DEGRADATION Tome III

By Angels_Larry

487K 26.9K 21.3K

Après tout ce temps, voici enfin le dernier tome de l'histoire. J'espère que vous l'aimerez autant que j'ai a... More

Samantha & Harry
Chapitre un
Journal d'Harry
Chapitre deux
Chapitre trois - première partie
Journal d'Harry
Chapitre trois - deuxième partie
Chapitre quatre
Samantha & Harry
L'erreur
Chapitre six
Chapitre sept
Chapitre huit
Chapitre neuf
Journal d'Harry
Chapitre dix
Chapitre onze
Parce qu'il est ce qu'il a de plus précieux
Chapitre douze
Chapitre treize
Chapitre quatorze
Chapitre quinze
Chapitre seize
Chapitre dix-sept
Chapitre dix-huit
Chapitre dix-neuf
Chapitre vingt
Chapitre vingt-et-un
Chapitre vingt-deux
Chapitre vingt-trois
Chapitre vingt-quatre
HARRY
Épilogue
Mot de fin

Chapitre cinq

15.7K 743 1.2K
By Angels_Larry

« Je ne veux pas avoir envie de mourir, je ne veux pas mourir. Je n'y arrive pas, c'est trop dur. C'est dans ma tête, tout le temps, sans cesse. Je suis fatigué de me battre contre moi-même et de ne jamais réussir. Je suis fatigué d'échouer. Je suis fatigué d'être moi. » - Harry

"Et c'était blablablabla Danielle blablablabla on s'est bien... OH, tu m'écoutes ?

- Hein ? Quoi ? Oui, pardon j't'écoute.

- Pas vraiment, non."

Je soupire longuement parce qu'il a raison, je ne l'écoutais pas. On est dans le bus avec l'équipe, on va passer le week-end à Doncaster, on a eu le privilège d'être invités à assister à un match de foot des Rovers, l'équipe de la ville. On roule depuis une heure et je ne suis même pas foutu d'écouter Liam me parler de ses histoires, car j'ai l'esprit trop occupé par les miennes. Dans le genre meilleur ami qui assure, je suis pire que médiocre. Je soupire - contre moi-même - encore une fois.

"Désolé. Continue, comment a réagi Danielle après ?"

Il faut croire que mon esprit a quand même entendu certaines choses, enfin le plus gros de l'histoire, à savoir qu'elle s'est embrouillée avec une fille à une soirée, car elle tournait trop autour de Liam. Ou un truc comme ça. "Et donc je te disais blablablablabla. Un éléphant rose." J'écarquille les yeux. "Un éléphant rose ?!?" Liam explose de rire en me tapant l'arrière du crâne.

"Encore une fois, tu ne m'écoutais pas.

- Mais si j't'écoutais !

- Ouais c'est ça, alors il vient d'où l'éléphant rose ?"

Évidemment je n'ai pas la réponse. Je soupire pour la troisième fois en moins de dix minutes et je m'excuse pour la seconde fois.

"Désolé, j'avais l'esprit ailleurs.

- J'avais remarqué. C'est à cause d'Harry ?"

Je hoche la tête en soupirant encore, à croire que je suis une machine à soupirs aujourd'hui. "T'as envie d'en parler ?" Je hausse les épaules. "J'en sais rien." Je ne saurais même pas quoi dire en fait, je lui ai déjà tout raconté avant-hier, quand on a mangé ensemble à la fac. Il sait ce qu'il s'est passé avec Julia, il sait pour ce psychologue de merde et il sait aussi qu'Harry s'est complétement renfermé sur lui-même. J'espérais vraiment avoir réussi à le rassurer ce soir-là, mais j'avais tort, ça fait une semaine maintenant et rien n'a changé, il va toujours aussi mal.

"Je me sens complétement inutile et ça m'énerve. J'ai l'impression de servir à rien.

- Tu ne sers pas à rien, dis pas ça.

- Si, la preuve, je n'arrive même pas à l'aider à aller mieux."

C'est au tour de Liam de soupirer, car on a déjà eu cette conversation la dernière fois et que je reste borné sur mon idée : je sers à rien.

"Peut-être que tu devrais régler tes propres problèmes avant de t'occuper des siens."

Je fronce les sourcils.

"J'ai pas de problèmes moi.

- Et ton père ?

- Arrête Liam, tu sais très bien que je m'en fous, de lui.

- Non, tu t'en fous pas, sauf que tu as trop de fierté pour l'admettre."

Je ne réponds rien, car je sais qu'il a raison. "Je dis juste que tu serais plus apte à aider ton copain si tu allais bien toi-même." J'explose de rire. "Faut vraiment que t'arrêtes de jouer les psychologues toi, ça devient flippant." Mais dans ma tête je suis loin de trouver ça drôle, ça me travaille tout le reste du trajet.

Quand on arrive à l'hôtel il est un peu plus de 19h, le match n'est que demain, on a la soirée pour nous. Enfin, après avoir réparti les chambres par deux pour la nuit, le coach nous a bien fait comprendre qu'on avait intérêt à bien se tenir, si on ne voulait pas avoir d'ennuis. On est encore en train de se marrer de toutes les recommandations - menaces - qu'il nous a données, quand on dépose nos sacs sur les lits jumeaux de la chambre qu'on va partager avec Liam.

Évidemment, la soirée s'est passée......... exactement comme on nous l'avait interdit. On a commencé par sortir dans le centre-ville avec les gars pour manger et histoire de visiter un peu, mais on a rapidement terminé dans un bar. Je ne sais même pas comment on a fait pour réussir à tous rentrer entiers, vu comment certains étaient bourrés et je comprends encore moins comment on ne s'est pas fait chopper par le coach, vu le bordel qu'on a foutu dans les couloirs de l'hôtel. Mais on a réussi.

Il est trois heures du matin, Liam ronfle comme un bœuf enrhumé dans le lit d'à côté et moi je n'arrive pas à dormir. Je n'ai pas énormément bu, j'ai juste un peu la tête qui tourne mais ça va. Mon portable à la main, je regarde pour la millième fois en dix minutes si j'ai des nouvelles d'Harry. Rien. Je lui ai écrit une fois dans le bus et une fois bien arrivé, il m'a répondu à chaque fois. Le seul point positif en ce moment, c'est que même s'il va mal, il ne me laisse pas sans nouvelles, mais voilà il répond seulement à mes messages, il ne m'en envoie jamais en premier. On se voit, on passe du temps ensemble, on dort ensemble mais... mais il n'est pas vraiment là, il ne va pas bien. Je ne saurais pas l'expliquer vraiment. Il est éteint, il parle, il mange, mais il est absent. Son regard est vide, tout le temps. Il n'est pas revenu en cours non plus. Il y a le soir aussi... fermer les portes de sa chambre est devenu une épreuve. Il les vérifie encore et encore et encore, ça dure presque trente minutes, même plus parfois. À la fin, il tremble tellement qu'il n'arrive plus à attraper les poignées, il a les larmes aux yeux et il est épuisé. C'est ça que Liam ne comprend pas, que le voir comme ça sans rien pouvoir faire pour l'aider me rend malade.

Mon pouce hésite au-dessus de mon écran et finalement j'ouvre l'application du site de discussion de la fac.

✉ Tu dors ?

S'il m'arrivait quelque chose, tu t'occuperais de Connard ?

Mon cœur se serre, je ne comprends pas pourquoi il me demande ça. Ça me fait mal.

✉ Il ne t'arrivera rien.

Tu t'en occuperais ?

✉ Oui, mais il ne t'arrivera rien.

Merci.

✉ Je n'aime pas quand tu parles comme ça, ça me fait peur...

Quand je parle comment ?

✉ Comme s'il allait t'arriver quelque chose.

Je ne voulais pas te faire peur, excuse-moi.

✉ Pourquoi tu m'as demandé ça ?

Je ne sais pas.

✉ Si tu sais.

Il met tellement de temps à répondre que ça m'angoisse encore plus et au moment où je perds l'espoir d'avoir une réponse, je reçois un nouveau message.

Ça ne t'est jamais arrivé de penser à ta mort ?

✉ À la façon dont je vais mourir tu veux dire ?

Non, au après.

✉ Comment ça ?

À toutes tes affaires, ce qu'elles vont devenir. Aux personnes qui seront tristes. À ton enterrement, comment il sera, si des gens viendront. Si ta tombe aura toujours des fleurs ou si elle sera abandonnée. À ta chambre.

✉ Ma chambre ???

Oui... Tu sais, combien de temps elle restera ta chambre avant que tes parents décident de la transformer en un bureau ou une chambre d'amis. Je n'ai pas envie que ma chambre ne devienne plus ma chambre, même si je ne suis plus là.

✉ Pourquoi tu penses à tout ça ?...

J'attends en fixant l'écran de mon téléphone, cinq minutes, dix minutes, mais rien, plus aucune réponse et quand je vois qu'il se déconnecte c'en est trop pour moi. Il m'a fait peur avec son message sur Connard, je n'aime pas qu'il pense à toutes ces choses. Ça me serre le ventre, ça m'angoisse. Je ne réfléchis pas, je me relève et je range en vitesse toutes mes affaires dans mon sac. Je ne fais même pas attention au bruit que je peux faire et qui pourrait réveiller Liam, de toute façon avec tout ce qu'il a bu, ça ne risque pas d'arriver.

Une dizaine de minutes plus tard je suis en train de m'affairer - sérieusement concentré - sur... "Je peux savoir ce que tu fous ?!?" La voix de Liam dans mon dos me fait sursauter violemment. "Je vole un bus." Je réponds sans me retourner et sans arrêter d'essayer d'ouvrir - en vain - les doubles portes de l'avant.

"Et je peux savoir pourquoi tu voles un bus ?!?

- Pour rentrer à Londres."

Je me mords le bout de la langue encore plus concentré qu'avant, en fait je crois que j'ai bu un peu plus que ce que je pensais, car à part réussir à pas grand-chose, je n'arrive à rien sauf réussir à pas grand-chose. Liam répète mes mots comme s'il venait de voir un extra-terrestre.

"Pour rentrer à Londres ?!?

- Oui, je veux voir Harry.

- Tu trouves pas que t'es trop dans le dramatique là ? On n'est pas dans un film ou dans un livre, reviens te coucher.

- Non.

- Bon ça suffit maintenant."

Il ne me laisse même pas le temps de protester qu'il me retourne de force face à lui.

"Tu vas rien voler du tout et tu ne vas pas le voir maintenant. De toute façon, vu ton état même si tu avais les clefs tu ne roulerais pas trois mètres avant de finir dans le fossé.

- GRRRRR !

- Ouais ben GRRRR si tu veux, je m'en fous.

- Comment tu t'es réveillé d'abord ?

- T'as claqué la porte de la chambre comme un malade en partant, j'ai cru qu'il y avait une bombe."

Ça me fait pouffer comme un abruti, avant que je ne me mette à soupirer longuement parce qu'en vrai je n'ai pas envie de rire. "Désolé..." Liam soupire à son tour.

"Raconte. Pourquoi t'as décidé de voler un bus en pleine nuit pour aller le voir, il s'est passé quelque chose ?

- Il me manque.

- Tu l'as vu hier.

- Et alors ? Il me manque quand même, surtout quand je sais qu'il va pas bien."

Liam s'assoit au sol contre la roue du bus, parce qu'avoir une conversation sérieuse maintenant d'accord, mais debout alors qu'on n'est pas vraiment nets c'est clairement pas l'idéal. Je me laisse tomber à côté de lui. "Je pense que tu devrais le secouer un peu." Je fronce les sourcils.

"Comme son psy à la con ?

- Pas autant mais oui, je pense que le remuer un peu ne lui ferait pas de mal.

- Non."

Je suis ferme et catégorique.

"C'est pas un arbre, je ne vais pas le secouer en espérant qu'une pomme en tombe.

- Quand la pomme tombe de l'arbre c'est qu'il est déjà trop tard.

- Putain t'es con."

Je le tape dans l'épaule et on se met à rire, puis un long silence s'installe où l'on regarde tous les deux le ciel. Je ne peux pas m'empêcher de penser que même si c'était une métaphore de merde, il n'a pas tort. Quand la pomme tombe de l'arbre c'est qu'il est déjà trop tard, le seul problème c'est que je ne sais pas comment faire pour qu'Harry s'ouvre à moi, sans avoir à le secouer. "Si on va se coucher maintenant, tu vas rester calme ou pas ?" La voix de Liam me ramène à moi.

"Hein ?

- Oui, si on va dormir tu ne vas pas encore tenter de voler un bus, ou il va falloir que je t'attache à ton lit ?"

J'explose de rire. "Abruti." Il rigole aussi. "Non sérieusement, on rêve de voir jouer les Rovers depuis qu'on est gosses, laisse tes problèmes de côté juste une journée pour profiter."

Liam a eu raison de m'empêcher de partir - même si concrètement mon vol de bus était voué l'échec - il a eu raison de me remettre les idées en place, car j'ai passé l'une des journées les plus géniales de ma vie. Voir les Rovers jouer en vrai c'était juste EXTRA, j'avais l'impression d'être un gamin le matin de Noël quand il va ouvrir ses cadeaux. On était dans une telle euphorie et une telle excitation sur le chemin du retour, qu'on n'a même pas vu le temps passer.

Il est plus de minuit, le bus vient tout juste de se garer sur le parking de la fac. Chris se tourne vers moi, quand il voit que je ne les suis pas. "Tu rentres pas avec nous ?" Je secoue la tête. "Non, non, allez-y." Ils ne posent pas de questions, ils savent tous où je vais quand je ne dors pas sur le campus et j'apprécie qu'ils ne fassent pas de remarques. Ils se sont habitués à ma relation avec Harry, on a tous une vie, ils ont autre chose à faire que de s'occuper de la mienne. Je leur fais un dernier signe de la main, quand ils disparaissent vers le bâtiment des chambres, avant de me diriger vers ma voiture. On était censés se voir que demain, mais je n'ai pas envie d'attendre, je n'ai pas envie de dormir tout seul, alors que je peux dormir avec lui.

Quand je me gare en bas de chez lui, je suis surpris de ne pas voir de lumière provenant de sa chambre, tout à l'heure quand j'étais dans le bus on s'envoyait des messages et il m'a dit qu'il était chez lui en train de regarder un film. Je descends de ma voiture et monte rapidement les escaliers en pierre, ce n'est qu'une fois devant la baie vitrée, que je vois que les étoiles du plafond sont allumées. Je souris, il est bien là. Je rentre doucement en refermant derrière moi, il n'y a pas un bruit, tout est calme, même Connard est sage. Il est allongé sur le tapis, il dresse les oreilles et remue la queue en me voyant, mais il reste couché. Harry est allongé dans son lit, mes yeux s'habituent à la faible luminosité et je distingue rapidement sa silhouette, il est roulé en boule de dos à moi. Je me déshabille et une fois en boxer, je me glisse sous la couette et m'allonge à ses côtés. J'ai essayé de faire le plus doucement possible pour ne pas le réveiller, mais il a dû sentir ma présence car il se retourne. Il ouvre difficilement les yeux en me prenant dans ses bras, j'emmêle mes jambes aux siennes.

"On est demain ?"

Sa voix est rauque et toute endormie, il a la trace du drap sur la joue. Je secoue la tête en souriant tendrement. "Tu me manquais." Il sourit lui aussi dans un demi-sommeil avant de refermer les yeux, il est en train de se rendormir. D'ailleurs ça me rassure qu'il dorme, c'est plutôt rare en ce moment, il dort très peu alors qu'il est épuisé. Je me blottis un peu plus contre lui en posant ma tête sur son épaule, sauf que je sens quelque chose sous mon oreille. Je me redresse un peu et quand je vois un pansement je fronce les sourcils. "Qu'est-ce que c'est ?" Il rouvre les yeux.

"Un nouveau tatouage.

- Je peux voir ?"

Je ne cherche pas à cacher l'excitation dans ma voix, même s'il en a déjà plein, j'adore à chaque fois qu'il en a un nouveau. Je grimpe même sur sa taille pour être mieux installé. J'attends qu'il me montre, sauf qu'il se met à rougir. "Tu ne te moques pas ?" Je ne comprends pas pourquoi je me moquerais, mais je ne dis rien, je hoche seulement la tête et quand il soulève le bandage mon cœur cesse de battre. Littéralement. C'est un L.

"Dis quelque chose...

- L comme Louis ?"

C'est tout ce que j'arrive à murmurer. Il ne répond pas, mais je lis la réponse dans ses yeux et je crois que je pourrais en pleurer tellement je suis touché.

"Ça ne te plaît pas ?...

- Si... Si ! Si."

Ça me plaît tellement que j'ai le cœur qui bat à mille à l'heure. Mes pensées partent dans tous les sens. Je suis incapable de quitter des yeux la lettre gravée à tout jamais dans sa peau, la lettre qui me représente moi. MOI à tout jamais gravé dans sa peau. "C'est... C'est juste dingue. Mais si un jour on se sépare..." Parce que je ne suis pas un adolescent prépubère complétement irresponsable, je pense à ça quand même. "Tu ne vas pas le regretter ?..." Il secoue la tête, ses mains caressent tendrement mon dos. "Je ne le regretterai jamais. Si on se sépare un jour..." Je vois qu'il cherche ses mots, alors j'attends.

"Tu fais partie de moi et si jamais un jour on se sépare, ce que je ne souhaite pas, tu auras fait partie de ma vie et je ne voudrai jamais l'oublier."

À cet instant précis, je crois que mon baromètre d'amour pour lui vient encore d'exploser. Ce que je ressens est tellement fort que je n'ai pas de mot pour l'exprimer, alors je l'embrasse. Je l'embrasse avec tout l'amour que j'ai en moi. C'est dans ces moments-là que je réalise encore plus que je ne le sais déjà, que notre histoire en vaut la peine. Peu importe les hauts et les bas, ce qu'il me fait ressentir chaque jour, à chaque seconde vaut tous les combats du monde.

En parlant de combat, j'en ai un beaucoup plus personnel à régler : Mon père. Ce que m'a dit Liam dans le bus n'arrête pas de tourner en boucle dans ma tête.

Il a raison, je ne pourrai pas aider Harry à aller mieux, tant que je n'aurai pas réglé mes propres problèmes. J'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps, je refuse de courir après mon père, comme Harry court après sa mère. Je ne peux pas lui dire que sa mère doit l'accepter comme il est, si moi de mon côté je laisse mon père me traiter comme il le fait. Lui aussi doit m'accepter comme je suis, c'est tout, il n'a pas le choix, je suis son fils et il n'a pas le droit d'agir de la sorte avec moi. Je suis déterminé à avoir une conversation avec lui. Maintenant. Tellement maintenant que je suis sur la route en direction de chez mes parents.

On est dimanche après-midi, je sais qu'il est à la maison, ma mère me l'a dit il y a trois jours quand elle m'a téléphoné. Elle était au bord de la déprime intense, car leur week-end en France est tombé à l'eau justement à cause de mon père et du travail qu'il avait en retard. Je crois que je suis un peu nerveux, je m'en rends compte car je roule vite, c'est la troisième fois en moins de dix minutes que je me force à ralentir, quand mes yeux se posent sur mon compteur de vitesse. Je n'ai pas peur, ça m'angoisse, c'est clair, mais je ne flippe pas, ça me stresse juste. Je n'ai jamais été en conflit avec mon père avant, à part quelques crises d'ado à la con, quand j'étais plus jeune bien sûr, mais que des trucs sans importance. Là c'est différent. J'ai l'impression que tout va se jouer maintenant, comme si toute notre relation entière allait reposer sur cette conversation, c'est le cas. En fait oui, je crois qu'intérieurement j'ai un peu peur, mais je ne m'en rends pas vraiment compte, car c'est la colère qui prend le dessus. J'ai tout retourné dans ma tête, tellement de fois et dans tous les sens et le sentiment qui en ressort à chaque fois, c'est la rancœur. Quand je repense à la gifle, à ses paroles, son comportement, son ignorance, je me sens énervé contre lui, je le suis. Je le suis tellement que c'en est douloureux. Il faut qu'on mette les choses à plat, clairement. J'en ai besoin.

Je crois que ma mère m'a vu arriver, ou plutôt qu'elle a entendu mon dérapage, quand je me suis garé, car j'ai à peine le temps de fermer ma portière qu'elle sort de la maison presque paniquée.

"Louis ? Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je viens voir Papa."

Je ne lui laisse pas le temps de répondre ou de me retenir que je la contourne et rentre à l'intérieur. Je sais exactement où il se trouve, l'endroit où il passe tout son temps quand il est à la maison : Son bureau. Je ne prends même pas la peine de frapper, je rentre comme ça, sans même refermer la porte derrière moi. "Faut qu'on parle." Il relève les yeux vers moi, d'abord il semble surpris, mais rapidement son regard devient dur.

"Je n'ai rien à te dire.

- Ben moi j'ai des choses à te dire."

Il lâche son stylo et tend le bras en direction de sa boîte de cigares. J'ignore pourquoi, mais ce geste me fait complétement sortir de mes gongs. Avant qu'il n'ait le temps de l'ouvrir, je prends la boîte et la balance au sol.

"Arrête ! Arrête de m'ignorer comme ça, je suis ton fils putain ! Pourquoi tu fais ça ?! Pourquoi tu te comportes comme ça avec moi ?!"

Je savais que j'étais en colère contre lui, mais je ne pensais pas que je l'étais au point de me mettre à crier comme ça, pas aussi rapidement. Il n'a aucune réaction, rien. Il fixe la boîte par terre et les cigares qui ont roulé un peu partout autour, comme si je n'existais pas, comme si je n'étais rien pour lui. C'est tellement douloureux que les larmes me montent aux yeux. J'essaie de les refouler, je refuse qu'elles coulent devant lui. Je suis agité, je fais de grands gestes quand je parle, j'ai du mal à tenir en place sur mes jambes et sans pouvoir me contrôler je me remets à gueuler.

"C'est quoi ton problème ?! C'est Harry c'est ça ?! C'est parce que j'aime un garçon que tu me rejettes comme ça, c'est pour ça que tu me traites comme ça ? J'ai jamais rien fait de mal, je mérite pas ça Papa ! Il y a des gars de mon âge qui volent, qui violent, qui prennent de la drogue, qui battent des femmes, s'en prennent à des enfants, il y en a même qui tuent, qui sont en prison ! Je suis quelqu'un de bien moi, je suis une bonne personne. J'ai toujours fait tout ce que tu m'as demandé, toujours ! J'ai étudié comme un fou à l'école pour ne pas de décevoir, je me suis toujours donné à fond dans le football, car TU voulais que je sois le meilleur, je suis même devenu capitaine, parce que TU le souhaitais. Je suis en faculté de droit parce que TU l'as voulu. J'ai toujours fait de mon mieux pour que tu sois fier de moi et toi, tu te comportes d'une façon horrible avec moi. Simplement parce que j'aime un garçon, tu agis comme si je n'existais plus. J'ai toujours tout fait pour toi Papa, TOUT ! Je ne mérite pas que tu me traites comme ça putain !"

Mon cœur bat à toute vitesse, je tremble. Il ne me répond pas, il ne me regarde pas. Ça me fait tellement mal, que ma colère s'évanouit d'un seul coup. J'ai de plus en plus de mal à retenir mes larmes.

"Qu'est-ce que t'attends de moi Papa ? Des excuses ? Que je quitte Harry ?"

Toujours aucune réponse. "Ça n'arrivera pas. Je ne le quitterai pas et je ne m'excuserai pas. On s'excuse, quand on a quelque chose à se reprocher, moi je n'ai rien fait de mal." Le silence. "Tu n'es pas juste." Encore le silence, c'est en train de me rendre malade. "Dis quelque chose, n'importe quoi mais réagis." Ma voix en devient presque suppliante, il ne réalise pas à quel point il est en train de me blesser.

"S'il te plaît...

- ...

- Papa...

- Sors de chez moi."

Wow. J'ai l'impression de recevoir un coup dans l'estomac, un coup de poing très fort, vraiment très fort. C'est la chute d'un immeuble de cinq cents étages. J'accuse ses mots avec tellement de violence que ma respiration se coupe. Je crois que quelque chose s'éteint en moi et c'est douloureux, je parle d'une voix complétement dénuée d'émotion.

"Si je pars maintenant, tu ne me reverras plus jamais. C'est ce que tu veux ?"

Il me fixe, il n'y a rien dans son regard, pas une once d'inquiétude, pas une once de remords, rien du tout, ses yeux sont vides, ils n'expriment rien et lentement, sans un mot, il tourne son fauteuil de dos à moi. Il me tourne le dos, définitivement. Je ne sais pas comment je suis encore capable de parler, tellement j'ai mal intérieurement, mais j'arrive à murmurer une dernière fois :

"Très bien. Adieu Papa."

Avant de quitter la pièce. Ma mère est dans le couloir, je sais qu'elle a tout entendu. Quand je passe devant elle, elle a une expression horrifiée sur le visage, sa main devant sa bouche. Elle essaie de me retenir, mais je me dégage d'elle. Encore une fois elle n'a rien fait, elle n'est pas intervenue, elle ne m'a pas soutenu et c'était la fois de trop.

Ce soir-là j'ai passé la nuit à pleurer dans les bras d'Harry, à pleurer tellement fort, que j'ai mis presque une heure à tout lui raconter tellement j'avais du mal à parler. Je n'ai plus de père, c'est terminé.

Depuis ce jour-là, Harry prend encore plus soin de moi qu'il ne le faisait avant. Il a toujours pris énormément soin de moi, mais là, ça dépasse les limites de l'imaginable. Ça compte pour moi de me sentir aimé et soutenu à ce point-là, ça me fait vraiment du bien de réaliser que je ne suis pas seul. Liam aussi est là pour moi, sans eux je serais complétement perdu et ce serait encore plus dur.

Après m'être ouvert à Harry comme je l'ai fait, j'espérais que lui aussi s'ouvrirait enfin à moi, car malgré ce que je traverse je n'oublie pas que lui non plus ne va pas bien, seulement il ne l'a pas fait. Je ne me suis pas confié à lui pour qu'il le fasse en retour, loin de là même, j'avais réellement besoin de lui parler, de tout lui raconter, de ne pas garder tout ça pour moi. Mais j'espérais vraiment au fond de moi qu'en me voyant faire, qu'en m'écoutant, il ressente le besoin de se confier lui aussi. Qu'il me parle, qu'il extériorise tout ce qu'il a sur le cœur à son tour, mais c'est tout le contraire qui se produit. Il prend tellement soin de moi, qu'il ne pense pas à lui. Je crois qu'il s'occupe de ma propre douleur pour ne pas penser à la sienne et ce n'est pas bon. Ça fait une semaine que c'est comme ça maintenant.

✉ 192.

Je regarde le comptage du jour que je viens de lui envoyer à travers Anonyme. Je me mords la lèvre pendant que mes doigts tapotent le bas de mon ordinateur posé sur mon ventre. Peut-être que Liam a raison, peut-être que je devrais le brusquer un peu, peut-être que je devrais lui parler de sa mère, mettre moi-même le sujet sur le tapis. J'ai l'impression qu'attendre qu'il finisse par craquer n'est pas la bonne solution, car rien ne vient. Je soupire en me passant une main sur le visage et dans les cheveux. Je ne sais pas, j'en sais rien, je ne sais plus quoi faire, je ne sais pas comment m'y prendre. Je sais seulement que ça ne peut pas durer comme ça éternellement. Chaque jour qui passe, il se renferme un peu plus sur lui-même. Il ne vient plus en cours, il ne mange presque plus et dort seulement quand il n'est plus capable de tenir et que son corps s'effondre. La seule chose positive au milieu de tout ça, c'est qu'il ne s'est pas fait du mal depuis un moment. Je le vois quand on fait l'amour, je surveille discrètement chaque centimètre de son corps, il ne s'est rien fait depuis un peu plus de trois semaines. Bien sûr ça me soulage, énormément, mais aussi paradoxale que cela puisse être, ça m'inquiète aussi. Je réalise qu'il garde vraiment tout pour lui, enfermé à l'intérieur et j'ai peur du jour où il va craquer, j'ai peur qu'il finisse par faire une grosse connerie.

J'attrape mon portable pour regarder l'heure. 17h30. Il est au cabinet vétérinaire, il y passe tout son temps depuis que sa mère est partie. Je crois que je vais aller le voir, peut-être qu'une fois devant lui je saurai quoi lui dire.

Il est un peu plus de 18h, quand je me gare sur le parking à côté de son 4x4. Je ne le vois pas à travers la baie vitrée, il n'y a personne. La petite clochette au-dessus de la porte sonne quand je rentre. J'ai à peine le temps de m'approcher de l'accueil que Carla débarque tout sourire, elle et son énooooorme ventre. "C'est moi ou tu as encore grossi depuis la semaine dernière ?" Elle se met à rire. "Tu es au courant qu'il ne faut jamais employer le mot grossir quand tu t'adresses à une fille ? Encore plus quand celle-ci est enceinte." Je ris à mon tour.

"Je tacherai de m'en souvenir. Harry est là ?

- Oui, dans la salle de soins."

Je la remercie d'un signe de tête avant de pousser la porte de derrière. Il est bien là, accroupi devant une panière dans laquelle repose un petit chien qui a la tête bandée. "Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ?" Je demande en m'accroupissant à côté de lui. Quand il tourne la tête vers moi je reconnais ce mélange de tristesse et de haine dans ses yeux qui annonce une histoire pas facile encore une fois. Malheureusement je ne me trompe pas. "Un homme l'a trouvé ce matin devant sa porte en train d'agoniser. Son oreille a été coupée et une partie de son crâne a été brûlée à l'acide." J'écarquille les yeux d'horreur.

"Mais pourquoi ils ont fait ça ?!?

- À cause des tatouages. Les chiens ont un tatouage dans l'oreille qui permet de les identifier. Quand les propriétaires décident de les abandonner, ils sont prêts à tout pour ne pas être retrouvés. Ils n'hésitent pas à leur couper les oreilles ou leur brûler afin que le tatouage devienne inidentifiable.

- Mais c'est horrible...

- C'est pour ça que les tatouages ne se font plus, ce sont des puces électroniques sous la peau maintenant."

Tout en parlant il se relève et prend la panière dans ses bras, je me relève aussi. Il me montre une cage d'un signe de tête, je lui ouvre et délicatement il dépose le chien toujours endormi dedans. Je pensais qu'il allait refermer la grille mais non, il reste devant et passe son bras à l'intérieur pour le caresser doucement avant de reprendre la parole. "Mais ça ne les arrête pas pour autant, ils n'hésitent pas à ouvrir au couteau la nuque du chien ou du chat pour retirer la puce." Il y a tellement de colère dans sa voix, quand il me raconte tout ça, que moi aussi je me sens en colère. Depuis que je connais Harry, j'ai découvert tellement de choses sur la maltraitance des animaux, que j'en arrive parfois à comprendre son dégoût de l'être humain. Je regarde cette pauvre petite bête à la tête entourée de bandages, endormie dans son panier. Je repense à Joey, j'espère du fond du cœur qu'il survivra.

"On pourrait l'adopter."

Je propose sans réfléchir, mais en réalisant que j'aimerais beaucoup. Sans quitter le chien des yeux et sans cesser de le caresser il me sourit tristement.

"C'est déjà fait, j'ai signé les papiers tout à l'heure et payé tous les frais médicaux. On ne sait pas encore s'il va survivre... l'acide a brûlé un de ses yeux, il sera à moitié aveugle. Il est très maigre et il a des problèmes de peau, regarde."

Il bouge délicatement l'animal pour me montrer une partie de son ventre. "Il est complétement irrité et il a perdu une partie de ses poils à force de se gratter. Mark lui donne environ sept ou huit ans, il commence à être âgé." Je passe mes bras autour de sa taille pour venir me blottir contre lui, contre sa hanche, en regardant moi aussi le petit chien. "Il a prénom ?" Il secoue la tête.

"Alors, on devrait l'appeler Hope. #Espoir en français#

- Mais c'est un mâle.

- Tu as appelé ton chien Connard."

Je lui rappelle, on ne peut pas faire pire que ça. Il me sourit doucement, je reprends :

"Hope c'est le prénom parfait pour lui, je sais qu'il va survivre, j'y crois de toutes mes forces."

On a besoin d'espoir en ce moment, tous les deux, on a besoin de cet espoir. Il se laisse aller contre moi en se penchant un peu arrière pour poser sa tête sur mon épaule. Il soupire dans un murmure : "J'espère que tu as raison." J'ai raison, je le sais, Hope va survivre. Même s'il n'en a pas parlé, je sais que la perte de Joey l'a beaucoup affecté, et il est hors de question qu'il perde une nouvelle fois un animal auquel il est attaché. Parce qu'il est évident qu'il tient déjà à Hope, je le vois à la façon dont il le regarde.

J'étais venu pour lui parler de sa mère, j'étais venu avec l'espoir de réussir à le pousser à se confier, ne serait-ce rien qu'un peu et je me retrouve avec un nouveau chien.......... Je crois que quelque chose a merdé quelque part. Mais je suis heureux pour ce petit chien, enfin aussi heureux qu'on puisse l'être face à une situation aussi horrible que celle-là, mais s'il survit, il va avoir le meilleur maître du monde. Il sera heureux auprès d'Harry, je n'ai aucun doute là-dessus, il prendra vraiment bien soin de lui. Je ne suis pas ce qu'il y a de plus croyant, mais je prie de tout mon cœur pour que Hope survive, car je crois qu'avoir ce chien pourrait faire du bien à Harry. Si moi je n'arrive pas à l'aider, peut-être que lui réussira à le faire à sa façon.

J'ai l'impression que ma vie n'est faite que de 'peut-être' en ce moment et je ne sais pas comment réussir à changer ça, mais je ne perds pas espoir d'y arriver.

"Mange s'il te plaît...

- Je n'ai pas faim."

Ça fait dix minutes que ça dure. Il est 22h, j'ai cours demain matin à 8h, je n'ai pas la force de me battre maintenant. Manuel nous a laissé un plat de pâtes à la bolognaise dans le frigo, on l'a fait réchauffer avant de s'installer au bar de la cuisine en face l'un de l'autre et ça fait dix minutes, même plus maintenant, qu'il refuse de manger. Ça m'agace. J'ai passé une mauvaise journée, mes notes sont en chute libre, le prof de droit m'a pris la tête, l'entraînement de ce soir m'a saoulé, je n'ai pas beaucoup dormi, ma mère a encore essayé de m'appeler une trentaine de fois. Je suis fatigué, je n'ai pas de patience et de voir qu'il ne mange pas, ça m'énerve. J'ai parfaitement conscience qu'à force de me répéter, je suis en train de l'énerver lui aussi, mais il doit manger, c'est trop important.

"Mange Harry."

Je répète encore une fois, la fois de trop. Il se relève brusquement. "Tu me fais chier, je t'ai dit que je n'avais pas faim." Il prend son assiette et la balance dans l'évier tellement fort qu'elle se brise. Moi aussi je me relève. "C'est toi qui me fais chier. J'en ai marre de te voir comme ça, c'est pas compliqué de manger putain !" Je le vois qui serre les dents. On ne se crie jamais dessus, je crois qu'on est tous les deux à bout et que ça a besoin de sortir.

"Si je te fais autant chier que ça, tu n'as qu'à te casser.

- Ouais, c'est ce que je vais faire, je vais me casser, car là tu me fais vraiment chier.

- Je t'emmerde.

- Connard."

Je pars en claquant la porte de la maison, histoire de bien lui montrer que je suis en colère. RHAAAAAAAAAAAAA quel con borné putain qu'il m'énerve.

Cette engueulade était tellement ridicule, que je n'aurais jamais pu imaginer qu'elle allait rendre réel mon pire cauchemar.

"Allez Harry décroche... Réponds bébé s'il te plaît."

" Vous êtes bien sur la messagerie du 07..."

« ... » - Harry

Continue Reading

You'll Also Like

77.1K 4.5K 22
"Reste," chuchote désespérément Harry en pressant ses lèvres sur la tempe de Louis, comme s'il pouvait soulager d'une manière ou d'une autre la doule...
387K 20.6K 194
J'ai eu besoin d'un 3eme tome,j'assume pas.
52.4K 758 54
Tu es tp tn, une jeune femme de 18 ans portant le poids d'un passé douloureux, dont les cicatrices refont surface. Lorsque tu rencontres Inoxtag, tou...
187K 9.2K 42
Harry est un jeune homme de 24 ans vivant paisiblement dans son tout nouvel appartement. Sortant de ces études de psychologie, il fait l'acquisition...