IVY RED

By -QueenSelena-

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Elle le protège à son insu. Nom de code ? Ivy Red. Daisy Peace est une espionne du gouvernement américain. U... More

IVY RED REDEVIENT GRATUITE
Trailer
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
PARTIE 2- Chapitre 1
PARTIE 2- Chapitre 2
PARTIE 2- Chapitre 3
PARTIE 2- Chapitre 4
PARTIE 2- Chapitre 5
PARTIE 2- Chapitre 6
PARTIE 2- Chapitre 7
PARTIE 2- Chapitre 8.
PARTIE 2- Chapitre 9
PARTIE 2- Chapitre 10
PARTIE 2- Chapitre 11
PARTIE 2- Chapitre 12
PARTIE 2- Chapitre 13
PARTIE 2- Chapitre 14
PARTIE 2- Chapitre 15
PARTIE 2- Chapitre 16
PARTIE 2- Chapitre 17
PARTIE 2- Chapitre 18
PARTIE 2- Chapitre 19
PARTIE 2- Chapitre 20
Épilogue

Chapitre 9

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By -QueenSelena-


Liam est agenouillé devant le cadavre inerte de notre assaillant. Il est pantois et son visage est inexpressif. Mais je ne sais que trop bien que derrière cette armure de glace se trouve un homme tétanisé par ce qui vient de se passer. Je le sais, car je suis passée par là lorsque j'ai abattu ma première victime. J'avais sept ans à l'époque. Lorsque je dis que j'ai du sang sur les mains depuis mon enfance, ce n'est pas une hyperbole.

Dans un premier temps, on ne réalise pas vraiment ce qui vient d'arriver. Ensuite vient l'effarement qui laisse place à la détresse mêlée à de la culpabilité. Après cette phase, on sombre petit à petit sans préavis. Le processus de déshumanisation s'enchaîne très vite. Les ténèbres emplissent notre poitrine et notre cœur se transforme en bout de charbon cramé que plus rien ne peut sauver. 

Chaque personne est différente. Chaque personne a sa propre manière de toucher le fond du gouffre. Ce qui ne vaut rien chez certains a une valeur inestimable chez d'autres. Et cela prend tout son sens à présent : Liam va être anéanti pour avoir ôté une vie alors que c'était de la légitime défense tandis que je tue sans ciller en trouvant cet acte aussi normal que de respirer.

Je tire Liam en dehors de la mare de sang qu'a causé la balle qui a perforé le poumon de cet homme. Je le relâche sur les premières marches de l'escalier et m'assois à côté de lui. Un très long moment s'écoule durant lequel nous restons silencieux. Il est songeur et je donnerais n'importe quoi pour savoir à quoi il pense en cet instant.

Quand je commence à perdre l'infime espoir qui me restait, il prend enfin la parole :

— Merci, dit-il en chevrotant.

— Pour quoi ? Demandé-je en ayant une vague connaissance de la réponse.

Il inspire profondément :

— Pour m'avoir sauvé la vie. Merci. Je crois que toi et cette fille... vous êtes mes anges gardiens.

Moi en vie, je n'aurais jamais cru l'entendre prononcer ces deux syllabes. Et encore moins pour moi.

— Quelle fille ?

— Daisy, dit-il avec un léger sourire triste.

— La fille en rouge qui a flingué le type entré dans la maison ? Mais t'as dit à la police que tu ne connaissais pas son nom !

Hier soir, après mon altercation avec cet individu dans la chambre, je me suis dépêchée de regagner la mienne et lorsque les enquêteurs sont venus m'interroger, j'ai affirmé ne pas avoir quitté mon lit de toute la soirée. Liam a confirmé ma version des faits en précisant que cette jeune fille s'est volatilisée sans que personne ne la voit partir. C'est comme si elle s'était évaporée.

Au lycée, l'identité de la "sexy ninja en rouge" reste un mystère. Je me suis contenue de rire en écoutant les ragots passer de bouche à oreille.

— Je ne sais pas d'où elle a débarqué, mais elle n'a pas hésité un instant à tuer un homme pour protéger une centaine de personnes. Si j'avais balancé son blaze elle aurait fini en taule.

J'acquiesce avec compréhension.

— Tu la trouves jolie ?

Cette question m'obsède depuis hier.

— Sublime ! Il triture ses doigts en ayant un peu l'air mal à l'aise. Elle a le visage de Nathalie Portman avec un petit truc irrésistible en plus.

Oh. Alors comme ça il me trouve belle ? Intéressant.

Oh mon Dieu ! C'est qu'il y a un petit romantique caché sous cette attitude de mauvais garçon ! M'égayé-je en lui donnant un coup d'épaule.

Il dévisage mon geste en fronçant les sourcils.

— Ne t'avise surtout pas de le répéter à qui que ce soit ou je te rentre dedans, c'est clair Ivy ? Je n'ai jamais dit à une fille qu'elle était belle. Juste bonne.

Je glousse et finis par acquiescer.

Où est-ce que t'as appris à te battre comme ça ? M'interroge-il.

Cette question, je l'ai vu venir de très loin.

— J'ai commencé à prendre des cours d'arts martiaux à l'âge de trois ans. Dans le Massachusetts bien évidemment, m'empressé-je d'ajouter. C'était impressionnant, hein ?

— Carrément ! Souffle-t-il, ébahi. On aurait dit un film d'action avec Vin Diesel.

J'esquisse un sourire et ne dis plus rien. Un silence de plomb retombe sur nous. Il a trouvé ma prestation prodigieuse ? Cet homme a été largement facile à vaincre. J'ai eu affaire à plus coriace — et en plus grand nombre — au cours de ma vie.  

Je me rends compte que c'est la première fois que Liam et moi communiquons sans crêpage de chignon. Et Seigneur, qu'est-ce que cela fait du bien ! Ne pouvait-il pas se montrer plus aimable dès le commencement ? Si ça avait été le cas, je n'aurais eu besoin ni de placer un micro dans sa chambre, ni de traceur GPS dans sa voiture. Un simple "Où vas-tu ?" aurait suffi.

Son regard tombe sur le corps inerte à quelques mètres de nous et son visage se voile à nouveau. Je l'observe discrètement du coin de l'œil. Il prend sa tête entre ses mains, tire sur ses racines et lâche un râle. Liam est perdu, il appréhende la suite des événements et les conséquences qui risquent de tomber lui font peur.

Je pose ma main sur sa joue et tourne son visage vers moi. Ses iris sombres s'accrochent aux miennes.

— Écoute-moi Liam. On va trouver une solution. Tu vas t'en sortir.

Il a un brusque mouvement de recul.

— Comment tu peux dire une chose pareille ? Je viens de buter un homme bordel !

— C'était de la légitime défense ! Lui rappelé-je. T'aurais préféré qu'on y passe à sa place ?

— Je n'en sais foutrement rien ! S'il te plaît on ne pourrait pas parler de toute cette merde plus tard ? J'ai le crâne qui va exploser à force de réfléchir.

— D'accord, murmuré-je.

Il m'adresse un regard plein de reconnaissance et fait quelque chose de très surprenant qui me laisse sans voix. Son premier homicide lui a causé un traumatisme crânien, c'est sûr ! Sinon comment expliquer le fait qu'il se penche doucement pour poser sa tête sur mon épaule ?

Au début, je suis bizarrement mal à l'aise et raide comme un piquet. Il faut me comprendre : en dehors des combats, je n'ai jamais été physiquement proche de quelqu'un. De ce fait, j'ai tendance à repousser les gens trop entreprenants.

Mais ai-je envie de tenir à l'écart une cible que je dois protéger et qui dans un moment de faiblesse fait un premier pas vers moi ? Bien sûr que non. J'ai été engagée pour cela : me rapprocher de lui.

Peu à peu le temps passe et ma réticence se dissipe. Je suis même étonnée de constater à quel point je me sens étrangement bien et calme. Comme sur un petit nuage. Nos querelles et nos engueulades sont mises de côté. Nous ne sommes plus que deux personnes qui ont joint leurs coudes pour sauver leur peau et qui dorénavant partagent un secret commun.

— Je... je reviens tout de suite, débite-t-il en se remettant sur ses deux jambes. Accorde-moi quelques minutes.

Je rêve ou ses yeux sont larmoyants ?

— J'espère que tu ne comptes pas prendre la fuite et me coller ce meurtre sur le dos !

Visiblement ma petite blague ne le fait pas rire puisqu'il me lance un regarder meurtrier—sans jeu de mot— avant de s'éclipser.

Quant à moi, je me presse d'aller chercher un seau d'eau et une serpillière.

Je m'agenouille devant le corps inanimé du bandit. Mes mains fouillent ses poches arrière, mais je n'y trouve rien d'intéressant. Juste un briquet et une boîte de mégots. Je frotte le sol tâché. J'efface le sang sous ses jambes, son torse perforé, à l'arrière de son crâne, sous son cou, et...

Je me stoppe nette en voyant le symbole sur sa clavicule.

Ce symbole.

— Qu'est-ce que c'est que ça ?! Balbutié-je en rampant dans le sens inverse.

C'est impossible ! 

Je suis sous le choc. Ce symbole tracé sur son cou, je le connais très bien — parfaitement même.

Je sais ce qu'il signifie et... bon sang ! Je n'arrive même plus à réfléchir correctement avec mon cœur qui tambourine à cette vitesse dans mes tympans. Il y a urgence. C'est bien plus grave que ce que j'imaginais !

Liam redescend deux minutes plus tard avec une trousse de secours en main. Ce que je viens de découvrir change toute la donne : je ne peux pas rester là. Il faut que je me rende au QG pour régler ce bordel.

Liam est de dos. J'en profite pour extirper une seringue de Chloroforme — que je garde toujours sur moi avec un cutter par précautions — de ma robe de chambre.

Je me mets discrètement sur la pointe des pieds. J'avance à pas de loup et lui injecte d'un coup sec la piqûre dans sa jugulaire.

Une seconde plus tard, il s'écroule dans mes bras.

— Doucement... ça va aller, susurré-je.

Je passe délicatement un bras sous ses jambes et l'autre derrière son dos.

Même si le QG teste notre endurance en nous faisant porter des poids lourds, je ne me vois pas monter des escaliers marbrés avec quatre-vingt-dix kilos de muscles pour le ramener à sa chambre. Alors je contourne simplement la mare de sang et dépose Liam sur le sofa avant de le recouvrir d'un plaid.

Quinze minutes plus tard, une fois les clés en main et une paire de Pigalle Follies vernies aux pieds, je claque la porte de la maison en traînant le corps derrière moi.

C'est une chance que Nora la gouvernante ne soit pas du genre à dormir sur son lieu de travail !

Je fracasse la vitre côté conducteur de la première voiture qui se trouve sur mon chemin. L'alarme se déclenche et me fait sursauter.

Bon sang ! Mais qu'est ce qu'ils ont les vieux croûtons à constamment être sur leurs gardes ?

Je me dépêche d'ouvrir la portière et glisse le corps tatoué à l'arrière. J'écrase le traceur et le GPS de la voiture volée sous mon talon. Plus aucun risque d'être repérée dorénavant.

Je suis prête à démarrer lorsque je ne me rends compte que trop tard que je n'ai pas la clé de cet engin.

Heureusement, j'ai été entraînée pour survivre à tout type d'imprévu. Ma professeure Madame Grinfild disait que pour faire fonctionner le moteur de n'importe quelle voiture, il suffit d'un objet solide, long et fin. Je n'ai pas de tournevis sur moi, mais mon épingle à chignon devrait faire l'affaire.

Et j'avais raison : le moteur se met à rugir dès que j'enfonce ma barrette. Il suffit de bien placer l'épingle et de mettre une légère pression au bon endroit et le tour est joué.

J'enclenche le levier de vitesse et appuie sur l'accélérateur. Je démarre au quart de tour et prends la direction sud-ouest vers Madison Street.

De Seattle pour aller à Oregon, il faut compter environ six heures de route en passant par Portland. Mais je peux arriver à destination en moins de temps que cela si je ne respecte pas les limitations de vitesse.

Au diable les radars !

J'emprunte l'autoroute principale et jette un œil au rétroviseur de temps à autre. Je m'arrête à une station essence pour faire le plein et j'en profite pour me changer par la même occasion et reprendre ma véritable apparence.

Cet hideux accoutrement ne va pas me manquer lorsque la mission XX2616 sera achevée !


***


Le QG 47 est déguisé en siège social. Celui d'une entreprise américaine. Derrière cet édifice titanesque en verre teinté qui se dresse devant moi se trouve le repère d'une grande unité secrète gouvernementale plus importante et performante que la CIA elle-même.

À l'entrée, je passe mon badge magnétique devant une machine électronique. On ne peut accéder à l'intérieur qu'avec un badge fourni par le QG au moment du passage de grade d'apprenti à agent secret.

J'emprunte l'ascenseur pour monter au dixième étage et en quelques secondes me voilà à nouveau projetée dans le berceau de mon enfance qui a fait de moi ce que je suis devenue.

Pour les recrues en plein apprentissage, je suis une sorte "d'idole". Ils se donnent corps et âme et s'entraînent jour et nuit pour me ressembler et atteindre mon niveau. Maître Silasse m'a toujours dit que viendrait le jour où je deviendrai une légende. Je n'ai jamais eu assez de cran pour y croire. Mais plus les années défilent et plus je me rends compte qu'il avait raison. Il n'y a qu'à voir la façon dont me zieutent les autres agents quand je passe près d'eux. Leurs regards pleins d'admiration scintillent lorsque je leur adresse de brèves salutations par-ci par-là.

S'ils m'idolâtrent tous, c'est parce que j'ai remporté à neuf années consécutives le titre du meilleur agent secret toutes disciplines confondues à la suite d'un tournoi qui opposait les meilleurs espions adolescents de chaque pays.

J'avance dans cet immense couloir qui me semble infini et que je connais par cœur pour l'avoir traversé des milliers de fois. Excepté les sanitaires, la chambre des coffres-forts et celle de "l'agonie", les murs de toutes les parties du QG sont transparents.

Il y a les salles d'entraînements, d'arts martiaux, de musculation, de duels, de tir à l'arc et au pistolet.

Il y a aussi une salle de relooking dans laquelle on nous apprend à mettre notre beauté et notre charisme à notre service. Le but ? Mieux séduire pour mieux détruire.

Ici, on nous enseigne à tuer avec nos armes et nos ongles. En bref, l'objectif est de nous faire devenir des automates de guerre.

On travaille le côté "bête insensible sans la moindre attache" à travers des séances thérapeutiques d'hypnose. Les sentiments proviennent du système limbique et il nous est possible de les maîtriser. Le contrôle mental est très souvent utilisé sur les otages pour leur faire avouer des informations ultra-confidentielles qu'ils ne nous diraient pas en temps normal, même sous le coup de la torture.

Dans les étages supérieurs, il y a des cours plus lambda comme " Comment détecter un individu en train de mentir en se basant sur son langage corporel ? " ou encore des cours d'informatique qui nous enseignent à pister des appareils électroniques, à pénétrer des serveurs et des systèmes hautement bien gardés.

Je toque deux fois à la porte à l'extrémité du couloir central. La voix douce de Maître Silasse retentit :

— Entrez.

Il a troqué son habituel kimono de yoga pour un smoking gris parfaitement repassé. Son bureau est tel que dans mes souvenirs : tout en blanc avec une décoration très légère.

Il se lève précipitamment en me voyant.

— Bonjour Daisy, dit-il calmement, je suis ravie de te voir là. J'avais anticipé ta visite.

Évidemment.

Bonjour Maître Silasse.

Cet être est si pacifique que c'en est déroutant. On pourrait lui annoncer que sa femme et ses enfants viennent d'être assassinés qu'il garderait une façade sereine. Il est le parfait exemple du contrôle de soi.

— Assieds-toi ma petite.

Je déteste ce surnom qui ne me quitte plus depuis le jour où il m'a prise sous son aile. Il en a conscience et il en profite pour m'apprendre à maîtriser mon self-control.

— Tu travailles sur quelle affaire ? Demandé-je en jetant un œil à toute la paperasse éparpillée sur son bureau.

— Un sénateur qui a planqué trente kilos d'uranium sur une île déserte. Nos satellites ont détecté une quantité anormale de —

— Attends, attends ! Tu veux dire qu'il fabrique une bombe nucléaire ?

— À moins qu'il ne s'approvisionne pour la fin des temps, c'est très probable, oui.

— Waouh ! C'est que j'en ai raté des choses !

— Et je n'ai pas fini, ma petite. La semaine dernière une organisation secrète originaire du Mali a tenté d'attaquer une de nos bases en Caroline du Nord. Évidemment, après avoir fait parler les assaillants ils les ont passés à la vierge de fer.

— Carrément ! Ris-je. Ce truc est du pur sadisme.

La vierge de fer est le nom donné à un instrument de torture datant du moyen-âge. Plutôt ancien, mais efficace. La victime est placée dans une sorte de sarcophage muni de nombreuses pointes. Cette méthode de torture est lente et douloureuse : les portes se referment lentement sur le condamné, les pointes de fer lui transperçant peu à peu la peau.

— À part ça, comment vas-tu Daisy ? Et ta mission ?

Je m'affale sur la chaise en poussant un soupir.

— Je n'en sais trop rien, lui confié-je. J'ai l'impression de manquer un tas de choses ici. J'ai l'habitude d'aller sur le terrain, de me battre contre dix ennemis à la fois. Je suis conditionnée pour être un agent de terrain. J'ai besoin d'adrénaline et d'action, c'est ma drogue pour survivre. Ça fait partie intégrante de moi. Et là, tu vois... on dirait que je me ramollis.

Maître Silasse m'écoute attentivement en ayant mis son dossier de côté.

Puis, il pose sa main sur la mienne et me couve d'un regard attendrissant.

— Non, pas du tout ! Je comprends parfaitement ce que tu ressens. J'ai moi aussi grandi ici avec tous les agents de ma génération et je n'aime pas m'éloigner de cet endroit. C'est mon chez-moi. Mais parfois c'est tellement nécessaire que tu n'y peux rien. Ce n'est qu'une mission parmi tant d'autres et une fois que tu auras achevé celle-ci avec succès comme à chaque fois, tu reviendras au QG. Et si ça peut te rassurer, je te propose de continuer à venir aux entraînements.

Il est la voix de la sagesse, comme toujours.

— J'apprécie ton geste, merci. Mais c'est beaucoup trop risqué. Je suis obligée de décliner.

— Ne refuse pas, s'il te plaît. J'insiste là-dessus. Il faut que tu continues à nous rendre visite. J'assurerai prioritairement ta sécurité, comme toujours.

Je lui adresse un sourire forcé et retire ma main.

— Merci encore.

— Tu n'as pas fait tout ce chemin pour rien. Qu'est-ce qui se passe ?

Je grogne d'irritation : il me connaît si bien que c'en est frustrant.

— Je... c'est en rapport avec ma mission. Excepté moi, tu es le seul à avoir signé la clause de confidentialité et de ce fait je ne peux m'adresser qu'à toi.

La ride de son front se plisse.

— Qu'est-ce qu'il y a ma petite ? Tu as un problème ? Tu sais que tu peux tout me dire.

Oui, je le sais. Maître Silasse est digne de confiance.

Je ravale la bile coincée dans ma gorge et me confesse :

— Le gouvernement a raison de s'inquiéter. Il y a effectivement quelqu'un qui cherche à s'en prendre à la progéniture du président Heilt. La résidence de Liam a été prise d'assaut par des hommes armés à deux reprises ces derniers jours. La première fois lors d'une soirée arrosée alors qu'il y avait plein de monde et l'attaque la plus récente a eu lieu la nuit dernière. Mais rassure-toi, je les ai abattus et ma cible n'a pas été blessée.

— Alors tout va pour le meilleur des mondes. Allez Daisy ! N'y passe pas par quatre chemins, il y a quelque chose de plus profond qui te tracasse...

Mon mentor est très observateur, aucun détail ne lui échappe et surtout pas mes traits chiffonnés.

— Il y avait une marque... une sorte de tatouage sur la nuque de l'une de mes victimes. Le symbole d'un phœnix qui renaît de ses cendres.

Après cette révélation, j'ose un regard dans sa direction.

Son visage est impénétrable, mais les veines de son cou tressautent.

— Et tu penses que —

— J'en suis sûre ! Le coupé-je. Je sais ce que j'ai vu, je pourrais même te refaire un dessin. C'est lui, il n'y a aucun doute là-dessus.

S'il y a bien une personne qui a le pouvoir de faire perdre ses moyens à Silasse, c'est bien lui.

Mon mentor prend une grande bouffée d'air avant de répondre :

— Dans ce cas la situation est plus grave que ce que je pensais. Il ne s'agit plus d'une organisation secrète avec qui on peut négocier. On sait tous comment il fonctionne : œil pour œil, dent pour dent et —

— Sang pour sang, terminé-je. J'ai assassiné trois de ses hommes, il voudra une vendetta.

Une sombre idée percute mes pensées le temps de quelques nanosecondes. Mais ce laps est suffisant pour permettre à Maître Silasse d'entrevoir les lignes de flammes dans mes yeux.

— Hors de question Daisy. Tu n'es pas préparée à ça.

Malgré sa zénitude, ses mots sont tranchants.

— Je me suis fait une promesse il y a des années et cette fois-ci, personne ne m'empêchera d'accomplir ce pour quoi je trouve la force de me lever tous les matins ! Tu sais mieux que personne à quel point j'abhorre ce type et que je donnerais tout pour pouvoir un jour exploser sa maudite cervelle. Ensuite je déchiquetterai ses membres un à un et je me baignerai dans le sang de cet enfoiré ! Ma haine est ma force, Silasse.

Cet homme me fait dire des choses abominables. Je sors de mes gonds dès qu'on parle de ce monstre.

— Au contraire ma petite, elle sera ta perte.

Bon sang !

— Je ne te demande pas d'être avec moi sur ce coup-là, mais ne te mets pas en travers de mon chemin !

Mon visage est en feu.

— Je ne serai jamais contre toi, tu le sais ça. Si tu veux prendre le risque de te faire décapiter, ce qui arrivera à coup sûr avec un homme comme Yungolvt, alors je t'en prie, réserve ton ticket pour l'au-delà. Mais aie au moins la décence d'attendre le bon moment. Je te ferai signe dès qu'une occasion se présentera.

— C'est bien ça le problème ! Je ne veux pas rester assise là à attendre qu'elle vienne à moi. Je veux aller la chercher et la saisir par moi-même !

Maître Silasse me sourit gentiment. Comment un tel contraste d'humeur entre deux personnes qui se font face peut-il exister ?

Tout en prenant son temps et en effectuant des gestes lents, il pose une carte rouge devant moi. Cela signifie que sa patience a atteint sa limite et que c'est le moment de changer de sujet.

Je baisse les yeux, me sentant soudain honteuse d'avoir haussé le ton sur mon mentor.

— As-tu une idée de ce que Yungolvt peut vouloir à Liam ?

Yungolvt est le parrain de la mafia russe. Il est à la tête des plus grands trafics clandestins mondiaux. Il fait dans le trafic de drogue, d'organes et d'humains. C'est ainsi qu'il se procure des hommes prêts à le servir coûte que coûte : Yungolvt choisit des personnes gravement malades pour leur implanter de nouveaux organes et les aider à se rétablir. Cela pourrait ressembler à une œuvre charitable et bienveillante, mais cela ne s'arrête pas là. Il leur implante une puce dans le cou et les voilà devenus des petits pantins au service du maître de la mafia. Je ne sais pas exactement ce qui compose ces puces, mais c'est assez puissant pour contrôler le cerveau humain.

Les tatouages dans le cou des hommes de Yungolvt sont là pour dissimuler la trace de la puce sous leur épiderme. Ainsi, le phœnix qui renaît de ses cendres est la marque de fabrique de Yungolvt. C'est sa signature.

— Le tuer. C'est évident.

— Non Daisy. Si c'était son but ultime, il serait mort il y a bien longtemps.

Silasse a raison. S'il avait voulu l'assassiner, il aurait fait empoisonner son repas ou il l'aurait tout simplement abattu au tournant d'une ruelle.

— Il y a quelque chose qui nous échappe... maugréé-je en réfléchissant.

— Essaye de te souvenir, creuse dans ta mémoire : quand tu as flingué les pantins de Yungolvt, ils n'ont rien dit qui pourrait nous indiquer ce qu'il cherche ?

— Pas à ce que je sache, non.

— Tu es sûre de toi ? Il insiste.

— Si un détail me revient, je te contacterai dans l'immédiat.

— Non, c'est beaucoup trop risqué. Nos conversations téléphoniques pourraient être surveillées. Rends-toi directement au QG.

— Je ferai ça. Merci encore Maître Silasse ! Ah et au fait, il y a un corps dans la Porsche devant le gratte-ciel. Alors si ton équipe et toi pouviez...

— Je m'en occuperai, rassure-toi.

Parfait.

La disparition du corps fait partie de mon plan pour tromper Liam.

Je me lève pour partir. Mais à deux pas de la sortie, je m'arrête, hésitante. Je jette une œillade à mon mentor qui a replongé dans sa paperasse.

Il sent mon regard sur lui et relève la tête.

— Oui tu peux aller la voir, dit-il comme s'il lisait dans mes pensées.

Mon visage s'illumine.

— Merci beaucoup !

Il hoche la tête en guise d'au revoir et je déguerpis de son bureau en sautillant.

Dans la cage métallique, j'appuie sur le bouton du dix-huitième étage et entre à l'improviste dans le bureau de Cuincia.

Elle est concentrée face à son ordinateur dernier cri et sursaute comme une folle lorsque je jase :

SURPRISE !

— Oh Seigneur ! Mais ça ne va pas de me foutre une frousse parei—

Cuincia s'arrête brusquement.

Elle m'examine de haut en bas. Sa mâchoire est grande ouverte.

Soudain, elle court dans mes bras et m'étreint aussi fort que possible avec son petit corps maigrelet. Je serre les dents à cause de mes côtes faillées.

— C'est bien toi, Daisy ? Ce n'est pas une autre invention du gouvernement qui provoque des hallucinations ? Oh non, je te touche tu as l'air réelle...

— Mademoiselle Peace en chair et en os !

— Je n'y crois pas ! T'es enfin revenue de ta mission secrète Daisy ! C'est fou ce que tu m'as manqué !

Je ris en essuyant ses larmes de joie.

Cuincia aime le danger et le risque, mais n'a jamais été promue au poste d'agent à cause de son hypersensibilité. En revanche, c'est un génie en informatique. Elle fait partie du trio d'ingénieurs qui assure la sécurité de notre système de surveillance intérieur et qui nous fournit les informations essentielles sur nos cibles.

Cuincia me considère comme son amie même si elle sait que ce n'est pas réciproque. Et elle l'accepte totalement. Elle comprend que je ne peux pas me permettre d'avoir d'attaches —officiellement parlant.

Cuincia regagne sa place. Ses doigts jouent à une vitesse phénoménale sur le clavier.

— Qu'est-ce que ma petite hackeuse préférée fabrique aujourd'hui ?

— Rien de spécial... je viens juste de placer un A.I.D.S dans un des principaux serveurs de la CIA, répond-elle nonchalamment.

— Et en langage traduit ça donne quoi ?

— C'est un virus informatique qui détruit le disque dur de tous les PC connectés à ce serveur.

J'explose de rire.

— Oh mon Dieu ! Encore un de tes fameux coups tordus que j'adore ! T'es consciente qu'on risque d'avoir de gros ennuis ?

— T'inquiète je gère ! Un de leur informaticien a tenté de pénétrer mes données, je n'ai fait que riposter, rit-elle en haussant les épaules. La CIA a pris la grosse tête. Et puis c'est un petit avertissement histoire de leur rappeler qui est la meilleure organisation secrète qui ne fait que remporter le tournoi mondial des jeunes agents depuis neuf ans. Je compte sur toi pour battre le record d'une décennie cette année !

— J'y compte bien ! Certifié-je en lui faisant un clin d'œil.

— Mais qu'est-ce que c'est que ce clin d'œil tout déformé ?! Oh, mais qu... t'es toute ensanglantée ! Comment j'ai fait pour ne pas le remarquer plus tôt ?!

— On a tous tellement l'habitude de voir des visages défoncés qu'à présent ça nous paraît normal, Cian'.

— Allez vite, je t'emmène au G28 ! Ordonne-t-elle en me poussant vers l'extérieur.

— Quoi ?! Non non non ce n'est vraiment pas la peine ! Je t'assure ! D'autres personnes ont sûrement plus besoin du G28 que moi.

— Ce n'est pas discutable ma chérie. Allez !

Cuincia est une véritable boule d'énergie qui déborde de bonne humeur. Il est presque impossible de croire qu'elle fait réellement partie de notre monde déjanté.

Je proteste, mais elle ne cède pas, convaincue que j'ai besoin de passer sous les lasers de cette machine guérisseuse qu'on prénomme G28, encore une stupéfiante invention des savants fous au service du gouvernement américain.

C'est une cabine semblable à celle des cabines à UV qui guérit toutes nos blessures, en passant de la simple égratignure jusqu'au profond coup de couteau.

Il y a bien-sûr des médecins au service de notre organisation. Mais lorsqu'ils sont occupés par une autre urgence, on ne peut pas attendre patiemment que l'agent blessé se vide de son sang en attendant son tour.

Le G28 est conçu pour quadrupler la vitesse d'apparition des cellules du système immunitaire et nous faire cicatriser en moins de deux heures. Cette machine guérit à peu près tout. À l'exception des blessures fatales.

— Pardon, poussez-vous, excusez-moi...

Cuincia se faufile à travers la longue queue de gens qui attendent leur tour pour profiter des effets miraculeux du G28.

Je me sens un peu honteuse de les doubler et c'est avec grande nervosité que je me glisse dans la cabine.

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