracha sa chemise, lui griffant violemment le torse. Il répondit en mordant brutalement ses lèvres avant d'envahir sa bouche de sa langue, tandis que ses doigts se glissèrent sous la chemise de nuit de Garance, brûlant sa peau. La jeune femme gémit, puis s'accrocha aux épaules immenses d'Eliam crochant ses ongles dans son derme, arrachant au Prince un grognement de douleur, de désir. Leur étreinte avait un parfum d'oubli et de désespoir. Une recherche d'absolution qui les entraînait dans une folie commune. Alors que la chemise de nuit de Garance gisait sur le sol, alors que chacun marquait le corps de l'autre de baisers, de morsures, de griffures, alors que leurs âmes s'entremêlaient dans ce ballet des sens, Eliam prit brusquement conscience de leur abandon. Il lâcha d'un coup le corps de Garance, puis se releva laissant la jeune femme agenouillée sur le sol, les doigts accrochés à sa gorge, sa longue chevelure comme seul rempart à sa nudité. Eliam, torse nu recula encore d'un pas. Son regard parcourut le corps de la princesse, les lueurs du feu créaient un ballet infernal d'ombres et de lumières sur sa peau d'albâtre, le mettant au supplice. La jeune femme releva brusquement le visage vers lui, sa voix franchit ses lèvres dans un murmure :

- Va-t-en...

Puis elle tourna la tête, figeant son regard dans l'âtre, immobile. Ce fut lorsqu'elle entendit la porte se refermer sur Eliam qu'elle s'autorisa à récupérer la chemise du jeune homme. Agenouillée, nue, elle enfouit son visage dans le linge, humant l'odeur musquée de l'homme qu'elle aimait. Un sanglot secoua chaque fibre de son corps puis des larmes amères inondèrent son visage.

Continue Reading

You'll Also Like

1.2M 27K 94
Je le détestais, il me détestais mais toute cette rancoeur c'est transformé en amour Gönlüm karalıktı, sen geldin لان قلبي مظلما وأتيت انت...
29.9K 1.7K 42
William, maitre - nageur, mène une vie simple entre ses amis et sa famille. Il ne souhaite aucune attache sentimentale, mais il nourrit en lui un rêv...
130K 6.5K 52
Colleen Benson a pour meilleur ami Niall Horan, ils ont grandi ensemble à Mullingar jusqu'à ce qu'il quitte sa ville natale pour Londres afin de réal...
233K 13.6K 39
"L'une des plus grandes douleurs est d'aimer une personne que tu ne peux avoir" Quand on tombe amoureux de l'interdit Lys, Sven, Rémy, Amy, Jona et L...