La fenêtre était restée ouverte toute la nuit, ce qui expliquerait pourquoi en ouvrant les yeux, je sentais ce vent frais venir s'écraser sur mon visage. Pourtant je n'avais pas froid, c'était même plutôt le contraire puisque autour de mon cou se trouvait le bras de Joey, qui était toujours collé à moi et qui semblait bien endormi. Nos jambes entrelacées, je souriais, me retournant lentement vers lui pour ne pas le réveiller. Il grogna légèrement, ses sourcils se fronçant alors que mon visage était maintenant collé au sien. Jamais, un an auparavant, je n'aurais cru que lui et moi nous nous retrouvions dans ce genre de situation. Ça me déplaisait pas, bien au contraire. Ce matin, je me réveillais et je pouvais me dire que oui, j'étais en couple avec Joey Chapman, moi Brian Falsworth ou Union Jack pour les intimes. C'était assez invraisemblable et pourtant c'était bien la vérité. Mais même si tout semblait joli pour le moment, je ne devais pas oublier que les choses un peu plus compliquées allaient maintenant commencer. Mes parents ne devaient pas savoir, je ne savais pas ce qu'il en était de Joey, mais mon père était un homophobe né. Oui, cette situation créée une certaine appréhension en moi, mais j'avais choisi de me mettre en couple avec lui. Je devais maintenant assumer ce choix et lui aussi. Il ouvrit les yeux.
—Merci pour le réveil, souffla-t-il en soupirant.
Je ricanais et lui se mit à sourire.
—La prochaine fois bouge moins.
—Au pire la prochaine fois tu dormiras sur ton matelas, comme ça pas de problème.
Il secoua la tête, un faux air désespéré. Il déposa un simple baiser sur mes lèvres, rapide, en guise de bonjour. Il se redressa immédiatement, frottant ses yeux et recoiffant rapidement ses cheveux. Je savais que Joey n'était pas du matin, à chaque fois qu'il avait dormi chez moi ou que j'avais dormi chez lui, il se levait toujours en à peine cinq minutes. Il n'aimait juste pas trainer dans son lit, contrairement à moi. Je balançais donc mes pieds hors de mon lit, attrapant mon tee-shirt au sol pour le remettre.
—On va déjeuner ? me demanda-t-il.
J'acquiesçais. Nous levions, nous dirigeant vers le rez-de-chaussée, reprenant notre simple attitude de meilleur ami. Nous n'avions pas vraiment le choix en même temps. Les différents membres du personnel nous saluèrent, moi tout comme Joey. Ils le connaissait à force. En empruntant le couloir pour rejoindre la cuisine, nous croisions ma sœur, des papiers en main. Elle nous fit la bise, me regardant avec un petit sourire en coin. J'avais juste lâché un sourire timide. Elle allait probablement vouloir me poser dix mille questions dès que nous serions seuls à nouveau. Dans tous les cas, nous étions dans la cuisine, où madame Fulter avait préparé le petit déjeuner pour la famille. En fait, le petit déjeuner du manoir ressemblait fortement à celui d'un hôtel. Il y avait pas mal de choses et on n'avait qu'à faire notre choix. Joe était habitué à ça aussi. Assis l'un à côté de l'autre, nous mangions donc, saluant ma mère qui passait en coup de vent puis madame Fulter également. Bref, une matinée totalement normale si on oubliait le fait que Joey et moi étions désormais en couple.
—Faut que je prépare ma valise pour la France.
Le départ était dans deux jours. J'avais complètement oublié.
—Moi aussi, dis-je après avoir fini mon thé.
—Tu es au courant que tu pourras pas faire Union Jack là-bas.
—Je sais, pas besoin de me le rappeler.
—Moi je dis, profites-en avant de partir...
Il se mit à rire alors qu'il me regardait en coin, je lui donnais un coup dans l'épaule, ricanant également. Bien sûr qu'il désapprouvait toujours mon comportement, mais c'était comme ça, je faisais ce que j'avais envie de faire et il ne pourrait pas me convaincre, comme il l'avait dit la veille, je savais qui j'étais désormais, c'était le plus important.
Après ça, nous étions remontés et lui avait préparé son sac pour partir. Nous avions tous les deux des choses à faire en cette journée. Moi, je devais passer mon test sanguin, j'envoyais d'ailleurs un message à Zoe pour lui dire que je passerais dans la journée chez elle. Ensuite, j'avais l'intention de repasser une petite heure dans ma salle d'entraînement. Je le devais. J'embrassais une dernière fois Joe avant qu'il ne sorte de ma chambre.
—Je t'envoie un message quand je suis chez moi.
J'acquiesçais.
—Jim m'a dit qu'elle voulait faire une petite soirée avant qu'on parte, donc au pire elle te préviendra, mais sinon je le ferais.
—Ok, pas de soucis.
—Fais pas le con, sinon je viens te chercher.
Je lâchais un rire. Il déposa un dernier smack sur mes lèvres et partit. Même si j'avais une furieuse envie de penser à tout ça, de réfléchir à toutes ces choses, il était hors de question que je me remette en question maintenant. Nous étions ensemble maintenant, il n'y avait rien d'autre à faire ou à penser. C'était fait, je penserais aux conséquences plus tard. Je sortais finalement de ma chambre dans l'espoir de trouver ma sœur. Il fallait que je lui raconte tout ça.
Je la trouvais au détour d'un couloir, au téléphone avec Jack probablement. Elle raccrocha deux secondes plus tard comprenant que j'avais besoin de lui parler. Elle regarda autour d'elle avant de m'emmener dans sa chambre, qu'elle n'occupait que quand elle venait ici, vu qu'elle vivait avec Jack désormais. Elle était semblable à la mienne, bien que plus féminine et mieux ranger, mais ça c'était aussi parce que je ne m'étais pas encore plancher dessus. Comprenant bien son impatience, je mis à tout lui raconter dans les moindres détails, évitant quand même de lui dire pour mon rêve. Après tout, elle n'était pas encore au courant que j'étais Union Jack et je préférais pour l'instant l'éloignait de tout ça. Je lui avais quand même confié qu'au bout d'un moment dans la nuit, Joey m'avait rejoint dans mon lit. Elle semblait surexcitée en apprenant tout ça, j'avais rarement vu ma sœur aussi enjouée. Elle avait eu un sourire collé sur les lèvres tout du long. Après ça, elle m'avait clairement fait comprendre qu'elle était heureuse pour moi et qu'il fallait que j'oublie la discussion entre mon père et mon oncle qu'ils avaient eu à table. Elle agrémenta son conseil d'une insulte envers eux, ce qui était assez rare pour Jacqueline, elle était plutôt distinguée, un peu comme toute la famille en fait. Ensuite, elle m'expliqua qu'elle avait pas mal de choses à faire et que c'était pour ça qu'elle était au manoir ce matin. Je lui disais que moi aussi en regardant mon téléphone. Zoe m'avait dit de la rejoindre chez elle pour 14h, je lui avais donc confirmé avant de dire à Jacqueline que j'avais moi aussi des choses à faire. Nous nous étions donc séparés, moi partant vers ma chambre pour me changer et prendre des vêtements un peu plus adéquats pour faire du sport.
Après ça, j'étais descendu et étais parti en direction de la salle d'entraînement, entamant donc une longue séance de deux heures. Dans les dix dernières minutes, j'avais vu mon père entrer dans la salle, m'observant et jugeant probablement mes différentes techniques. En terminant ma séance, j'étais épuisé. J'avais pu une bonne partie de ma bouteille, ne déviant pas une seule fois mon regard vers mon père. Il s'était approché de lui-même.
—Tu te débrouilles bien, m'avait-il confié.
J'avais acquiescé.
—J'ai eu le meilleur professeur, déclarais-je presque ironiquement.
Tout en croisant les bras, le visage de mon père était devenu un peu plus dur et plus froid. Il s'était approché, ne me rassurant guère.
—Tu t'entraînes pour le Baron ? C'est ça ?
Je levais immédiatement mes yeux vers lui. J'attrapais une serviette placée là.
—Peut-être bien.
Il s'approcha un peu plus.
—À quoi tu joues Brian ? Où est mon costume ?
Je haussais les épaules, tournant doucement la tête pour faire semblant de réfléchir.
—Je n'en sais rien.
—Ne joue pas à ça avec moi. Je fais tout pour toi, j'essaye de renouer avec toi et tu ne me rends rien.
Mes sourcils se froncèrent directement, c'était désormais moi qui m'approcher.
—Renoué avec moi ? Tu te fous de moi ?
—Ton langage n'est pas approprié.
—Je m'en fous papa. C'est clair ? répondis-je sèchement. Tu crois que c'est une partie de golf qui va nous faire renouer ? Tu n'es pas mon père en fait, juste un type qui avait besoin d'un héritier.
—Je t'interdis de dire ça. Cesse cette crise d'adolescence futile ou je te jure que ça va très mal se passer.
—Et qu'est-ce que tu vas faire exactement ? Me jeter dehors ? T'en fais pas, moi au moins j'ai des amis sur qui compter.
Il ouvrit la bouche, prêt à répliquer quelque chose, mais rien n'en sortit. C'était dingue de voir à quel point les choses pouvaient dégénérer en si peu de temps.
—Tu n'es pas Union Jack, lâcha-t-il finalement.
—Alors c'est ça le problème ? Tu es jaloux de ton propre fils ? En attendant je suis plus Union Jack que tu ne l'as jamais était.
—Brian, c'est mon dernier avertissement. Tu cesses de me parler sur ce ton ou je te jure que...
—Tu sais même pas qui je suis réellement en fait. Tu me présentes comme ton fils mais même maintenant, à cet instant précis, tu sais pas pourquoi tu es là. On n'a rien à se dire et on n'aura jamais rien à se dire. C'est à toi de cesser de prétendre être un père protecteur et aimant alors que tu n'es rien de tout ça, juste un type qui veut protéger sa fortune et son héritage.
Soudain, une vive douleur se propagea dans ma joue. Il venait de me baffer, sans retenue et avec force, ne me faisant presque pas bouger, alors que sans le sérum de Baron j'aurais probablement été à terre. Son visage était rouge de colère.
—Je t'interdis de parler de choses dont tu ne sais rien. Si je fais tout ça c'est pour te protéger !
—Sauf que j'en assez que tout le monde me protège ! Tu comprends ça ?!
—Tu ne comprends donc rien...
—Nan, c'est toi qui comprends rien. Tu essayes de te faire passer pour mon père maintenant parce que tu penses avoir une bonne raison de le faire, parce que enfin tu trouves un prétexte pour jouer les papas poules. Je vais t'expliquer un truc, ce rôle que t'essayes de te donner, il fallait que tu te glisses dedans avant. Maintenant c'est trop tard.
Je m'écartais, ma serviette sur mes épaules. Je le laissais là, l'heure de rejoindre Zoe approchant. Je remontais vers ma chambre, ne sentant même plus la douleur de la baffe qu'il m'avait donnée. Ça non plus je ne voulais pas y penser, je lui avais dit que j'avais toujours voulu lui dire. Les choses étaient faites maintenant, le mal aussi, peut-être. Mais peut-être que pour qu'il se réveille il avait besoin d'entendre ça. Je filais sous ma douche, prenant des vêtements un peu aléatoirement. La douche me fit un bien fou d'ailleurs. Ensuite je sortais du manoir, presque discrètement, sans prévenir personne, pas même madame Fulter. J'étais assez grand pour prendre mes propres décisions.
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