Les élèves de première année commencèrent une nouvelle semaine plutôt calmement, ils avaient uniquement cours de mathématiques et de chimie en début de matinée, suivis d'une réunion donnée par Juliana qu'ils attendaient tous avec impatience, se demandant quelle surprise elle leur réservait encore.
Une fois l'heure venue, tous les étudiants attendirent leur directrice silencieusement.
— Bonjour à tous. J'espère que vos cours et activités se passent bien. Je suis là pour vous informer que les tests commenceront mi-octobre. Ce qui vous laisse encore deux semaines pour trouver quel pourrait être votre pouvoir et vous entraîner dur. Pour cela, il vous suffit de vous fier à votre instinct, faites-vous confiance, donnez-vous corps et âme dans l'activité qui vous fait ressentir le plus d'émotions.
— Mais madame, c'est quoi les tests exactement ? demanda timidement un garçon assis au fond de la salle.
— Très bonne question Édouard. Les tests sont en fait des entraînements individuels que vous allez réaliser avec un coach qui pourra être un professeur, un ancien élève, un intervenant extérieur ou même un troisième année. Le but des tests est de vous aider à trouver quel est votre pouvoir et essayer de le provoquer par différents moyens.
— Mais comment pourra-t-on le savoir ? demanda Peter, inquiet.
— Croyez-moi, vous le saurez quand vous l'aurez trouvé. Il se sera peut-être même manifesté chez certains avant que vous ayez commencé à le chercher. Mais ne vous inquiétez pas, ce n'est pas parce que certains découvrent leur pouvoir avant vous qu'ils sont meilleurs ; cela signifie seulement qu'ils se connaissent mieux, qu'ils ont une meilleure maîtrise d'eux-mêmes. Les tests vous aideront non seulement à dévoiler votre pouvoir, mais aussi, pour ceux qui l'auront déjà découvert, à voir vos capacités, à travailler votre potentiel et à apprendre à le contrôler, expliqua Juliana.
La directrice, devant l'agitation des élèves se demandant tous qui ils étaient, attendit que le calme revînt... Elle reprit :
— J'ai également une autre nouvelle à vous annoncer. Dans six semaines, le bal de la rentrée aura lieu ; alors prévoyez vos plus belles tenues. Vous avez votre journée, vous pouvez y aller, merci.
Le groupe d'amis de Nela alla s'installer au parc pour profiter du soleil, particulièrement doux ce jour-là. Fleure paraissait ailleurs, pensive. Lorsqu'Alice l'interrogea sur ce qui la préoccupait, la rouquine préféra partir en l'ignorant, réaction qui n'était pas digne d'elle... Quelque chose n'allait pas.
— Qu'est-ce qu'elle a ? demanda Alice.
— Je ne sais pas, je ne l'ai jamais vu dans cet état, elle est plutôt madame sourire normalement, lui répondit Johanna.
Les camarades de la jolie rousse ne commentèrent pas davantage le sujet, se demandant seulement ce qu'ils avaient pu faire pour heurter leur amie. Personne ne la rattrapa. Mieux valait attendre qu'elle se calme... Tous savaient que si elle voulait être seule, c'est qu'un problème de taille pesait sur ses épaules.
***
Fleure n'avait pas réapparu de la journée. Ce n'était pourtant pas dans son habitude de disparaître ainsi et d'éviter ses amis, or elle n'était même pas allée déjeuner et ne semblait pas vouloir se montrer au dîner non plus. Nela commençait à réellement s'inquiéter. D'habitude, son amie détestait être seule, il devait donc y avoir une raison à cet étrange changement d'attitude. Elle trouva alors une excuse pour ne pas dîner et partit à sa recherche.
Nela parcourut tout le domaine, mais Fleure restait introuvable. Mais il était déjà vingt-deux heures, l'heure de monter à son étage si elle ne voulait pas avoir d'ennuis. Par chance, lorsqu'elle arriva dans le grand hall, elle aperçut son frère accompagné de Jack, elle les interpella.
— Les garçons ! Vous n'auriez pas vu Fleure ? Ça fait des heures que je la cherche partout, elle est introuvable, ça m'inquiète ! bafouilla-t-elle, tournoyant ses mains dans ses longues boucles brunes.
— Il me semble l'avoir aperçue vers la plage en fin d'après-midi, répondit Joey.
— Elle est dans sa chambre, ne t'en fais pas, ajouta son mentor, mais tu devrais la laisser, tu iras la voir demain. En attendant, monte, il est l'heure.
Soulagée, elle le serra contre elle, le remerciant une dizaine de fois avant d'embrasser son frère et de rejoindre ses quartiers en courant, rouge de honte. Jack se passa la main dans les cheveux, lançant un regard perplexe à Joey, suspectant quelque chose, mais ils finirent par reprendre leur discussion, se dirigeant vers leurs chambres.
***
Le lendemain à l'aube, Nela, arrivant la première à la cafétéria, alla se servir au buffet imposant qui s'y trouvait. Le soleil était fort ce matin, le sable serait chaud à s'en brûler les pieds pour la séance de volley cauchemardesque qui l'attendait, mais heureusement, Diego serait là pour l'épauler.
Une fois son assiette remplie, elle alla s'asseoir, commençant à déguster ses croissants, lorsqu'elle aperçut Fleure au buffet.
— Fleure ! Mais où étais-tu ? Tu peux nous dire ce qui t'a pris ? Tu m'as fait une de ces peurs, je m'inquiétais moi...
— Je n'allais pas aller bien loin, tu t'es fait du souci pour rien, mais ça me touche, répondit son amie dans un sourire, rejoignant la table.
— Peut-être... Mais que se passe-t-il ? insista Nela.
— Tu ne peux pas comprendre, bougonna la rouquine, visiblement tourmentée.
— Alors ça... si moi je ne peux pas comprendre, personne ne le pourra. Dis-moi, s'il te plaît Fleure, fais-moi confiance.
— Je ne peux pas, désolée, je n'ai pas envie d'être jugée comme avant.
Sur ce, ne prenant pas la peine de manger, Fleure s'en alla en colère, sans même dire bonjour à ses amis qui arrivaient. Nela fut chagrinée que sa nouvelle amie lui fît si peu confiance, et ne répondit pas aux questions des autres.
***
Le volley fut une véritable catastrophe, le niveau de Nela étant vraiment déplorable, alors que tous les autres excellaient dans cette discipline... Diego avait fait tout son possible pour qu'elle réussît, mais c'était peine perdue ! Donc elle cessa de jouer et partit à la douche pour se détendre. Arrivant aux vestiaires, elle croisa Héléna, qui, d'un regard hautain, lui jeta un rire moqueur, tout en l'écartant de son chemin d'un coup d'épaule. Nela serra les poings, mais ne dit rien ; cette journée était vraiment mauvaise, tout allait de travers, elle était tellement énervée qu'elle ne remarqua pas immédiatement l'eau trop chaude, ce fut la douleur qui la fit sortir de sa colère en peu de temps. Elle se plaça alors face au miroir pour observer son épaule. Elle était rouge, laissant entrevoir un peu de chair, pourtant, elle était persuadée d'avoir réglé l'eau correctement. Par précaution, Nela se rendit tout de même à l'infirmerie où Johanna attendait son tour également.
— Alors, on s'est encore pris un ballon dans la tête ? plaisanta-t-elle.
— Très drôle. Non, je me suis brûlée l'épaule avec l'eau de la douche. Et toi alors ?
— Ah ouais ? Quelle idée de prendre une douche chaude alors qu'il fait au moins quarante degrés ?
— Ce n'est pas la question. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
— Je me suis sentie pas bien, je n'ai pas beaucoup mangé ce matin et il fait vraiment très chaud...
L'infirmière sortit de son bureau, les interrompant pour appeler Johanna. Après une dizaine de minutes, l'adolescente ressortit, souriant à son amie. Nela entra alors dans l'infirmerie, elle s'assit sur un tabouret, enleva son débardeur pour que madame Ramon puisse regarder attentivement la plaie. C'était superficiel, mais il fallait quand même protéger contre le frottement des habits. Elle lui mit alors une compresse tenue par un bout de sparadrap, l'assurant que Juliana serait prévenue de ce problème d'eau chaude.
Heureusement, la journée se finit plus tranquillement bien que Fleure ne fût pas revenue vers eux. Elle était en compagnie de Mélodie et Chloé, deux autres élèves de première année. Attristée, Nela pensa qu'il lui fallait un peu de temps.
***
La journée du mercredi fut assez intense avec une imposante somme de travail. À la fin des cours, Peter, Mattéo, Johanna, Alice, Diego et Nela allèrent à la bibliothèque faire leurs devoirs.
— Madame Maréchale y a été vraiment fort sur les dissertations, je n'aurai jamais fini à temps ! soupira Alice exaspérée.
— Ne m'en parle pas ! En plus de ça, j'ai un corpus à faire, je ne sais même pas comment m'y prendre, renchérit Peter.
— La prochaine fois au moins, tu ne t'endormiras pas en cours, ironisa Johanna.
— Peut-être, mais lui ne s'est pas pris une punition de cinq cents lignes sur le fonctionnement du muscle de la langue parce qu'il parlait trop, ricana Diego à son tour.
— Les gars, s'il vous plaît, j'essaie de réviser les maths, le niveau est bien plus haut cette année ! se plaignit Nela.
— Je peux t'aider si tu veux, lui proposa gentiment Mattéo.
— Avec plaisir, viens on va s'isoler, il y a trop de perturbations ici, plaisanta Nela.
Le reste du groupe les regarda s'éloigner.
— Vous croyez qu'ils vont se mettre ensemble un jour ? demanda Peter.
— Tu rigoles ? Nela est folle de son mentor, on le sait tous ici ! s'exclama Johanna.
— C'est clair, mais il ne faut pas oublier qu'il a une copine, ce qui laisse une place pour Matt, renchérit Alice.
— Oui, mais si...
— Stop les filles ! C'était une simple question, les coupa Peter, agacé.
— On n'est pas obligé d'en faire un débat. Moi je dis, ça les regarde, vaut mieux pas s'en mêler, conclut Diego.
Les deux filles échangèrent un regard avant d'acquiescer, se concentrant à nouveau sur leur travail.
***
Aller s'exténuer à courir sans but précis à neuf heures du matin était totalement impensable pour Nela, pourtant, elle n'avait pas le choix. C'était jeudi, jour de son entraînement de course avec son frère, entraîneur dur et injuste, c'était comme ça, il fallait s'accrocher.
Quand Nela arriva près du groupe, Héléna faisait les yeux doux à Joey, mais dès qu'elle remarqua l'arrivée de sa sœur, elle leva les yeux au ciel et alla s'asseoir vers le reste du groupe.
Aujourd'hui, l'objectif était de parcourir cinq kilomètres dans la forêt à petites foulées avant d'en faire deux de plus sur le sable en bord de mer. Joey expliqua le parcours au groupe puis donna le top départ.
— Tous en ligne. Vous êtes prêts... Partez !
Joey fit la course avec eux, mais resta plus particulièrement près de sa sœur. Évidemment, Héléna, jalouse de ne pas avoir un tel traitement de faveur, marcha sur le pied de Nela lors d'un passage étroit qui la fit violemment tomber. Les graviers lui arrachèrent la peau des mains qui se mirent à saigner. La veille, elle l'avait bousculée, aujourd'hui, elle lui marchait dessus ! Mais quel était le problème de cette fille ? Pourquoi s'acharnait-elle autant sur Nela ? Joey partit alors courir près d'Héléna pour s'assurer qu'elle ne ferait pas d'autres méchancetés. Nela, elle, resta en retrait du groupe... Au bout de trois kilomètres elle n'en pouvait plus, et au bout du quatrième, elle les avait tous perdus de vue. Essoufflée, elle se laissa tomber sur un arbre au sol pour reprendre son souffle. De toute façon, elle s'était égarée... Mieux valait ne pas bouger plutôt que d'aller s'enfoncer dans cette effrayante forêt.
Au bout de deux heures d'attente, suant et furieux, son frère se montra enfin.
— Qu'est-ce que tu fous, Nela ? Heureusement qu'Héléna a remarqué que tu n'étais pas ressortie de la forêt avec les autres, sinon tu serais encore là demain, fit-il exaspéré.
— Oh ! Oui heureusement qu'elle est là elle. Parce que toi tu n'aurais pas remarqué que je n'étais plus là peut-être ? Tu te rappelles quand tu m'as dit que tu serais sur mon dos et que tu ne me lâcherais pas ? Tu as un peu failli à ta mission là, partant en même temps dans une direction inconnue.
— Tu es une tête de cochon, tu aurais très bien pu retourner à l'école, comme tu l'as fait pendant ton cours de volley. Je ne suis pas non plus ton baby-sitter, Nela. Et tu vas où comme ça ? Tu sais très bien que tu ne peux pas me semer ! cria-t-il à sa sœur déjà loin.
— Je m'en fous ! Tu n'as qu'à venir me chercher, ou demander à Héléna si tu préfères ! grogna-t-elle sans que son aîné pût l'entendre.
Connaissant Nela par cœur, Joey savait que ça ne servait à rien d'essayer de la raisonner, il ne pourrait rien faire, la meilleure solution était d'appeler quelqu'un contre qui elle n'était pas en colère et qui arriverait à la ramener. La solution, c'était Jack, seulement il ne pouvait pas. Il était parti voler avec les élèves de deuxième année. Joey courut alors dans le parc à la recherche des amis de sa cadette, Fleure était là. A la surprise du jeune homme, elle vint à lui.
— Je peux ramener Nela si tu veux, proposa-t-elle gentiment.
— Je ne pense pas. Tu vas seulement réussir à te perdre dans la forêt avec elle, répondit-il sèchement.
— En effet, ça se passera sûrement comme tu le dis, mais en attendant, as-tu d'autres solutions ? insista-t-elle.
Joey la considéra du regard un instant avant de céder. Il la hissa sur son dos et partit en courant à la vitesse de la lumière au dernier endroit où il avait vu Nela. Il y déposa Fleure, lui indiquant le chemin qu'elle avait pris. Fleure le remercia et lui demanda de partir.
Assise sur l'arbre couché où se trouvait Nela l'instantd'avant, Fleure sortit un bloc de dessin ainsi qu'uncrayon à papier de sa poche. Elle se mit à dessiner un cheval commençant par satête... Elle avait un très joli coup de crayon. Les oreilles de son œuvre commencèrentà s'agiter, puis les naseaux s'ouvrirent, soufflant de la fumée, s'évaporant dupetit cahier. Sans y prêter attention, la rouquine continua à former le corpsde la bête qui prenait vie au fur et à mesure que son crayon traçait lescourbes de l'animal, jusqu'à ce qu'il fût parfait.Le cheval de papier hennit lorsqu'elle posa son bloc par terre. Dans un nuagede fumée blanchâtre, l'imposant animal aussi noir que le pelage du corbeausortit du bloc-notes, se retrouvant en chair et en os devant Fleure, plusvivant que jamais.