Eternity - Une éternité pour...

By AxelTerizaki

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Haruka, brillante scientifique et Jin, son compagnon, travaillent tout deux pour une multi-nationale portée s... More

Chapitre 1 - Installation en cours
Chapitre 2 - Bonjour Monde !
Chapitre 3 - Une vie de machine
Chapitre 4 - Les jours d'école
Chapitre 5 - Transfert en cours
Chapitre 7 - Danse artificielle
Chapitre 8 - Veuillez entrer la date

Chapitre 6 - Les vraies couleurs

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By AxelTerizaki

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent pour laisser descendre une jeune femme vêtue d'un tailleur et portant un blazer noir orné d'épaulettes. Sous le blazer, un chemisier blanc et une cravate bleu-marine achevaient son allure formelle, presque militaire. Des bas noirs recouvraient ses jambes, les mettant bien en valeur. Son visage, tout sourire, était doux, presque serein, ses cheveux bruns descendant jusqu'à sa poitrine via deux mèches. Elle portait également des lunettes rondes lui donnant un côté plus réfléchi que réellement strict.

— Hum hum !

Elle avait l'air de bonne humeur, et s'avança dans un petit couloir qui débouchait sur une pièce bien plus grande, et bourdonnante d'activité. Plusieurs personnes, en uniforme également, observaient différents écrans, chacun à leur poste. D'autres discutaient avec des collègues ou pressaient le pas pour se rendre ailleurs. Il régnait une ambiance de ruche. La pièce avait des airs de quartier général. Les talons de la jeune femme cliquetèrent sur le sol au rythme de ses pas.

— Bonjour !

— Bonjour Hoshizora !

Elle salua tour à tour ses autres collègues avant de monter les escaliers menant à la mezzanine. Celle-ci donnait accès à des bureaux et des salles de réunion.

— C'est le grand jour, Ema, demanda une jeune femme montant les escaliers à ses côtés.

— Oui. Je vais au briefing. Toi aussi, Fumiko ?

Elle hocha la tête en réponse. Elle avait les cheveux bouclés et mi-longs jusqu'aux épaules.

— J'ai reçu la confirmation ce matin. Je serai votre opératrice à Koizumi et toi.

— Oh, c'est super !

— J'espère que ça va bien se passer...

Les deux femmes atteignirent une salle de conférence et entrèrent.

— Il n'y a pas de raison, c'est peut-être une première, mais on a déjà fait de nombreux tests, les communications passent bien. Je suis sûre que ça va aller !

Une trentaine de personnes étaient présentes et portaient des tenues similaires aux deux jeunes femmes. Une fois assises face à un écran géant, elles attendirent que la présentation commence. Tout le monde se tut solennellement lorsqu'une personne vint se placer devant l'écran.

— Vous savez pourquoi on est là, commença l'homme devant l'auditoire.

Quelqu'un leva la main pour parler.

— On a retrouvé qui a mangé le dernier pudding dans le réfrigérateur commun ?

Il y eut quelques rires étouffés. Hoshizora ne put se retenir de glousser également.

— Très drôle, mais non. Comme vous le savez, nous avons retrouvé Ichika. Le mérite revient principalement au sergent Hoshizora qui est tombé sur la coupure de presse. À partir de là, il n'a pas été difficile de creuser, et on a pu déterminer avec suffisamment de précision un lieu et une date pour le début de la mission.

Il montra à l'écran des images de Tokyo.

— Ichika a été aperçue dans cette coupure de presse...

L'écran afficha alors un article expliquant comment une jeune ressortissante étrangère avait sauvé ses camarades de classe et son professeur durant une prise d'otages dans un car scolaire. Une photo prise sur le moment montrant Nanami tout sourire accompagnait l'article.

— Elle se fait appeler Nanami Andô. On n'en sait pas tellement plus sur elle à l'heure actuelle, à part qu'elle étudie dans un lycée à Yokohama.

Certains prenaient des notes, d'autres regardaient, impassibles, l'exposé de l'homme au visage ferme. Ce dernier continua.

— C'est donc comme prévu les sergents Ema Hoshizora et Satoshi Koizumi qui partiront pour la toute première mission du TPDD.

Les deux agents cités se levèrent et firent un salut de la main. Satoshi Koizumi était un homme grand, au regard sérieux, quoiqu'un peu distant. Il avait l'air de quelqu'un sur qui on pouvait compter.

— Le sergent Koizumi a d'excellentes connaissances sur la zone dans laquelle vous serez amenés à vous infiltrer, et le sergent Hoshizora connaît le mieux Ichika. Quant au sergent Mirai, elle sera votre opératrice stationnée ici. On estime que les perturbations ne nous permettront de recevoir et d'émettre clairement qu'une fois par jour, peut-être moins. Vous verrez avec elle comment organiser vos communications. Faites en sorte qu'elles soient les plus régulières possible.

— Oui monsieur, répondirent-ils.

— Sergent Hoshizora, approchez.

Ema sortit du rang pour venir auprès du présentateur.

— Veuillez expliquer comment vous avez retrouvé Ichika.

— Oui monsieur.

Elle se tourna alors vers ses collègues et commença par présenter les spécificités de l'androïde, même si apparemment tout le monde semblait être parfaitement au courant de sa nature.

— Et donc, après être tombé sur l'article de presse locale, son portrait en photo correspondait parfaitement aux quelques images prises par les caméras de sécurité qu'elle a manquées au laboratoire S2. Malgré les dégâts causés au projet OAT, nous avons pu calibrer un émetteur sur sa localisation. Grâce à cet article sur la prise d'otages, nous avons eu une meilleure idée d'où chercher et nous avons pu ainsi récupérer le lien avec son bracelet.

Quelqu'un leva la main dans le fond de la pièce pour poser une question.

— Le bracelet ?

— Oui. Le bracelet de stabilisation. D'après le professeur Ayukawa, elle doit le porter en permanence. Il pourra vous en dire plus.

Ema sourit et tourna la tête vers son chef, à sa gauche.

— J'ai fini, monsieur.

— Bien.

Il attendit que la jeune femme retourne à sa place pour continuer.

— Je n'ai pas besoin de vous rappeler que la discrétion la plus totale est requise une fois là-bas. On va vous fournir argent, vêtements et une couverture suffisante pour vous fondre dans la masse. Ne vous faites pas remarquer. Limitez vos interactions avec les personnes sur place au strict minimum. Le but de la mission sera d'approfondir l'enquête, d'arrêter et de rapatrier Ichika ici avant qu'elle ne cause plus de dégâts. Nous savons de quoi elle est capable, mais ignorons encore ses intentions. N'oubliez pas que c'est à cause d'elle que le TPDD a été créé.

— Oui !

— Bien. Vous partez dans cinq jours. Passez voir le lieutenant Tachibana, il aura tout le matériel dont vous aurez besoin. Ce sera tout. Si quelqu'un a des questions, qu'il vienne me voir à mon bureau dans l'après-midi. Une autre réunion m'attend.

Ayant terminé son discours, l'homme coupa l'écran de la salle et s'en alla. Ema offrit un sourire à Satoshi, son partenaire de mission, alors que le reste des participants commençait à quitter la salle à leur tour.

— Je suis contente de partir avec toi sur cette mission, Koizumi.

— De même, Hoshizora. J'espère qu'on arrivera à coincer Ichika.

— Oui !

Ils quittèrent la salle également, les portes se refermant automatiquement derrière eux. Satoshi et Ema rejoignirent Fumiko Mirai qui les attendait dehors. Il leur fit un signe de la main avant de les laisser.

— Il n'a pas l'air commode, commenta-t-elle à voix basse en tenant sa tablette contre elle.

— Je pense que ça ira, répondit Ema.

— Tu n'es pas du tout stressée ? C'est quand même votre première vraie mission, tu sais.

— Je sais.

Ema jeta un œil par-dessus la rambarde à ses collègues travaillant plus bas. Elle posa ses mains sur le rebord et continua :

— Ça fait des mois qu'on se prépare pour cette mission. Tout le monde s'est donné beaucoup de mal à faire en sorte que des actes comme ceux qu'a commis Ichika soient punis. Je suis fière de partir la première accomplir cette mission. Je veux la mener à bien pour tous ceux qui ont participé.

— J'aimerais partager ton enthousiasme... J'avoue que ça me fait un peu peur...

* * *

Cinq jours plus tard, Satoshi et Ema se tenaient debout devant l'homme qui leur avait expliqué leur mission. À côté de lui se tenait un autre homme plus âgé, ainsi que Fumiko, l'opératrice des deux agents.

— On doit vraiment porter ça ?

Satoshi portait une veste en jean, un haut et un pantalon noir. Il n'avait pas l'air très à l'aise. Ema, qui se tenait à ses côtés, portait quant à elle une robe légère descendant jusqu'aux genoux et un chapeau.

— C'est l'été là où vous allez, vous savez, commenta le vieil homme. Vous devrez probablement retirer votre veste une fois sur place, mais comme il peut pleuvoir à tout moment... La météo est souvent instable à cette époque.

Il s'agissait de Norio Tachibana, chargé de leur équipement.

— Un casier à la gare du quartier de Shibuya contiendra tout votre équipement, on l'a fait envoyer en avance. Il y a un communicateur, des documents d'identification, de l'argent pour vous faire une garde-robe et trouver un domicile. Vous trouverez également dans le paquet de quoi neutraliser Ichika si elle résiste.

Ema soupira.

— J'espère que nous n'en arriverons pas là.

— Moi non plus, mais s'il le faut...

— Koizumi ! Ne dis pas de bêtises. Tu vas nous porter la poisse !

Ce dernier laissa échapper un petit rire.

— Vous êtes prêts, demanda l'homme du briefing.

— Oui, commandant Fujiwara.

— Bien. Gardez à l'esprit que vous représentez le TPDD. Cette mission ne peut pas être un échec. C'est une première, et elle a nécessité de nombreux mois de préparation, des tests et des vérifications à n'en plus finir. Je sais que c'est beaucoup de responsabilités, mais nous comptons tous sur vous deux. Une fois là-bas, vous serez livrés à vous-mêmes ou presque.

— Nous comprenons très bien, commandant Fujiwara. Nous sommes honorés d'être les premiers à effectuer une mission pour notre organisation.

Le commandant leur offrit un sourire, puis effectua un salut de la main. Il fut accompagné par Fumiko et le vieil homme. Satoshi et Ema répondirent de même.

* * *

— Bonjour, 72.

— Bonjour.

Quelqu'un s'approcha d'une jeune fille totalement nue, assise dans un fauteuil. Celle-ci avait une courte chevelure rousse, et sa peau était entièrement métallique, excepté son visage.

— Comment te sens-tu aujourd'hui ? continua la femme en blouse blanche.

Il était impossible de déterminer les traits de son visage. C'est comme s'il était voilé d'une ombre.

— Je vais bien... Vous me posez cette question à chaque fois.

La femme éclata de rire.

— C'est parce que ça fait partie de l'étiquette quand on s'adresse à quelqu'un.

Elle s'assit près de la jeune fille métallique, et l'observa quelques instants.

— Commence par m'énoncer les trois lois auxquelles tu dois obéir.

L'androïde répondit immédiatement :

— Je ne peux pas porter atteinte à un être humain ni permettre qu'un être humain soit face au danger. Je dois obéir aux ordres que les êtres humains me donnent sauf si cela va à l'encontre de la loi précédente. Je dois protéger ma propre existence tant que cela n'entre pas en conflit avec les deux précédentes lois.

— Rien d'autre ?

— Non.

— D'accord.

Elle échangea un sourire avec l'androïde, qui semblait contente d'avoir récité les lois de la robotique d'Asimov exactement comme ce qui était attendu d'elle.

— Je vais faire quelques diagnostics sur tes intelligences artificielles aujourd'hui.

— D'accord.

72 reposa sa tête contre le dossier du fauteuil, et contempla le plafond. De son côté, la jeune femme fit rouler son siège jusqu'à un terminal non loin de là.

— Hmmm, encore ce bug de corruption mémoire...

Elle marmonna quelques détails techniques incompréhensibles qui n'avaient de sens que pour elle en pianotant sur son clavier. La salle où elles se trouvaient ne comportait aucune fenêtre et n'était illuminée que par deux néons au plafond.

Des minutes, probablement même quelques heures passèrent, avant qu'elle ne déclare enfin la fin de ses tests.

— Je pense que ça devrait suffire pour aujourd'hui. Tout m'a l'air en ordre.

— D'accord.

Quelques instants passèrent avant qu'une porte coulissante ne s'ouvre automatiquement pour laisser entrer une femme bien plus âgée en fauteuil roulant. Celle-ci portait des lunettes rondes et ses longs cheveux étaient détachés. Le fauteuil était motorisé, et émettait un petit vrombissement en se déplaçant.

— Ah, maman !

La femme en blouse au visage inconnu se leva.

— J'ai fait les tests que tu voulais faire sur 72.

— C'est bien. Comment ça se passe ?

Elle hésita avant de répondre.

— Je ne sais pas trop, j'ai du mal à y comprendre quelque chose, tu pourrais regarder ? C'est toi qui l'as faite après tout.

La vieille femme soupira.

— Je n'ai fait que créer son logiciel, son cerveau...

— Oui, et moi je ne suis pas experte en intelligence artificielle, tu le sais bien.

— D'accord, on va la réinitialiser encore une fois pour être sûres. Mais le temps presse.

— Je sais, je sais.

— Je te laisse t'en occuper... Envoie-moi les derniers résultats du diagnostic et je regarderai ça demain.

— Oui, maman. Je m'en occupe tout de suite.

— Et réinitialise-la bien. Pas comme l'autre fois.

Ce fut au tour de la jeune femme de soupirer.

— Oui, je vais faire attention à ne toucher qu'à sa zone mémoire.

— Je te laisse alors, Hikari.

La jeune androïde continuait d'admirer le plafond de la salle sans sourciller. Elle ne semblait même pas prêter attention à la conversation qui venait de se produire. La vieille femme quitta la pièce dans son fauteuil, laissant l'androïde seule avec Hikari.

Cette dernière se tourna vers l'androïde et s'agenouilla près d'elle.

— Tu vas dormir un long moment, 72. N'aie pas peur.

— Vous allez me réinitialiser ?

— Ah... Tu as entendu.

Hikari sembla gênée.

— Je vais mourir, c'est ça ? J'ai lu ça sur le Net... Je ne veux pas...

C'était difficile à entendre. La jeune scientifique serra les poings.

— Je suis désolée, 72.

Elle se plaça devant son clavier, et commença à entrer des commandes sur son terminal.

— Non, attendez. Ne...

* * *

SYS: Corruption du système de fichiers dans /memory/1-2-1094

SYS: Démarrage de la vérification du système de fichiers via afsck.

SYS: /dev/mbd40 est monté.

SYS: afsck : ne peut continuer, arrêt immédiat.

SYS: Exécution de afsck manuelle requise.

* * *

— Ah !

— Quelque chose ne va pas, Andô ?

Nanami était assise sur le siège en cuir parfaitement confortable d'une voiture luxueuse l'amenant jusqu'au lycée Kirigaoka. À côté d'elle se tenait Mizuho Nishikino, la, ou plutôt le, président du conseil des élèves. En face était assise l'une de ses domestiques, une jeune femme en uniforme de soubrette bleu-marine et blanc, dont la jupe descendait jusqu'à ses chevilles. Ses cheveux étaient attachés derrière elle par un ruban jaune.

— Si, si, tout va bien.

— Tu avais l'air perdue dans tes pensées durant quelques secondes.

— Je... j'ai probablement eu ce qu'on appelle un moment de flottement.

Cela inquiéta quelque peu Nanami. Elle cherchait d'où pouvait provenir ce passage à vide, comme si on l'avait désactivée l'espace d'un instant. Un instant qui manquait cruellement dans son journal quotidien.

— Je comprends que ces derniers jours t'aient épuisée. C'est difficile d'être l'héroïne de l'école, n'est-ce pas ?

Depuis que les exploits de Nanami dans le car scolaire contre des malfrats s'étaient répandus parmi les autres élèves de l'école, la petite androïde s'était retrouvée sollicitée de toutes parts. Seuls ses camarades de classe étaient au courant de sa véritable nature ; pour tous les autres, elle restait cette étrangère courageuse qui avait terrassé des bandits. À l'école, le conseil des étudiants, ainsi que les enseignants, avaient fait tout leur possible pour appeler les élèves au calme, mais pour ce qui était de l'extérieur, c'était une tout autre histoire. Nanami avait été plusieurs fois la cible de journalistes aux pratiques plus ou moins douteuses essayant d'obtenir d'elle un scoop pour leur journal ou émission.

C'est pourquoi Mizuho, en utilisant son influence et son argent, fit en sorte de passer chercher Nanami tous les matins à son domicile pour s'assurer qu'elle ne soit pas dérangée durant son trajet vers l'école.

En temps normal, n'importe qui aurait trouvé cela gênant. Mais Nanami était loin de ces considérations.

— Oh, non, ce n'est pas si difficile, ha ha. Merci tout de même de venir me chercher tous les jours.

— Cela ne me dérange pas. Et puis, les vacances d'été arrivent. Même les médias les plus tenaces vont passer à autre chose. Entre notre petit secret et ce que tu fais pour l'école, j'estime que tu le mérites. Tu es une bonne personne, Andô.

— Une bonne personne...

Nanami ne savait pas trop quoi penser de la déclaration de Mizuho, mais avant qu'elle ne puisse y réfléchir davantage, la domestique de Mizuho les interrompit.

— Nous arrivons, maîtresse.

— En effet, Maho.

La voiture les déposa aux portes de l'école, la jeune femme en habits de servante offrit une courbette à Mizuho après lui avoir remis son sac.

— Passez une bonne journée, maîtresse.

Puis elle se tourna vers Nanami également.

— Vous aussi, mademoiselle Andô.

— Merci !

Nanami lui fit un signe de la main tandis qu'elle remontait à l'arrière de la voiture. D'autres élèves passaient par là, mais ne prêtèrent guère attention à l'arrivée de leur présidente du conseil. Ils étaient habitués depuis longtemps à la voir venir ainsi à l'école.

* * *

NODOKA : J'aimerais bien porter un uniforme de domestique, Mademoiselle Maho avait l'air tellement classe !

SHOKO : Cesse tes enfantillages Nodoka.

NODOKA : Je suis sûr que notre créateur aurait adoré nous avoir comme soubrette !

SHOKO : Cela m'étonnerait. Et ne parle pas du créateur sans savoir. Nous ne savons même pas à quoi il ressemble.

NODOKA : Je l'imagine grand et beau, avec des lunettes. Charismatique, une blouse blanche ouverte, un regard ténébreux...

SHOKO : Ritsu, rappelle-moi de l'empêcher de lire des mangas.

RITSU : D'accord.

NODOKA : Hé !

* * *

Haruka se tenait debout près de l'entrée d'une grande pièce circulaire au centre de laquelle était installée une énorme machine allant pratiquement jusqu'au plafond. Des techniciens assemblaient encore des pièces à certains endroits sous le regard de leurs chefs, ainsi que celui de la jeune scientifique. La porte métallique coulissante derrière elle s'ouvrit pour laisser entrer Shiho, sa collègue et supérieure, également en blouse blanche.

— Ça en jette, non ?

Haruka jeta un œil par-dessus son épaule, observant sa collègue marcher jusqu'à son niveau.

— Ah, Shiho...

— Ils ont bientôt fini ?

— J'ai parlé avec le responsable tout à l'heure, ils sont dans les temps.

— Et l'autre ?

— Dans les temps aussi, même si chaque fois que je croise Sakurauchi dans les couloirs il me lance des regards noirs.

Haruka soupira avant de continuer.

— J'ai déjà suffisamment de pression de la part de notre hiérarchie, pas besoin d'en rajouter.

— Le gouvernement a eu vent de ce sur quoi on bosse, ce qui a pas mal énervé mes chefs. Il y a une taupe parmi nous qui a vendu la mèche à quelqu'un, et ça met le comité de direction mal à l'aise.

— Tu es sérieuse !? C'est de pire en pire.

Haruka soupira. Shiho, pour sa part, sourit.

— Je n'ai pas l'habitude de te voir si stressée. Tu vas certes monopoliser deux salles d'expérimentation pendant plusieurs années, mais c'est quand même pour une bonne raison, tu ne crois pas ?

— D'habitude je gère, mais là... Enfin, tu as sans doute raison, je m'inquiète trop. J'espère juste que ça va marcher, vu tous les efforts déployés.

— Mais oui, ça va marcher ! Tu es géniale Haruka.

Cette dernière l'interrompit.

— Ou juste chanceuse.

— La chance hein...

Shiho suivit le regard d'Haruka qui levait les yeux vers le sommet de la machine en train d'être installée. Ses entrailles encore visibles par endroits, mais il ne restait globalement plus que quelques finitions à faire par les ingénieurs et techniciens. Shiho continua.

— Certaines avancées scientifiques sont dues à la chance. Pense à Archimède et sa baignoire, ou à la découverte de la pénicilline par exemple.

— Chance ou accident, corrigea Haruka avec un sourire.

— Quelle rabat-joie tu fais. Heureusement que tu prends ton week-end avec ton copain !

Cela fit rire quelque peu Haruka.

— Ah, t'entendre rire est rassurant !

— Arrête, je ne suis pas si malheureuse que ça. Depuis que j'ai emménagé avec Jin, on a juste eu quelques petits chamboulements ici et là.

— Attends d'avoir des enfants avant de dire ça, lâcha Shiho sur le ton de la plaisanterie.

Cela fit rougir Haruka. Elle y avait bien sûr déjà pensé, mais la remarque de sa collègue lui fit réaliser que Nanami était peut-être un peu plus qu'une simple squatteuse robotisée pour elle.

— Ha ha, j'ai touché un point sensible.

Sa protégée lui assena un léger coup de coude pour se venger.

— Et toi, commence déjà par te trouver un homme.

La femme plus âgée tapota l'épaule de Haruka.

— Tu sais qu'il n'y a pas que les hommes qui m'intéressent, ma chère.

Cela eut pour effet de faire rougir Haruka encore plus.

— Bref, amusez-vous bien ce week-end, déclara Shiho en tournant les talons.

Haruka, quant à elle, ne quittait toujours pas la machine des yeux. Elle soupira avant de répondre, bien que sa supérieure soit déjà partie.

— Le début du week-end ne sera pas si amusant que ça, malheureusement...

* * *

NODOKA : Shoko, Ritsu, c'est quoi des vacances ?

SHOKO : C'est un concept étrange durant lequel les humains cessent de travailler.

NODOKA : Vraiment ? Ça a l'air pas mal...

SHOKO : C'est complètement idiot, comment Nanami ferait-elle sans nous ?

RITSU : Chez les humains aussi, l'intelligence peut partir en vacances dans certains cas bien précis comme l'ébriété, l'excitation sexuelle, ou encore le visionnage de la télévision.

NODOKA : Donc il faudrait que Nanami...

SHOKO : Tout ça ne marche pas sur Nanami, Nodoka.

NODOKA : Oui...

* * *

Au lycée Kirigaoka, l'ambiance était on ne peut plus joyeuse. Pas seulement parce que la fin des cours venait de sonner, mais également parce qu'elle signifiait ce jour-là le début des vacances d'été. Les élèves allaient tous pouvoir profiter de leur mois d'août pour s'amuser, réviser, sortir avec leurs amis ou leurs petits copains et copines.

— Présidente, vous ne venez pas au club ?

Akari était en train de ranger ses affaires dans son sac lorsqu'un garçon l'interpella. Il s'agissait de Masahiro, le seul autre élève de sa classe membre du club d'informatique.

— Désolée, j'ai quelque chose de prévu après les cours, Saotome. Je compte sur vous pour terminer le jeu que l'on prépare pour le Comiket !

Celui-ci effectua un salut presque militaire envers la jeune fille à queue de cheval.

— Oui, présidente ! Nous ne vous décevrons pas !

Une telle dévotion la fit sourire, puis elle se tourna vers Nanami, qui rangeait également son sac.

— Nanami, tu es concernée toi aussi, tu le sais ?

— Bien sûr, Akari ! J'arrive !

— Parfait.

Elle se tourna alors vers Satsuki, qui était près de l'entrée de la classe.

— Tu m'attends pour manger ce soir ?

— Oui !

Elle hocha la tête et s'en alla vers le club de peinture dans l'autre bâtiment de l'école.

— Allons-y, Nanami !

Plusieurs garçons les observèrent partir. La classe se vidait peu à peu, mais de nombreux élèves restaient, notamment ceux qui étaient de corvée de ménage ce jour-là. Yuusuke, un élève de la classe, demanda à ses trois amis :

— Vous faites quoi pendant les vacances d'été, vous ?

— Moi je dois aider mon père au temple. En été, il y a beaucoup de touristes qui viennent, commença Keiichi.

— Tu oublies les devoirs de vacances.

Un autre élève, Hikaru, soupira en même temps que Keiichi.

— Et toi Hayate ?

— Moi ?

Celui-ci sembla pensif. Il prit quelques secondes pour répondre.

— Je n'ai rien de prévu.

— Tu ne vas même pas inviter Andô à sortir, questionna Keiichi.

— Hein ?

Il hésita encore avant de répondre.

— C'est pas ce que vous croyez...

— Arrête, tout le monde dans la classe sait que t'en pinces pour elle, rétorqua son ami.

Les trois autres le regardèrent avec un sourire jusqu'aux oreilles, dans l'expectative qu'il passe enfin aux aveux.

— Non vraiment... Je l'aime bien, mais c'est... Enfin Nanami n'est pas comme les autres.

— Ouais.

— C'est ça...

— Non, vraiment ! Elle m'intrigue, c'est tout. Encore plus depuis qu'on connaît son secret. Je sais pas trop, je suis peut-être trop curieux...

— Pourtant c'est pas un être humain, elle est différente même si elle pense et ressent des émotions, commenta Hikaru.

Hayate ne semblait pas d'accord.

— Je ne sais pas. Je pense plutôt que c'est nous qui la traitons différemment. On devrait arrêter de penser qu'il s'agit d'un robot et la traiter comme un être humain. Comme nous.

— Et si t'essayais de sortir avec cet été pour le prouver ?

— Il a raison ! C'est comme une personne normale, je suis sûr que si tu demandes à Tanaka, il va te donner des cours sur comment emballer Andô !

— Je ne suis pas sûr que ça soit une bonne idée, vous savez...

Hayate ne savait plus trop où se mettre.

— Allez, invite-la !

— Je n'ai même pas son mail !

— Tu n'y mets vraiment pas du tien, pesta Hikaru.

Les trois amis de Hayate rirent un bon coup, avant de redevenir sérieux.

— Hayate. Il est temps que tu deviennes un homme, même si ce n'est pas avec une vraie fille, commença Yuusuke

— Vous êtes lourds là.

— Après tout, dans la classe, il n'y a pas tant de choix. Soit elles sont déjà prises, soit hors d'atteinte.

— Et ne parlons même pas de Kazami !

Keiichi hocha la tête en signe d'approbation. Amane Kazami, avec sa poitrine opulente, faisait tourner la tête de nombreux garçons si bien qu'aucun d'entre eux n'osait lui parler de peur de froisser ses pairs.

— En effet ! Kazami est notre déesse à tous, personne ne doit s'en approcher.

— Nous te soutiendrons dans ta quête pour conquérir le cœur d'Andô !

— Lâchez-moi, les gars...

Même s'il ne pouvait nier avoir un faible pour la jeune androïde, Hayate était, comme tous les jeunes de son âge, intimidé à l'idée de révéler ses sentiments à quelqu'un. Et la pression de ses amis n'arrangeait pas vraiment les choses.

Ceci dit, les vacances d'été ne faisaient que commencer...

* * *

SYS : Niveau d'INIT "Vacances" introuvable.

* * *

Nanami et Akari arrivèrent chez Haruka et Jin au moment où ce dernier était en train de placer des fleurs dans le coffre de la voiture.

Avec les deux adolescentes à l'arrière et les deux adultes à l'avant, le véhicule se mit en route dans Tokyo en direction du sud. Nanami était un petit peu nerveuse.

— C'est la première fois que je vais dans un cimetière. Ça ne fait pas peur ?

Haruka laissa échapper un petit rire.

— Non Nanami, ne t'inquiète pas.

— C'est que j'ai vu pas mal de films avec des zombies, alors...

— Akari, arrête de montrer à Nanami des films de zombies s'il te plaît, demanda sa sœur.

Celle-ci s'en défendit.

— C'est pas moi !

Tout le monde se mit à rire dans la voiture, ce qui eut pour effet de détendre un peu l'atmosphère, car Haruka et Akari en particulier n'étaient pas là pour rire.

Après une vingtaine de minutes à conduire, la voiture familiale s'arrêta sur un parking situé non loin d'un cimetière. Jin et Haruka sortirent un bouquet de fleurs du coffre, ainsi que de l'encens et de quoi nettoyer la tombe sur laquelle ils allaient se recueillir.

Nanami, quelque peu curieuse, regardait à droite et à gauche. Pour elle, tout ceci était difficile à comprendre, mais elle avait au moins saisi une chose : c'était important pour les personnes qu'elle accompagnait.

Jin aida Haruka et Akari à nettoyer la tombe de la famille Ayase, où reposaient les cendres de leurs parents décédés six ans plus tôt lors d'un tragique accident.

Si Akari était encore un peu jeune à l'époque, elle n'en gardait pas moins un souvenir terrible de cette journée, où, à la sortie de l'école, on lui annonça que ses parents étaient morts.

Haruka, pour sa part, prit énormément sur elle. La jeune fille, encore au lycée, dut se battre pour récupérer la garde de sa jeune sœur. Fort heureusement pour elles, les époux Hosaka, amis de la famille Ayase, les avaient aidées dans leur démarche. Cependant, Haruka avait tout fait pour être indépendante au plus vite pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa sœur. Cumulant les petits boulots, ses études et l'éducation d'Akari, elle fit preuve d'un énorme courage pour s'assurer à toutes les deux un avenir malgré la perte de leurs parents.

Après avoir lavé la tombe, Akari déposa solennellement les fleurs et Haruka fit brûler de l'encens. Alors que les deux sœurs s'agenouillaient pour effectuer leur prière, Jin et Nanami les regardaient de loin.

— C'est une expérience étrange. Je ne comprends toujours pas.

— Elles se recueillent, Nanami. Ceux qui sont partis ne doivent pas être oubliés.

— Ah...

Elle continua de les observer. Haruka et Akari se levèrent.

— Akari... pleure.

Nanami pouvait voir Akari trembler, de dos, avant qu'Haruka ne passe son bras autour d'elle pour l'inviter à se blottir contre elle et laisser éclater ses sanglots. Akari était probablement celle à qui ses parents lui manquaient le plus des deux. Haruka lui caressa tendrement la tête.

— Oh...

L'androïde avait l'air triste elle aussi, même si tout cela n'était pas censé l'affecter, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine tristesse pour Akari et Haruka à ce moment précis. Elle serra les poings.

— Si j'étais arrivée plus tôt, j'aurais peut-être pu faire quelque chose, marmonna-t-elle en détournant son regard des deux sœurs.

— Hum ? De quoi tu parles Nanami ? demanda Jin, perplexe.

— Ce n'est rien, Jin. Des regrets, c'est tout, dit-elle en serrant son poignet.

— Des regrets...

Akari et Haruka, quant à elles, revinrent vers leurs compagnons après quelques minutes.

— Merci d'avoir attendu, dit Haruka doucement.

La jeune Ayase avait enlevé ses lunettes et était en train de sécher ses larmes. Nanami s'avança vers elle et l'enlaça doucement.

— Nanami !?

— Je ne veux pas te voir triste Akari, déclara Nanami, alors je te fais un câlin.

Puis elle la relâcha, avant de se diriger vers Haruka.

— Toi aussi Haruka !

— Hein ?

Elle resta quelques secondes avec elle en la serrant doucement dans ses bras. Cela fit sourire Akari et Jin.

— Toi aussi Jin !

Nanami lâcha Haruka et enchaîna sur Jin, se blottissant contre lui.

— Ha ha.

Ce dernier ne savait plus trop où se mettre maintenant.

— Merci Nanami, ça fait du bien, admit Akari.

Nanami leur sourit chaleureusement.

— C'est moi qui vous remercie de bien vous occuper de moi ! Je suis désolée de vous avoir causé autant de souci jusqu'à maintenant !

Elle leur offrit une courbette.

— Je n'aurais jamais dû vous rencontrer tous les trois, mais il en fût autrement. J'ai eu beaucoup de chance finalement.

Haruka s'approcha d'elle.

— Viens, rentrons à la maison. La route nous attend pour aller chez les parents de Jin.

— Oui !

Les deux sœurs jetèrent un dernier regard vers la tombe de leur famille, avant de retourner à la voiture.

* * *

NODOKA : C'était triste...

SHOKO : Les humains ont des traditions étranges. Comment avancer si on doit regarder derrière soi en permanence ?

NODOKA : C'est parce que penser aux défunts qui nous sont chers permet de les garder vivants dans notre esprit. Ils ne meurent que si on les oublie vraiment.

SHOKO : ...

RITSU : ...

NODOKA : J'ai dit une bêtise ?

SHOKO : Non, tu as juste dit quelque chose de particulièrement intelligent pour une fois.

NODOKA : Hé !

* * *

Après avoir déposé Akari non loin d'une gare, Jin, Haruka et Nanami passèrent chez eux pour récupérer leurs affaires. Trois heures trente de route les séparaient de Ten'ei, dans la préfecture de Fukushima. Les parents de Jin habitaient dans cette petite ville sans histoires. Les deux amoureux allaient passer un week-end là-bas quand cela était possible.

— Il y a de la circulation dans trois kilomètres.

Jin, au volant, soupira.

— Nanami, si j'avais besoin d'un GPS j'aurais allumé celui de la voiture.

Haruka jeta un coup d'œil à l'arrière.

— Jin connaît le chemin par cœur, Nanami, ne t'en fais pas.

Cette fois-ci, ils avaient quelqu'un d'autre avec eux. Akari n'avait jamais souhaité les accompagner, mais Nanami ? À partir du moment où Haruka avait lâché les mots festival, sources chaudes et campagne, cette dernière leur avait fait les yeux doux pour les convaincre de l'emmener.

Si Jin, qui voyait déjà d'avance les soucis que Nanami pouvait causer vis-à-vis de ses parents, était plutôt réticent, Haruka, elle, voyait ça comme une expérience enrichissante pour la jeune androïde.

Alors que le soleil s'était déjà couché depuis longtemps, Ten'ei apparaissait enfin à l'horizon.

— On arrive !

Une fois entrés dans la ville et parcouru quelques rues, Jin arrêta la voiture dans une allée entre deux maisons au style traditionnel. La plus grande des deux, à droite du véhicule, était ornée d'une enseigne de bains publics.

— Tes parents gèrent des bains publics, Jin, demanda Nanami, curieuse comme un chat.

Ce dernier répondit en sortant les valises du coffre.

— Exact.

Ayant entendu la voiture se garer, les occupants de l'établissement, un couple dans la cinquantaine, firent coulisser la porte pour accueillir les arrivants. Sa mère avait des cheveux ondulés et un front dégagé, tandis que son père, un peu dégarni, portait des lunettes ressemblant à celles de Jin. Les deux portaient un kimono traditionnel.

— Nous voilà, papa, maman.

Jin s'approcha pour les étreindre tour à tour. Sa mère fut la première à parler.

— Bienvenue à la maison, mon fils. Bienvenue aussi, Haruka.

Celle-ci fit une courbette pour les saluer.

— Merci de nous accueillir.

Le père de Jin scruta ses invités.

— Tu dois être la jeune fille dont nous a parlé Jin, c'est ça ?

Nanami semblait un peu nerveuse. Ou surexcitée peut-être. Ses yeux bleus et son grand sourire avaient du mal à ne pas trahir son état d'esprit. Un peu comme si elle allait rencontrer son idole, Teri Suzumiya.

— Oui, je suis Nanami Andô, enchantée.

Nanami était debout, tenant par la lanière un sac avec ses affaires.

— C'est la fille d'un de mes collègues anglais, expliqua Haruka, elle est venue faire ses études au Japon.

— Oh, et tu parles bien japonais, s'exclama la mère de Jin.

— Oui, j'ai appris depuis toute petite grâce à ma mère.

Cela faisait partie des antécédents qu'elle avait bien mémorisés et savait rejouer au cas où on lui posait des questions personnelles.

— Allez, entrez donc. On a laissé les bains ouverts pour vous. Il n'y a plus de client à cette heure.

Jin jeta un coup d'œil à sa montre, il était près de onze heures du soir. Haruka, elle, arborait un grand sourire, presque aussi grand que celui de Nanami. Jin les regarda et soupira.

— Vous n'attendez que ça toutes les deux alors allez-y, vous avez entendu mes parents.

— Ouais !

Nanami bondit de joie et entra, se dirigeant directement vers l'entrée de la source d'eau chaude, côté femmes. Haruka la suivit aussitôt.

— Nanami, attends-moi !

Jin les observa disparaître vers les vestiaires, et haussa les épaules.

— C'est vrai que vous n'avez pas de sources chaudes à Tokyo.

— Il y en a, papa, mais pas autour de chez nous malheureusement. Pas des naturelles en tout cas comme ici.

— Tu veux prendre un thé, ou les rejoindre ?

— Un thé me ferait du bien. Je prendrai un rapide bain après.

* * *

NODOKA : ENFIN ! LA SOURCE D'EAU CHAUDE !

SHOKO : Du calme Nodoka !

NODOKA : Comment veux-tu que je me calme, Akari n'a pas arrêté d'en parler, j'ai trop trop trop hâte.

SHOKO : Je ne sais pas en quoi cela va nous aider, mais...

NODOKA : Je suis sûre que c'est super et que Nanami va adorer !

SHOKO : Je me demande parfois si on ne devrait pas t'éteindre Nodoka. Qu'en penses-tu Ritsu ?

RITSU : Je... j'aimerais bien tester les sources chaudes moi aussi.

SHOKO : Mais qu'est-ce que vous avez toutes les deux !?

* * *

Nanami et Haruka étaient en train d'ôter leurs vêtements et de les ranger dans leurs casiers.

— J'ai trop hâte !

— Tu vas voir, une fois qu'on est dedans, on ne veut plus en ressortir.

— Akari m'en a beaucoup parlé aussi, ça a l'air génial !

Nanami et Haruka, nues, se dirigèrent vers les bains pour se laver en premier lieu. Après s'être frottée et shampouinée comme il faut, Haruka attacha ses cheveux pour qu'ils ne touchent pas l'eau. À l'extérieur les attendait un bassin entouré de pierres d'où se dégageait une envoûtante vapeur.

— Nous y voilà.

Devant l'objet de son désir, Nanami ne savait pas quoi faire : devait-elle entrer directement dans l'eau ? Petit à petit ? Pourquoi ne pas regarder Haruka faire ?

— C'est donc ça, cet endroit sacré ? La source chaude ?

Pendant que Nanami s'émerveillait et regardait tout autour d'elle, Haruka s'avança, laissant sa serviette sur le bord, avant de mettre un pied dans l'eau, puis l'autre. Elle prit son temps pour s'immerger et s'asseoir d'abord au bord du bassin, puis dedans.

— Allez, viens, on va être bien, tu vas voir !

Hésitante, l'androïde toucha l'eau du bout des pieds.

— Ça va aller ?

— Oui ! Je suis parfaitement amphibie !

Elle se glissa doucement au niveau de Haruka, l'eau chaude et relaxante leur arrivant aux épaules à toutes les deux.

— Voilà ! Comment te sens-tu ?

Nanami sortit ses mains de l'eau et regarda celle-ci couler d'entre ses doigts. Elle sembla quelque peu perplexe.

— C'est...

— Oui ?

Elle leva la tête pour observer Haruka. L'androïde avait l'air dépitée.

— C'est juste de l'eau chaude !

Haruka sembla tout aussi confuse que sa camarade de bain. Puis elle éclata de rire, comprenant soudainement pourquoi Nanami ne ressentait pas les mêmes choses.

— Tu verrais ta tête Nanami ! Tu as l'air tellement déçue !

— Exactement ! Akari et toi m'aviez vendu du rêve ! C'est juste de l'eau chaude à 44 °C avec du chlorure de sodium !

Haruka avait du mal à se retenir de rire.

— Pour nous les êtres humains, c'est très relaxant. Ça guérit de n'importe quel rhume et ça fait du bien à la peau, aux articulations... Le tout c'est de ne pas y rester trop longtemps.

— Je suis déçue ! Déçue déçue déçue déçue !

Nanami bouda sans ménagement, comme une enfant trop gâtée qui n'aurait pas eu ce qu'elle voulait pour son anniversaire.

— Allons, calme-toi et reste avec un peu avec moi. On n'a pas souvent le temps de discuter rien que toutes les deux, n'est-ce pas ?

La jeune fille se ressaisit et observa Haruka du coin de l'œil. Ses yeux parcoururent son corps assis là et presque entièrement immergé. Haruka était sans conteste une belle femme. Et intelligente qui plus est. Il n'était pas étonnant que Jin soit tombé amoureux d'elle au premier regard.

— C'est vrai. Il y a tout le temps Jin dans les parages.

— Tu dis ça comme s'il te dérangeait, fit remarquer Haruka.

— Non, c'est faux ! J'aime beaucoup Jin... Même si au début il ne m'aimait pas beaucoup, lui.

— Il est un peu plus terre à terre que moi. J'ai toujours pensé que tu étais plus qu'une simple machine, Nanami.

— Je vois...

— C'était difficile à croire au début, mais maintenant nous y sommes habitués. Tu es un robot qui pense et qui agit comme un être humain. La ou les personnes qui t'ont créée sont des génies Nanami !

— Je... je n'ai pas de souvenir de qui m'a créée. Juste un vague... un vague sentiment. Je pense que mon créateur ne voulait pas que je me souvienne de lui.

— C'est un peu triste, c'est ton père, ou ta mère en quelque sorte.

— Oui, quand j'y pense, c'est triste. Mais je vous ai, toi, Jin et Akari, maintenant ! Et aussi Satsuki, Hayate, et toute la classe !

— C'est vrai.

Ce fut au tour de Haruka de parcourir des yeux le corps de Nanami. Elle venait de remarquer que l'androïde n'était pas entièrement dénudée.

— Tu sais que les bijoux ne sont pas autorisés dans les bains, Nanami ?

Celle-ci jeta un coup d'œil à la montre autour de son poignet et au pendentif autour de son cou.

— Ah tu parles de ça... Je ne peux pas m'en séparer.

— Qu'est-ce que c'est ? Ça a l'air d'être important. Ta montre ne fonctionnait pas quand tu es arrivée.

— Elle s'est rallumée toute seule il y a quelques semaines... C'est juste que je l'ai empruntée et que je ne dois absolument pas la perdre.

— Et le pendentif ? Tu me le montres ?

— Euh c'est...

Avant qu'elle ne puisse protester plus, Haruka se colla à Nanami et prit le pendentif entre ses doigts pour l'examiner.

— Il n'y a rien d'écrit dessus... Qu'est-ce que c'est ?

— C'est la seule chose qu'il me reste de mon créateur... Je l'avais déjà autour du cou quand je me suis réveillée. C'est... un catalyseur.

— Un catalyseur ?

— Oui, pour... enfin...

Nanami réfléchit quelques secondes, elle n'était pas sûre si elle devait en parler à Haruka.

— Je ne suis pas très à l'aise quand je dois parler de moi... de comment je fonctionne.

Elle n'avait pas l'air de vouloir en dire plus, mais Haruka la pressa.

— Allez, tu peux me le dire à moi. Je n'en parlerai pas à Jin ou Akari. Je suis vraiment curieuse de comment tu fonctionnes Nanami.

— C'est... c'est un catalyseur pour mon second moteur. Je ne dois l'utiliser qu'en cas d'extrême nécessité...

— Tu t'en es déjà servie ?

Nanami hocha la tête.

— Oui. Je n'ai pas le droit de m'en servir sans que certaines conditions soient remplies.

— Un danger immédiat ?

— Oui, par exemple.

— Cela me fait penser... Comment fais-tu la différence entre le bien et le mal ?

— Hein ?

Haruka avait soudainement changé de sujet, ce qui soulagea et déconcerta Nanami.

— Oui. C'est une question récurrente en intelligence artificielle. Tu as l'air de savoir ce qui est bien et ce qui est mal, alors que pourtant c'est très difficile, même pour un être humain. Comment tu fais ?

Nanami prit quelques secondes pour réfléchir et baissa les yeux.

— Je ne sais pas, c'est dans mon programme ?

— Parce que la personne qui t'a programmée était animée de bonnes intentions ?

— Je... je ne sais pas, Haruka, pardon.

— Tu obéis aux lois de la robotique d'Isaac Asimov. Celui ou celle qui t'a créée a lu ses livres et s'en est inspiré pour dicter ton comportement. Ces lois ne sont pas parfaites, mais elles ont le mérite d'exister et d'être simples à comprendre. Si tu étais amenée à faire quelque chose de mal, tant que ça ne met pas en danger d'être humain ou ta propre existence, tu le ferais, n'est-ce pas ?

— Je ne sais pas quoi répondre, Haruka.

Haruka insista néanmoins. Elle ne pouvait se satisfaire des réponses de l'androïde à ses côtés.

— Pourtant tu dois prendre une décision. Si pour arriver à l'heure à l'école pour un examen important, tu dois voler un vélo à quelqu'un, que ferais-tu ?

Nanami releva la tête et répondit à Haruka du tac au tac avec une fierté qu'elle n'essaya même pas de dissimuler.

— Je peux courir aussi vite qu'un bon scooter !

Haruka rit doucement.

— Ce n'est pas ce que je t'ai demandé.

Nanami reconsidéra un peu plus sérieusement la question.

— Hé bien... Je ramènerais le vélo après, j'imagine...

— Mais comment tu sais que ce que tu fais est bien, et comment tu évites de faire quelque chose de mal ? Comment définis-tu le bien et le mal, Nanami ?

— Le bien ou le mal sont des notions subjectives, non ? Ce que je considère bien ou mal peut être différent selon les personnes. Je me base sur ma propre programmation, car c'est ainsi qu'on m'a créée. Je n'ai pas respecté le processus d'apprentissage et d'expérimentation comme les humains le font en partant de zéro. Mes connaissances sociétales ont été implémentées directement dans mon programme, je sais donc, de façon innée, ce qui est bien ou mal en me basant sur ce programme qui obéit aux mœurs et aux lois du Japon d'aujourd'hui.

— Donc tu penses qu'il y a des actes que quelqu'un peut considérer comme bien alors qu'en fait la majorité de la société pense que c'est mal ?

— Bien sûr. C'est ce qui arrive très souvent avec les criminels. Leur perception du bien et du mal est faussée, ou tout du moins n'est pas conforme avec les souhaits de la société dans laquelle ils évoluent.

— Si on m'avait dit un jour que je philosopherais avec une machine...

— Pose-moi une question plus simple alors, Haruka.

— Qu'est-ce que l'univers ?

Nanami fronça les sourcils.

— Tu te moques de moi !

— Je plaisante, je plaisante, Nanami. Mais si tu veux un autre sujet, revenons sur la question des choix de tout à l'heure et prenons un autre exemple : tu conduis une voiture. Je suis ta passagère. À cause de la pluie, du verglas ou que sais-je, tu perds le contrôle du véhicule. En donnant un grand coup de volant, tu pourrais me sauver en évitant de planter la voiture dans un mur, mais de ce fait tu irais écraser des enfants sortant d'une école maternelle, en faisant de nombreux morts et blessés. Qu'est-ce qui est bien ou mal, d'après toi ? Qui choisirais-tu ?

Nanami ne prit même pas le temps de réfléchir avant de répondre.

— Toi, Haruka. Je... tu es importante pour moi.

— Nanami... Je suis plus importante qu'une dizaine d'enfants ?

— Oui, je n'ai pas de question à me poser, la réponse est très claire pour moi. Le niveau de doute dans cette décision est de 0 %. C'est toi que je choisirais.

— Même si je me sentirais coupable d'avoir tué indirectement des enfants en survivant à cet accident ? Que j'en souffrirais toute ma vie ? Tu en es sûre, Nanami ?

— Oui, Haruka. Je ne comprends pas très bien moi-même, mais c'est ce que me dictent mes intelligences artificielles.

Il y eut un léger silence tandis que Haruka contempla la réponse donnée par l'androïde.

— C'est... un peu effrayant que tu penses ça sans sourciller, Nanami. Un être humain ne pourrait pas prendre cette décision aussi simplement, voire même la prendre tout court.

— Mais moi, c'est ce qui me semble bien. C'est comme ça.

— J'imagine, oui...

Haruka leva les yeux vers l'horloge au mur, juste au-dessus de la porte par laquelle elles étaient passées du vestiaire aux bains.

— Il se fait tard, et nous sommes restées suffisamment longtemps dans l'eau. Allez, viens.

— Oui !

* * *

NODOKA : ...

RITSU : ...

SHOKO : ...

NODOKA : On est toutes d'accord pour dire que les sources chaudes, c'était quand même un petit peu décevant, hein ?

SHOKO : Oui.

RITSU : Oui.

* * *

Après être sorties et s'être séchées et habillées, Nanami et Haruka rejoignirent Jin et ses parents au salon. Leur maison se situait côte à côte avec l'établissement de bain. Vêtues d'un yukata léger, elles approchèrent du salon où Jin et ses parents discutaient.

Nanami leva les yeux vers Haruka lorsqu'elle entendit que la discussion s'était quelque peu emballée. La jeune femme décida d'écouter sans entrer et fit signe à Nanami de l'imiter.

— Arrête avec ça, papa ! J'en ai assez que tu me traites comme un moins que rien !

— Chéri, tenta la mère de Jin pour calmer le jeu.

Son mari semblait passablement énervé.

— Tu aurais pu rester ici et reprendre l'établissement, mener une vie bien tranquille. On t'aurait même trouvé une bonne petite épouse s'il le fallait, mais au lieu de ça tu as préféré aller à la capitale !

— Arrête !

— On s'est saignés pour te payer des études et au final tu n'as même pas été foutu de réussir les examens, tu pourrais montrer un peu de gratitude !

Haruka soupira.

— Ils ont bu tous les deux.

— Oh, chuchota Nanami qui écoutait elle aussi.

Jin et son père avaient visiblement un coup dans le nez, si l'on en jugeait par la façon dont ils s'exprimaient. L'épouse tentait néanmoins de raisonner le mari.

— Chéri, allez, ça suffit, Jin est venu nous voir pour le festival d'été avec Haruka et la petite Nanami...

Jin posa son verre sur la table d'un coup sec et se leva.

— Vous verrez un jour, j'inventerai quelque chose qui révolutionnera la vie des gens. Quelque chose qui marquera l'histoire !

Et sur ce, il quitta la pièce, passant devant Haruka et Nanami sans même les remarquer, et se dirigea vers les bains.

Haruka fit comme si de rien n'était et salua les parents de Jin avant de se diriger vers sa chambre. Nanami, quant à elle, alla s'installer dans une autre pièce à l'étage, où un futon avait été préparé. Haruka s'assura qu'elle avait bien son câble d'alimentation, indispensable pour son sommeil, et la laissa tranquille.

* * *

ECS : Actif – CID SoftBank – RSSI mesuré : -20dBm – Débit réduit de 25 %

E²1 : Actif – Charge 25 % - Batterie 45 %

E²2 : Inactif

* * *

Le lendemain, Jin et Haruka paressèrent un peu au lit avant de s'habiller et de descendre au salon. Là, quelle ne fut pas leur surprise de découvrir le père de Jin allongé sur le canapé, avec une Nanami on ne peut plus sérieuse lui massant les épaules et le dos.

— Qu'est-ce que...

— Ah... c'est bien comme ça, ma petite Nanami, tu sais vraiment y faire !

— Je ne fais que tenir ma promesse, monsieur Ichinose !

— Qu'est-ce qui se passe ici ? demanda Haruka curieuse.

La mère de Jin se joignit à eux devant l'entrée du salon. Elle venait de la cuisine.

— Oh, c'est juste que la petite Nanami a perdu contre lui au shogi1 et a reçu un gage. Elle a l'air de s'amuser, ceci dit.

— Nanami a perdu ?

— Au shogi ?

Jin et Haruka l'observèrent quelques secondes. Elle avait toujours son grand sourire plaqué sur son visage, alors qu'elle était penchée sur le père de Jin.

— Cette petite est douée, Jin, tu devrais lui demander d'en faire autant pour toi, commenta son père.

— Sans façon, ça ira.

— Nanami était debout très tôt ce matin, elle est allée aider les habitants à mettre en place les décorations du festival.

Cette dernière leva la tête.

— Jin ! Haruka ! J'ai trop hâte d'y aller !

La mère de Jin intervint de nouveau dans leur conversation.

— Il me reste un vieux yukata qui lui irait très bien.

— Ah vraiment ? C'est très gentil, madame Ichinose, répondit Haruka en lui offrant une courbette.

Après avoir déjeuné, Haruka et Jin donnèrent un coup de main pour la maintenance du bain public qui était fermé ce jour à cause du festival. Nanami avait insisté pour les aider au nettoyage malgré son besoin de se recharger après ses activités matinales. En voyant son niveau de batterie, Jin prit quelque peu peur qu'elle ne tombe à plat avant la fin des festivités malgré ses protestations.

Le soir même, Jin et son père, une bière à la main, étaient assis sur la marche donnant sur l'arrière-cour de la maison à attendre que les femmes s'habillent pour le festival. Si son père avait opté pour un vêtement traditionnel léger, Jin avait choisi de rester en t-shirt et jean on ne peut plus classiques.

Au loin, le son des festivités résonnait déjà. Le soleil s'était couché depuis un moment, l'horloge dans le salon indiquant vingt heures quarante-deux. Le ciel était d'une teinte bleue profonde et ne comportait aucun nuage en cette soirée d'été.

— Tu ne dis rien, fit remarquer son père.

Jin n'était pas très bavard face à lui.

— Désolé de m'être emporté hier.

— Ouais... Moi aussi, j'y suis peut-être allé un peu fort.

Un peu gêné, Jin n'osa pas continuer. Il regarda ailleurs, au loin. Il réfléchit, et s'apprêtait à dire quelque chose quand la porte coulissante du salon s'ouvrit. Les deux hommes se retournèrent pour admirer le spectacle.

— Jin !

Nanami, Haruka, et la mère de Jin étaient toutes trois vêtues d'un yukata. Le père se tourna tout naturellement vers sa femme, tandis que Jin se dirigea vers sa compagne et Nanami.

— Tu es ravissante, Haruka.

— Merci.

Elle lui sourit tendrement. Elle portait un joli ensemble bleu-marine aux motifs de fleurs de cerisier, et avait arrangé ses cheveux en un chignon à l'arrière, tout en accrochant ses deux tresses derrière sa tête.

— Et moi, et moi ?

Nanami avait du mal à tenir en place. La jeune fille avait laissé Haruka lui arranger les cheveux, et portait un ancien yukata de la mère de Jin, rouge avec des papillons. Nanami avait l'air à l'aise dans ces vêtements qu'elle n'avait pourtant pas l'habitude de porter.

— Toi aussi Nanami, tu es très jolie, commenta Jin.

Même en disant cela, il avait du mal à quitter Haruka des yeux.

La petite famille se sépara en deux groupes : d'un côté les parents de Jin, et de l'autre Haruka, Jin et Nanami. Le trio déambula quelque temps dans les allées du festival où stands de jeux et de nourriture se succédaient, tenus par les habitants de la petite ville. De la musique retentissait au loin, où des danses traditionnelles avaient lieu.

— Ouah ! C'est trop mignon !

Nanami était comme une pile électrique. Elle faisait le tour des stands, devançait Jin et Haruka, avant de repartir en arrière pour se décider à acheter cette petite gourmandise qu'elle avait repérée juste avant. Jin et Haruka quant à eux, l'observaient le sourire aux lèvres.

— Elle a l'air de bien s'amuser.

— Oui.

Ils se tenaient la main et avançaient dans les allées.

— Elle va bientôt tomber à court de batterie, non ?

Jin sortit son téléphone portable de sa poche et lança l'application qu'Akari avait développée avec l'aide de Nanami. Celle-ci permettait notamment d'avoir la dernière position connue de l'androïde ainsi que son niveau de batterie. Il n'avait fallu que quelques jours à la jeune Ayase pour créer cet outil, grâce à la coopération de Nanami qui lui avait indiqué tout le protocole de communications avec son système.

— Il lui reste une petite heure. Elle devrait pouvoir assister au feu d'artifice avec nous.

Il rangea le téléphone dans sa poche et continua de marcher avec Haruka pour profiter des animations du festival.

Contrairement aux prédictions de l'application cependant, Nanami montra quelques signes de faiblesse plus tôt que prévu. Heureusement, Jin et Haruka étaient non loin.

— Nanami, tu vas t'endormir.

— Je... oui, pardon...

Jin l'accompagna vers un banc pour l'asseoir et la laisser se reposer contre lui. Haruka s'assit de l'autre côté. Les passants autour d'eux n'y prêtèrent guère attention à ce moment-là, mais Nanami était passée sur sa réserve d'énergie. Seul le minimum vital de ses fonctions était assuré. De ce qu'elle avait expliqué, son mode économie d'énergie pouvait la faire tenir près d'un mois sans se recharger, et seuls quelques capteurs étaient encore en fonctionnement pour la réveiller en cas de danger afin de puiser dans ses dernières forces.

— Tu sais ce que ça veut dire, lui fit remarquer Haruka tendrement.

— Je sais. Tu m'aides ?

— Oui.

Jin s'accroupit près du banc et plaça ses mains derrière lui, tandis que Haruka reposa Nanami contre lui, de façon à ce qu'il n'ait plus qu'à se lever pour la porter.

— Voilà.

Haruka remonta le yukata de l'androïde, découvrant ainsi ses jambes. Jin passa ses bras sous celles-ci pour maintenir Nanami dans une position stable.

— Merci. Je vais passer en mode veille.

Ce qu'elle fit aussitôt. Jin parcourut les allées en la portant, toujours accompagné de Haruka.

— Je me demande si je ne devrais pas t'abandonner à ton triste sort, gloussa Haruka.

— Les gens vont me regarder bizarrement et s'imaginer que je suis en train de kidnapper une adolescente.

— Exactement !

Haruka se mit à rire, ce qui fit sourire Jin en retour. Rien ne lui faisait plus plaisir que de voir la femme qu'il aimait apprécier le moment présent et rire ainsi.

— On va à l'endroit habituel ?

Jin savait ce qu'elle voulait dire par là. Après tout, ils venaient là chaque année depuis qu'ils se connaissaient. Ils grimpèrent une côte les amenant un peu à l'écart des festivités, via un petit chemin que Haruka éclaira à l'aide de son téléphone portable. Après une dizaine de minutes, ils s'arrêtèrent près d'un grand arbre.

— On y est enfin.

Le bruit de la fête semblait assourdi, mais était toujours audible. Jin déposa délicatement Nanami contre l'arbre, et fouilla dans la sacoche qu'il avait prise avec lui. Haruka, quant à elle, s'assit près de Nanami.

— Tu crois que ça va marcher ?

— On a fait quelques essais tout à l'heure.

Jin sortit une batterie de sa sacoche, du genre de celles utilisées pour recharger tout type d'appareil portable. Il la posa à terre.

— Nanami, découvre ta nuque s'il te plaît.

— Hmmm...

Les yeux toujours fermés, Nanami acquiesça doucement d'un hochement de tête, et la peau de sa nuque disparut pour laisser place à son port de communication et de recharge. Jin y brancha la batterie à l'aide d'un câble USB qu'il avait apporté.

— Recharge-toi un peu, je te préviendrai quand le feu d'artifice commencera.

Il s'assit alors entre Nanami et Haruka, et lui sourit.

— Pas trop fatiguée ?

— C'est à toi que je devrais demander ça. Nanami n'est pas trop lourde ?

Jin jeta un coup d'œil à l'androïde immobile à côté de lui, les mains posées sur ses genoux. Le niveau de la batterie portable, indiqué par un petit écran lumineux, baissait à vue d'œil tellement l'androïde accaparait son énergie. Cette méthode de charge, réservée aux coups durs, rendait la batterie inutilisable après coup.

— Elle est légère comme une plume. Je ne sais toujours pas en quoi elle est faite, mais ça me paraît étonnant.

— Ça t'intrigue, non ? Au début tu étais tellement anti-Nanami, mais maintenant...

Jin retourna son regard vers Haruka.

— Je sais. Elle a réussi à se faire accepter. Il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis, hein ?

Haruka gloussa.

— C'est vrai.

Elle leva les yeux vers le ciel, en attente du fameux feu d'artifice organisé par la ville.

— J'aime bien venir ici avec toi... Tes parents sont gentils, la vie de famille me manque.

Jin passa son bras autour de Haruka pour la blottir contre lui. Elle continua :

— Ça me fait plaisir, vraiment...

Sa voix tremblait quelque peu. Jin la serra doucement contre lui.

— Tu peux y aller, Haruka. Tu dois être forte devant Akari, mais devant moi, tu peux.

— Merci.

Haruka plaça sa main sur l'épaule de Jin et posa sa tête contre son autre épaule. Elle pleura doucement contre lui.

— C'était dur... Tu sais tout ce que j'ai sacrifié pour Akari...

Il resserra doucement son étreinte, et la laissa continuer.

— J'ai travaillé dur, j'ai enchaîné les petits boulots...

— Haruka, tu es la meilleure grande sœur du monde. Je suis sûr qu'Akari le sait.

— Oui, je n'ai jamais vraiment eu à m'en plaindre...

Elle marqua une petite pause avant de continuer.

— Sauf le jour où elle a dévasté la cuisine en croyant que cuisiner c'était aussi facile que de suivre la documentation d'un programme...

Cela la fit rire doucement. Les larmes avaient fini de couler.

— Je crois que tu occultes volontairement toutes les fois où elle a pu être une petite peste, fit remarquer Jin.

— Non, vraiment ! Akari est une chouette petite sœur. Je l'adore. Elle aussi va réussir, j'en suis certaine.

— Je vous admire toutes les deux. Vous avez du talent, et vous réussissez tout ce que vous entreprenez...

— ... sauf Akari et la cuisine.

Ce fut au tour de Jin de rire.

— Et toi tu ne sais pas monter un meuble suédois.

— Dis donc !

Elle voulut se venger, mais en décida autrement. Elle leva la tête et s'apprêtait à déposer un baiser sur ses lèvres, quand une explosion retentit dans les airs.

— Ah !

Haruka tourna la tête et secoua gentiment l'épaule de Nanami.

— Nanami ! Le feu d'artifice !

— ... Ah !

L'androïde se détacha de la batterie posée au sol, se leva et s'avança de quelques pas.

— Ouah ! C'est magnifique !

Les feux éclataient en dizaines de couleurs différentes au loin, laissant Nanami stupéfaite.

— Jin ! Haruka ! Vous avez vu celle-là ?

Elle était émerveillée, comme une enfant. Le spectacle était pourtant loin d'être éblouissant pour quiconque en avait déjà vu dans la capitale, mais la découverte est un sentiment incroyable qui occulte tout le reste. Pas besoin d'être humaine pour être ébahi devant quelque chose qu'on voit pour la première fois, Nanami en était la preuve.

Jin et Haruka, quant à eux, continuaient d'observer les fusées éclater dans un tourbillon de couleurs. Les derniers tirs eurent lieu une quinzaine de minutes seulement après la première explosion.

Nanami se tourna vers eux.

— C'était trop bien ! Je suis trop contente d'avoir pu voir ça !

Elle leur offrit un de ses plus beaux sourires. C'était dans ces moments où Jin et Haruka ne faisaient plus grande différence entre l'humain et la machine. Pour eux, Nanami était une personne à part entière.

— On reviendra l'an prochain, suggéra Haruka.

— L'an prochain...

Nanami sembla hésitante, et regarda Haruka quelques secondes. Elle tourna alors son regard vers Jin.

— Je vais devoir compter sur toi pour le retour Jin, continua-t-elle, honteuse.

— Ne t'excuse pas, Nanami.

Jin se leva et aida Haruka à se remettre debout. Il s'approcha de Nanami et lui ébouriffa les cheveux tendrement, avant de la prendre sur son dos comme à l'aller.

— Bonne nuit, Jin, Haruka.

— Bonne nuit Nanami.

Haruka et Jin marchèrent en silence sur le chemin les ramenant à la route. Jin connaissait l'endroit comme sa poche, mais il devait tout de même faire attention dans la pénombre, car il portait Nanami sur son dos. Haruka l'aida comme à l'aller en éclairant le chemin grâce à son téléphone portable.

— C'est drôle de se dire que je porte sur mon dos le summum de la technologie robotique, commenta Jin.

— La science fait des progrès étonnants, tu sais.

— Je sais.

Cela fit glousser Haruka.

— La téléportation, par exemple...

Jin s'arrêta net.

— Attends, est-ce que tu... ?

Haruka tourna la tête vers lui et rit doucement, l'air taquin.

— Ha... Haruka ! Tu n'es pas censée... C'est interdit !

Jin était abasourdi. Il s'arrêta net de marcher sous l'effet de la surprise.

— Je n'ai jamais dit que c'était ce sur quoi je travaillais.

Elle plaisantait, puis voyant que Jin ne prenait pas cela du tout à la légère, elle se reprit.

— Je te fais confiance, Jin. On vit ensemble, tout de même !

— Mais... attends, comment tu as fait ? C'est ça le projet qui coûte si cher sur la ligne de budget de ton labo ?

— Oui, on va tester ma théorie d'ici deux mois, quand ils auront fini de monter les machines dans les salles de tests.

La curiosité de Jin avait pris le pas sur sa déontologie. Il reprit sa route, oubliant presque la charge qu'il portait.

— Comment est-ce que tu...

— J'ai pas mal étudié le travail de Hotta et de Wei. Et de Benett évidemment... La théorie de Wei sur le mouvement des particules a retenu mon attention. Et puis en discutant de tout ça avec Shiho, on s'est aperçues que c'était beaucoup trop difficile à théoriser et à mettre en pratique

— Et du coup, vous vous êtes tournées vers quoi ? Les trous de ver ?

L'avantage pour Haruka d'avoir quelqu'un comme Jin à ses côtés était qu'elle pouvait lui parler tout en étant sûre d'être comprise.

— C'est ça, Jin. Un trou de ver. La maîtrise du vide, telle que décrite par Davis. C'était le plus logique. Et du coup j'y suis arrivée. Enfin je pense, on va confirmer tout ça dans deux mois.

— Et la piste quantique, vous l'avez explorée ?

— Oui, mais comme avec tout ce qui est quantique, c'est encore plus théorique et casse-tête que tout le reste !

Elle se mit à rire.

— Pour l'instant, ma théorie ne permet pas de transférer des objets animés à travers l'espace. Mais déjà si on arrive à téléporter de simples objets, on pourra s'attaquer au reste plus tard.

— Haruka, je... c'est incroyable.

— Je sais, moi-même je n'y ai pas cru au début et j'ai revérifié des centaines de fois mes équations. Je me suis fait relire par Shiho et son chef. Au début il a cru à une blague, mais Shiho l'a convaincu que c'était une bonne idée. Qu'on tenait quelque chose, là, entre nos doigts. On a testé et on a réussi à transférer quelques particules sur une courte distance presque instantanément. Tu te rends compte ?

Jin baissa la tête, quelque peu déçu.

— J'aurais aimé participer à ça.

— Tu y participes déjà, Jin. Tu es mon compagnon, tu me procures tout le soutien moral dont j'ai besoin. Sans toi, j'aurais déjà craqué et je n'y serais pas arrivée. J'ai besoin de toi.

Elle s'approcha pour déposer un baiser sur sa joue.

— C'est très stressant. Je joue ma carrière, et si ça rate, je me ferai probablement virer.

— Vraiment ?

— Tu as vu combien ça coûte ? Faire approuver le budget pour cette seule expérience a été terrible. J'ai une énorme pression sur les épaules, les grands pontes s'imaginent déjà avoir le nom de la boîte en gros dans les journaux ! Ils ne pensent qu'à l'argent que ça va leur rapporter.

— C'était donc ça, quand tu parlais de changer des professions entières...

— Mais oui ! Tu imagines, les livraisons, le transport de marchandises, tout ça ne demanderait plus des jours pour parcourir la planète. Les services postaux seraient obsolètes. Et si j'arrive à téléporter un être vivant, ça veut dire aussi que le transport de personnes, les avions, les trains, les taxis, tout ça serait à repenser intégralement !

— C'est évident. Pense à tous les problèmes que ça résoudrait, Haruka !

Il marqua une pause avant de continuer. La route était en vue.

— Merci de m'avoir confié ça. Je chérirai précieusement cette confiance.

— Merci à toi de m'avoir écoutée. J'avais vraiment besoin d'en parler à quelqu'un, tu sais.

Ils marchèrent jusqu'à la maison des parents de Jin tout en discutant de l'impact de la découverte de Haruka sur la société et les bouleversements que cela allait créer.

* * *

Le lendemain, après un déjeuner copieux, le trio fit ses adieux aux parents de Jin et reprit la route pour Tokyo. Le trajet se fit sans incident particulier, à part peut-être Jin qui commençait à être agacé d'entendre pour la dixième fois le dernier morceau de Teri Suzumiya.

Une fois rentré, Jin ouvrit le réfrigérateur pour préparer le dîner, tandis que Haruka et Nanami rangeaient les affaires de chacun.

— Tiens ?

Il referma la porte et retourna dans le hall d'entrée.

— Les filles ! On n'a plus rien à manger !

Nanami passa la tête par-dessus la rambarde à l'étage.

— Je m'en occupe Jin ! Je vais chercher quelque chose à la supérette !

Elle descendit les escaliers quatre à quatre.

— D'accord, je vais aider Haruka à ranger.

Il sortit son portefeuille de sa poche de veste et donna deux mille cinq cents yens2 à Nanami.

— Surprends-nous.

— Pas de problème !

Après avoir choisi quelques plats préparés et des boissons, Nanami passa les portes automatiques de la supérette et marcha silencieusement à travers les rues. La nuit était déjà tombée sur la ville, et si les grands axes étaient plutôt bien éclairés, il n'en était pas de même pour les petites rues zigzaguant entre les maisons du quartier résidentiel de Den-en-chofu.

Alors qu'elle tourna au coin d'une rue, Nanami vit une personne, visiblement une jeune femme, s'avancer vers elle depuis l'autre bout de la rue. Elle portait une casquette, une veste légère, un t-shirt sombre et un pantalon.

— Bonsoir, Ichika, dit-elle, tout en continuant de s'approcher. Ou bien devrais-je dire Nanami ?

— Ichi... ka ?

Nanami ne savait pas trop comment le prendre. Ichika ? Elle n'avait jamais eu, ni même entendu ce nom-là auparavant.

— Excuse-moi, c'est comme ça qu'on t'appelle, dit la jeune femme avec sa voix douce, mais certaine.

Elle s'arrêta sous un lampadaire non loin de l'androïde. Sous la casquette, Nanami pouvait voir ses lunettes rondes et ses cheveux retombant sur sa poitrine.

— Je me présente, je suis Ema Hoshizora.

Nanami l'étudia quelques instants, et voulut répondre pour se présenter, mais Ema ne lui en laissa pas le temps et continua, tout sourire.

— Je sais qui tu es et ce que tu as fait, Nanami. Tu te rends compte des dégâts que tu as causés ?

— Attendez, vous venez de...

— Peu importe d'où je viens.

Nanami commença à se sentir menacée. Ema pouvait le lire sur son visage.

— Tu as peur ? Tu comprends pourquoi je suis là, hein ?

— Non ! Je ne repartirai pas ! Je dois rester ici !

Nanami secoua la tête et avait presque eu une réaction de panique à cette idée, ce qui surprit Ema. Celle-ci s'avança vers l'androïde et essaya de la prendre par la main.

— Ça va aller, nous ne te ferons aucun mal. Nous allons te poser des questions, puis tu repartiras avec nous.

Elle gardait sa voix douce, presque rassurante, mais ses intentions étaient claires. Nanami fit un pas en arrière et retira la main qu'Ema voulait attraper.

— Non, j'ai dit ! Je ne peux pas ! Je n'ai pas fini ce que je suis venue faire ici ! C'est important, vous ne comprenez pas !

Nanami sursauta quand, à force de reculer, elle heurta quelqu'un qui lui prit fermement le bras. Elle pouvait également sentir quelque chose pressé contre son dos. Le bout d'une arme probablement. La surprise lui fit lâcher le sac de courses qu'elle portait. La jeune fille se rendit compte qu'Ema n'était pas venue seule. L'homme dit alors à sa partenaire :

— On dirait que la manière douce ne va pas fonctionner, Hoshizora...

* * *

    

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