Les Royaumes d'Eredjan 1 - La...

By marinecrivain

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Saillans et Elenith, Nord et Sud de l'Île d'Eredjan, deux royaumes qui s'affontrent depuis cinq siècles, deux... More

Avant tout
Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 6
Partie 7
Partie 8
Partie 9
Partie 10
Partie 11
Partie 12
Partie 13
Partie 14
Partie 15
Partie 16
Partie 17
Partie 18
Partie 19
Partie 20
Partie 21
Partie 22
Partie 23
Partie 24
Partie 25
Partie 26
Partie 27
Partie 28
Partie 29
Partie 30
Partie 31
Partie 32
Partie 33
Partie 34
Partie 35
Partie 36

Partie 5

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By marinecrivain

L'océan s'étendait à perte de vue. Le reflet de la lune parait la surface de l'eau de milliers d'éclats de lumière. Dans l'obscurité de la nuit, une silhouette féminine sortit lentement de l'eau. La lumière se reflétait sur le corps de la jeune femme, illuminant sa peau d'albâtre, couverte d'une fine chemise de coton blanc, rendue transparente par la baignade. Mince, sans être frêle, élancée, avec des jambes sans fin. Sa longue chevelure brune cascadait jusqu'à ses reins. Démarche chaloupée, port altier, regard fier, elle avait la grâce d'une reine. Ses pas foulèrent le sable sec. Les embruns marins caressaient sa peau fine. Malgré la chaleur de cette nuit d'été, elle laissa échapper un frisson. Sur la plage, elle récupéra un vêtement qu'elle avait posé sur un rocher. Elle couvrit sa peau pâle de la longue cape, la noua à la taille et jeta la capuche sur ses cheveux, recouvrant ainsi une grande partie de son visage. Elle courut, pieds nus jusqu'au bout de la plage où un cavalier, vêtu lui aussi d'une pèlerine l'attendait.

- Princesse, dépêchons-nous, l'aube ne va plus tarder.

La jeune femme ne répondit pas, elle se contenta de saisir les rênes qu'il lui tendait et grimpa en selle. Ils partirent au galop en direction d'Amarylis, la capitale Elenith.

Vingt minutes plus tard, ils arrivaient en vue de la cité blanche. Les hauts remparts s'élevaient devant eux. Des milliers de torches illuminaient la ville de craie. Immense, éclatante, éternellement animée, Amarylis était un diamant au comble du raffinement.

Ils contournèrent la porte occidentale et passèrent par une entrée peu fréquentée qui donnait sur l'arrière du palais. La jeune femme et le cavalier descendirent de cheval. L'homme saisit les rênes de leurs deux montures.

- Princesse, ne traînez pas, rejoignez vos appartements.

- Bonne nuit Lahur. Répondit-elle en s'engouffrant dans une des entrées dérobées du palais.

Elle grimpa l'escalier quatre à quatre. Elle traversa nombre de couloirs, mais à cette heure, elle ne croisa que quelques gardes endormis. Elle atteignit sa chambre à bout de souffle, puis referma la double porte en douceur. Ses appartements baignaient dans la lumière tamisée des bougies. Elle traversa le boudoir, dénoua sa cape, qu'elle laissa tomber à terre puis s'écroula sur l'immense lit qui trônait au milieu de la pièce. Elle se roula dans la fraîcheur des draps de soie blanche.

Cela faisait des jours qu'elle attendait l'occasion de pouvoir s'échapper du palais pour rejoindre l'océan. Se perdre dans les vagues était sa bouffée d'oxygène. Malgré le manque de sommeil, elle se sentait apaisée. Chacun de ses membres endoloris lui donnaient la sensation de maîtriser sa vie, la douleur physique était bienfaitrice, elle donnait de la clarté à ses pensées. A cet instant, elle entendit un bruissement de tissus. Ilith, sa servante s'approcha discrètement et détacha les voiles du baldaquin en fer forgé pour que la princesse puisse dormir le plus longtemps possible. Elle était habituée aux escapades nocturnes de sa maîtresse. Mais dans une petite heure, le soleil se lèverait et la jeune femme devrait affronter une nouvelle journée d'épreuve. Ilith voulait repousser l'échéance, autant que possible.

Alors que la nuit s'éclaircissait, le sommeil terrassa enfin la jeune Garance d'Elenith. Pour quelques heures, elle sombra dans ses habituels cauchemars, teintés d'angoisse et d'appréhension. Depuis que son père se mourrait d'une maladie inconnue, la princesse ne dormait plus vraiment. Assaillie par les complots, elle devait tisser des alliances, tenter de sauver sa vie. Les semaines passant, son père s'affaiblissait, laissant le conseil régir le royaume et imposer Cyrius. La loi salique était contre Garance. Malgré l'assentiment du peuple, le conseil voyait en son cousin Cyrius une alternative au respect des traditions. La jeune princesse aurait pu accepter son sort, garder son rang, se contenter d'un rôle figuratif et épouser l'homme qu'on lui destinerait. Mais elle en était incapable. Toute sa vie, elle avait été l'objet d'un père absent et distant, aujourd'hui elle devait devenir celui d'un époux. Elle avait lutté contre son père, refusé les quelques prétendants qu'il lui avait choisis, mais elle savait qu'elle était parvenue à lui résister car le Roi n'était pas encore décidé à vendre. Il n'en irait pas de même avec Cyrius, sitôt le Roi trépassé, il la livrerait pieds et poings liés à quelques seigneurs. Mais Garance entendait bien résister au sort qu'on lui réservait, et elle l'avait bien fait comprendre à son fourbe cousin. Cependant, elle payait le prix de ce choix chaque jour, car elle était devenue un grain de sable dans les rouages de son accession au pouvoir. A dix-sept ans, elle montrait à ses adversaires et à ses partisans une force qu'elle n'avait pas.

Lorsque la nuit venait et que ses yeux se fermaient, des milliers de pensées tournaient dans son esprit sans qu'elle ne parvienne à les contrôler. Seul le ressac de l'océan pouvait la calmer, lui faire oublier pour un moment le poids de son choix. Pourtant dès son retour, les obstacles, les questions, les doutes revenaient inexorablement, douloureusement.

Le soleil matinal inondait les appartements de la princesse, illuminant les murs de craie et le sol de marbre blanc. La pièce spacieuse était entièrement ronde. Le nord était rattaché au palais, tandis que le sud de la chambre donnait sur les jardins suspendus au dessus de la cité. Le lit à baldaquin en fer forgé était placé au centre des appartements. Le reste de la pièce s'organisait autour : bureau de travail, salon, coiffeuse. Un boudoir séparait la porte d'entrée du reste de la chambre.

A son réveil, Garance se glissa dans l'immense baignoire en demi-cercle, encastrée dans le sol face à la terrasse. La jeune femme avait relevé sa longue chevelure brune dans un chignon désordonné, ses yeux gris accusaient du manque de sommeil. L'eau parfumée recouvrait son corps las jusqu'à sa poitrine. Elle posa ses bras sur le rebord de la baignoire et se laissa aller dans la fraîcheur de son bain. On frappa à la porte. Ilith sortit de nulle part, traversa rapidement le boudoir pour ouvrir au visiteur. Elle revint auprès de Garance quelques minutes plus tard.

- Princesse, votre Cousin Cyrius souhaite un entretien.

- Dis-lui que je ne suis pas disponible.

La jeune femme renversa sa tête en arrière et ferma les yeux dans un soupir d'aise, un sourire aux lèvres : elle allait le faire rager.

Ilith retourna à la porte, elle l'entrebâilla, Cyrius lui faisait face, stoïque. Grand, fin, brun et ténébreux, il avait le charme des hommes du Sud. Crâne rasé, teint mat, la toge blanche des politiciens d'Elenith lui donnait grande allure. Cependant, cet homme la mettait mal à l'aise. Sous ses airs avenants, il y avait chez lui quelque chose d'inquiétant. Son regard noir pouvait être étonnamment séduisant et l'instant d'après, il vous glaçait le sang.

- Pardonnez-moi Monseigneur, la Princesse Garance n'est pas en mesure de vous recevoir, dit-elle avant de refermer la porte.

Mais au grand étonnement d'Ilith, celle-ci se bloqua, Cyrius venait de glisser son pied entre le mur et la porte. Il la repoussa brusquement, envoyant violemment la servante au sol.

- Elle va l'être, grogna-t-il en traversant le boudoir sans un regard pour la jeune femme à moitié assommée.

En deux enjambées, il fut face à la double porte qui permettait l'accès aux appartements de la princesse. Il l'enfonça littéralement. Il traversa la pièce, inondée de lumière, quand son regard se posa sur Garance... dans son bain. Il eut du mal à cacher sa stupéfaction. Pendant un instant, les mots lui manquèrent. La jeune princesse le fixait d'un regard glacial, très à l'aise.

- Cher cousin, je ne crois pas vous avoir invité à entrer.

- Vous m'en excuserez, Princesse.

La jeune femme ne répondit pas, son regard resta figé sur son ennemi.

- Je dois vous parler, j'ai sollicité un grand nombre d'entretien auquel vous n'avez pas donné suite.

- Vous comprendrez plus qu'un autre que les affaires du royaume sont préoccupantes et extrêmement accaparantes.

- Justement ces affaires sont complexes. L'agonie du roi déstabilise le pays et nous rend vulnérables.

- Ce n'est pas un sujet que je souhaite aborder avec vous, encore moins alors que je suis comme vous pouvez le constater, dans mon bain.

- Garance, il nous faut en parler.

- Nullement.

- Garance, le conseil va désigner un héritier pour le trône, votre père n'est plus en mesure de mettre son veto. Alors désormais vous êtes avec le pouvoir ou contre, avec tous les risques que ça implique.

- Me menacez-vous Cyrius ?

- Absolument pas, Princesse, répondit-il dans un sourire mesquin.

- Vous considérez-vous comme l'héritier du pouvoir ?

- Garance, avez-vous l'intention de vous rendre à l'évidence ?

- Votre évidence ne me convient pas Cyrius.

- Alors vous vous exposez inutilement. Ne faites pas l'erreur de me sous-estimer ma très jeune cousine.

- Je vous retourne le conseil mon cher cousin, répondit la jeune femme en le fusillant du regard.

- Une bien bonne journée à vous Garance, dit-il dans une courbette après un instant de silence.

Puis il tourna les talons et quitta les appartements de la jeune femme. La porte claqua, Ilith apparut aussitôt auprès de Garance.

- Princesse ?

- Ça va Ilith. Ça va, répondit la jeune femme en glissant sous l'eau.

- Elle resta un long moment en apnée, c'est Ilith qui vint la tirer hors de l'eau, de peur qu'elle ne se laisse jamais remonter à la surface. Ensuite, elle lui lava tendrement les cheveux.

-

- Princesse, nous devrions demander à Lahur de faire surveiller la porte de vos appartements.

- Ce n'est pas une mauvaise idée. Cette brute aurait pu te blesser.

- Ce n'est rien, mais vous devez penser à mieux vous protéger à l'avenir.

- Oui, cela va être nécessaire, demandes à Lahur de recruter quelques gardes de confiance.

- Bien, Princesse, répondit la jeune servante en rinçant la longue chevelure brune de Garance.

La jeune princesse revêtit une longue robe blanche immaculée, de longues manches de voile couvraient ses bras jusqu'à ses poignets, mais dégageaient ses épaules délicates. Un décolleté carré laissait deviner la naissance de ses seins. La robe était ceinturée sous sa poitrine puis s'évasait dans un doux drapé jusqu'au sol. Sa chevelure brune était relevée dans un lourd chignon, retenue par un fil d'argent parsemé de diamants. Ses yeux gris étincelaient de malice. Elle était prête à affronter les requins et les méduses de la cour d'Elenith.

Garance descendit l'immense escalier de marbre blanc. Comme dans chacun de ses déplacements Lahur la suivait, deux pas en retrait. L'homme d'une trentaine d'années avait été rallié au service de la princesse lors de ses douze ans. Depuis il ne l'avait plus jamais quittée. Brun, immense, il portait une coupe courte. Un collier de barbe noire mangeait une partie de ses joues. Il avait le teint un peu pâle pour un homme de son peuple. Son regard noir était incisif, en perpétuel mouvement. Entièrement dévoué à la princesse, elle avait toute confiance en lui.

Garance parvint dans la galerie d'apparat. Ouverte sur les jardins du palais, la pièce était recouverte de soieries chatoyantes. Les colonnes de marbre blanc étaient ornées de centaines de couronnes de fleurs fraîches et odorantes. La jeune princesse fendit la foule, le regard haut, saluant les membres de la cour. Elle sentait l'effervescence qui agitait la noblesse d'Elenith. Malgré le silence qu'imposait son passage, elle pouvait voir l'animation qui régnait au sein de la cour, l'angoisse, l'incertitude. Les regards se baissaient sur son passage, symbolisant le rang qu'elle occupait. Hier encore, cette marque de respect l'aurait touchée. Mais ces derniers mois l'avaient endurcie, elle se méfiait de tous, elle avait toujours été distante, mais elle était devenue cinglante. Désormais on craignait son caractère, même si ses ennemis se moquaient de sa jeunesse insolente. Calme, posée, distante, d'un seul regard elle était en mesure d'imposer le respect.

La jeune femme quitta l'atmosphère électrique de la galerie d'apparat. Elle se rendit dans l'aile sud du palais. Mais en approchant des appartements de son père, son cœur s'alourdit. Elle ralentit son pas, Lahur fit de même. Devant la porte de sa chambre, elle prit une profonde inspiration. Un nœud se forma au creux de son ventre. Une boule d'angoisse remonta jusqu'à sa gorge. Ses pensées se brouillèrent, perdirent de leur lucidité. Elle savait qu'elle n'était pas capable d'affronter ce qui l'attendait. Elle ne parvenait pas à faire face à la souffrance de son père. Après un long moment d'hésitation, où son cœur vacillait entre le découragement et la rage, elle referma le poing et frappa quelques coups à la porte. Elle s'ouvrit aussitôt. Le garde s'effaça pour laisser entrer la jeune princesse. Elle franchit alors le seuil d'un pas tremblant.

Depuis des mois, le roi était alité, rongé par un mal inconnu. Conscient de son déclin, il refusait de se voir dépérir, de lourdes tentures occultaient désormais la lumière du jour, plongeant les appartements dans une pénombre morbide. Quelques chandeliers rompaient l'obscurité. Garance traversa les nombreuses pièces qui menaient au mouroir du roi. Elle parvint enfin au chevet de son père. Celui-ci gisait dans la moiteur de ses draps, inconscient. Le faible éclat des bougies l'empêchait de voir le masque de souffrance qui recouvrait le visage d'un roi à l'agonie. Elle le bénit, car elle ne voulait se souvenir que du monarque charismatique qu'il avait été. Un homme glacial, intransigeant. Un homme qu'elle avait bien souvent détesté pour son absence. Un homme qui avait pourtant fait d'elle ce qu'elle était, lui donnant les armes nécessaires pour affronter une vie de combats incessants. Un homme qui ne l'avait jamais chérie, mais dont les conseils étaient pour Garance tout ce qu'elle attendait d'un père. Alors chaque jour, elle rendait visite à un père qu'elle ne voyait pas, occultant l'être chétif et malade pour ne se souvenir que de l'homme infaillible qu'elle admirait. La jeune princesse s'assit auprès du roi. L'un des médecins s'approcha d'elle.

- Princesse ?

Garance fit un signe de tête, pour faire comprendre au vieil homme qu'il avait toute son attention, mais son regard resta figé sur les yeux clos de son père.

- Le roi n'a pas repris conscience depuis plus de douze heures, il faut désormais vous préparer au pire.

La jeune femme ne prit pas la peine de répondre. Elle était prête. Consciente de la délivrance qui attendait son père, consciente des épreuves qui allaient s'abattre sur elle, consciente des vautours qui allaient fondre sur elle. Face à la mort imminente du roi, l'angoisse était là, tapie dans l'ombre, ne quittant plus les entrailles de la jeune femme. Elle était seule depuis bien longtemps, elle aimait à penser que le décès d'un père absent ne serait qu'une formalité, que la véritable douleur était de voir disparaître ce que représentait l'image, l'idole qu'il était. Cela elle l'avait gravée au plus profond de son esprit et de son âme, pour ne jamais le perdre. Quant à ses angoisses, à ses peurs, elle devrait tenter de les surmonter une à une, pas à pas.

Brusquement, une des cloches d'Amarylis retentit. Le cœur de la jeune femme s'arrêta un instant. Elle retint son souffle, ferma les yeux. Après des minutes qui lui parurent des heures, toutes les cloches de la ville se mirent à tinter. Les yeux de la princesse se rouvrirent, son sang se glaça. Elle prit délicatement la main de son père, la serra tendrement, et pria pour qu'il ne se réveille pas. Pas tant que Saillans serait aux portes d'Amarylis.

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