Je me réveillai en sursaut, des gouttes de sueur perlant sur mon front, signe évident d'un cauchemar récurrent qui me tourmentait nuit après nuit. Tentant de calmer ma respiration précipitée, je m'efforçai de ramener un semblant de tranquillité dans mon esprit agité.
Les rayons du soleil perçaient à travers les rideaux, peignant la pièce d'une lumière douce et chaleureuse. Pourtant, malgré cette luminosité, je me sentais plongée dans les ténèbres de mes pensées tourmentées.
L'horloge indiquait déjà midi passé, soulignant l'étrangeté de mon rythme de vie décalé.
Un soupir las s'échappa de mes lèvres, témoignant de ma fatigue mentale et émotionnelle qui semblait ne jamais vouloir me quitter.
Mon regard glissa sur la table de chevet, où reposait une photo de moi et de ma famille, le dernier souvenir tangible de leur existence.
La culpabilité m'envahit alors, pesante et lancinante.
Je culpabilisais de ne pas leur avoir parlé pendant deux longues années, de ne pas avoir saisi chaque occasion de leur exprimer mon amour et ma gratitude. Maintenant qu'ils étaient morts, emportés par le flot inexorable du temps, je réalisais amèrement que je n'avais aucun moyen de rattraper le temps perdu, aucun moyen de retrouver les moments précieux que j'avais laissé filer entre mes doigts.
Les pensées tournaient en boucle dans mon esprit torturé.
La drogue avait été un fléau dévastateur, détruisant les fondations même de ma vie. Si je n'avais jamais cédé à cette tentation empoisonnée, ma mère ne m'aurait jamais virée de chez elle. J'aurais pu rester avec mes parents, mon frère, peut-être même suivre des études à l'université.
C'était une réalité amère à accepter, un chemin détourné par mes propres choix, mes propres faiblesses.
Il y avait déjà un certain temps que je n'avais pas touché à la drogue. Pourtant, je ne pouvais pas nier le vide béant qu'elle avait laissé derrière elle, un vide que même l'alcool ne pouvait combler.
Les symptômes du sevrage me rongeaient, implacables.
Les nausées, les crampes, les hallucinations étaient mon lot quotidien, une épreuve constante que je devais affronter. Je tentais désespérément de calmer ces tourments, mais certains symptômes persistaient, insidieux, me laissant dans un état de confusion et d'incertitude.
Était-ce le manque de drogue qui me tourmentait ainsi, ou bien étais-je simplement en train de sombrer dans la folie ?
La frontière entre la réalité et l'illusion devenait de plus en plus floue, me laissant seule face à mes démons intérieurs, sans repère, sans consolation.
Un grincement de porte me fit sursauter, et j'aperçus Lux entrer dans ma chambre.
Une grimace se dessina sur son visage, trahissant son inquiétude. Secouant la tête négativement, elle s'aventura vers les fenêtres de ma chambre et les ouvrit en grand, laissant pénétrer l'air frais et pur à l'intérieur.
Puis, elle se tourna vers moi avec détermination et lança :
-Je ne peux pas te laisser comme ça. Ta chambre empeste l'alcool, c'est horrible.
Je l'observai en silence, reconnaissante pour son geste attentionné. Toujours vêtue de son style gothique caractéristique, elle portait une mini-robe noire soulignée par un corset qui mettait en valeur sa taille.
Elle s'avança vers moi d'un pas décidé, jetant ma couette par terre avec autorité, puis elle m'ordonna d'une voix ferme :
-Va prendre une douche, on sort.
Je levai les yeux, intriguée par sa soudaine détermination, et je lui demandai :
- On sort où ?
Mais elle ne me répondit pas, se contentant de me tourner le dos pour se diriger vers ma commode. Là, elle entreprit de fouiller à l'intérieur, cherchant quelque chose avec une concentration intense.
Je la vis attraper un tee-shirt, un jean bleu et des sous-vêtements, puis elle revint vers moi, me plaçant les vêtements contre la poitrine avec une détermination sans faille.
- A la douche, je t'ai dit, répéta-t-elle, son ton ne laissant aucune place à la discussion.
Sous son ton autoritaire, je me sentis contrainte de céder à sa demande.
Je me levai en silence et me dirigeai vers la douche. Fermant la porte derrière moi, je pris le temps de me déshabiller lentement avant de plonger sous le jet d'eau chaude.
L'eau coulait sur ma peau, apportant avec elle un réconfort bienvenu, une sensation de purification tant physique que mentale. J'attrapai le shampoing et le savon, prenant soin de laver et de démêler mes cheveux, une tâche que j'avais négligée depuis un certain temps.
Sous la cascade apaisante de l'eau chaude, je sentais les tensions se relâcher peu à peu, un poids invisible se soulevant de mes épaules. Chaque goutte d'eau semblait emporter avec elle un peu de ma détresse, un peu de ma douleur, me laissant avec un sentiment de légèreté, d'espoir renouvelé
J'arrêtai l'eau et sortis de la douche, me séchant rapidement avant d'enfiler mes sous-vêtements puis mes vêtements. Je pris le temps de coiffer mes cheveux avant de les laisser sécher librement à l'air.
Lorsque je sortis de la salle de bain, je croisai Lux qui m'attendait sur mon lit. À ma vue, elle esquissa un regard satisfait.
Elle s'approcha de moi et me tendit une paire de baskets. Je les pris et les enfilai tandis que Lux se dirigeait vers la porte de la chambre. Cependant, je m'arrêtai soudainement et regardai par la fenêtre.
-Il faudrait peut-être que je prenne une veste, il fait froid dehors, fis-je remarquer.
Lux se retourna vers moi et éclata de rire avant de me répondre d'un ton taquin :
- Mauraa, ça fait des semaines que tu restes enfermée dans ta chambre. L'hiver est terminé.
Son commentaire me tira un sourire ironique.
Il était vrai que je m'étais tellement isolée que j'avais perdu tout sens du temps et des saisons. Dans ma bulle de détresse, le monde extérieur avait semblé s'effacer, laissant place à un univers figé dans le temps.
Pourtant, cette simple remarque de Lux était un rappel bienvenu que la vie continuait, que le temps avançait inexorablement, même lorsque nous étions perdus dans les méandres de nos tourments intérieurs.
Je quittai ma chambre en compagnie de Lux, nos pas résonnant dans les couloirs silencieux du chalet.
Lorsque nous nous arrêtâmes devant la porte du bureau de Clive, un frisson d'appréhension me parcourut. Lux me jeta un regard rassurant avant de me confier :
-Vas-y, je t'attends dehors.
Elle ouvrit la porte sans même frapper, puis me poussa doucement à l'intérieur.
Mon cœur battait la chamade alors que je me retrouvai face à Clive, assis derrière son imposant bureau en bois. Une aura de puissance émanait de lui, renforcée par la prestance qu'il dégageait.
Il me fit signe de m'asseoir en face de lui, une invitation que j'acceptai avec une certaine réticence.
Son regard scrutateur me parcourut pendant un moment avant qu'il ne remarque d'un ton presque décontracté :
-Tu as l'air d'aller mieux depuis la dernière fois.
Je dus me retenir pour ne pas éclater de rire.
La "dernière fois" dont il parlait remontait à peine à trois jours, lorsque j'avais été prise en flagrant délit de recherche nocturne de bouteilles de vin dans la cuisine. Non, je n'allais pas mieux, mais j'étais simplement contrainte de quitter momentanément ma léthargie.
Sans attendre ma réponse, il continua :
- Lux va faire quelques achats en ville et tu vas l'accompagner. Tu pourras acheter ce qu'il te manque également.
Sa voix était assurée, ses paroles claires et concises.
Une carte bancaire glissa lentement vers moi sur le bureau. Je la regardai, perplexe, avant de secouer la tête avec fermeté.
-Je n'ai pas besoin de ton argent, déclarai-je d'un ton tranchant, la résolution dans ma voix.
Un sourire énigmatique étira les lèvres de Clive. Il se pencha légèrement en avant, plongeant son regard dans le mien avec une intensité presque palpable.
- Ce n'est pas le mien, c'est le tien, répondit-il, sa voix empreinte d'un calme étrange.Je t'ai créé un compte et j'ai effectué un virement pour le meurtre d'Edwart Brown.
Un frisson me parcourut alors que je réalisais que désormais, j'étais rémunérée pour les meurtres que je commettais. La froideur de cette vérité me frappa de plein fouet, me forçant à affronter une réalité sombre et impitoyable.
Finalement, je compris que je n'étais pas si différente de leur monde. Les frontières entre le bien et le mal semblaient s'estomper, noyées dans les ombres de mes propres actes.
Un soupir échappa à mes lèvres, exprimant une sorte de résignation face à cette nouvelle réalité.
- Et si je ne veux pas de cet argent ? lançai-je, cherchant à comprendre jusqu'où s'étendaient les limites de mon libre arbitre.
Clive tapota légèrement des doigts sur le bureau, comme s'il réfléchissait à sa réponse.
-Ça ne changera pas le fait que tu as de l'argent dans un compte qui t'appartient, répondit-il finalement, sa voix calme et mesurée ne laissant aucune place à la discussion.
Je me sentis légèrement contrariée, me demandant combien il avait déposé sur ce compte à mon nom. Pourtant, je décidai de taire cette question pour l'instant, la gardant en réserve pour un moment plus opportun.
Je me levai, prête à partir, mais avant de franchir la porte, je me retournai une dernière fois pour lui adresser un simple
- Merci.
Puis, je quittai le bureau pour retrouver Lux, qui m'attendait à l'extérieur en se curant les ongles
Lux se redressa sur ses bottes à plateforme, saisit mon bras avec énergie, et m'entraîna vers l'extérieur, débordante d'enthousiasme.
- On a tellement de choses à acheter ! Déjà quelques vêtements, ensuite il te faudra un téléphone, parce que sérieusement, je ne sais pas comment tu fais pour être déconnectée des réseaux. Et ensuite, on ira dans un supermarché faire quelques provisions pour le village.
Je me contentai d'hocher la tête en silence, absorbant les informations sans vraiment réagir. Les mots de Lux résonnaient dans ma tête, mais je me sentais incapable d'y répondre.
Une partie de moi savait que je devais me reconnecter au monde extérieur, mais une autre partie refusait de franchir ce pas, préférant rester dans ma bulle de solitude et d'obscurité.
Pourtant, je suivis Lux sans protester, la laissant me guider à travers les étapes nécessaires pour intégrer un semblant de normalité dans ma vie.
Nous sortîmes du chalet et le soleil éblouit mes yeux. La neige avait totalement disparu, remplacée par un vent chaud et léger.
Lux m'entraîna vers un gros 4x4 noir, où un homme était appuyé sur le capot, occupé à pianoter sur son téléphone. En m'approchant, je reconnus le garde qui m'avait accompagnée la première fois dans le bureau de Clive.
Lux s'avança vers lui, le salua, puis se tourna vers moi pour me le présenter.
- Alexei, je te présente Mauraa. Mauraa, je te présente Alexei. Il va nous accompagner pendant notre sortie.
Je déviai mon regard vers Lux, mes sourcils se fronçant dans la confusion.
-Pourquoi nous accompagne-t-il ? demandai-je, cherchant des explications.
Alexei ignora ma question et entra dans le 4x4, me laissant seule avec Lux.
Celle-ci répondit à ma question tacite.
- Parce que si jamais il y a un problème, au moins on aura quelqu'un pour nous sortir de la merde. Je sais pas toi, mais moi, mon truc, c'est danser autour d'une barre, pas tuer des gens.
J'esquissai un léger sourire en réponse à sa remarque. C'était vrai, je ne la voyais pas du tout tuer quelqu'un.
Lux monta dans la voiture et je la suivis à mon tour, prenant place à l'arrière pendant qu'elle s'installait à l'avant avec le garde.
Le moteur ronronna doucement alors que la voiture démarrait lentement, nous quittant progressivement le chalet.
Mon attention était captivée par le paysage de la forêt qui défilait devant nous.
J'ouvris lentement la fenêtre et laissai glisser ma main à l'extérieur, la laissant caresser l'air extérieur. C'était comme si je redécouvrais la sensation de liberté, même à travers un geste aussi simple.
Le vent soufflait doucement contre ma peau, apportant avec lui les parfums de la nature, et pour un bref instant, j'avais l'impression d'être connectée à quelque chose de plus vaste, quelque chose de vivant et de vibrant.
Le ton monta davantage dans la voiture, attirant toute mon attention vers les passagers à l'avant.
- Non, mais Alexei, tu te rends pas compte, depuis que cette pute baise avec Clive, elle se prend pour la chef, elle m'insupporte !"déclara Lux d'une voix pleine de colère.
Alexei jeta un regard dans le rétroviseur, me fixant brièvement, puis reporta son attention sur la route.
Il répliqua ensuite à Lux d'une voix calme mais assurée :
-T'es juste jalouse parce qu'en ce moment, elle te vole la vedette au club.
Lux se redressa brusquement sur son siège, criant presque :
- Quoi ! Personne, et je dis bien personne, ne me fait concurrence au club. Concentre-toi sur la route au lieu de dire n'importe quoi !
Un sourire satisfait s'esquissa sur le visage d'Alexei, visiblement content d'avoir réussi à la provoquer.
Lux se retourna vers moi et me lança :
- Tu penses comme lui ?
Je regardai Alexei furtivement et répondis à Lux :
- Je ne sais même pas de qui tu parles.
Elle se retourna vers la route et continua :
- Anja, elle s'appelle Anja. C'est une fille au club. Je ne l'aime pas, c'est une peste. Ça fait trois jours d'affilée que Clive lui rend visite, et depuis, elle se sent plus.
Entendre que Clive couchait avec une autre femme me procurait une sensation étrange. C'était comme si une partie de moi était indifférente, mais une autre partie était intriguée et peut-être même blessée.
Je gardai ces émotions pour moi
Voyant que je ne répondais pas, Lux lança :
-Viens au club ce soir avec moi ! C'est mon jour de repos, je pourrais passer la soirée avec toi et je pourrais te montrer cette salope d'Anja !
Je regardai Lux à travers le rétroviseur et lui répondis calmement :
- Non, je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Je préfère rester dans ma chambre.
Lux se retourna une nouvelle fois et me dit en souriant :
-En fait, ce n'est pas une proposition. Tu n'as pas le choix.
Son ton léger dissimulait à peine la fermeté de sa décision.
Je me sentais prise au piège dans cette proposition non négociable, mais je n'avais pas l'énergie nécessaire pour argumenter.
Je hochai simplement la tête en signe d'acquiescement, sachant que la discussion était close.