Ma fierté était telle que j'avais du mal à me dire que je devais garder tout ça pour moi pour le moment. J'avais une petite idée quant à notre soirée de demain avec Joey, la soirée pyjama se ferait donc chez moi au lieu de chez lui. Il fallait qu'une personne observe mon travail tout de même ! Quoi de mieux que mon meilleur ami pour ça ? Ressortant de mon nouveau QG, j'entendis toquer à ma porte. Je regardais l'heure. Il était déjà 20 heures. J'avais travaillé un très long moment sur ma salle et je n'avais même pas vu le temps passer. Je refermais les deux portes de mon placard, passant rapidement mes mains sur mon jean pour en retirer la poussière et éteignais mon enceinte.
—Brian ?! appela ma mère de derrière la porte.
Je prenais une longue inspiration. Moi et les mensonges ça faisait dix mille. J'ouvrais la porte avec un sourire à moitié crispé et à moitié sincère.
—Oui ? répondis-je tout doucement.
—Il est l'heure de dîner, ça fait au moins cinq minutes que je toque à ta porte.
—Je t'avais pas entendu à cause de.. de la musique, sur mon enceinte.
Elle acquiesçait, fronçant légèrement les sourcils.
—Bon dépêches-toi, ton oncle est déjà là.
—Qu'est-ce qu'il fait là ?
—Eh bien il vient manger à la maison, parce qu'il est de la famille... Tu es sûr que ça va ?
Elle tenta de poser sa main sur mon front pour vérifier si je n'avais pas de fièvre mais je l'évitais de peu.
—Tout va bien ! déclarais-je en la regardant avec un sourire. Vraiment.
—Alors dépêches-toi. Et change de vêtements aussi, ils sont tout sales. Tu as été faire un foot avec tes amis ?
J'acquiesçais. Même pas besoin de mentir elle avait créé un mensonge pour moi. Elle s'éloigna, me demandant encore une fois de me dépêcher. Je fermais la porte, me collant à celle-ci en poussant un soupir. Je devais juste agir normalement. J'avais fais un trou de mon mur ! Wow ! Je n'en revenais pas moi-même. J'avais été pris d'une telle fougue que j'avais fait mon propre QG de super-héros. J'avais beau essayer de me résonner, c'était impossible. Je devais être Union Jack.
Je passais rapidement par ma salle de bain pour me passer de l'eau sur le visage et changer de vêtements. Je me recoiffais rapidement et sortis de ma chambre. Je saluais madame Fulter qui passait à ce moment-là dans le couloir, en paraissant le plus naturel possible. Mon estomac criait famine en plus de ça. Je me dépêchais donc. Je descendis les escaliers de l'entrée et me dirigeais vers la salle à manger, une des plus grandes pièces du manoir d'ailleurs. J'entrais dans celle-ci en affichant un sourire. Mon père, en bout de table me fixa.
—C'est bon ? Tu ne t'es pas trop pressé ?
Je poussais un soupir. Ils venaient à peine de débuter l'entrée. Apparemment sa sympathie de la partie golf s'était déjà envolée. Tant pis ou peut-être tant mieux. Celui qui m'avait proposé de faire une sortie entre "mecs" n'était pas mon père. Dans tout les cas je m'asseyais à côté de ma sœur, qui était face à son copain, lui-même assis à côté de ma mère qui était en face mon oncle. Mon père, toujours en bon modeste, était assis en bout de table, comme un roi. C'était gênant. Je l'imaginais déjà avec une couronne sur la tête.
Les sujets de conversation dérivèrent au fur et à mesure du repas. Mais le sujet le plus sensible, pour moi en tout cas, arriva au beau milieu du plat de résistance. Alors que je mangeais tranquillement et qu'un silence de plomb régnait, mon oncle prit la parole.
—Tout à l'heure j'ai vu Johnny.
—Oh oui ! s'exclama mon père après avoir fini sa bouchée. Comment vas-t-il ? Nous devrions l'inviter à dîner un jour, ça fait si longtemps que je ne l'ai pas vu.
Mon oncle but une gorgée de son verre de vin.
—Bien apparemment, sa femme aussi. Elle est enceinte d'ailleurs.
—Vraiment ? s'enthousiasma ma mère. C'est merveilleux ! Et leur premier fils comment vas-t-il ? Il entrait à Oxford l'année dernière.
Mon oncle fronça légèrement les sourcils, à la surprise de ma mère.
—Eh bien figures-toi qu'il a coupé les ponts avec. Il y a quelques mois maintenant.
—Pourquoi ça ? questionna mon père en fronçant lui aussi les sourcils, ressemblant donc énormément à son frère.
Mon oncle avala son bout de viande et but de nouveau une gorgée de son verre. Moi j'écoutais sans y porter plus d'attention.
—Il lui a annoncé qu'il aimait les hommes et qu'il avait un copain, déclara mon oncle.
Il y eut un grand silence tandis que mon bout de viande eut du mal à passer. Je me mis à tousser, alertant toute la famille. Je bus une gorgée d'eau, toussant une ou deux fois de plus.
—Ça va Brian ? demanda mon père.
—Parfait, dis-je encore un peu étouffé et même surpris.
Mon père ne me porta pas plus d'attention, préférant les potins de son frère apparemment.
—Il est homosexuel ?
Mon oncle acquiesça.
—Eh bien ça alors, s'étonna mon géniteur. Je ne l'avais pas vu venir. Il semblait si gentil.
Je les regardais désormais en coin, étant beaucoup plus intéressé par la conversation tout à coup. Ma sœur également apparemment puisqu'elle me lança un furtif regard.
—Je lui ai qu'il avait eu raison de le renier, confia mon oncle.
Je baissais les yeux, regardant désormais mon assiette. C'était comme si mon coeur lâchait.
—Complètement d'accord. Ils ont eu raison de faire un autre enfant. Je me demande comment son fils a pu tomber là-dedans. Mauvaises influences sûrement, continua mon père.
—Tu imagines.. c'est comme si demain Brian t'annoncer qu'il aimait les hommes.
Mon père se mit à rire alors que moi je venais tout juste de reprendre un morceau de viande qui eut également beaucoup de mal à passer, me faisant tousser une nouvelle fois, mon visage devenant rouge. Je sentis le regard pesant de ma famille et celui compatissant de Jacqueline.
—Tu lui as appris à manger à ton fils ? déclara le frère de mon père.
—Tout va bien ! dis-je après avoir bu la totalité de mon verre d'eau. Ça va...
À peine avais-je croiser le regard de mon père que je baissais à nouveau les yeux. Il n'aimait pas quand moi ou ma sœur nous faisions remarquer, surtout en repas de famille.
—Eh bien saches déjà que ce n'est pas à cause de mauvaises influences, entreprit ma sœur. C'est génétique.
Elle avait dit sa froidement, en tournant son visage vers mon oncle, coupant avec grâce sa viande. Heureusement qu'elle était là. Je la voyais comme ma sauveuse à l'instant présent. Mon oncle eut un rire gras, trop long et forcé.
—Que les sciences viennent me le prouver ! Ensuite on verra qui a raison. C'est n'importe quoi ce monde, de plus en plus. D'abord on a des aliens et des super-héros puis maintenant ça.
—Les sciences l'ont déjà prouvé en fait, c'est juste que vous avez l'esprit trop fermé pour l'accepter. J'ai une amie lesbienne et alors ? Elle vit avec sa copine et toutes les deux sont des amis très proches. Elles vivent parfaitement bien et leurs parents acceptent sans broncher parce que ce n'est même pas censé être une différence, répondit amèrement ma sœur.
Mon oncle ne loucha même pas une seconde vers elle. Il se contenta de finir son verre de vin.
—Eh ben ils devraient vite refaire un gosse ses parents, parce que c'est pas leur fille qui va leur en donner.
—On a déjà bien assez de gens qui reproduisent, je vois pas pourquoi on n'aurait pas le droit de vivre avec la personne qu'on aime. Si on l'aime ce n'est pas pour son sexe mais pour sa pensée, ses idéaux et son caractère. Apparemment tu peux pas le comprendre ça, tu es trop con pour...
Puis elle avala son bout de viande mais mon père tapa du poing sur la table, violemment, nous faisant tous sursauter.
—Jacqueline ! Qu'est-ce qui te prend de parler comme ça a ton oncle ?!
Elle haussa les épaules puis le fixe.
—J'estime avoir l'âge et la maturité nécessaire pour affirmer mes propres idéaux. Vous, arrêtez d'être coincé et vivez avec notre temps. En vous écoutant on dirait que c'est diabolique d'aimer quelqu'un du même sexe, nan mais vous vous entendez parler sérieux ?
Il y eut un grand silence, pendant de longues minutes.
—Laisse tomber James, elle ne comprend pas, répondit mon oncle.
—C'est plutôt toi qui comprends rien, cracha ma sœur sans même le regarder, puis elle tourna les yeux vers lui. Ais au moins le courage de regarder quelqu'un dans les yeux quand t'affirme quelque chose, au lieu de faire le lâche.
Mon père tapa une nouvelle fois sur la table.
—Tu vas te taire à la fin ?!
Elle haussa les épaules, regardant droit devant elle tout en mâchant. Le silence revint au galop. J'avais une famille d'homophobes. Génial. Moi qui avais pensé passer une bonne journée, eh bien celle-ci c'était transformé en enfer. Je ne pourrais pas effacer l'image de cette conversation de ma tête, c'était trop pour moi. J'avais l'impression d'étouffer. Déjà que j'étais mal avec moi-même, ils en avaient totalement rajouté en parlant de ça. Jacqueline avait eu raison d'affirmer ses opinions. Mon oncle avait beau être de la famille, il restait un vrai con quand il s'y mettait. J'aurais bien pris ma propre défense également mais je n'avais pas besoin de m'enfoncer encore plus et de faire sauter ma couverture, quand bien même ça ne devrait pas en être une.
—Madame Fulter à préparer un dessert excellent, déclara ma mère avec une petite voix.
Personne ne répondit jusqu'à ce que la voix de mon oncle s'élève.
—Je préfère rentrer chez moi, j'ai du boulot qui m'attend.
—Nous aussi, répondit Jacqueline. Désolée maman.
Elle lâcha un soupire. La journée avait beau être bonne, c'est comme un bon repas, si le désert ne nous convient pas, tout le repas est remis en cause. Cette soirée était le dessert de ce long repas qu'avait été cette journée. Et il était dégueulasse ce désert.
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