Mes pupilles mettent un temps à s'adapter, pourtant quand je penche la tête, je suis sûre de voir sortir d'une des multiples de maisons, une flaque de sang couleur vermeil qui ne fait que grossir et s'étaler sur le sol humide.
Alors s'est vraiment arrivé ? Nom d'un chien, mais c'est horrible ! Je me rend compte que je suis tremblante et ridicule sur mon échelle.
Il est temps de remonter sur un terrain stable. Je reprend mon ascension d'une seule main, mes jambes entremêlées avec amour et patience à chaque barreaux.
Après une bonne heure je me jette sur la pierre du niveau -1, soulagée. Arrivée à pieds joints, sans égratignures, je ne peux qu'être heureuse. Enfin, vu comme ça bien sûr.
Je met un certain temps à me repérer et comme je ne reconnais rien de ce qui m'entoure, je dois être à l'opposer de là, où je me suis fait prendre par les Carrières.
D'ailleurs font-ils toujours alliance ? Qui reste-t-il finalement ?
La journée décline sans faille et je me trouve un bon coin. Je change mes bandages et resserre mon attelle. Ma paume est presque intacte.
Pas mon doigt en revanche, il est toujours aussi inerte et douloureux.
Je mange un morceau, mon pain qui reste de façon prodigieusement mou et les algues. Je peux survivre avec ça encore... quatre jours. Je bois deux gorgées d'eau, voir trois parce que le voyage de l'échelle m'a achevé. Il reste de quoi boire demain matin, mais ensuite, il va falloir que je trouve une nouvelle source.
En savourant avec lenteur, je vois au-dessus les éclairs bleus au niveau 0, éclatés pendant dix bonnes minutes. On ne peu pas les apercevoir au niveau des maisons, mais j'avoue que ça ne m'a pas manqué.
Je ressors ma couverture thermique et je me pelote comme un chat galeux. Le froid de la nuit reviens, la pierre qui entour les lieux n'arrange rien et des petits courants d'air soufflent au-dessus de mon front à l'air libre.
Je ne m'endors pas tout de suite, j'attends l'hymne. Je fixe la nuit étoilée tout la haut. Que l'extérieur me manque ! Moi qui suis habituée a être pratiquement toute ma vie dehors.
Puis, l'hymne explose et l'hovercraft invisible nous montre le premier tombé. Cléon, garçon du district Deux, le colosse. Apparemment c'est à lui qu'appartient le sang que j'ai vu.
Je frissonne, les Carrières de cette année ne font pas d'alliance.
Malheureusement y'en a d'autres. Puis un autre portrait apparaît, celui d'Ariane la cousine esseulée du district Douze. Puis, je me retrouve dans l'obscurité.
Bon, on est plus que treize. Qui est-ce qui reste ?
Sous ma couverture je compte les survivants sur mes doigts. Enfin, ceux de ma main valide. Chez les Carrières, il reste Junon, la fille du Un et la petite Diane du Deux. Elles ne doivent sûrement pas acheminer ensemble.
Après ça commence à se gâter sérieusement. Je sais que Stratonice, Sabin les tributs du Six sont vivants et font une alliance avec Cybèle, la fille du Neuf.
Ou alors Sabin n'est pas avec elles ?
Je ne sais pas. Puis, il y a le Boiteux qui survis imperturbablement. Ensuite il reste que des paires, qui viennent du même district. Les Jumeaux du Trois, Luna et le Poussin du Cinq et les amoureux Briséis et Lazus du Onze.
Bon, je suis la seule qui n'ai pas de compagnie avec les tributs féminins des Carrières.
Sur cette note des plus joyeuses, je tombe délicatement dans le sommeil.
Une nuit plus tard, je ne me réveille pas parce que je le souhaite, mais parce qu'un coup de canon me fait rater un battement.
Je manque d'émettre un cri lorsque je me souviens que c'est mieux de me la fermer, entourée par des paires de tributs qui veulent ma mort.
Je frissonne des pieds à la tête, je vais au petit coin puis je range mes affaires. Je mange un morceau de pain et d'algue. Je ne pensais pas un jour le dire, mais les douches du Capitole aux boutons infernaux, me manquent terriblement.
Je remarque que la moitié du gras que j'ai récupéré avec les dîners du Capitole a disparu de mon corps. À regrets. Le régime pain, algue est absolument radical.
Aujourd'hui, il faut que je trouve de l'eau, je viens de vider les dernières gouttes de ma gourde. Sac en place, attelle intacte, je commence ma marche et je retrouve les murs lisses et les pavés de mes débuts dans l'arène.
Tout les éventuels corps des tributs sont ramenés par les hovercrafts. Le Capitole les récupèrent parfois pour des expériences, mais la plupart du temps ils les rendent au district. Les cadavres sont lavés, vidés et maquillés pour que les familles les pleurs quoi qu'il arrive.
Je frissonne à l'idée de terminer dans cet état. Ça peut arriver si vite : une mauvaise rencontre, une morsure, une chute et c'est terminé.
À ce moment, je longe le vide et je regarde par-dessus bord, le dernier étage, le plus profond où l'air doit sûrement ne plus exister si ma logique est bonne. Je vois un bassin d'eau ébouillanté. La vapeur remonte jusqu'ici et la chaleur me fait suer.
Puis, je ne peux m'empêcher de me demander, qui est mort ce matin ?
Je continue ma randonnée et enfin, j'entends le bruit caractéristique d'une source. L'endroit est a demi-éclairé. Une torche est éteinte depuis peu. Je me penche vers l'eau à genou et je plonge ma gourde dans un petit bassin ou les flots sont plus transparents que dans la grande nappe phréatique.
J'ouvre mon sac, met une bande purificatrice, le mercure s'évapore et le faux scotch devient noir, je peux boire enfin de longues gorgées. Je répète le processus, puis j'en garde dans ma gourde avec une bande. Voilà, mes ressources d'eau sont faites. Puis, je jette un coup d'œil au grand bassin. J'ai tellement envie d'y plonger.
Bon peut-être pas, mais au moins de me laver le visage. La crasse me colle à la face. Répugnant. Je plonge ma main valide dans l'eau et je m'asperge le faciès.
C'est bizarre.
L'eau a une drôle de consistance et une drôle d'odeur, aussi. Ça me rappelle la senteur des algues sur la plage qui se font mouillées de temps en temps, mais restent hors de l'eau à pourrir.
Mon visage se déforme d'horreur alors que je le vois.
Le cadavre qui, amené par les flux de la cascade, s'approche en flottant. Je retient un cri d'horreur et je me relève immédiatement, la main devant la bouche alors que je m'essuie le visage en pleinepanique.
C'est une blague, c'est immonde !
Je recule encore plus, je veux partir, mais je veux savoir qui s'est. Ça doit être le tribut qui a déclenché le coup de canon. Je ne vois qu'une veste gonflée et une chevelure sombre, assez longue. Une fille ? Cybèle ?
Je me penche et ravale mon dégoût. Je la retourne d'un doigt et je suis secouée d'un haut-le-cœur, lorsque ma main s'enfonce dans sa peau visqueuse. Nom d'un chien, c'est un véritable cauchemar ! Le cadavre fini par se remettre de dos, flottant et je tombe sur mon fessier, outrée.
C'est Junon... je crois. La Carrière du district Un. Sa peau est flasque et comporte de drôles de tâches... L'effet du mercure, le poison. Quelle idiote ! Au bout de trois gorgées elle a dû passer l'arme à gauche.
Elle a les yeux révulsés vers l'arrière et la bouche grande ouverte remplie d'eau. J'ai des vertiges et je sors de là, le plus vite possible en emmenant mon sac.
Je me retrouve dans une ambiance déjà plus agréable, mais ça fait beaucoup à assimiler.D'ailleurs je n'y arrive pas, je vomie mon petit-déjeuner sur l'un des murs tout beau, tout lisse. Nom d'un chien !
Je suis secouée de tremblements, je m'éloigne le plus vite possible de cet endroit. L'hovercraft ne va pas tarder à la chercher de toute façon. Quelle horreur, je vais en faire des cauchemars toute ma vie.
Je marche de nouveau, mais je fais beaucoup moins de kilomètres que d'habitude, j'ai le ventre vide et je dois me forcer à manger seulement ce soir.
Pourtant, je fais tout mon possible pour m'éloigner d'ici, ventre vide ou pas. Le jour décline, c'est bientôt la soirée. Je trouve un creux, je crois que c'est le même qu'au départ mais tout ce ressemble ici, donc je n'en sais rien.
Je vais au petit coin. Je démêle pendant un instant mes cheveux, qui avec la queue de cheval ne sont pas en si mauvais état que ça. Je suis sûr que Gingko doit se mordre les doigts.
D'un certain côté mon équipe excentrique me manque assez, mais ce n'est rien comparé à ma famille. Qu'est-ce que je raconte ? Ce n'est même pas comparable.
Bon, la mauvaise nouvelle c'est qu'il ne reste que deux algues et un quart de pain. La bonne nouvelle c'est que je n'arrive pas à boire une goutte d'eau. Pour l'instant je suis trop écœuré.
Au moins, ça fait des réserves.
Plus tard, l'hymne résonne et je me penche hors de ma cachette, je vois comme prévu, le beau portrait de Junon, tribut féminin du Un. Bon, on est plus que douze.
La moitié.
L'hologramme s'éteint et la nuit me tombe dessus. Ce soir je suis trop chamboulée pour réfléchir mais demain je dois avoir un plan. Un plan pour remonter l'échelle, ne pas me faire repérer et tuer par l'alliance de Stratonice.
Il va falloir que je récupère de la nourriture sous peu. Même une arme c'est pas mal. Mais comment je vais faire ? Mince, en plus je sais que je vais faire des cauchemars à cause de cette carrière à la con !
Eh bien, ça n'a pas loupé.