Chapitre vingt-deux

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J - 100

"Dieu le sait, cela m'est égal. Je suis maintenant à l'heure véritable de ma mort et ce qui suivra concerne un autre que moi. Ici alors, en posant ma plume et terminant ma confession, j'amène à sa fin la vie de ce malheureux Henry Jekyll."

Je referme le roman avant de relever les yeux vers l'inscription sur la pierre tombale, vers son nom. Vers lui.

"Voilà Harry, on a fini le livre, je ne pouvais pas partir sans qu'on l'ait terminé. J'espère que tu as entendu la fin de là-haut. Je n'aurais jamais pensé que cette histoire se finirait comme ça. Je ne l'aurais pas cru non plus pour nous. Quand tu as mis fin à tes jours, tu as mis fin aux miens aussi. J'ai essayé de vivre sans toi, j'ai réellement essayé. Pendant cent jours, j'ai cherché au fond de moi mille et une raisons de rester, je n'ai pas réussi à en trouver. Tu sais avant de te rencontrer, je me suis toujours moqué des couples, des gens qui s'aiment. Je me disais que c'était impossible d'aimer une personne plus que soi-même. J'avais tort, je t'ai aimé plus que je ne me suis jamais aimé. Je t'ai aimé plus que ma propre vie. Tu étais le centre de mon univers, ma raison de vivre, j'existais à travers toi. J'existais pour toi. Tu as fait de moi quelqu'un de meilleur, tu m'as montré ce qu'était réellement la vie, avec ses hauts et ses bas. Tu m'as appris à vivre, tu m'as offert une famille, un équilibre. Je ne pourrai jamais assez te remercier de tout ce que tu m'as apporté en t'ouvrant à moi.

Tu m'as appris à rêver Harry.

Tu étais mon présent, mon avenir, mon futur, je voulais finir ma vie avec toi. Je m'en veux tu sais ? Je me dis que je ne t'ai peut-être pas assez fait comprendre à quel point tu étais important, à quel point tu comptais pour moi. Peut-être que si je l'avais fait, tu serais encore là, peut-être que tu aurais compris que je n'aurais jamais pu continuer sans toi. Tu étais ma moitié, on ne peut pas vivre sans sa moitié. C'est un vide trop grand que je ne peux pas supporter, que je ne supporte plus.

J'aimerais te faire un beau discours, c'est ce que je suis censé faire, mais je n'en ai pas la force. J'ai tenu cent jours, je l'ai fait pour toi, je crois que c'était un dernier hommage que je voulais te rendre. Tout a commencé par un décompte et tout se terminera par un décompte."

Je tiens le livre dans ma main, de l'autre j'attrape la fleur que j'ai posée par terre en arrivant.

"Je t'ai apporté une rose blanche, je n'en connais pas la signification, mais quand je l'ai vue dans ton jardin ce matin, elle m'a fait penser à toi. Tu étais trop pur pour ce monde Harry, trop fragile. Tu viendras me chercher ? J'ai peur, te dire le contraire serait un mensonge. Je suis terrifié, mais je sais que tu seras là, que tu m'attendras."

Je pose la rose au milieu de toutes les autres fleurs qui recouvrent sa tombe.

"À tout de suite mon amour."

Je murmure en caressant doucement pour la dernière fois le marbre qui porte son nom avant de me relever et quitter le cimetière.

[...]

Je me gare sur le bas-côté. Cette fois je n'ai pas peur de traverser la route, je sais que de l'autre côté l'apaisement m'attend, la fin de la douleur et de la souffrance. Chaque pas que je fais me rapproche de lui. Ce manque que je ressens va bientôt s'éteindre. Je ne sais pas s'il y a un paradis, mais même l'enfer vaut mieux qu'une vie sans lui.

« Don't jump, I love you. »

L'inscription est toujours là, elle n'a pas bougé, elle n'a pas été effacée. Je pose mes mains de chaque côté. Je monte sur le muret. Je n'ai pas peur de perdre l'équilibre, je n'ai pas peur de tomber. Je suis déjà tombé le jour où il est parti. Je me redresse doucement, debout, j'entends les voitures klaxonner en contrebas. Je ferme les yeux et tends les bras. Je n'ai plus peur.

"Je sais que tu es là."

Je le sais, je sais qu'il est là quelque part, qu'il m'attend. Ma vie ici, notre vie ici, est terminée. Je me laisse tomber dans le vide heureux et apaisé, je vais le retrouver. On sera enfin réunis pour l'éternité.

« L'amour immatériel est éternel, parce que l'être qui l'éprouve ne peut mourir. Ce sont nos âmes qui s'aiment et non nos corps. » - Victor Hugo

DEGRADATION Tome IIIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant