GINNY
– Ginny, s'impatiente Rosalya. Tu écoutes quand on te parle ?
– Hein ? Oui, oui, j'écoute.
– Il en met du temps à arriver... Il ne se serait pas perdu quand même ?
– C'est bien possible, je réponds en baissant les yeux sur mon verre de jus de fraise.
– Les plats seront froids si ça continue, commente Leigh.
– Je suis sûre qu'il va pas tarder.
Je tente de rester optimiste, mais cela n'a jamais été mon fort. Je commence à sentir ma poitrine se serrer quand, enfin, Rosalya s'exclame :
– Ah, mieux vaut tard que jamais !
Je lève les yeux vers la ruelle d'où émerge Lysandre et Castiel. Castiel ? Mais qu'est-ce qu'il fait là celui-là ?
– Désolé d'arriver aussi tard, s'excuse Lysandre. Nous nous sommes un peu perdus.
– Il y en a pas un pour rattraper l'autre, ajoute Castiel. J'espère que ça ne vous pose pas de problème si je me joins à vous.
– Je... Je suis pas sûre de tout comprendre là, je murmure pensivement en regardant les deux garçons.
– Castiel était libre ce soir, explique Lysandre. Cela aurait été dommage de ne pas l'inviter.
Vient-il vraiment d'inviter son meilleur ami en date là ?! C'est tordu ! Même moi je me suis abstenue d'amener ma rouquine de compagnie.
– Qu'est-ce qu'il se passe Ginny ? demande Lysandre.
– Tu n'as vraiment rien compris alors ? je m'exclame malgré-moi.
– Ou veux-tu en venir ?
– Je-Je voulais juste passer un moment avec toi...
– Mais... commence Lysandre. Je pensais pourtant que tu étais au courant...
Castiel prend la main de Lysandre dans la sienne.
– V-Vous...
– Allons, se moque Castiel. Même ta pote l'a vu venir il y a des siècles !
Je me redresse, frappée par la vérité. Bien évidemment, comment ai-je pu croire un seul instant que l'un ou l'autre s'intéressait à moi ? Mais alors... Est-ce que je n'étais qu'un jeu pour eux ? Un jeu malsain à la Blair et Chuck dans Gossip Girl ?
– Je pensais pas que tu étais comme ça, commente Leigh. Tu devrais être heureuse pour Lysandre.
– M-Mais...
– Tu verras, c'est difficile au départ mais on s'y habitue.
Cette fois, ma chaise touche le sol lorsque je me redresse en voyant Nina se joindre à nous. Mais il se passe quoi là ??!
– Le fanclub s'est dissout, continue Nina. On n'a plus rien à faire ici, viens. SUIS-MOI.
La gentille Nina se transforme en Shinning-Nina :
– Tu ne sais pas ce que tu risques en restant ici...
– Va-t-en ! je hurle en m'éloignant du café sous les visages moqueurs des autres. Laissez-moi tranquille !!
***
Je me redresse dans un sursaut, le souffle court, d'horribles images en tête. Le hublot au-dessus de mon lit illumine ma chambre d'une douce lumière, me rappelant que ce n'était qu'un très mauvais rêve. Vraiment très mauvais. Je crois que je prends un peu trop la situation à cœur. Après le coup d'éclat de Priya, Rosalya m'a dit qu'elle avait trouvé l'idée parfaite, à savoir une sortie à quatre avec Leigh et Lysandre. Pour ma part, je suis bien plus sceptique sur la marche à suivre, je connais suffisamment Rosalya pour savoir qu'elle passera son temps à me sortir de ma zone de confort, je ne connais pas suffisamment Leigh pour être à l'aise en sa présence et, bon sang, à quel moment organiser un double date avec son frère est une bonne idée ?!
Comment vous dire, je suis loin d'être sereine quand j'arrive au lycée. Et comme si tout cela n'était assez stressant, il faut en plus que la première personne que je croise soit Castiel. Il sursaute en m'entendant arriver, écrasant précipitamment sa clope :
– Ah, ce n'est que toi, affirme-t-il, visiblement soulagé.
– Sympa, je marmonne.
– Tu m'as compris, répond-t-il en croisant les bras. Si ça avait été la Delaney, j'en prenais pour mon grade.
– Tu fumes toujours ?
– Presque pas en fait, confie Castiel. Mais de temps en temps, ça me détend.
J'ignorais que Castiel avait besoin d'être détendu.
– Pourquoi tu stresses ?
– Regardez qui s'inquiète pour moi... sourit-il.
– C'est pas drôle ! je m'énerve.
– Enfin, c'est vrai que je ne devrais pas en abuser, j'ai déjà pris un café ce matin et le mélange avec le tabac c'est pas non plus l'idéal.
Mais l'odeur est très agréable...
Je préfère fuir avant que ce genre d'idées n'embrument encore plus mon esprit. J'ai finalement accepté l'idée que je n'étais peut-être pas aussi indifférente que je le prétendais au charme de Lysandre, mais Castiel... Quelque chose me perturbe chez lui, il m'empêche de réfléchir correctement, il est... déstabilisant. Je crois qu'il vaut mieux pour tout le monde que je reste loin de lui.
C'est vers le club de jardinage que je m'éloigne, je sais que c'est un endroit qui inspire Lysandre, qui l'apaise. L'avantage c'est que nous sommes début février et que le pollen n'a pas encore décidé de m'attaquer.
Malheureusement, ce n'est pas Lysandre que je trouve, mais Nina...
A peine me voit-elle qu'elle me saute à la gorge :
– Où est-ce qu'il est ??!! Lysandre... Où est Lysandre ??
Je vais finir par l'enfermer à la cave cette gamine.
– Je sais pas, je-
– Je suis là.
Nina se détourne de moi pour sauter dans les bras de Lysandre et moi je me sens... Absolument pas à ma place.
– Nina...
Il la repousse doucement, mais fermement.
– Tu ne peux pas venir ici, continue-t-il. Je te l'ai déjà expliqué plusieurs fois.
– Mais ça fait une éternité qu'on ne s'est pas vus ! proteste la gamine. Alors je me suis dit que...
– Ça aussi, je te l'ai déjà dit, insiste-t-il. Je vais être moins disponible pour toi à présent.
– Mais pourquoi ?! Ça, tu ne me l'a pas dit !
Parce que t'es au collège et que ton crush pour lui est super cringe ?
– Ta vie ne doit pas être calquée sur la mienne Nina, répond Lysandre avec un calme surnaturel. Tu devrais te trouver une activité. Si tu aimes vraiment la musique que je fais avec Castiel, peut-être que tu pourrais apprendre à jouer toi-même d'un instrument ? Comme ça tu pourrais composer tes propres morceaux...
Comme si c'était la musique qui l'intéressait...
– Et je pourrai faire partie de votre groupe ?? C'est une idée géniale !
– Ce n'est pas ce que j'ai dit, commence à s'impatienter Lysandre. Tu dois concentrer ton attention sur autre chose que sur moi. Tu comprends ?
– C'est encore à cause d'elle ? s'exclame Nina en me pointant du doigt.
Pitié, laisse-moi en dehors de ça.
– Laisse Ginny en dehors de ça, tu veux bien ? réplique Lysandre. Ça n'a rien à v-
– Que faites-vous ici jeune fille ?!
Génial, il manquait plus qu'elle !
– Moi ? répond innocemment Nina. Je viens voir Lysandre.
– Je ne vous ai jamais vue, répond le dragon. Dans quelle classe êtes-vous ?
– Je suis au collège.
– Au collège ? réplique Delaney. Dans ce cas, vous n'avez rien à faire ici. Je dois vous demander de quitter l'établissement.
– Vous inquiétez pas, Madame, répond Nina avec un grand sourire. Je dérange personne.
Si, moi.
– Là n'est pas la question, répond le dragon. Veuillez me suivre.
MERCI !!!
– Lysandre, ne la laisse pas m'emmener !
– Vous devriez résonner votre petite sœur, jeune homme.
Malgré moi, je me mets à pouffer.
– Ma soeur ?! s'étonne Lysandre. Non ! Ce n'est pas ma...
– Je suis la présidente de son fan club !
Ok, je l'admets : c'est vraiment très drôle.
– J'en ai assez de vos bêtises ! s'exclame le dragon. Venez par ici !
Nina finit enfin par la suivre en traînant des pieds et Lysandre secoue la tête.
– Je commence à ne plus savoir quoi faire avec elle... soupire-t-il. Elle ne veut rien entendre.
C'est vrai qu'on dirait une de ces groupies hystériques qui demandent à leurs chanteurs de boys-band de leur signer un autographe sur la poitrine. Néanmoins, Lysandre semble vraiment inquiet à propos de la situation, je préfère donc tempérer :
– Elle semble vraiment beaucoup t'aimer, ça doit être difficile pour elle de voir que tu n'es pas aussi impliqué qu'elle...
– J'entends bien, répond Lysandre. J'ai moi aussi de l'affection pour elle, mais elle va trop loin.
C'est peu de le dire.
– Par ailleurs, je n'ai plus beaucoup de temps à lui consacrer.
– Et... Qu'est-ce qu'il se passe ? je demande. En ce moment, tu sembles... dans la lune... Enfin, encore plus que d'habitude.
– Je ne veux pas t'ennuyer avec ça.
J'ouvre la bouche pour le contredire mais il me coupe l'herbe sous le pied :
– Arrêtons un peu de parler de moi. Comment vas-tu en ce moment ? C'est vrai qu'on a pas eu l'occasion de beaucoup se voir...
– Oh euh... Ça-Ça va...
Mon rêve me revient en tête et toutes mes craintes m'agressent. Rosalya veut que je l'invite à ce foutu rendez-vous à quatre et si je pensais déjà que c'était une mauvaise idée hier soir, à présent j'en suis certaine.
– Tu as l'air soucieuse...
J'ai toujours l'air soucieuse...
– Il y a quelqu'un ?
Je secoue la tête et me reprend :
– Oui, oui... Tu sais... Je-C'est vrai qu'en ce moment on ne s'est pas beaucoup vus et euh... T-tu me manques, enfin d'une certaine manière.
– Oh...
Ah. C'est sa seule réaction là ? C'était ridicule de toute façon de dire un truc pareil, je sais même pas pourquoi j'ai dit ça ! Ça m'apprendra à vouloir suivre les conseils de ces deux imbéciles heureuses !
– Je ferai plus attention à l'avenir, je n'avais pas l'intention de te délaisser...
Super, maintenant j'ai l'impression d'être une des ces filles pathétiques en manque d'attention. Non, pire, j'ai l'impression d'être la mère d'Octavia qui a osé lui dire "j'ai besoin d'attention" après l'avoir fait culpabiliser pour s'être éloignée du domicile familial.
Pathétique Ginny, vraiment pathétique !
– Non ! Non ! Non ! je m'exclame. Ne crois pas que- Oublie ça, d'accord ?!
Et avant de lui laisser une chance de répondre, je tourne les talons et quitte le club de jardinage.
Je traverse le lycée en quelques enjambées et part m'enfermer dans les premières toilettes que je trouve. Je m'adosse à la porte et cache mon visage dans mes mains, essayant d'étouffer le cri qui me vient. Stupide Ginny. Vraiment, stupide, stupide Ginny !!!
Tu me manque, d'une certaine manière
MAIS QU'EST-CE QUI VA PAS CHEZ TOI ?!!
La sonnerie me rappelle à l'ordre, me forçant à quitter le réconfort de ma solitude. Je fonce vers la salle de classe, les yeux baissés, essayant d'éviter les regards de chaque personne de ce foutu lycée. J'ignore tout le monde dans la classe, m'installant à mon deuxième rang habituel et baissant les yeux sur mon cahier.
– Tu as invité Lysandre à venir dîner avec nous ? m'agresse immédiatement Rosalya dès que le cours se termine.
– Non, je réponds sèchement. Et oublie ça, c'était une mauvaise idée.
– Pourquoi tu dis ça ?
– Parce qu'il a visiblement autre chose en tête et que je devrais en faire de même ! je craque. Lysandre vaut bien mieux que moi et devrait être avec une fille bien plus jolie, plus intelligente et plus... je sais pas moi ! Plus !
– Ok, alors là c'est moi qui vais m'énerver, réplique Rosalya sur le même ton. Tu passes ton temps à te dévaloriser et je comprends ça, je sais que t'as pas eu la vie facile dans ton ancien lycée. Mais tu peux pas laisser ces imbéciles te faire croire que tu n'es pas jolie, ou suffisamment bien pour un mec ! Tu es une personne géniale Ginny, et il est plus que temps que tu arrête avec ton maudit complexe d'infériorité !
Mais bien sûr, comme si c'était aussi simple !
– Et puis de toute façon ça change rien au fait qu'il ne ressent absolument pas la même chose que moi ! j'ajoute.
– Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir, répond Rosalya, ses petits poings posés sur ses hanches. Fais attention Ginny, je vais être obligée d'employer les grands moyens !
Je déglutis difficilement, n'ayant aucune envie de savoir ce que sont les "grands moyens" auxquels Rosalya fait référence.
D'un coup, son regard se pose derrière moi et son regard s'illumine.
– Tiens, regarde qui voilà !
Je fais volte-face et découvre Lysandre. Je me tourne vers Rosalya mais cette traitresse a déjà disparue du paysage.
– Je suis désolé pour tout à l'heure... reprend Lysandre. C'est juste que... Je ne sais vraiment plus quoi faire avec Nina, j'ai l'impression qu'elle va trop loin en ce moment.
– Tu n'as pas... je commence. Tu n'as pas à te justifier.
– Si j'en ai besoin parce que... je tiens à toi, et je sais que tu es inquiète pour moi alors...
J'hoche la tête, choquée par ses révélations. Il tient à moi ? Dans quel sens ? Je préfère me contenter d'un sujet plus neutre :
– Tu as essayé de lui en parler ?
– Oui, j'ai pris de la distance avec elle, mais ça n'a rien changé. Au contraire, j'ai l'impression qu'elle s'obstine de plus en plus.
– Et l'ignorer ? je propose.
– Ça risque d'être un peu dur si elle continue à se jeter dans mes bras...
– J'avoue que... Je ne sais pas trop quoi dire... je réponds honnêtement.
Avant que l'un de nous ne puisse répondre, les autres élèves entrent dans la classe. Je n'ai même pas remarqué que la cloche avait sonné...
– Je peux m'asseoir à côté de toi ? demande Lysandre.
J'hoche la tête d'un signe positif et je reprends place alors que M. Faraize entre à son tour. Lysandre fouille dans son sac avant de marmonner :
– Mince, j'ai oublié mon manuel.
– Avoue, c'est pour ça que tu t'es mis à côté de moi, je tente de blaguer.
– M-Mais non... Je l'oublie une fois sur deux.
Ah.
Bon, j'ai flop.
Encore.
Je me contente d'ouvrir la page du chapitre du moment en silence.
– À vrai dire... reprend Lysandre. J'avais simplement envie de passer ce cours à tes côtés.
Je relève les yeux vers lui, sous le choc. Le petit ange sur mon épaule me dit de ne pas me faire de faux espoirs trop vite, que cela ne veut surement rien dire. Après tout, il pourrait simplement se montrer poli après avoir vu que sa remarque m'avait blessé. C'est alors que le petit démon sur l'autre épaule pop et assomme l'ange avec une batte de baseball. En général, ce petit démon à l'apparence d'Octavia, mais exceptionnellement, sa chevelure est passée du roux au blond platine.
Lysandre est le premier à détourner le regard, le rivant vers la porte où Rosalya et Octavia arrivent, la première me fait un clin d'œil tandis que la deuxième me lance un sourire radieux.
Un jour, je vais les tuer.
– Qu'est-ce qu'il se passe ?
Je lance un regard interrogateur à Lysandre.
– Rosalya a l'air absolument aux anges.
– Oh euh...
Allez Ginny, c'est le moment où jamais. Il a amené le sujet Rosalya sur la table, elle est la responsable de cette idée pourrie donc s'il refuse, ce sera de SA faute ! Tu peux le faire !
– En fait... Je-Je lui ai dit que j'avais beaucoup apprécié le moment qu'on avait passé au parc la dernière fois.
– Plaisir partagé, répond Lysandre avec un sourire à damner. C'est juste dommage que... enfin... que ton frère soit arrivé au moment de se dire au revoir...
– Oh... Euh... Oui, en effet, je confirme. En fait, quand j'en ai parlé à Rosa, elle m'a proposé de... Enfin elle voulait tester un restaurant sans-gluten avec Leigh et elle-elle a proposé qu'on y aille ensemble, tous les quatre...
Ça y est, je l'ai dit.
Je l'ai dit.
Quelle chance j'ai de mourir si je saute du premier étage ? Parce que je ne suis pas sûre de survivre à l'humiliation engendrée par un refus !
– Tu es sérieuse ? demande Lysandre, ses yeux vairons exprimant la surprise.
– Euh... Bah... Oui...
– Tu ne trouves pas ça un peu... gênant ?
OH QUE SI. MAIS TA MÉCHANTE BELLE-SOEUR ME LAISSE PAS LE CHOIX !
– Et bien, sûrement, je réponds. Mais on s'entends tous bien alors... Peut-être pas tant que ça.
– C'est d'accord, répond Lysandre avec un sourire timide. Si c'est ce que tu veux, c'est d'accord.
Si c'est ce que je veux ?
Si c'est ce que je veux qu'il vient de dire ? Bien sûr que non c'est pas ce que je veux ! Enfin, passer du temps avec lui oui, c'est ce que je veux, voir nos moindres faits et gestes épiés par Rosalya et Leigh, non ! Et imagine qu'en fait Leigh trouve que je suis pas assez bien pour son frère ? Ce serait une catastrophe !
Néanmoins, je me reprends :
– Vraiment ? Génial..
– Tu as raison, ce sera un bon moment, continue Lysandre d'un ton rassurant. Vous avez prévu ça quand ?
– Samedi, je crois...
– Super, j'ai hâte d'y être.
Il reporte son attention sur le cours et je lance un regard aux filles dont l'attention est rivée sur moi. Je mime un "oui" et elles poussent une exclamation de joie qui leur provoque une énième réprimande de notre enseignant.