Les Royaumes d'Eredjan 1 - La...

By marinecrivain

42.7K 3.7K 473

Saillans et Elenith, Nord et Sud de l'Île d'Eredjan, deux royaumes qui s'affontrent depuis cinq siècles, deux... More

Avant tout
Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 5
Partie 6
Partie 7
Partie 8
Partie 9
Partie 10
Partie 11
Partie 12
Partie 13
Partie 15
Partie 16
Partie 17
Partie 18
Partie 19
Partie 20
Partie 21
Partie 22
Partie 23
Partie 24
Partie 25
Partie 26
Partie 27
Partie 28
Partie 29
Partie 30
Partie 31
Partie 32
Partie 33
Partie 34
Partie 35
Partie 36

Partie 14

1.1K 109 14
By marinecrivain

Après deux jours de marche, le paysage semi-désertique fit place à des collines parées de couleurs automnales, prémices des sommets qu'ils auraient à gravir. Lors des quelques pauses que les deux compagnons de voyages s'accordèrent, Garance ne put s'empêcher de remarquer le regard vaguement inquiet qu'Eliam lançait sur les montagnes enneigées. Ils chevauchaient du lever du jour jusqu'au crépuscule. Garance s'était habituée au contact permanent du guerrier. Elle qui n'avait jamais connu que l'éternel été d'Amarylis se sentait même rassurée par cette intimité devant la morosité sinistre des montagnes à l'approche de l'hiver. Comme prévu, la chaleur faisait place à une fraîcheur de plus en plus présente à l'approche des sommets. Les nuits sans feu devenaient glaciales.

Eliam quant à lui et malgré ses inquiétudes bénissait les températures rafraîchissantes. Elles lui permettaient de tempérer le supplice auquel le mettait le contact quotidien de la jeune femme. Ils parlaient peu, s'accommodant de la situation. Eliam savait toute la difficulté de franchir le col de Narmade. Ce qui n'était qu'une voie au coeur de l'été, devenait un sentier impraticable durant l'hiver.

Garance ressentait son inquiétude. Cela faisait maintenant plus d'un mois que leur destin s'était croisé. Elle qui avait passé la plus grande partie de sa vie dans une solitude extrême étudiait avec attention son geôlier. Elle parvenait maintenant à détailler ses émotions à la façon dont il soupirait, dont sa mâchoire se crispait ou même selon le ton qu'il employait pour lui parler. Elle avait noté un grand nombre de détails depuis leur rencontre mais n'avait commencé à les analyser que depuis quelques jours : depuis qu'elle avait abandonné tout espoir d'évasion.

Malgré elle, elle remarquait que le tempérament du guerrier était bien différent que ce qu'elle avait pensé au premier abord. Au fur et à mesure qu'elle apprenait à le connaître elle devait écarter les préjugés et la légende pour découvrir une complexité à laquelle elle n'était pas préparée. Eliam de Saillans avait la carrure et la puissance d'un guerrier, mais il était doté d'une agilité que l'on n'attendait pas pour un rustre des montagnes. Il était attentif à la nature, en parfaite harmonie avec son élément, à son écoute et pourtant Garance s'était vite rendu compte à quelques rares réflexions qu'il avait une solide instruction et une grande vivacité d'esprit. Et puis il y avait une sensibilité qu'il cachait désespérément derrière son sourire narquois, et ses réflexions grivoises. Cette étrange fragilité, Garance l'avait remarquée lorsqu'Eliam était en contact avec son père. Elle ne parvenait pas à en identifier la cause, mais elle avait le sentiment que le Roi était la seule personne qui pourrait briser le jeune homme. Enfin, comble de son ambivalence, il était Prince sans en avoir l'apparence et pourtant il dégageait un charisme, une aura que bien des Rois lui auraient enviée. Malgré son image de soudard, elle était désormais certaine qu'il était un grand meneur d'hommes, d'où les victoires du "Mandragore". A cet instant, elle pensa à tous les méfaits qu'on lui attribuait en Elenith et elle était de plus en plus perplexe. Quoi qu'il en soit, et malgré l'inconfort de la situation, son geôlier faisait preuve d'une certaine délicatesse envers la jeune Princesse. Elle ne l'aurait jamais avoué mais cette attention l'avait touchée.

Extirpant Garance de ses pensées, Eliam tira sur les rênes pour arrêter leur monture. Se faisant, il frôla les mains de Garance, accrochées dans la crinière noire de l'étalon. Cet infime contact lui embrasa immédiatement les reins, il maudit sa maladresse et s'empressa de sauter de cheval. Garance suivit le mouvement. Chacun avait pris ses habitudes et tandis qu'Eliam sortait leur frugal repas et remplissait les gourdes d'eau, Garance accrocha la longe de l'étalon à un arbre et le dessella. Elle accomplissait ces gestes avec habilité désormais. En jetant un coup d'oeil au Prince elle vit que sa mâchoire se crispait involontairement comme s'il souffrait. Alors quand ils furent assis et que tous deux grignotaient des tranches de boeuf séchées et du pain légèrement rassis, elle lui demanda :

- Votre blessure vous fait-elle souffrir ?

Le prince lui jeta un coup d'oeil, se renfrogna et grogna quelque chose d'inaudible.

- Montrez la moi, insista-t-elle.

- Non, ça ne vous regarde pas.

- Ça me regarde, si vous mourrez en route, je ne pourrais pas revenir à Amarylis et sans vous je ne peux pas traverser les montagnes, alors montrez moi votre blessure.

- Elle ne me fait pas souffrir.

- Ouvrez votre chemise que je m'en assure.

Eliam commençait à sérieusement s'agacer car il savait pertinemment que ce n'était pas sa blessure qui le faisait souffrir mais il commençait à connaître Garance et elle allait l'enquiquiner un long moment s'il ne cédait pas. Il retira donc sa veste en cuir sans manche puis sortit sa chemise de son pantalon avant de la faire passer par-dessus la tête. La jeune femme s'approcha alors pour observer la longue balafre qui marquait son torse. Eliam serra un peu plus les dents quand il huma le parfum de sa chevelure nouée dans un lâche chignon sur sa nuque. A son habituelle odeur de miel et de lavande s'ajoutait celle du savon qu'elle avait utilisé pour se baigner la veille au soir. Encore une seconde et il saisirait sa nuque, redresserait son visage vers le sien et s'emparerait de ses lèvres gourmandes qui le tourmentaient depuis trop longtemps.

Avant qu'il n'ait esquissé le moindre de geste, la jeune femme frôla la blessure lui arrachant un long frisson de plaisir. Garance retira immédiatement sa main :

- Vous ai-je fait mal ? demanda-t-elle en s'écartant et en scrutant le visage du Prince de ses grands yeux de brume.

- Non, grogna-t-il au supplice.

Ne voyait-elle pas ce qu'elle lui infligeait ? Apparemment non ! Elle le regardait avec une innocence qui n'appartenait qu'à elle. S'il n'y avait pas eu cette candeur, il l'aurait déjà culbutée à même le sol, comme il l'avait fait des dizaines de fois avec des paysannes, des catins ou des bourgeoises. Mais il y avait une pureté qui déclenchait en lui un chamboulement qui le désarçonnait et l'empêchait d'agir à la guise de ses instincts. Et puis chacune des femmes qu'il avait connues jusque là avait été consentante, elles étaient même nombreuses à se jeter à son cou. Guerrier, Prince de Saillans et Capitaine du Mandragore, sa réputation le précédait, désormais il mourrait de désir pour celle qui avait certainement le plus peur de lui.

- La plaie est propre, dit la jeune femme, le tirant de ses sombres pensées, elle cicatrise bien. Cependant vous aurez une vilaine cicatrise, avec quelques plantes, j'aurais pu vu confectionner un onguent efficace.

- Ce n'est pas la première, ce ne sera pas la dernière ! Ne trouvez-vous pas que cela ajoute à mon charme ? dit-il avec un sourire narquois.

Elle le toisa de son regard hautain, mais ne répondit pas.

- D'où connaissez-vous les plantes, petite Princesse ? Je croyais que vous n'étiez jamais sortie de votre palais ? demanda-t-il.

- J'ai étudié la médecine. Mais il n'y a pas besoin d'être médecin pour savoir qu'un bon bain vous aidera à assainir la plaie ! répondit-il fière de sa répartie.

Cette fois-ci ce fut la jeune princesse qui afficha un sourire moqueur. Eliam fut piqué au vif, peu habitué à être pris à son propre jeu. Il allait donner une leçon à l'arrogante Garance d'Elenith. Il sauta aussitôt sur ses deux pieds. Déjà à moitié dévêtu, il retira ses bottes poussiéreuses, son pantalon de cuir noir et enfin son caleçon de coton clair qu'il garda néanmoins devant ses attributs. Tout cela devant le regard médusé de la princesse. Il prit le savon dans l'une des sacoches et se dirigea, sourire aux lèvres, tranquillement jusqu'au torrent qu'ils longeaient depuis plus de quatre jours. A cet endroit le courant était relativement calme.

Il avait pensé qu'elle détournerait pudiquement les yeux, mais nullement, il sentait son regard le suivre jusqu'au torrent. Il se fit violence pour entrer dans l'eau car celle-ci était glaciale. Quand il fut immergé jusqu'à la taille, il commença à se savonner vigoureusement de la tête au pied.

Garance aurait voulu détourner le regard, mais elle en fut incapable. Elle se convainquit qu'Eliam serait d'autant plus vexé qu'elle ne soit pas gênée. Même si elle l'était cruellement. Elle avait la sensation que son corps entier rougissait de honte. Il avait le don de la pousser dans ses retranchements. A peine gagnait-elle une bataille qu'il lançait une nouvelle attaque. Le quotidien avec Eliam de Saillans était une lutte sans fin. Tandis qu'elle s'agaçait de son éternelle assurance, ses yeux ne quittaient pas la peau dorée du jeune Prince. Son corps nu était encore plus impressionnant, les muscles roulaient sous son épiderme dégageant ainsi un impression de force et de réactivité. Il avait littéralement l'air d'un fauve. Alors que malgré elle son regard s'aventurait plus bas, il plongea dans l'eau, et elle l'en remercia, préservant sa pudeur. Alors que ses joues brûlaient d'une rougeur grandissante, elle rangea leur repas...Tous les hommes étaient-ils aussi beaux que lui ? Elle tenta de contrôler le fil de ses pensées...sans y parvenir. Etait-il normal qu'il dégage simultanément une impression de puissance et de douceur ?

- Princesse ?

- ...

- Garance ?

- Comment ? S'écria la jeune femme d'une voix un peu trop aiguë en réponse à son prénom.

- Pouvez-vous me faire passer ma chemise ? Demanda Eliam dans un sourire moqueur.

La jeune femme attrapa le linge sale, s'approcha de l'eau et le lança au Prince. Puis d'un air renfrogné elle lui dit :

- Satisfait de votre petite démonstration ?

- Plutôt...oui ! Répondit-il dans un franc sourire en commençant à savonner son linge. Après tout, il n'y avait pas de raison à ce qu'il soit le seul incommodé par la situation.

Au milieu de l'après midi, ils atteignirent réellement les montagnes, la végétation se raréfia, la route ne devint qu'un petit sentier caillouteux. Ils durent mettre pied à terre pour économiser le robuste étalon qui peinait devant les mètres de dénivelé qu'ils gravirent. De plus, la pauvre bête était chargée d'eau car ils ne savaient pas quand ils retrouveraient une source. Eliam était soulagé de ne pas avoir encore trouvé la neige. Cependant, l'air se rafraîchissait d'heure en heure, ils marchèrent jusqu'à ce que le jour fassent réellement place à la nuit, puis ils s'écartèrent du chemin. Quelques heures auparavant, Eliam avait repéré une grotte qui leur servirait d'abri pour la nuit. Il avait forcé l'allure pour y parvenir. Dans une centaine de mètres, ils toucheraient au but. Il tenait fermement la longe du cheval qui commençait à renâcler. Il lui murmura quelques mots d'encouragement, lui même épuisé. Garance suivait vaillamment à quelques pas derrière. Malgré la difficulté de l'ascension, elle ne s'était pas plainte une seule fois. Il jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule et la vit trébucher, elle se releva et son regard croisa le sien. Il arrêta le cheval, fit quelques pas pour rejoindre la jeune femme et saisit sa main fragile dans la sienne. Ses yeux brumeux se teintèrent d'étonnement, mais la fatigue empêcha toute réplique. Eliam se remit en marche, les battements de son coeur semblaient s'être accélérés à la pensée de la petite main serrée dans la sienne.

Le contact de la paume calleuse assena un peu de courage à Garance qui luttait contre l'éreintement. A un moment, elle s'était demandé si son geôlier ne voulait pas la tuer d'épuisement. Elle avait trébuché, s'attendant à une moquerie quelconque pour finalement trouver un regard compatissant et doux ainsi qu'une main puissante pour la tirer jusqu'au but.

Quant ils parvinrent enfin dans la grotte, les deux voyageurs et leur monture était à bout de force. Eliam dessella son cheval, sortit les fourrures qu'ils avaient emmenées et les jeta à même le sol. D'un regard, il fit comprendre à la jeune femme de s'y installer. Il pansa la bête et apporta le sac de vivres auprès de Garance. Tous deux mangèrent en silence.

- Enroulez-vous dans les fourrures, la nuit va être froide et nous ne pouvons pas faire de feu. Nous sommes trop visibles sur ce versant, dit Eliam.

La jeune femme acquiesça et la dernière bouchée avalée s'endormit au creux des fourrures. Eliam regarda Garance reposer, paisible. Il jeta une fourrure sur ses épaules et s'allongea à quelques mètres d'elle, perclus de fatigue.

Au creux de la nuit, il s'éveilla transi de froid. Comme il s'y attendait la température avait brusquement chuté. Il jeta un coup d'oeil au dehors, et dans la nuit claire, il vit que la neige tombait abondamment. Etouffant un juron, il se retourna en entendant un bruit provenant de Garance. En s'approchant, il vit qu'elle grelottait et claquait des dents, parfaitement éveillée. Il s'accroupit auprès d'elle.

- Garance...Venez, dit-il en l'aidant à se relever.

Il la mena vers le cheval qu'il rassura d'une caresse et d'un murmure, puis fit s'asseoir. La bête les regarda de ses grands yeux sans broncher. Il jeta une fourrure au sol, la jeune femme s'allongea contre le cheval, Eliam la recouvrit des deux autres fourrures et se glissa à ses côtés. Garance soupira d'aise quand son corps rencontra la chaleur de la bête. Elle était frigorifiée, de la tête au pied. Elle sentit Eliam se blottir à ses cotés mais ne réagit pas, tout ce qu'elle voulait c'était de la chaleur. Il cala son torse d'acier contre le dos de la jeune femme, glissa un bras sous sa tête et de son autre main il prit ses paumes gelées. Elle sursauta en sentant la chaleur qui irradiait de son corps. A cet instant elle maudit la fille du sud qu'elle était. Mais quelques minutes plus tard elle s'endormit, l'haleine chaude d'Eliam au creux de sa nuque.

En entendant la respiration régulière de la jeune femme, Eliam s'autorisa à reprendre son souffle. Il était en apnée depuis qu'il s'était allongé contre elle, redoutant ses propres réactions. Mais que pouvait-il faire ? Il n'allait pas la laisser mourir de froid. Il s'installa du mieux qu'il put et tenta de trouver le sommeil contre le corps tiède et doux de Garance.

Continue Reading

You'll Also Like

1.1M 47.3K 89
Dans les bras d'un autre, je me demande, est-ce que tu m'oublies ?
81.2K 5.2K 38
Après la mort soudaine de sa mère, Judy a suivi son père capitaine de cavalerie de l'Angleterre au Far-West, en Amérique du Nord. Mais il l'a fiancée...
29.9K 1.7K 42
William, maitre - nageur, mène une vie simple entre ses amis et sa famille. Il ne souhaite aucune attache sentimentale, mais il nourrit en lui un rêv...
130K 6.5K 52
Colleen Benson a pour meilleur ami Niall Horan, ils ont grandi ensemble à Mullingar jusqu'à ce qu'il quitte sa ville natale pour Londres afin de réal...