Sativa: Feel in a Heartbeat

By lemav07

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En plus d'avoir un nom stupide, Sativa a l'impression que son existence entière n'est qu'une vaste blague. En... More

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By lemav07





Je crois que je suis censée avoir officialisé les choses avec Logan. Moi, Sativa Henson, je suis en couple. Pourtant, tous les soirs, je m'adonne au même rituel. Je me fracasse la gueule à coup de vodka au bar de l'hôtel et je finis par coucher avec Angel.

Actuellement, j'ondule sur lui en fermant les yeux. Hors de question de le regarder, il m'énerve. J'ai toujours quelques craintes vis-à-vis d'être en haut mais avec lui, j'aime me sentir supérieure.

Je fais l'erreur de rouvrir les paupières et de poser le regard sur lui. Ses iris bruns sont rivés sur mon visage.

— Qu'est-ce que tu regardes, sombre abruti ? je le questionne, en dépit de mon souffle saccadé.
Son expression demeure impassible même si je continue à bouger au-dessus de lui.
— Je me demandais simplement ce qu'on était en train de foutre tous les deux, finit par répondre mon colocataire.

Je ricane avant de ralentir mes mouvements.

— À vrai dire, j'en sais rien, j'ignore d'où me vient l'aplomb nécessaire pour enrouler ma main autour de son cou. Maintenant, boucle-la. Tu m'empêches de me concentrer !

Prenant légèrement appui sur sa gorge, je reprends un rythme plus soutenu. Je rêve de l'étrangler, là tout de suite. Je ne sais vraiment pas ce qui me retient de le faire.

Angel me surprend toutefois lorsqu'il se redresse. Son torse se plaque contre ma poitrine tandis que je m'immobilise d'un coup, étonnée.

— Ne pense pas que tu as le contrôle sur quoique ce soit, l'Alcoolique, il effleure mes lèvres. Tu es bourrée comme un coing.
— Pompette ! rétorqué-je, par habitude.

La seconde d'après, mon dos se retrouve plaqué contre le matelas et Angel me dévisage de son regard sévère. Il ne s'est pas retiré alors je gigote, frustrée de le sentir si immobile.

— Tu as toujours cette insupportable manie de l'ouvrir sans raison, mon colocataire parle tout bas. Qu'est-ce que j'aimerais que tu la fermes pour l'éternité...

Je m'apprête à le gifler mais son coup de rein me fait hoqueter. Le sourire qui s'épanouit sur le visage d'Angel est un peu flou -sûrement à cause de ma consommation excessive de boisson-, par ailleurs, je suis certaine que je ne lui avais jamais vu une telle expression malicieuse.

Il se penche vers mon visage.

— Oh.., susurre-t-il, finalement, on dirait que j'ai trouvé comment faire...

Mes insultes se font ensevelir sous la vague de plaisir qui me percute ensuite.

Ce type est insupportable. Je le déteste.

Et je continue à le détester une bonne partie de la soirée, jusqu'à ce que mon corps lui-même n'en puisse plus.

Vers minuit, je ne suis toujours pas parvenue à m'endormir. Ce que je trafique avec mon colocataire m'empêche clairement de fermer l'œil. Je n'arrive pas à croire que je parle tous les jours avec Logan alors que le soir, je me retrouve à coucher avec un autre.

Il y a déjà si peu de belles choses qui m'arrivent, je ne comprends pas pourquoi je m'évertue à saboter l'une d'entre elles.

Mes capacités de menteuse sont encore plus impressionnantes que ce que j'imaginais.

Je réajuste ma charlotte sur mes cheveux pour millième fois. Elle n'arrête pas de glisser. C'est probablement aussi l'un des facteurs qui me tient éveillée.

Mon regard se pose ensuite sur l'homme allongé à côté de moi. Malgré nos quelques dérapages, nous dormons toujours comme au début du voyage. Chacun de notre côté.

Ça me va très bien. Hors de question de me retrouver dans ses bras ou je-ne-sais-quelle autre connerie. Pourtant, je me surprends à détailler son dos nu. Il fait particulièrement chaud cette nuit et Angel a décidé de ne pas remettre son tee-shirt. Je suis moi-même vêtue d'un simple débardeur et d'un short.

Le fait que ses omoplates et ses muscles me paraissent à présent si familiers me perturbe toujours autant.

— Est-ce que tu pourrais.., ma propre voix me surprend à l'instant où je parle, te retourner ? Pas que j'ai forcément envie de voir ta sale gueule mais c'est un peu offensant pour une femme de s'offrir à quelqu'un et de se faire ignorer ensuite. Après, bien sûr, j'arriverai parfaitement à dormir si...

Je me tais tout de suite lorsque Angel se tourne pour me faire face. En dépit de la faible luminosité de la chambre, j'aperçois sans mal ses yeux bruns en train de me scruter.

Putain, j'espérais qu'il dormait et qu'il n'entendrait pas les bêtises que j'étais en train de déballer.

Je soutiens son regard quelques secondes avant de détourner les yeux. Ainsi vulnérable, je ne parviens plus à retrouver la fierté qui m'a permis jusque là de lui tenir tête depuis notre rencontre. De plus, ses pupilles ont pu détailler chaque centimètre de mon corps au cours des derniers jours.

Ma fausse confiance en moi s'est effritée.

Il pourrait m'humilier si vite, me faire me sentir ridicule en une seule parole.

— Finalement, je pense que c'était mieux tout à l'heure-là, bafouillé-je en fixant le plafond pour éviter ses yeux.

Du coin de l'œil, je le vois toutefois soupirer.

— Tu me tapes sur le système, Sativa.

Je frémis face à l'usage de mon prénom. C'est si peu commun qu'il le souffle de cette manière. Même si sa voix traduisait tout son agacement à mon égard, je ne peux m'empêcher d'être déstabilisée.

J'ai l'impression d'être face à mon père. Totalement désarmée.

Mes barrières commencent à se fragiliser. Il faut que je me reprenne, je ne peux pas le laisser voir à quel point je suis faible en réalité.

— Toi aussi, tu m'énerves, De Los Santos, répliqué-je du tac au tac.

Il ne prend pas la peine de me répondre et se met sur le dos, regardant à son tour le plafond. Je suis assez surprise qu'il ne se soit pas tout simplement retourné comme tout à l'heure-là en me présentant son dos.

Je me mords la lèvre inférieure puis jette un autre coup d'œil vers lui.

Les mèches brunes d'Angel sont étalées sur l'oreiller mais quelques unes d'entre elles lui retombent sur les yeux. Ses anneaux se détachent légèrement de l'obscurité. Heureusement, il a abaissé les paupières et ne me voit pas le regarder.

Quoique, j'ai cru comprendre qu'il pouvait faire preuve de sens surdéveloppés. Je m'attends à le voir rouvrir les yeux d'un coup. Je m'attends à ce qu'il me crache l'une de ses fameuses phrases blessantes.

Par ailleurs, rien de tout cela ne se produit. Angel se contente de rester allongé de cette manière.

Il a dû s'endormir.

Tant mieux.

J'essaie de me forcer à en faire de même mais je n'y arrive pas. En dépit de la rancœur toujours présente à son égard, je m'autorise à présent à notifier sa beauté indéniable -j'ai envie de dire que nous ne sommes plus à cela près-.

Mine de rien, il est vraiment magnifique. Comme une œuvre d'art ou une chanson.

J'ai du mal à croire qu'il se soit abaissé à coucher avec quelqu'un comme moi alors qu'il pourrait avoir un tas de filles bien plus remarquables.

Le nombre de nanas qui l'ont abordé durant ces derniers jours est assez conséquent. Généralement, les types comme lui adoptent des comportements dignes de Diego. Ils s'amusent de leur pouvoir de séduction en jouant avec toutes les femmes qui osent les approcher.

J'imagine qu'Angel est juste trop indifférent à tout pour s'abaisser à ça.

Peu importe. Ce n'est pas mon problème.

Je parie qu'à notre retour aux États-Unis, les choses vont reprendre leur cours normal. Et c'est tant mieux. Nous allons recommencer à nous éviter et -ou- à nous mépriser.

Je n'ai pas encore décidé de ce que je ferai par rapport à Logan. Une grande part de moi-même est prête à lui cacher tout ce qui s'est passé ici afin de profiter de la douceur de notre relation.

Sincèrement, je pense que je ferai ça. Après tout, ce serait idiot de gâcher notre histoire naissante pour une futilité comme Angel De Los Santos.

Ce que nous faisons quasi tous les soirs n'a aucune importance.

Confortée par cette idée, je ferme à mon tour les yeux, décidée à dormir.

***

Au moment où mon colocataire sort de la salle de bain et commence à se diriger vers la porte d'entrée, j'allume la lampe posée sur le bureau.

— Où est-ce que tu vas ? chantonné-je.

S'il est surpris de me trouver réveillée et habillée alors qu'il n'est que huit heures du matin, il n'en montre rien.

Pour ma part, j'ai toujours voulu me la jouer mystérieuse un jour, assise à un bureau dans le noir à prendre en flagrant délit quelque chose.

Bon, en soit, il ne faisait rien de spécial mais je n'ai pas envie de gâcher mon plaisir théâtral.

— Au petit-déjeuner, annonce platement Angel.

— J'imagine que comme d'habitude, tu ne comptais pas me réveiller, n'est-ce pas ? je demande en sautant sur mes pieds.

Une semaine s'est écoulée depuis notre arrivée au Mexique. Nous avons essentiellement passés les trois derniers jours à suivre Madame Herrero et les autres petits vieux dans des visites de monuments ou de musées.

Angel et moi avons agi comme à notre habitude, échangeant quelques piques de temps à autre ou évitant simplement de nous adresser la parole. J'ai aussi pris l'habitude de commander quelques cocktails chaque soir au bar de l'hôtel, histoire de les avoir tous goûtés avant notre départ.

À vrai dire, rien n'a vraiment changé, mis à part peut-être le fait que nous nous perdons dans les draps à l'instant où nous retournons dans la chambre.

Désormais, il ne nous reste que trois jours ici et je suis déterminée à ne plus en gaspiller une seule minute à dormir comme une merde jusqu'à onze heures chaque matin.

— Effectivement, répond Angel. Mais j'imagine que comme tu es là, tu vas me casser les couilles et descendre avec moi, je me trompe ?

Je le gratifie d'un sourire ironique assez explicite puis le devance dans l'ouverture de la porte d'entrée.

Nous sommes samedi et à cette heure-ci, les couloirs sont assez déserts. Pour cause, j'ai fini par comprendre que cet hôtel est peuplé par de sacrés fêtards.

Parfois, nous parvenions à entendre la musique à travers les murs de la chambre -même si nous étions occupés à autre chose que je ne mentionnerai pas-.

Mon colocataire m'emboîte le pas sans un mot. Je ne sais pas pourquoi mais pour une fois, je suis enthousiaste à l'idée de manger de si bon matin.

Angel ne relève pas non plus mon petit sifflement joyeux. Arrivés dans la salle du petit-déjeuner, je me précipite vers la machine à gaufres. Habituellement, elle est prise d'assaut par des enfants -insupportables-, cependant, il n'y a aujourd'hui que trois personnes assises dans la pièce.

Un couple qui discute tranquillement et un monsieur dans la quarantaine qui lit un journal en sirotant son café.

Je crois que c'est en connaissance des difficultés des résidants de l'hôtel à se réveiller de bonne heure le week-end que la fin du petit-déjeuner est repoussée à onze heures au lieu de dix.

Lorsque j'ai récupéré ma gaufre ainsi que mon chocolat chaud, je m'installe en face de mon colocataire.

— Je commence à comprendre pourquoi tu aimes y aller aussi tôt, lancé-je. Je sais à quel point tu adores la compagnie d'autrui.

Angel lève les yeux au ciel et continue de verser du sucre dans son café. Monsieur a opté pour une petite omelette accompagnée de quelques fruits. Il me ferait presque culpabiliser de ne pas avoir une alimentation un peu plus équilibrée.

Sans réfléchir, je pique une fraise dans son assiette. Mon colocataire plisse les yeux.

— Ne commence pas, articule-t-il à voix basse. Il est trop tôt pour ça.

Je me contente de manger le fruit en lui souriant de manière provocatrice. Il ne peut définitivement pas piquer sa crise alors que le silence est si reposant. C'est pour cela qu'Angel soupire puis amène son café à ses lèvres.

Je m'attelle à la dégustation de ma gaufre en balayant les environs du regard. Cet endroit va me manquer. La quiétude et l'insouciance qu'il m'offre n'ont pas de prix. Je n'ai pas envie de retourner dans mon quotidien de merde.

Sans parler du fait que je devrais mettre les choses au clair avec Valdez à mon retour. Même si nous avons échangé durant la semaine, je n'ai toujours pas digéré son petit jeu de la dernière fois et je n'ai pas abandonné l'idée que quelque chose cloche chez lui.

— Tu as prévu de faire quoi aujourd'hui ? je demande après avoir essuyé ma bouche.

— Si je te le disais, je serais obligé de me coltiner ta présence.

— Pas faux, je lui adresse un rictus vicieux. Alors je reformule. Qu'est-ce que nous avons prévu de faire aujourd'hui ?

Le self-control de cet homme est assez impressionnant, je peux au moins lui accorder cela. Angel souffle du nez avant de fixer son regard sur moi.
Comme d'habitude, je m'oblige à paraître détachée.

— Je comptais retourner dans la ruelle des artistes, annonce mon colocataire d'un air apathique.

— Super ! roucoulé-je. Nous partirons vers dix heures et demi. Ça te va ?

Son regard noir me fait sourire davantage.

Et oui, Monsieur De Los Santos, ton cauchemar ne s'achèvera que dans trois jours. En attendant, tu devras encore me supporter.

***

Semblable à la dernière fois où nous l'avons visitée, la ruelle est déjà très animée. Je ne me lasse pas d'admirer les divers graffitis et dessins qui ornent les murs. Certains artistes sont déjà en train de retoucher leurs œuvres ou d'en créer de nouvelles.

J'aurais beaucoup aimé posséder un talent quelconque. Mis à part celui de faire n'importe quoi et de digérer l'alcool comme personne.

Angel ne relève toujours pas les petits pas de danse qui m'échappent ni les sourires que j'adresse aux gens qui croisent mon regard.

Toute cette joie ne me ressemble pas mais ce pays me rend particulièrement heureuse.

C'est une sensation agréable de se sentir légère de la sorte.

En dépassant le karaoké qui a eu la malchance de connaître mes fausses notes, je souris de plus belle. Pourtant, je suis mon colocataire lorsqu'il se dirige vers la salle réservée aux musiciens.

Il se repère avec tant d'aisance que je le soupçonne d'y être retourné durant les derniers jours. Cela expliquerait ses disparitions fréquentes.

Le groupe de jeunes de l'autre jour est en train de s'installer sur la petite scène improvisée. La pièce est déserte, toutefois, ils semblent très concentrés sur leur tâche.

Après tout, cet endroit n'est pas là pour accueillir de grands événements ou autre. Il permet simplement aux passionnés de rencontrer leurs semblables et de pratiquer leurs hobbies.

Andres s'exclame en nous voyant approcher. Il replace le micro sur son trépied puis se dirige vers nous avec un sourire aussi grand que la lune.

Mis amigos ! Encantado de volverlo a ver ! son regard vif se tourne vers Angel. Estábamos a punto de intentar tocar algo. (Mes amis ! Je suis ravi de vous revoir ! Nous étions sur le point d'essayer de jouer quelque chose.)

Je jette un coup d'œil en direction de mon colocataire tandis qu'une idée germe doucement dans mon esprit.

Angel toca la guitarra. Él podría acompañarte, j'adresse au concerné d'un rictus ironique. Estoy seguro de que estaría feliz de hacerlo. (Angel joue de la guitare. Il pourrait peut-être vous accompagner. Je suis sûre qu'il serait content de le faire.)

Angel plisse les yeux dans ma direction. Sans surprise, je l'emmerde à nouveau. Il s'était gardé de mentionner ses quelques talents la dernière fois, ce qui m'avait plutôt étonnée.

Personnellement, si je savais jouer d'un instrument, je me serais fait un plaisir de le faire en compagnie d'autres passionnés. Bon, on parle là du type le plus renfermé de tout l'Univers mais quand même.

Andres semble partager mon engouement. Avant que mon colocataire ne puisse protester, il l'entraîne sur la scène et lui colle la guitare électrique dans les mains.

Marco, le batteur -j'ignore comment je réussis à me souvenir de tous leurs prénoms-, lui dit quelque chose à propos de la chanson qu'ils s'apprêtaient à interpréter.

Angel acquiesce, sans pour autant se garder de me fusiller du regard. Pour toute réponse, je lève mes deux pouces en l'air puis prends place sur l'une des chaises disposées dans la pièce.

Andres échange un regard avec les membres de son groupe et saisit le micro en souriant.

Les premiers accords de piano retentissent quelques secondes plus tard.

Et bien, ils s'attaquent à un gros morceau.

Dream On de Aerosmith.

Je suis une nouvelle fois soufflée par la voix d'Andres. Il assure à mort, même sur les lignes calmes du début. Par ailleurs, mes yeux sont attirés par Angel. En dépit de sa réticence, il semble très concentré.

Ses doigts grattent les cordes avec aisance. J'ai du mal à croire qu'il connaisse autant de chansons par cœur. Je ne parviens pas à détacher mon regard de lui. Ses mèches brunes lui retombent dans les yeux tandis qu'il tape discrètement du pied en rythme.

Pas de doutes. Ce type respire la musique. Je ne comprends pas pourquoi il s'évertue à ne pas pratiquer plus souvent quelque chose qu'il aime tant.

Quand Andres atteint la fameuse highnote, j'applaudis sans m'en rendre compte. À la fin du morceau, je me lève pour les acclamer davantage.

Andres m'adresse une révérence en riant alors que le reste du groupe s'approche d'Angel pour le féliciter.

Je crois qu'ils tentent même de le convaincre de les rejoindre mais je n'ai pas l'occasion d'en voir plus car le chanteur me tire à sa suite à l'extérieur.

Comme la dernière fois, il m'emmène dans le petit bar d'à côté, me proposant de m'acheter quelque chose à grignoter et à boire. Je refuse cette deuxième option -avec un peu de mal, je confesse-, cependant, j'accepte qu'il m'offre un tamal.

Le reste du groupe ne tarde pas à nous rejoindre. Je rigole un moment avec eux tandis qu'ils commandent des cocktails. Pourtant, mon colocataire n'est pas avec eux et je n'ai pas envie qu'il me plante ici -cet enfoiré en serait parfaitement capable- . De plus, si je reste là, je risquerais de céder à l'appel de la boisson. Il est bientôt midi, ce ne serait pas raisonnable.

C'est pourquoi, je m'excuse avant de retourner vers la salle pour chercher mon ennemi mortel.

Je finis mon tamal -délicieux ce truc en passant- au moment où j'atteins la porte de la pièce.

— Tu pourrais faire des efforts pour au moins faire semblant de...

Je m'interromps lorsque je réalise qu'il est en train de jouer un nouvel air, la tête baissée vers son instrument et les paupières closes. Je l'observe en silence jusqu'à ce qu'il finisse par notifier ma présence -à nouveau grâce à ses sens surdéveloppés d'artiste torturé-.

Purple Rain ? je m'enquiers. J'adore ce morceau !

Angel dépose la guitare sur son trépied sans me répondre. Je me mords la lèvre inférieure et commence instinctivement à jouer avec l'ongle de mon pouce.

J'aurais mieux fait de me taire. Nous ne sommes pas amis. Peu importe ce que nous trafiquons. Nous ne nous apprécions pas et manifestement, il n'a aucune envie de discuter avec moi. Après tout, je le force toujours à faire des trucs qu'il ne souhaite pas faire.

— C'est ma grand-mère qui m'a instruit au piano mais c'est en entendant Prince que j'ai eu envie d'essayer la guitare.

Sa voix me surprend et je lève les yeux vers lui.

Prince, tu déconnes ? je m'esclaffe. C'est le seul artiste avec James Brown que mon père écoute. Je crois que j'entendais Purple Rain en boucle avant même d'être sortie du ventre de ma mère.

— C'est le premier solo de guitare que j'ai appris, dit-il en évitant de me regarder. Celui de près de quatre minutes à la fin.

J'hésite un court instant puis grimpe sur la petite scène. Angel daigne enfin braquer son regard dans ma direction.

Ma confiance en reprend un coup mais je le cache en m'asseyant au sol, à quelques centimètres de sa chaise.

— Est-ce que tu sais jouer d'autres trucs ? je demande, incertaine.

— Comme ?

Étonnée qu'il poursuive la conversation, je sors la première chose qui me vient en tête, craignant qu'il ne se referme si je prends trop de temps à répondre.

— Des classiques, du genre Bohemian Rhapsody ?

Angel me dévisage plusieurs secondes tandis que je tente de soutenir ses iris bruns sans flancher. Il reprend doucement l'instrument puis gratte les premiers accords à la perfection.

Prise d'une impulsion -stupide-, je me mets à chantonner le début des paroles. Cependant, ma propre médiocrité m'amuse alors je me stoppe pour pouffer, me moquant de mon manque évident de talent en terme de chant.

Une chose que j'ai dû hériter de ma mère. Au moins, je ne massacre pas le rythme. À vrai dire, ce serait assez compliqué de se tromper alors qu'Angel le joue si bien.

Ce dernier s'arrête à son tour de jouer pour m'observer en train de rire. Un miracle se produit à l'instant où les coins de sa bouche se mettent à trembler.

Cette constatation ne fait qu'accentuer mon hilarité et comme les noirs sont incapables de rire sans gigoter un peu partout, je lui tape le genou avant de pouvoir réfléchir à mon geste.

Mon rire se coince dans ma gorge quand je me confronte à son regard vissé sur ma main. Je la retire prestement de son genou, gênée.

Et à ce moment précis -je crois que la prochaine étape, c'est Jésus qui revient sur Terre-, Angel commence à rigoler.

Ce son me fait trembler de partout. Pour cause, je ne l'avais jamais entendu rire de cette manière.

Mes membres se décrispent tandis que je suis à nouveau vaincue par mon fou rire. Bientôt, nous nous retrouvons comme deux idiots, dans une salle vide, à glousser sur une petite scène ridicule.

Qui aurait cru que le rire d'Angel De Los Santos puisse être aussi beau.

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