Chapitre XVIII : Ce n'est pas à toi de décider comment je dois vivre
-Tu sais tout quoi ?
-... Ne fais pas l'idiote, tu sais de quoi je veux parler.
Qu'est-ce qui pourrait le rendre d'humeur maussade ?
Une seule réponse s'imposait dans mon esprit.
Chūya, encore une fois.
Qui avait pu lui en parler ? Certainement pas le Docteur Yosano, après tout, c'était elle qui m'avait organisé ce rendez-vous. Alors qui ?
-Comment tu l'as su ? me décidai-je finalement à lui demander
-Le Docteur Yosano m'a fait un long discours sur l'amour. Et tu n'étais pas avec elle. C'était juste une simple déduction.
Ah. J'avais tort, c'était elle.
Son visage était sombre, ses yeux n'étaient pas comme d'habitude, il semblait dangereux, comme lorsque qu'il était à la mafia, mais il ne l'avait jamais été devant moi. C'était quand je l'observais en cachette, quand il recevait un appel téléphonique de son "travail".
De toute façon, était-ce à lui de décider de ma vie ? Non. Absolument pas.
-Ça te dérange tant que ça que je le voie ?
Il se leva d'un bond, m'attrapa le bras et me regarda avec une émotion que je n'avais jamais vue chez lui. La colère. Une colère noire. Une colère dévastatrice. Comme un incendie hors-de-contrôle. Et elle semblait être dirigée vers moi.
Pourquoi ? Ai-je fait quelque chose de mal ?
-Oui, ça me dérange.
Son ton était froid, tranchant comme une lame de rasoir et dénué de toute émotion. Ce ton me fit frissonner. Ça annonçait rien de bon. Pour lui et pour moi.
-Je ne veux pas te perdre encore une fois.
-Mais il ne va rien m'arriver !
C'était compréhensible qu'il n'avait pas envie que ça recommence. Moi non plus, je ne voulais pas. J'avais déjà assez souffert la dernière fois.
-Tu n'en sais rien. Tu le connais depuis quelques semaines. Je le connais depuis des années. Et puis, ajouta-t-il, Ce n'est pas lui, le problème. Ce sont les autres.
-Si tu es aussi méfiant, pourquoi tu m'as laissée entrer à l'agence ?!
-Parce que...
Il baissa les yeux, laissant mon bras balancer dans le vide. Son ton était moins froid, même si elle restait sans émotion.
-...je ne voulais pas que tu sois seule si je venais à mourir.
-Je suis presque majeure, je vais pouvoir faire mes choix, toute seule ! Je n'ai plus besoin de toi pour prendre des décisions à ma place !
Ses yeux retrouvèrent rapidement les miens, après mes phrases, toujours brûlants de colère.
-J'essaie de te protéger !
-Ce n'est pas comme ça que tu vas le faire !
Le ton commençait à monter entre nous deux et les voisins n'allaient pas tarder à frapper à la porte, pour qu'on arrête le bruit.
-Si j'estime que c'est le bon moyen, c'est le bon ! Fin de la discussion.
-Mais...
-Pas de mais. Dans ta chambre.
Il fuit ses responsabilités. Il ne veut pas admettre que j'ai raison et lui, tort. Il m'infantilise. Je ne suis pas une enfant. Je ne suis plus une enfant. Qu'il veuille me protéger, d'accord. Mais refuser que je voie Chūya ? Non, non, et mille fois non !
Une fois dans ma chambre, je claquai ma porte. Au défaut de déverser ma colère sur lui, je le faisais sur la porte. Je me jetai sur le futon pour mieux me rouler en boule sous la couette. Je sortis mon téléphone et le déverrouillais. Aucun message ou appel...
Je suis stupide. Je lui ai donné mon numéro, mais je n'ai pas pris le sien.
Je verrouillai l'écran en soupirant de frustration. Je ne pouvais pas parler avec lui, je devais attendre qu'il me rappelle ou m'envoie un message. Ce qui pouvait prendre des heures, comme des jours. Dans le pire des cas, je n'avais qu'à me balader sur le territoire de la mafia portuaire.
Trois petits coups timides se firent entendre contre ma porte. Puis, le silence. Soudain, la voix fluette et enjouée habituelle de mon frère se fit entendre :
-(T/p)...? Je suis désolé pour ce qui vient de se passer...
À quoi bon t'excuser ? Tu n'as fait que dire ce que tu pensais réellement.
Le silence continua, avant qu'il ne poursuive le reste de sa phrase :
-... Je ne le pensais pas...
Menteur.
-... Je veux juste te protéger, je te le promets...
Laisse-moi vivre ma vie. Sans tes choix égoïstes.
-... Alors, pardonne-moi, s'il te pla-
-Je te déteste.
Je l'avais dit. Je l'avais dit à voix haute. Avec un ton qui était similaire au sien. Froid. Aigre. Sans émotion, si ce n'était de la colère. Ces trois mots que je ne lui avais jamais prononcé. Je les avais dit.
-... D'accord. Je vois.
Des bruits de pas m'indiquèrent qu'il était parti. Un petit soupir de soulagement sortit de ma gorge. Il était parti. Je m'enfouis encore plus sous la couette. Je ne voulais pas qu'il les voie, ni qu'il les entende. Les larmes qui coulaient le long de mes joues à cause de ce que j'avais dit.
* < * ° * > *
Au petit matin, je me réveillais. Cette nuit avait été mouvementée. Des cauchemars m'avaient assaillie, des souvenirs dont j'aurais préféré ne jamais me rappeler. En frottant mes yeux, je sortis mon téléphone.
Une notification.
Je le déverrouillai, le cœur battant à la chamade. Et si c'était...?
Quelle fut la déception, quand je vis que c'était Yosano-san qui m'avait envoyé un message :
"C'était bien hier ;-) ? Tu as une mission"
* < * ° * > *
[De Moi]
Je suis malade, je ne peux pas venir
[De Yosano-san]
C'est important. Atsushi-kun vient te chercher.
* < * ° * > *
É
tais-je vraiment obligée d'y aller ? J'aurais préféré me morfondre sur mon sort au chaud sous la protection de mon futon. Je remis la couverture sur mon nez, en fermant les yeux. Douce chaleur réconfortante... Si seulement je n'étais pas obligée de sortir...
Des coups se firent entendre à la porte d'entrée. En grommelant, je me levai. Au moins, je n'avais pas à m'habiller, j'avais gardé les vêtements de la veille. Tant pis pour l'hygiène et s'ils étaient froissés. Je me levai, tout en murmurant :
-Il n'est pas là.
D'une démarche plus assurée, je sortis de ma chambre en prenant soin de prendre mon manteau au passage. J'ouvris la porte et vis Nakajima-san se raidir comme un piquet.
-B-bonjour, (T/p)-chan... Tu vas bien ?
Je faillis hausser un sourcil en l'entendant poser sa dernière question. Puis, je me rappelais que j'avais passé la nuit complète à faire des cauchemars. Je devais avoir des cernes et mes cheveux en bataille, je ne m'étais pas regardée dans un miroir. De toute façon, je m'en fichais.
-... Je ne sais pas.
Dire oui, je ne l'aurais pas pu, car ça aurait été un mensonge. Dire non, il se serait inquiété. Ne pas savoir était un juste compromis.
Je sortis par l'embrasure de la porte, et mis la clef dans la gouttière, après avoir fermé à clé. Je tenais toujours mon manteau dans les bras. Il ne faisait pas si froid, donc ça allait.
-...? fit Nakajima-san surpris
-S'il perd ses clés, expliquai-je, On va où maintenant ?
À suivre...