Chapitre trois - deuxième partie

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Je n'ai pas réussi à dormir de la nuit. J'ai tourné en rond dans mon lit en pensant à Harry et à sa mère, à ce qu'elle avait à lui annoncer. J'ai essayé de l'appeler hier soir, mais il ne m'a pas répondu. J'ai tenté de me convaincre que c'était parce qu'ils n'étaient pas encore rentrés du restaurant, mais je lui ai envoyé des SMS presque toutes les heures et aucune réponse non plus. Je lui ai même envoyé une vingtaine de messages sur le compte d'Anonyme, là aussi c'était le silence radio. La conversation que j'ai surprise entre son père et sa mère me retourne l'estomac. Je n'arrête pas d'y penser, surtout à cette histoire de papier et de droits. Ce truc de vérité aussi, je réentends encore et encore la phrase de son père dans ma tête : "Lui dire la vérité." La vérité sur quoi ? Et pourquoi cette menace a fonctionné au point que Julia signe le papier, alors qu'elle semblait vraiment contre ? Rhaaa putain. Tout tourne en boucle dans ma tête, mais rien ne prend plus de sens pour autant. J'ai l'impression de devenir dingue.

Il est à peine 10h du matin, je me suis dit que j'irai rejoindre Harry à 15h, quand j'aurai fini les cours mais c'est impossible, je suis en train de péter un câble. Littéralement. Je crois que si je reste une seconde de plus à fixer l'écran de mon portable dans l'attente d'une réponse de sa part je vais vraiment imploser. Je range toutes mes affaires avant de balancer mon sac sur mon épaule et quitter l'amphithéâtre.

Je roule jusqu'à chez lui en tapant nerveusement mes doigts sur le volant, j'ai un mauvais pressentiment et je n'aime pas ça, mais alors vraiment pas du tout. Je remonte son allée, je suis à mi-chemin, quand j'ai l'impression de voir de l'agitation au bout, devant la maison. Je fronce les sourcils et j'accélère un peu. Un taxi est garé devant la porte d'entrée, le coffre ouvert. Je me gare à côté et je descends de ma voiture. Il y a plusieurs valises sur le perron, Julia sort de la maison et en prend une, elle se fige en me voyant. "Vous partez ?" Je demande d'une voix tremblante et incertaine comme si j'avais encore une chance de me tromper. Elle a l'air de retrouver ses esprits. "Oui." J'écarquille les yeux. "Mais vous aviez promis à Harry de rester au moins un mois !" Elle ne m'écoute pas, elle met sa valise dans le coffre et me contourne pour aller en chercher une autre. "Pourquoi vous partez ?" Elle m'ignore encore, elle pose la deuxième valise et me bouscule presque pour passer. Je ne la reconnais pas. "Vous n'avez pas le droit de lui faire ça." Elle attrape la dernière valise et s'arrête enfin devant moi, j'ai envie de lui arracher des bras, je veux toutes les remettre à l'intérieur de la maison.

"Il ne veut plus me voir.

- Quoi ?! Mais pourquoi ?!

- Il te le dira lui-même."

Elle me contourne encore une fois, le chauffeur range sa dernière valise dans le coffre. Je la regarde, les bras le long de mon corps, la bouche entrouverte, choqué. J'ai l'impression de rêver, d'être dans un monde parallèle ou je sais pas, mais c'est clair que là c'est un cauchemar.

"C'est à cause du papier que vous avez signé hier qu'Harry ne veut plus vous voir ?"

Les mots sont sortis tous seuls, je n'ai pas cherché à les contrôler. Je vois son dos se crisper et elle s'immobilise presque une dizaine de secondes avant de se tourner vers moi. "Non, ce n'est pas à cause de ça et ce n'est pas bien d'écouter aux portes." C'est un reproche, mais elle ne m'engueule pas, elle me sourit et même si son sourire est triste, j'ai enfin l'impression de reconnaître la mère d'Harry. Elle pose sa main sur ma joue dans un geste maternel.

"Il va avoir besoin de toi, ne le laisse pas tomber."

J'ai l'impression de réentendre le professeur Edwards, il m'a dit exactement la même chose quelques jours avant la fin du décompte. Ça me tord le ventre d'y repenser. Elle embrasse mon front.

"J'ai été heureuse de te rencontrer Louis."

Elle se détache de moi, le chauffeur ferme le coffre et lui tient la portière le temps qu'elle monte. Je regarde le taxi s'éloigner dans l'allée. Je suis complétement perdu, largué, incapable de réagir. Ce n'est que quand la voiture disparaît entièrement de ma vue que je reviens à moi, je remonte dans la mienne et contourne rapidement la maison pour me garer dans l'arrière-cour. Quand je pousse la baie vitrée de sa chambre, la première chose qui m'interpelle, ce sont tous ses vinyles par terre, il y en a partout. Je crois qu'aucun n'est cassé, c'est comme s'il les avait pris et les avait balancés à travers la pièce. Les gros rideaux sont tirés, il fait sombre. Il est roulé en boule dans son lit avec Connard dans ses bras, de dos à moi. J'avance doucement en murmurant :

"Mon cœur ?...

- Va-t'en."

Sa voix est tellement serrée que je comprends qu'il pleure et ça me brise le cœur. Je m'approche encore, je m'assois sur le bord du lit. Je ne sais pas quoi dire, je ne sais pas quoi faire. Je me sens complétement impuissant, surtout que je ne sais pas ce qu'il s'est réellement passé. Qu'il ne veuille plus voir sa mère... je ne comprends pas, il l'adore tellement, il l'aime tellement fort que ça n'a pas de sens.

"J'ai croisé ta mère devant la maison... je suis vraiment désolé."

C'est tout ce que j'arrive à murmurer, mais il ne me laisse même pas le temps de réagir qu'il se retourne brusquement. "Je.t'ai.dit.de.partir." Sa voix est tellement dure que je sursaute. Son visage est ravagé par les larmes, mais c'est surtout la colère que je vois dans ses yeux qui me déstabilise autant qu'elle me fait peur. Un mélange de rage et de douleur qui me paralyse.

"DÉGAGE !"

Il me pousse tellement violemment du lit que je tombe à la renverse sur le tapis. Je suis complétement choqué, je ne réalise pas, je ne comprends pas ce qu'il se passe. "Harry..." J'ai du mal à parler tellement je me retiens de me pleurer. Il est toujours sur le lit, il pleure encore plus fort. "Va- t'en, va-t'en, va-t'en, va-t'en." Il se met à répéter ça en boucle presque avec détresse. "Va-t'en !" Il vient de hurler. Je ne veux pas partir, je ne veux pas le laisser, je suis incapable de réagir. J'ai l'impression de le revoir le soir où il a détruit sa chambre, le soir où j'ai tout découvert pour la drogue.

"Je veux pas partir..."

Je reconnais à peine ma propre voix tellement elle tremble. Lui, c'est tout son corps qui se met à trembler. On dirait une bombe prête à exploser, je sens qu'il fait tout pour se retenir, mais que si je ne pars pas, ça va mal se passer. "Pars, s'il te plaît, pars." Cette fois ce n'est plus de la colère, mais une supplication. Il me supplie de partir, je ne veux pas, je n'y arrive pas, j'ai peur qu'il fasse une connerie mais tout en moi me hurle de m'en aller, tout en moi me hurle qu'en restant, je ne ferai qu'aggraver les choses. "Va-t'en, laisse-moi seul, va-t'en." Il recommence à répéter, il pleure tellement, au point d'en avoir du mal à respirer. Il est complétement en détresse. "Je m'en vais, je m'en vais." Je répète moi aussi plusieurs fois avec la même détresse, en me relevant complétement fébrile et le corps tremblant. Je ne le quitte pas des yeux, lui non plus et ce que je vois dans son regard me fait tellement mal que j'ai l'impression de me déchirer de l'intérieur. Je heurte la baie vitrée dans mon dos, je sors. J'ai à peine le temps de la refermer derrière moi que je l'entends se mettre à pleurer encore plus fort. La déchirure en moi s'agrandit encore et j'éclate en sanglots. Complétement.

Trois jours que je n'ai plus aucunes nouvelles d'Harry, trois jours que je n'arrête pas de pleurer. On était tellement heureux, tout allait si bien et maintenant je n'arrête pas de revoir ses yeux plein de larmes dans ma tête. Il était tellement malheureux... Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé, je ne comprends pas pourquoi il m'a rejeté comme ça. Je ne comprends rien. J'ai l'impression que tout s'est effondré autour de moi, autour de nous.

Je ne sais même pas s'il y a encore un nous.

« Je n'ai jamais compté à ses yeux. » - Harry

DEGRADATION Tome IIIUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum