Les Royaumes d'Eredjan 1 - La...

By marinecrivain

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Saillans et Elenith, Nord et Sud de l'Île d'Eredjan, deux royaumes qui s'affontrent depuis cinq siècles, deux... More

Avant tout
Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 5
Partie 6
Partie 8
Partie 9
Partie 10
Partie 11
Partie 12
Partie 13
Partie 14
Partie 15
Partie 16
Partie 17
Partie 18
Partie 19
Partie 20
Partie 21
Partie 22
Partie 23
Partie 24
Partie 25
Partie 26
Partie 27
Partie 28
Partie 29
Partie 30
Partie 31
Partie 32
Partie 33
Partie 34
Partie 35
Partie 36

Partie 7

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By marinecrivain

La ville blanche d'Amarylis tremblait sous les coups de tocsin. L'alarme résonnait le long de chaque impasse, rue et avenue, parvenant jusqu'au palais. Des semaines d'attente, d'angoisse, avaient précédé cet instant. Quand Garance sortit des appartements de son père, les cloches retentissaient encore dans toute la ville, trouvant une résonance jusqu'au creux de ses tripes. Elle s'adossa un moment contre le mur de marbre blanc. Elle tentait de retrouver son souffle. Il était désormais clair que cette journée ne serait comme aucune autre. Saillans aux portes d'Amarylis ! Malgré les menaces, les prémices de préparatifs, le royaume n'avait jamais réellement envisagé une offensive de leur vindicatif voisin. Le roi Acôme et ses deux fils étaient finalement aussi fous qu'on le disait, encore plus fous que l'Empereur qui n'osait pas même s'attaquer ouvertement à la puissance commerciale d'Elenith. Les barbares du Nord n'avaient aucune chance de prendre Amarylis. Ils étaient parvenus aux portes car aucune résistance ne protégeait les campagnes. En revanche, la capitale était une forteresse quasiment autonome et forte de quinze mille combattants entraînés. Le choc passé, la jeune femme avait repris ses esprits. L'antagonisme entre les deux patries ne datait pas d'hier. Leur histoire commune était semée de tensions, de trêves puis d'escarmouches. La dernière véritable guerre remontait à la création d'Elenith, des siècles auparavant.

Avec un peu de recul, elle était persuadée que ces hordes barbares sèmeraient quelque peu le chaos dans les campagnes environnantes mais seraient bien incapables de s'emparer du pouvoir. En revanche, la belligérance de Saillans allait un peu plus déstabiliser le conseil. Le statut quo sur l'héritage du pouvoir qu'avait instauré la maladie soudaine du roi risquait de sauter comme le verrou d'une porte forcée. Cyrius allait s'engouffrer dans la brèche, indéniablement. Garance eut la certitude que les tocsins allaient accélérer son destin, elle reprit alors brusquement son chemin. Il lui fallait se rendre dans la salle du conseil, elle s'était trop longtemps tenue loin des affaires du royaume, attendant qu'on la sollicite, ce que son statut de femme lui imposait. Elle avait laissé un parvenu distiller son venin au sein du pouvoir. Elle avait détesté son père, aveuglé par la loi salique, d'avoir laissé autant de marge de manoeuvre à Cyrius. Elle devait l'arrêter avant que le conseil ne le déclare indispensable.

La princesse avait transformé ses pas mesurés en une course effrénée, elle traversa un à un les couloirs du palais. Les travées de marbre blanc lui paraissaient sans fin. Derrière elle, elle entendait l'épée de Lahur battre la mesure sur son pantalon de cuir. Elle parvint enfin à l'entrée de la salle du conseil par les étages supérieurs, dominant la foule qui se massait devant les portes closes de l'amphithéâtre du pouvoir. Elle descendit le large escalier qui ceinturait la pièce d'en haut jusqu'en bas. Les notables de la cour trépignaient d'impatience, dans l'attente d'une décision du conseil. La peur se lisait sur chaque visage. Garance sut que Cyrius n'aurait que la carte de la panique à abattre pour prendre le pouvoir. Elle se fraya un passage dans la foule jusqu'à atteindre les lourdes portes de la salle du conseil. Une dizaine de gardes la bloquait. Ils s'écartèrent lorsque la jeune femme leva les yeux vers eux. Elle se retourna, intimant silencieusement à Lahur de rester en retrait. Face à elle, les portes sculptées de bois noirs s'élevaient sur trois mètres de haut, elles commencèrent à s'ouvrir, lentement, ralenties par leur poids. Quand l'espace fut suffisant pour que la jeune femme puisse s'y glisser, elle prit une profonde inspiration et s'engouffra dans l'antre du pouvoir.

L'amphithéâtre de marbre blanc était baigné dans la lumière de l'immense verrière. Les vingt conseillers se tenaient sur les marches. Au centre de la pièce, Cyrius haranguait l'assemblée vêtue de la toge blanche des politiciens d'Elenith. Garance s'avança au coeur de l'amphithéâtre. Un murmure parcourut l'assemblée. Cyrius se tut et se retourna. Il dévisagea la jeune femme, puis l'interpella.

- Princesse, quelle surprise ! Que nous vaut le plaisir ? s'écria Cyrius.

- Les troupes de Saillans à nos portes me semblent une raison suffisante de participer au conseil.

- Nous sommes d'accord, Princesse. L'urgence de la situation nécessite votre présence. Nous avons des décisions importantes à prendre.

- Je vous écoute, répondit la jeune femme en se dirigeant vers le siège qu'aurait du occuper le roi.

Cyrius la regarda traverser la scène et s'asseoir sur le trône qui faisait face aux conseillers. La jeune femme prit son temps et jaugea chacun des membres de l'assemblée. Le politicien repris son laïus en s'adressant directement à la princesse.

- La situation est critique. Saillans est à nos portes et notre Roi est à l'agonie. Notre peuple, nos ennemis ont besoin de nous voir forts. Or nous n'avons jamais été aussi vulnérables.

- Que préconisez-vous Cyrius ? demanda l'un des conseillers en se levant.

Garance retint avec difficulté un sourire. Elle connaissait déjà la réponse.

- Il faut une figure de proue au pouvoir.

- Pensez-vous être l'homme de la situation ? demanda le même politicien.

- Oui, répondit Cyrius, avec un aplomb qui sidéra Garance, bien évidemment ce ne serait que provisoire. C'est selon moi le meilleur moyen, de rassurer le peuple, d'encourager nos troupes et de maintenir l'ennemi hors de la ville. Saillans est en force, nous sommes capables de tenir un siège à condition que le peuple ait confiance, qu'il accepte les restrictions que la situation nous impose.

Garance sut que le silence qui suivit la tirade de Cyrius était synonyme d'assentiment du conseil. La jeune femme se leva brusquement du trône.

- Pouvez-vous m'expliquer pourquoi le peuple fera front derrière vous Cyrius ? lui demanda la princesse, quelle est votre légitimité ?

- Vous avez raison Princesse, je n'ai aucune légitimité, mais en ces temps de crise, il faut agir vite et stabiliser le pouvoir.

- Je comprends votre point de vue, cependant vous pouvez peut-être imposer votre présence, mais pas la confiance en vous.

- En effet, c'est pourquoi j'ai besoin de votre aide et de votre soutien. Vous êtes la fille de notre roi, le peuple vous aime, nous pouvons parvenir à stabiliser le pouvoir à deux.

La jeune femme eut le plus grand mal à contenir sa fureur. Il avait gagné, habilement, sournoisement, mais il avait gagné. Il présentait au conseil la solution idéale : un homme au pouvoir allié à la princesse. "Les mots qu'il n'avait pas prononcé était bien présents, sous-jacents, menaçants : une alliance avec moi ! Pourquoi n'y avait-je pas pensé ? Quel meilleur moyen de prendre définitivement le pouvoir, en éliminant l'insecte que je suis et en se servant de ma position et de ma légitimité ! Voilà pourquoi il ne m'a présenté aucun parti ces dernières semaines...car il songe à m'épouser !" songea-t-elle atterrée. Garance dut retenir un haut-le-coeur, elle aurait dû savoir que dans une course au pouvoir, épouser sa propre cousine germaine n'aurait pas arrêté Cyrius. Son regard gris, devenu métallique fusilla son ennemi, déchargeant une formidable charge de tension dans l'atmosphère. Mais dans cet amphithéâtre, elle était la seule à connaître le véritable dessein de son cousin, il préparait doucement le conseil à l'idée. Même s'ils n'en avaient pas conscience, les membres du conseil étaient trop heureux d'appliquer la loi salique tout en s'assurant l'appui du peuple. Cyrius et Garance avaient face à eux des vieillards égarés, aux abois. Face aux arguments de son cousin, la princesse n'était qu'une gamine de dix sept ans, avec aucun appui hormis l'amour de son peuple, rien de très rassurant. L'attaque de Saillans était le coup de pouce dont avait besoin Cyrius. Au lieu de le contrer, Garance l'avait aidé.

Les deux ennemis se jaugèrent un long moment. Garance n'avait aucune arme pour répliquer. Désormais, ce n'était pas l'héritage politique de sa famille qu'elle devrait protéger, mais sa vie.

Le jour se levait sur Amarylis, plongée dans une torpeur de fin du Monde. La ville s'éveillait d'une nuit d'insomnie. En quelques heures la population avait doublé. Des milliers de réfugiés avaient fui les villages du Nord pour trouver refuge au sein de la capitale. Garance parcourait les rues bondées de paysans au regard hagard. Leur salut ne tenait qu'à un seul garde qui avait réussi à fuir la bataille de la frontière pour prévenir la capitale de l'invasion. Le tocsin avait alors résonné dans tous le royaume. La centaine d'hommes du col de Marmade, seul accès entre les deux royaumes ennemis n'avaient tenu que quelques heures. Personne ne s'attendait à une attaque de Saillans, encore moins par les voies terrestres. Leurs troupes avaient déferlé sur les plaines d'Elenith.

Garance se tenait sur le haut des murailles Nord. Les remparts de pierres blanches colorées par l'aube étaient désormais cernés par les troupes de Saillans. La jeune femme parcourait du regard l'armée massée à ses pieds, dix mille hommes au bas mot. Sans parler de l'atout principal de Saillans, sa flotte, qui n'allait pas tarder à investir le port. Il était d'ailleurs étonnant qu'elle ne soit pas là. Elenith en avait profité pour renforcer ses défenses maritimes. Cependant, le port restait le point faible de la ville. Conçu pour le commerce, on avait minimisé ses défenses pour le rendre le plus spacieux et accessible aux navires marchands.

Le regard perdu sur l'océan, Garance le sondait à la recherche des frégates rapides de Saillans, la plus redoutée : le Mandragore, était la hantise des marins d'Elenith. Le nom de son capitaine : Eliam de Saillans, l'un des rustres princes du royaume du Nord résonnait telle une malédiction sur toute la flotte du Sud. Mais dans l'instant, la mer était plus que calme, les navires de l'Empire avaient quitté la ville comme un seul homme, hier avant même le tocsin. Ils étaient visiblement informés de l'attaque mais s'étaient bien gardés de prévenir Elenith. L'empereur avait toujours lorgné sur les richesses du Sud de l'île. Il viendrait rafler les miettes du royaume si Saillans réussissait à prendre Amarylis. Un seul navire était à quai : celui d'un sombre chef de guerre des Steppes, continent Oriental, semi-désertique que se disputaient une dizaine de barbares assoiffés de pouvoir. Grâce à quelques caisses d'or, l'équipage sera enrôlé dans l'armée Elenith, pour défendre Amarylis. Quant à la flotte sudiste, une partie avait été envoyée quérir l'aide des chefs de guerre des steppes ralliés à Elenith, les autres devaient tenir les détroits orientaux et occidentaux pour retarder, voir éliminer la flotte de Saillans.

La princesse trouvait vraiment étrange que Saillans n'ait pas lancé son assaut par la mer, ils laissaient ainsi champ libre à la ville pour se ravitailler. Etait-ce une stupide erreur ou une stratégie de surprise ? Le roi et les Princes de Saillans étaient des rustres, sans éducation, des soudards, régents d'un peuple resté dans les stades primitifs de l'évolution. Cependant, ils étaient loin d'être idiots, et s'avéraient être de redoutables guerriers, heureusement plus souvent occupés à tenter de survivre au froid et aux famines fréquentes dans le Nord, mais visiblement pas aujourd'hui.

Garance quitta la vue de l'océan et traversa la ville jusqu'au palais, le conseil n'allait pas tarder à se réunir et il n'aurait pas lieu sans elle.

Cyrius était déjà dans la salle du conseil, encore vide de ses membres, face à son bras droit et homme de main : Amos, crâne rasé tout comme le notable, il était cependant plus petit. Les deux hommes parlaient à voix basse :

- ...Je ne me fais aucune illusion, elle va m'opposer une résistance telle qu'elle me ridiculisera auprès du peuple et peut-être même du Conseil. Tu dois me trouver un moyen de l'éliminer, je ne dois être en aucun cas suspecté, pactises avec Saillans si cela doit être nécessaire, mais débarrasses moi d'elle.

- Vous ne pensez pas que la guerre vous suffira à asseoir votre pouvoir, elle n'est qu'une gamine sans aucun soutien politique, vous la ferez plier avec le temps, murmura l'homme de main.

- Non, je n'ai pas de temps à perdre. Tant qu'elle sera dans ses murs, le peuple lui reconnaîtra une légitimité et jamais elle ne s'alliera à moi de son plein gré. Regardes comme elle a éconduit un à un tous ses prétendants. L'Empereur s'est bien gardé de se frotter à ses épines, je ferai de même. Inutile de me discréditer auprès d'un peuple qui ne m'accorde aucun crédit. Charges-toi de l'éliminer tandis que je soutiens le siège de Saillans. Si nous survivons, le pouvoir me sera définitivement acquis. Maintenant laisses moi, je dois me préparer à affronter cette bande de vieillards décrépis, autant te dire que lorsque je m'emparai du trône le conseil n'existera plus... chuchota Cyrius en refermant le poing.

- Bien, répondit l'homme avant de quitter la pièce.

Cyrius se replongea dans l'examen de ses dossiers, il devait prouver au conseil qu'il était l'homme de la situation. Un à un, les conseillers prirent place dans l'amphithéâtre. L'angoisse se lisait sur leurs visages marqués par une nuit sans sommeil. Pour ces hommes grisonnants et bedonnants, le Monde était sur le point de s'effondrer. Saillans aux portes d'Amarylis, des hordes barbares animées d'une rancoeur aiguisée depuis cinq siècles.

Garance entra enfin dans la salle du conseil. Elle avait revêtu une longue robe ocre, relevé ses cheveux dans un lourd chignon, retenu par un diadème discret. Son arrivée déclencha une rumeur désapprobatrice dans l'assemblée. Cyrius ne put retenir un rictus. Mais tous se levèrent pour saluer la princesse. Dans un silence lourd de sens, Garance prit place sur le trône de son père. Il s'en suivit une longue concertation sur les mesures à prendre pour faire face à l'attaque de Saillans. Garance ne laissa pas la même liberté à son cousin que lors du dernier conseil. Elle leur présenta un plan précis de rationnement et des possibilités de ravitaillement. Alors que son cousin présentait un habile plan de défense d'Elenith, elle montra aux conseillers qu'elle n'était pas une figurante et s'octroya la gestion de la population d'Amarylis. Et même s'il le cachait, Garance savait que Cyrius était prêt à lui sauter à la gorge.

La réunion se termina mais Garance et Cyrius restèrent un long moment à se juger. La jeune femme savoura cet instant puis elle se rapprocha de son cousin et planta son regard dans le sien.

- Si les conseillers sont aveugles et voient en vous le salut d'Elenith, sachez que je ne le suis pas Cyrius. Vous n'avez pas les qualités pour régner parce que vous êtes un tyran, votre seul désir est d'asservir mon peuple.

- Votre peuple !! s'écria Cyrius, silencieux jusque là, votre peuple !!! Redescendez sur terre, petite princesse, vous n'avez aucune légitimité, vous n'êtes qu'une misérable gamine imbue de sa personne, mais derrière vos grands airs vous n'êtes qu'une fillette apeurée et vous feriez mieux de reprendre un rôle de figurante.

- Est-ce une menace, mon cousin ? demanda la jeune femme d'une voix si calme qu'elle même en fut étonnée.

- Prenez-le comme il vous plaira, répondit-il en recouvrant son calme.

Garance ne répondit pas et quitta la salle d'un pas mesuré. Les portes se refermèrent derrière elle. A cet instant, ses poumons se remplirent d'air comme si malgré son calme elle était restée de longues minutes en apnée. Elle se retourna, Lahur se trouvait à quelques mètres d'elle.

- Lahur, je ne vais pas t'avoir facilité la tache, lui dit-elle dans un sourire.

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ECHEC ET MAT By

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pour tout vous dire, moi même je ne sais pas comment je vais vous faire une description...du coup....bonne lecture!!!