Journal d'une Confidente - Ca...

By OrielClancy

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Lors d'une soirée pluvieuse, Camila Cabello arrive sur la petite île de Genova. La jeune citadine originaire... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5 - Partie 1
Chapitre 5 - Partie 2
Chapitre 6
Chapitre 7 - Partie 1
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12 - Partie 1
Chapitre 12 - Partie 2
Chapitre 13 - Partie 1
Chapitre 13 - Partie 2
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16

Chapitre 7 - Partie 2

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By OrielClancy


Mais qu'est-ce qu'il lui avait pris ?

Lauren s'était réfugiée dans sa chambre, faisant les cent pas. Comment avait-elle pu faire ça ? Il était évident que Camila découvrirait tôt ou tard que ce n'était pas Ashley, mais bien elle... Comment pourrait-elle s'expliquer à ce moment-là ?

La propriétaire du manoir sentait sa carapace se fendiller de toutes parts. Il était hors de question qu'elle refasse les mêmes erreurs, cela lui avait coûté trop cher par le passé. Elle devait remettre des distances avec ses employés, notamment et surtout avec Camila Cabello.

***

Camila, de son côté, redescendit en cuisine quelques minutes plus tard. Là, elle retrouva Josy aux fourneaux.

–  Hey, vous remercierez Ash pour les pansements ! lança-t-elle en s'approchant.

Josy haussa un sourcil et quitta quelques secondes sa viande des yeux.

–  Ashley est sortie il y a plus de dix minutes, elle attend le livreur.

–  Sérieux ? s'étonna Camila. Mais... Alors... bégaya-t-elle en essayant de réunir les pièces du puzzle.

–  Camila, ça va ? demanda Josy devant son brusque silence.

Soudain la jeune femme se raidit. Si ce n'était pas Ashley alors... Elle rougit aussitôt, repensant à ces caresses et ce furtif baiser. Elle frissonna.

–  Je... Oui, oui. Ça va, la rassura la jeune femme avant de faire demi-tour.

Sans attendre, elle remonta les marches quatre à quatre jusqu'à la chambre de Lauren. Après avoir repris son souffle et remis sa queue de cheval correctement, elle toqua à la porte... Une fois, puis deux, mais elle ne reçut aucune réponse.

Sans hésiter, elle entra et fut déçue de ne trouver personne. Elle sortit et se rendit dans le boudoir, désert lui aussi. Après réflexion, elle courut jusqu'à la galerie des Glaces où elle ne trouva rien que les vestiges de ses blessures avec les bouts de miroirs ensanglantés au sol. Elle devrait, pensa-t-elle, venir nettoyer la pièce plus tard. En sortant, un dernier lieu se rappela à son bon souvenir : la serre.

Ce fut sans surprise qu'elle retrouva Lauren près de son cerisier. Elle entra discrètement dans la serre et resta en retrait, incapable de détacher son regard de cette femme au regard triste. Des centaines de questions lui trottaient dans la tête, mais dès que leurs regards se croisèrent, tout s'évanouit.

Camila oublia qu'elle devait parler du massage, du baiser sur son dos, de la fuite de Lauren, du fait qu'elle s'était fait passer pour Ashley. Elle devait aborder ces questions qui lui semblaient importantes quelques minutes auparavant. Elle savait tout cela et pourtant tout disparut. Plus rien n'exista que Lauren. Incapable de la laisser se refermer sur elle ou de prendre le risque qu'elle disparaisse, la brune décida de se taire.

Elle s'approcha et vint s'asseoir près de sa patronne posant, à son tour, sa main sur le tronc, imitant Lauren.

–  D'où venez-vous ? la questionna doucement Camila.

–  De la campagne du Montana, précisa Lauren au souvenir de son enfance encore innocente au fin fond de sa région.

–  Comment avez-vous connu votre défunt mari ? continua la brune, curieuse, après quelques secondes de silence.

–  N'est-ce pas à mon tour de poser une question ? demanda Lauren, sans détacher ses yeux de l'arbre.

Camila sourit d'étonnement. La brune se souvenait du jeu qu'elles avaient débuté et stoppé sans le terminer.

–  Certes.

À ce moment-là, Lauren tourna la tête vers elle, amusée d'une telle répartie.

–  Vous êtes tellement plus radieuse et jolie avec un sourire sur le visage, lâcha Camila sincèrement.

Instantanément, sa patronne détourna le regard et perdit son sourire.

–  Non, non, gardez-le. Il vous va à ravir, s'il vous plaît, essaya de se rattraper la jeune femme.

–  Est-ce seulement la paie attractive qui a conduit une fille des villes à devenir une servante des champs ? l'interrogea Lauren qui avait envie d'en apprendre plus sur son employée.

–  J'ai toujours été une fille des villes. Je n'ai pas eu le choix, je n'ai connu que ça, énonça-t-elle sans plus de sentiment.

–  Que s'est-il passé pour que vous mettiez autant de distance avec votre famille ?

–  Vous êtes bien curieuse, Madame Jauregui.

–  Vous avez commencé ! rétorqua cette dernière en esquissant un sourire que Camila regretta de ne pas voir plus souvent.

–  Touchée. J'aime beaucoup cette serre, ça doit être agréable en été de venir lire un bouquin sous ce cerisier, non ? questionna Camila, changeant volontairement de sujet.

–  Effectivement.

–  J'ai hâte de tester ça, dit-elle dans un sourire qui sous-entendait qu'elle resterait jusqu'à ce que l'été arrive.

Lauren lui fit un signe de tête. Elle se releva, imitée par la dame de compagnie, et marcha dans les allées, découvrant le travail colossal qu'avait abattu la jeune femme en quelques jours. Elle s'arrêta un instant devant un massif nu de toute végétation, et se tourna vers Camila en haussant un sourcil interrogateur.

–  C'est le vôtre. D'ailleurs toute cette serre est à vous, mais... Je voulais que vous ayez aussi le droit d'agencer comme vous le souhaitiez, alors... Je vous ai laissé ce massif. Ça sera l'occasion d'y mettre des gardénias, affirma la jeune femme dans un sourire.

Lauren fut profondément touchée par les déclarations de Camila. Il y avait bien longtemps qu'on ne lui avait pas fait un cadeau dénué de tout intérêt. Avant, les gens avaient pour habitude de lui demander sans cesse des services, ce qui avait rendu la jeune femme méfiante à l'égard des cadeaux des autres, pensant qu'ils allaient quémander en retour un geste égal. Mais là, Camila n'attendait rien d'autre que l'épanouissement de la jeune femme en lui faisant simplement plaisir.

–  Merci. C'est très gentil, déclara la propriétaire des lieux en observant ce petit espace vide.

–  De rien. Vous vous y connaissez en jardinage ?

–  Assez... Il me semble que vous aussi.

–  Oh non. Harry m'a beaucoup aidée, expliqua Camila en toute honnêteté.

Une fois de plus, à l'entente de ce nom, le visage de Lauren se figea et elle grimaça.

–  Y'a un truc entre vous hein ? lança son employée intriguée par cette réaction.

–  Absolument pas ! répondit Lauren si rapidement que ça n'en paraissait pas sincère.

–  Je vois, s'amusa Camila sans en dire plus.

–  Non, vous ne voyez rien du tout, car il n'y a rien à voir ! argua Lauren sur la défensive.

–  Vous devriez vous accorder alors, parce que lui, il ne se cache pas. Il m'a dit que vous aviez eu une relation après la mort de votre mari.

Lauren s'accroupit et cala sa tête dans ses mains. Camila se mit à côté d'elle et attrapa ces dernières pour les écarter du visage de la brune.

–  Hey, je ne vous juge pas, au contraire. Je serais bien la dernière à le faire. Je comprends que vous ne vouliez pas en parler... Désolée, c'était... impoli, s'excusa Camila en tentant de réconforter la jeune femme.

–  Il a raison, souffla Lauren de manière presque inaudible.

Camila la laissa continuer. Elle ne voulait pas la forcer ou la braquer.

–  Après la mort de William je... Je me sentais seule... Et c'est arrivé... Je n'ai pas compris, mais... C'était arrivé.

–  Ça a duré longtemps ?

–  Trop... Vicky nous a surpris un soir... J'ai eu beau lui expliquer les choses, elle a tout de suite hurlé à la trahison et au complot. Quelques jours plus tard, elle m'annonçait qu'elle déménageait sur New York pour ses études, expliqua Lauren les yeux brillants de culpabilité.

–  Oh... Je vois, murmura Camila qui ne voyait pas vraiment.

–  J'étais seule de nouveau. Et... Il était toujours là.

–  Est-ce que... Aujourd'hui, vous...

–  Non. Il n'a pas hésité à aller voir ailleurs. J'ai préféré en finir.

–  Mais pour autant, vous l'avez gardé ici. C'est pas trop dur de vivre dans la même maison que son ancien amant ? questionna Camila curieuse de cet étrange arrangement.

–  Nous ne vivons pas dans la même maison, au mieux sur le même domaine.

–  C'est vrai, concéda la brune.

Camila ne parla pas d'Ashley. Elle préférait laisser la jeune femme de côté. Pourtant, une question subsistait dans son esprit.

–  Pourquoi ne pas l'avoir renvoyé ? osa-t-elle enfin demander.

–  Parce qu'ici au moins, j'ai un contrôle sur mes employés. Camila fronça les sourcils. Dès qu'ils sont dehors... Je n'ai plus de contrôle sur ce qu'ils disent, sur ce qu'il se passe. J'ai déjà fait cette amère expérience et je ne tiens pas à réitérer la chose.

Camila comprit enfin. Lauren craignait simplement qu'une fois renvoyés, les employés répandent des rumeurs sur elle et la maison, rumeurs que les gens seraient prêts à croire bien volontiers, vu leur provenance. Et donc, c'était déjà arrivé une fois... De qui pouvait-il s'agir ? Et qu'avait pu dire cette personne pour blesser tant Lauren qu'elle en venait à maintenir ses domestiques reclus de tous ?

–  Vous n'imaginez pas la souffrance qui fut mienne durant des années et aujourd'hui encore. Je ne suis pas heureuse de ce qui se passe ici, je préférerais que mes employés puissent sortir du manoir et vivre. J'aimerais ouvrir les rideaux plus souvent, mais lorsque je vois le monde au travers de mes fenêtres... Je ne vois que des regards sombres, des murmures assourdissants...

Camila réalisa pour la première fois que Lauren ne se complaisait pas dans cette solitude. Les gens l'y poussaient. Ainsi, elle devrait ouvrir Lauren aux autres autant qu'elle devrait pousser les autres à aller vers elle... La tâche serait plus ardue que prévu.

–  Dites, si on faisait un marché ? Tous les matins nous irons dans une pièce que j'ai choisie et l'après-midi dans une pièce que vous aurez choisie. On pourrait y lire, se reposer, jouer, ou même bavarder, peu importe. L'essentiel étant de sortir de votre chambre et moi d'être une dame de compagnie digne de ce nom, d'accord ?

Lauren observa le tronc de son cerisier, comme perdue dans ses pensées puis elle fixa Camila et esquissa un léger sourire.

–  D'accord.

***

Camila était aux anges. Elle sentait Lauren se détendre auprès d'elle, s'ouvrir un peu plus chaque jour. Elle ne connaissait pas encore sa vie entière ni la personne qui l'avait marquée jusqu'à l'enfermer dans sa forteresse de solitude et d'obscurité, mais elle espérait de plus en plus la découvrir.

Elle repensa à ce tendre moment dans sa chambre. Elle ne lui en reparlerait pas, pas avant que la jeune femme ne le fasse. Il était hors de question qu'elle lui fasse peur par des intentions maladroites alors qu'elle désirait avant tout la connaître.

Une fois encore, elle sortit son petit carnet et fixa la couverture tannée. Son cœur battait à tout rompre quand elle l'ouvrit et en lut quelques lignes. Elle eut les larmes aux yeux avant de le fermer et de le plaquer sur son cœur. Elle s'endormit, un sourire aux lèvres.

***

Une semaine... Une semaine passa avec une certaine routine installée entre les deux jeunes femmes. Le matin, Camila apportait le petit-déjeuner dans la chambre de Lauren, puis elles passaient leur matinée dans le boudoir. Ensuite, elles déjeunaient ensemble et terminaient le reste de la journée dans la serre.

Lauren, avec l'aide de la dame de compagnie, s'était remise au jardinage. C'était avec plaisir qu'elle avait fourni en fleurs le massif que Camila lui avait spécialement laissé. Elles discutaient très peu d'elles, de leurs vies, de leurs passés, se contentant de ce que leur offrait le présent : des journées sereines à ne rien faire que de profiter des rayons d'automne.

–  Vous faites quelque chose pour Halloween ? lança Camila tandis qu'elle désherbait une jardinière.

–  Non, se contenta de répondre Lauren sans plus de précision.

–  Vous ne la fêtez jamais ? Moi je trouve ça fun comme célébration ! On se déguise, on mange des saloperies sucrées, on regarde des films d'angoisse !

–  Malheureusement, ici, Halloween n'est guère assimilée à un moment festif, tenta de lui expliquer la propriétaire des lieux.

–  Ah ? Vous ne croyez pas aux sorcières ? s'amusa Camila pour détendre l'atmosphère.

–  Moi non... Mais les gens d'ici, si, maugréa Lauren de plus en plus morose.

–  Quoi, ils font une chasse aux sorcières ? s'étonna Camila qui ne comprenait pas ce qu'essayait de lui dire sa patronne.

–  Plus que vous ne croyez.

Camila fronça les sourcils. Elle était arrivée plusieurs semaines auparavant, et pour la première fois, put sentir le stress envahir Lauren. Cela ne devait pas être bien méchant tout de même. Les gens étaient civilisés et ne tambourineraient pas à la porte du manoir avec fourches et torches... Soudain, elle eut un léger et furtif doute.

–  Que pensez-vous de cela ? lança Lauren en montrant le massif, presque fini.

–  C'est magnifique, s'extasia Camila, oubliant le cours de ses réflexions.

–  Savez-vous monter à cheval Miss Cabello ?

–  Moi ? Oh non... Poser mes fesses sur 400 kilos de viande sauvage, non merci.

–  Avez-vous essayé au moins ? questionna Lauren, amusée par la réponse de la brune.

–  Une fois, et je me suis retrouvée les quatre fers en l'air très vite.

Lauren sourit à l'évocation de ce souvenir.

–  Vous pourriez apprendre. Quand le printemps arrivera, nous aurons certainement épuisé tous les sujets de conversation dans la majorité des pièces de cette demeure. Des balades à cheval pourraient nous donner l'occasion de converser sur d'autres thèmes et en d'autres lieux.

–  Et il faudrait pour cela que je monte sur un canasson ? Pourquoi ne pas simplement aller en ville, sur le port ou dans les bois ? l'interrogea Camila, intriguée et curieuse.

–  Et pourquoi non ? insista la maîtresse de maison qui ne comptait pas renoncer si facilement.

–  Vous montez vous-même ?

–  Oui, dit-elle dans un sourire nostalgique.

–  Vous m'apprendriez donc ? osa la brune, peu rassurée.

–  Si vous acceptez que je sois votre professeur, répliqua Lauren comprenant les craintes de son employée.

–  Vous m'apprenez à jardiner, à monter à cheval... Mais moi, qu'est-ce que je fais pour vous en retour ?

–  Croyez-moi, vous en faites bien plus que vos attributions ne vous l'autorisent... Vous faites bien plus que ce que vous pensez, murmura Lauren.

Camila comprit que les choses avançaient.

***

Lauren n'avait pas menti. Une semaine et demie plus tard, le soir d'Halloween, la maison était en effervescence bien loin des festivités qu'occasionnait cette fête païenne. Il s'agissait surtout de barricader portes et fenêtres, de protéger lampes en cristal, tissus précieux et autres objets de collection.

Camila ne comprenait pas ce qui se déroulait sous ses yeux. Soudain, quand vingt-deux heures sonnèrent, elle entendit un grondement au-dehors, ainsi que des ricanements. Elle monta dans sa chambre et vit alors quelques dizaines d'adolescents, bien éméchés, roder autour de la propriété.

En quelques secondes, elle vit s'abattre sur les murs et les grilles des dizaines d'œufs et rouleaux de papier toilette.

–  Merde ! cria-t-elle en sortant de sa chambre, pour courir au rez-de-chaussée. Samy !

Ce dernier sortit de la cuisine, passablement calme.

–  Ces gamins sont en train de ruiner la maison !

–  Nous savons, dit-il calmement.

–  Et vous ne faites rien ? rétorqua Camila, choquée.

–  Que pouvons-nous faire ? Il y a quelques années, nous avons osé sortir pour répliquer, mais ils ont hurlé que nous leur avions jeté un sort et les représailles furent cinglantes.

–  Mais j'hallucine ! Vous vous laissez faire sans rien dire ? demanda Camila, outrée.

–  Cela vaut mieux. Et demain matin, nous nettoierons, comme tous les ans.

Il repartit vers la cuisine, laissant une Camila totalement frustrée au milieu de l'entrée. C'en était trop pour elle. Ce n'était pas parce que personne ne bougeait qu'elle devait en faire de même. Elle sortit en furie, faisant stopper les adolescents.

–  Dégagez de là ! Vous n'avez pas le droit de détériorer la propriété d'autrui ! hurla-t-elle en colère.

Après quelques secondes de silence, les gamins éclatèrent de rire. Camila s'approcha jusqu'à la grille.

–  Si vous ne partez pas maintenant, j'appelle les flics !

–  Essaie toujours, ils viendront jamais jusqu'ici ! s'amusa un des garçons.

–  Personne ne vient ici, c'est maudit, lança un autre au regard étrange.

–  Comment tu peux croire ça à ton âge hein ? questionna-t-elle, surprise et intriguée.

Le garçon sourit d'un air mauvais.

–  C'est pas une question d'âge, c'est une question de faits. Cette maison abrite une meurtrière. Et la seule raison qui n'a pas poussé la police à l'arrêter c'est qu'elle veut pas foutre les pieds dans cette baraque maudite !

L'assurance du jeune garçon ébranla Camila qui se rendit compte de l'ampleur des rumeurs. Elles étaient tellement ancrées dans l'imaginaire de l'île qu'elles allaient jusqu'à gangrener l'esprit d'enfants.

–  Comment tu t'appelles ? lança Camila doucement, essayant d'apaiser les choses.

–  Félix.

–  Félix, écoute... Tu peux pas affirmer ce genre de choses sans preuve.

–  Mais des preuves on en a bien assez, répondit-il.

–  Tu crois vraiment à la sorcellerie ? À la magie ? Tu penses vraiment que ça existe ? s'amusa-t-elle. Vous devriez cesser vos jeux vidéo et vos films fantastiques...

Félix perdit son sourire avant de faire un pas en arrière.

–  Vous êtes de leur côté, c'est normal que vous les défendiez. Elle fait partie des leurs ! hurla-t-il aux autres qui suivirent son mouvement. Si ça s'trouve, en nous parlant, elle nous jette un sort !

–  Quoi ? Mais t'es malade ou quoi ? se défendit Camila qui hallucinait véritablement de devoir expliquer qu'elle n'était pas une sorcière.

–  Elle est comme les autres...

Il leva sa main tenant un œuf.

–  Hey gamin, tu vas pas faire ça okay ? lança Camila, paniquée.

–  On parie... dit-il dans un sourire malsain.

Camila ne vit pas le coup venir et l'œuf vint s'écraser sur son pull. Elle resta prostrée, surprise, et cela laissa à un autre ado le temps de lui jeter un nouvel œuf. Celui-ci heurta la grille de fer, et seul le blanc vint s'abattre sur son visage. S'en suivirent des jets de farine, de lait et d'autres aliments gluants...

Elle fit un pas en arrière, puis deux, avant de courir jusqu'à la porte de la demeure. Elle eut à peine le temps de mettre la main sur la poignée qu'une énorme citrouille s'écrasa à ses pieds, éclaboussant le bas de son jean et de ses boots.

–  Et merde ! maugréa-t-elle tandis que les enfants repartaient en riant.

Camila grimaça avant de rentrer dans la maison. Elle fut alors accueillie par une Ashley morte de rire.

–  Oh la vache, t'as morflé ! lâcha cette dernière entre deux gloussements.

–  Très drôle !

–  Va prendre une douche, tu sens le pain perdu.

–  Ah, ah, siffla Camila amèrement.

Elle monta les escaliers, bras et jambes écartés au possible. Alors qu'elle allait rentrer dans sa chambre, elle fut appelée par une voix grave et autoritaire.

–  Miss Cabello ?

Camila se tourna pour voir la seule personne qu'elle ne voulait pas croiser en pareille situation.

–  Oui ? tenta-t-elle de lancer légèrement.

–  Qu'est-ce que... Est-ce de la farine sur votre visage ?

–  Entre autres oui, répondit la jeune femme tandis que le blanc d'œuf mêlé à la farine dégoulinait d'une de ses mèches de cheveux pour s'écraser plus bas, sur l'une de ses bottes.

Lauren traversa les escaliers pour se retrouver à sa hauteur.

–  Que s'est-il passé ?

–  J'ai... été dire bonsoir à nos visiteurs, dit-elle dans un sourire qui se voulait amusé.

–  Je vois... Eux aussi ont su vous souhaiter la bienvenue. Je vous avais prévenue...

–  Je sais, je sais, la coupa-t-elle pour éviter que la conversation ne s'éternise dans cette direction.

–  Vous êtes en train de salir la moquette, remarqua Lauren en la toisant de haut en bas. De plus, vous sentez le pancake.

–  Super, souffla Camila dont cette avalanche de reproches glissait sur elle aussi facilement que le blanc d'œuf dans ses cheveux.

Elle entra dans sa chambre et se précipita presque dans la salle de bains. Quand elle se regarda dans le miroir, elle oscilla entre surprise et amusement : comment, au XXIe siècle, pouvait-on encore croire à la magie, aux sorcières et autres phénomènes surnaturels ?

***

L'automne était déjà bien entamé et l'hiver tapait même à la porte. Les jours passèrent, puis les semaines et tous purent constater le changement de comportement de Lauren. Quotidiennement, elle redécouvrait avec Camila les pièces que cette dernière avait remises en l'état.

Pourtant, il restait encore quelques mystères à éclaircir pour la dame de compagnie. L'un des principaux résidait dans les trois pièces attenantes à la chambre de Lauren, dont l'accès lui était toujours interdit. De plus, Camila était bien décidée à connaître la raison pour laquelle sa patronne avait si peur de l'extérieur, mis à part les rumeurs circulant sur elle.

–  Bonjour Lauren, lança gaiement Camila en entrant dans la chambre de cette dernière.

–  Miss Cabello, toujours aussi matinale.

Comme tous les matins depuis des semaines maintenant, Camila apportait à Lauren son petit-déjeuner dans sa chambre. Mais quelque chose était différent par rapport à d'habitude. Lauren le nota aussitôt. Pour une fois, étaient posés sur le plateau deux bols, deux verres, deux oranges et bien d'autres victuailles.

–  Qu'est-ce que cela veut dire ? s'étonna la maîtresse de maison.

–  Je me disais que, depuis le temps, on n'a jamais pris un petit-déjeuner ensemble alors... Je me suis dit que c'était le bon moment, annonça son interlocutrice dans un grand sourire.

Lauren, perplexe, s'assit en tailleur sur son lit. Camila l'imita.

–  Tenez. Bon appétit, déclara la jeune brune en tendant son café à Lauren.

Camila se rendait compte avec quelle facilité leurs rapports avaient évolué. Elles passaient toutes leurs journées ensemble, matin, midi et soir, et ne se quittaient que pour aller dormir. Bien évidemment, leur terrain de jeu ne se limitait qu'au manoir et son jardin, mais c'était bien assez pour l'instant. Camila voyait Lauren s'ouvrir de jour en jour : là où il y a encore deux mois elle aurait pu compter sur les doigts d'une main le nombre de sourires de la belle brune, aujourd'hui, elle en perdait le compte.

La présence de chacune rassurait l'autre, comme une dépendance volontaire où l'une avait besoin de l'autre pour avancer.

–  Alors, on fait quoi aujourd'hui ? demanda la dame de compagnie pour débuter la conversation.

–  Edelweiss, répondit sobrement Lauren.

–  Pardon ?

–  Des edelweiss. Dans la langue germanique, « Edel » signifie noble, et « weiss » la couleur blanche. Ce sont des fleurs qui poussent en montagne et qui supportent le froid, ce sont des fleurs d'hiver. J'ai pensé que nous pourrions en parsemer la serre pour l'égayer vu qu'en hiver, mis à part les légumes, elle ne revêt pas beaucoup de couleurs.

–  C'est une excellente idée ! s'exclama Camila, conquise par cette suggestion. Vous avez des graines ?

–  Non, mais je demanderai à notre coursier de nous en ramener, répondit Lauren sans plus de cérémonie, en prenant une gorgée de café.

–  Pourquoi ?

–  Pourquoi quoi ?

–  Pourquoi lui demander alors que vous pourriez le faire vous-même ? l'interrogea Camila, saisissant l'occasion au vol.

–  Sortir de ce manoir n'est pas une option envisageable, déclara sa patronne sérieusement.

–  Mais pourquoi ? De quoi avez-vous peur ? D'être lynchée en public ? Je serai là pour vous protéger !

–  Vous souvenez-vous de ce soir d'Halloween ? l'interrogea Lauren pour l'aider à se rappeler.

–  Je m'en souviens oui, mais...

–  Vous étiez face à de simples adolescents et vous êtes restée là, dressée devant eux, incapable de leur faire entendre raison. Ils n'ont pas eu peur de s'attaquer à vous.

–  Ce n'était que de la farine et des œufs...

–  Mais cela aurait pu être des pierres ou des balles, argua Lauren de plus en plus mal à l'aise avec la tournure que prenait leur discussion.

–  Lauren... Il faut savoir faire un pas en avant. Si vous n'allez pas vers eux, ils ne viendront pas vers vous. Ces rumeurs n'ont pris de l'ampleur que parce que vous ne les avez jamais démenties. Vous devez leur montrer, leur prouver que vous êtes une femme tout ce qu'il y a de plus ordinaire.

–  Je n'ai rien à leur prouver, je n'attends rien d'eux, autant qu'ils n'attendent rien de moi, répliqua cette dernière froidement.

–  Mais vous n'allez tout de même pas rester ici jusqu'à la fin de vos jours ? C'est terriblement... triste. Vous ne méritez pas le sort que vous vous infligez, tenta Camila pour lui faire entendre raison.

Lauren détourna le regard et ferma brièvement les yeux, mais Camila posa sa main sur la sienne.

–  Regardez-moi... murmura-t-elle doucement.

Lauren n'en fit rien, le visage tourné sur le côté.

–  Lauren... Regardez-moi...

La main de Camila vint caresser sa joue pour forcer gentiment son visage à se tourner vers le sien.

–  S'ils pouvaient voir le quart de ce que je vois en vous, ils n'auraient plus aucun doute sur vos intentions et votre bonne volonté.

Lauren la fixa de ses grands yeux verts : jamais personne n'avait prononcé ce genre de mots en parlant d'elle. Elle frissonna.

–  Miss Cabello... Je...

–  Essayons au moins... S'il vous plaît.

Rien n'effrayait plus Lauren que l'extérieur. Il y avait des années qu'elle n'était pas sortie, depuis la mort de son mari à vrai dire. Par quoi commencer ? Que faire ? Elle prit soudainement peur et des frissons envahirent son corps. Camila s'en rendit immédiatement compte.

–  Hey, hey... On se calme. Si vraiment ça ne va pas, on rentrera. Mais il faut bien commencer quelque part, la rassura celle-ci pour l'aider à se calmer.

–  Très bien.

–  Parfait. Je vais me préparer, on se retrouve en bas dans dix minutes ! s'exclama Camila en sautant du lit avant que Lauren ne change d'avis.

***

Jamais Camila n'avait été aussi excitée à l'idée de se promener dans un petit patelin tel que Genova ! Elle qui était habituée aux fastes des grandes villes, aux lumières, aux bruits, à la foule, ne rêvait que de se promener dans une simple petite ville portuaire.

Elle attendait fébrilement que Lauren descende les grands escaliers, ce qui ne se fit pas attendre. Enroulée dans un long manteau noir, cette dernière rejoignit bientôt la jeune femme.

–  Vous êtes parfaite. C'est parti ! s'engoua Camila.

–  Puis-je vous parler ? lança Samy qui venait de sortir des cuisines.

–  Lauren, allez jusqu'à la voiture, je vous rejoins, ordonna Camila pour gagner du temps.

Malgré quelques réticences à se faire encore donner des ordres, Lauren obtempéra tout de même.

–  Qu'est-ce qui se passe ? demanda Camila une fois la porte refermée derrière sa patronne.

–  Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce qui se passe... murmura doucement le vieil homme.

–  Quoi donc ? l'interrogea Camila en fronçant les sourcils.

–  Ce qui se passe aujourd'hui. Vous n'en avez peut-être pas conscience, mais... Nous avons attendu cela depuis si longtemps : qu'elle s'ouvre, qu'elle sorte. Mais n'oubliez pas, elle est encore et toujours fragile. Il ne faut pas que cette sortie se passe mal, sinon elle risque de se murer définitivement dans un mutisme sans retour.

–  Je veillerai sur elle, n'ayez crainte, le rassura Camila, prête à partir.

–  Justement. Vous ne le voyez peut-être pas, mais... Vous êtes en train de changer les choses. Mais nous n'osons pas encore y croire de peur d'être déçus. Vous ne prenez pas encore la mesure de ce que vous représentez pour elle. Jamais elle n'avait mis autant de confiance dans quelqu'un... La chute n'en serait que plus dure.

–  Je sais Samy, et je ferai tout pour que ça se passe bien. Je tiens beaucoup à ce que Lauren retrouve sa confiance en elle et en les autres. Simon se mit à sourire.

–  Si vous vous rendiez compte de ce que vous êtes pour elle et de ce qu'elle est pour vous... Mais les choses se feront le moment venu, soupira-t-il de manière conspiratrice.

–  De quoi vous parlez ?

–  Peu importe. Prenez soin d'elle et ne tardez pas, lança-t-il d'un air protecteur.

–  Promis papa ! s'exclama la jeune femme, amusée, avant de quitter la demeure pour rejoindre Lauren dans l'imposante berline.

–  Prête ?

–  Prête, répondit Lauren, peu assurée.

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