Sativa: Feel in a Heartbeat

By lemav07

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En plus d'avoir un nom stupide, Sativa a l'impression que son existence entière n'est qu'une vaste blague. En... More

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By lemav07







Les clés m'échappent des mains au moins quatre fois avant que je ne parvienne à les insérer dans la serrure.

Je glousse toute seule en me rendant soudainement compte que le mécanisme d'une porte fonctionne un peu comme la reproduction humaine.

Je rentre dans l'appartement tout en énumérant dans ma tête d'autres exemples du genre. Une clé USB dans son port. Un téléphone et l'embout de son chargeur. La tête de ce même chargeur dans la prise.

Putain, est-ce que c'est fait exprès ou est-ce que je suis vraiment trop bourrée ?

Mon afro était splendide quand nous avons quitté chez Diego. Dorénavant, je préfère ne pas imaginer son état.

Je referme la porte comme je peux puis m'engouffre dans le couloir. Bien sûr, la porte de la chambre de Monsieur De Los Santos est fermée. Je refrène au dernier moment la pulsion qui m'ordonnait de frapper comme une folle sur cette dernière, histoire d'obtenir une réaction.

Depuis hier soir, je ne l'ai pas revu. Il doit préparer un plan sans faille pour dominer le monde. C'est la seule excuse que je trouve pour expliquer son silence. Mes pensées sont obligées de se focaliser à nouveau sur l'instant présent quand je manque de trébucher sur...

Sur rien, en fait. Je suis vraiment éclatée.

Je savais que sortir avec Diego était une mauvaise idée. Au moins, il ne s'est rien passé de plus entre nous là-bas. Il était trop occupé à envoûter une jolie petite asiatique pour me porter quelconque attention. Pour ma part, je suis restée au bar une bonne partie du début de soirée, essayant de gentiment repousser un mec d'au-moins quarante ans, complètement torché. Une fois que l'alcool l'a emporté sur ma raison -Diego a tenu sa promesse, il m'a payé tous mes shots-, j'ai dansé tout le reste de la nuit.

Jusqu'à me retrouver ici et maintenant. À trois heures du matin, ravagée par la boisson, au sol.

Attends, pourquoi est-ce que je suis au sol ? Je pensais que j'avais réussi à me rattraper ! Putain, Sativa, ça ne va vraiment pas.

Je rigole et secoue la tête. Après quoi, je tente de me relever. Mais une voix sortie des ténèbres me fige dans mon geste.

— La prochaine fois, je t'en prie, fais encore plus de bruit. Je crois que tu n'as pas réveillé les voisins du sixième.

J'hésite longuement entre simuler un coma éthylique, rester dans cette position semi-debout ou me relever entièrement. Au final, j'opte pour la dernière option. Je me rattrape sur le canapé lorsque mes jambes se mettent à tanguer.

— Cet immeuble paraît minuscule de l'extérieur, il y a vraiment six étages ? c'est l'unique question qui arrive à se frayer un chemin dans ma gorge.

Le Docteur Valdez m'a dit que ma vue a encore baissé et que je dois changer mes lunettes pour avoir une correction un peu plus forte. Je préfère me dire que c'est pour cette raison que je ne distingue pas très bien la silhouette de la personne qui me parle. Elle semble appuyée dans l'encadrement de la porte du salon, mais je n'en suis pas sûre.

— Sept étages, répond toutefois mon interlocuteur des ténèbres. Il y a sept étages dans le bâtiment. Il suffit de regarder les boutons de l'ascenseur.

— Ah oui putain, l'ascenseur ! m'écrié-je. J'ai peur des ascenseurs, je ne sais pas comment j'ai réussi à le prendre toute seule pour venir jusqu'au.., je fronce les sourcils, on est à quel étage déjà ?

Je perçois un long soupir. En voyant la silhouette se redresser, je m'attends à la voir regagner son antre, pourtant, elle s'avance vers moi. Je ne saurais dire pourquoi, mais je me mets à paniquer.

Mes pieds décident de reculer. Malheureusement, je percute l'accoudoir du canapé. En quelques secondes, je bascule en arrière, vois mes vingt-deux années de vie défiler devant moi puis atterris sur le dos.

Le visage d'Angel se détache dans l'ombre. Il s'est légèrement penché en avant pour me dévisager.

— Tu es une sacrée malade mentale toi, grogne-t-il. C'est ma veine d'être tombée sur une colocataire menteuse, curieuse et alcoolique.

J'associe le "menteuse" avec le jour où j'ai feint ne pas avoir égratigné sa voiture. Je me masse le front.

— Tu peux parler, répliqué-je sans réfléchir. Vu ce que Timothy m'a dit de toi et de ce que j'ai pu moi-même constater, je commençais à douter du fait que tu connaisses plus de dix mots en anglais.

Ne me dis pas que je viens de faire un commentaire aussi désobligeant sur le fait qu'il est uruguayen et que l'anglais n'est pas son langage maternel.

— Enfin non, je m'empresse de rajouter, ce n'est pas ce que je voulais dire. Pas dans ce sens-là. Je suis moi-même d'origine autre qu'américaine, je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. Enfin si, je sais pourquoi. Mais je ne voulais pas que ça sonne de cette manière. J'adore l'espagnol -putain Sativa, tu t'enfonces !-, mon meilleur ami est mexicain. Est-ce que tu parles espagnol ? je me mets à divaguer. J'adore quand Diego parle espagnol. C'est super sexy comme langue...

Plus.jamais.d'alcool.de.toute.ma.putain.de.vie.

Je suis à deux doigts de supplier Angel de me foutre un coup de poing, histoire que je la boucle une bonne fois pour toute. Par ailleurs, il me reluque toujours de son air impassible.

— Retire tes chaussures avant de te balader dans le reste de l'appartement, dit-il simplement. Je n'aimerai pas avoir à nettoyer le parquet à cause de tes conneries.

Et il me plante là. J'ouvre la bouche pour le rappeler, toutefois, je réalise que ça n'aurait pas de sens. Je me suis déjà suffisamment humiliée comme ça pour la soirée.

Je mets trois minutes à atteindre mes pieds, et trois autres pour réussir à les extraire de mes talons. Je fixe le plafond, attendant qu'il ne tourne plus, puis me redresse étape par étape. Finalement, je me traîne jusqu'à ma chambre. Je m'arrête dans l'encadrement de la porte un court instant et fixe celle d'Angel.

Je ne sais vraiment pas quoi penser de lui. Sera-t-il là quand je me réveillerai ?

Les larmes me montent soudainement aux yeux sans prévenir. Il doit me trouver ridicule. Il ne m'a même pas regardée dans les yeux, se contentant de me dévisager comme un gosse un peu trop insupportable.

C'est pour ça que je déteste sortir en boîte. Ça me rappelle toujours à quel point je suis une jeune femme paumée et minable, incapable d'agir en adulte. Incapable de se faire désirer par quelqu'un d'autre que des vieux darons dégueulasses. J'ai passé une partie de ma soirée à observer la piste en buvant mon énième shot.

Tous ces gens qui savent vivre, qui se rencontrent, qui n'ont pas peur de foirer au moindre pas, qui goûtent à quelque chose de beau.

Je retiens mon geste. Hors de question d'aller m'excuser maintenant, il risquerait de me trouver encore plus stupide. Même si je me sens basculer à nouveau dans ma tête et que n'importe quel ancrage serait le bienvenu.

Je me précipite dans ma chambre, ferme la porte derrière moi avant de m'affaler sur le matelas.

Je déteste lorsque j'ai l'alcool triste.

Je pense à appeler Diego, parce qu'il sait toujours me faire rire avec ses remarques idiotes, par ailleurs, au moment où il s'est assuré que j'avais pris mon Uber, il m'a prévenue qu'il rentrerait avec sa petit asiatique. Il doit être très occupé actuellement.

Cette idée me remet un coup à l'estomac. Bien sûr. Notre "jeu" de cet après-midi ne lui a pas suffi. Parce que je suis aussi incapable de suffire à qui que ce soit.

J'enfonce ma tête dans l'oreiller, dans l'espoir d'étouffer toutes ces affreuses pensées.

J'ai besoin de sommeil. Et de trois cents ans de sobriété.

***

J'émerge réellement à quatorze heures. Je me suis réveillée une première fois à onze heures mais je n'ai pas trouvé la force de m'extirper du lit. Après quoi, je me suis rendormie. Jusqu'à maintenant.

J'attrape mes lunettes sur la table de chevet sans ouvrir les yeux puis souffle un grand coup. Je n'ai pas trop mal à la tête -j'ai plutôt un bon métabolisme, il m'évite des gueules de bois trop intenses-, cependant, les événements de la veille me reviennent petit à petit en tête, de mon dérapage avec Diego à ma discussion minable avec Angel.

En plus, je crois que ma mère voulait que je l'accompagne à l'église ce matin.

Je soupire avant d'obliger mon corps à se lever. Je prends mon téléphone au passage et file vers le salon.

Effectivement, ma mère m'a envoyé un message à dix-heures pour me dire qu'elle était très peinée que je ne l'ai pas prévenue que je ne viendrai à la messe de huit heures et demie.

Je lève les yeux au ciel face au côté mélodramatique de ses paroles. Elle est toujours dans l'abus. Toutefois, je tape des excuses qui, je l'espère, auront l'air assez sincères pour elle. En relevant le regard, je ne m'attendais pas à voir la télévision allumée. Et encore moins à apercevoir une chevelure brune attachée en petit chignon bas dépasser du canapé.

Cette vision me ramène à ma propre tête. J'ai dormi sans faire de coiffure protectrice, je dois faire peur. Je marche à reculons vers ma chambre, priant pour qu'il ne m'ait pas entendue. Une fois là-bas, je constate le désastre dans le miroir, attrape un élastique et noue mes cheveux comme je peux. Ce sera toujours mieux que la catastrophe de tout à l'heure.

Je retourne dans la pièce à vivre et feins d'y arriver pour la première fois.

Est-ce que je suis censée lui dire bonjour ?

Angel ne regarde pas l'émission qui passe sur l'écran, trop concentré sur celui de son téléphone. Alors il en possède un. Lui qui est introuvable sur tous les réseaux sociaux, j'aurais presque cru qu'il communiquait encore par pigeon voyageur.

— J'ai mis ton déjeuner au micro-ondes, sa voix me fait sursauter.

— Mon quoi ? demandé-je quelques secondes plus tard.

Il ne prend pas la peine de quitter son portable des yeux.

— Ton déjeuner. À moins que tu ne préfères manger des céréales. Mais vu l'heure, j'en doute. J'ai fait du riz au curry et je t'en ai laissé une assiette.

Je hausse les sourcils malgré moi. Il m'a laissé une assiette ? Est-ce que je suis toujours en train de rêver ?

Je déglutis et le remercie faiblement en me dirigeant vers ledit micro-ondes. Je vérifie qu'il renferme bien un plat, encore abasourdie que mon colocataire ait pensé à moi. Comme je constate qu'il n'a pas menti, je programme le minuteur puis reste debout auprès du comptoir, sans savoir quoi faire ou quoi dire.

Le silence est lourd. Du moins, pour moi. Angel n'a pas l'air de s'en soucier, toujours occupé à pianoter sur son téléphone. La sonnerie stridente du micro-ondes m'oblige à sortir de mon mutisme. Je veille à ne pas me brûler, cherche quelques secondes le tiroir des couverts puis finis par m'asseoir sur le tabouret de l'îlot central.

Je joue avec les grains de riz. Peut-être qu'il les a empoisonnés. Après tout, j'ai rayé sa voiture et je l'ai presque insulté il y a moins de quinze heures. Je me gifle mentalement et amène ma fourchette à ma bouche.

C'est vraiment pas mauvais, putain.

Lorsque je trouve le courage de lui parler, la moitié de mon assiette est vide.

— Je m'excuse.., soufflé-je. Pour hier soir. Enfin, ce n'était pas vraiment hier mais.., bref, je suis désolée. Ce que j'ai dit était déplacé.

Le jeune homme prend un long moment avant de lever la tête vers moi. Ni son attitude, ni son expression ne me permettent de deviner ce qu'il pense.

— Pour être honnête, commence-t-il, ça ne m'a fait ni chaud ni froid. Mais c'est assez mature de prendre la peine de t'excuser. Je ne m'attendais pas à tant de la part d'une fille qui ne connaît pas ses limites face à l'alcool.

Je fronce les sourcils. Ce type est indescriptible. Je n'arrive pas à savoir si sa réponse était une pique ou non. Son ton plat ne traduit rien. J'avale une autre bouchée de riz, histoire de laisser du temps à mon cerveau afin qu'il trouve quelque chose à dire.

— Tu aurais pu te contenter d'un "j'accepte tes excuses", raillé-je finalement.

Angel s'est déjà remis à taper sur son écran. À qui est-ce qu'il parle comme ça ?

— C'est bien ce que je pensais, sa voix demeure très calme.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? répliqué-je au quart de tour.

Le jeune homme se lève du canapé. Je sursaute. Je m'attends à le voir venir me frapper ou une dinguerie du genre, pourtant, il ne m'accorde même pas un regard et ouvre le frigo.

— Tu as l'habitude que les gens te pardonnent tout de suite tes dérapages, Angel pioche une canette puis referme la porte du réfrigérateur. Comme une enfant pourrie gâtée.

Ses yeux se posent enfin sur moi tandis que je grimace. Il se prend pour qui Monsieur De Los Santos ? Il ne me connaît même pas.

Par ailleurs, mes mots cinglants meurent dans ma gorge quand je réalise qu'il porte un débardeur blanc qui s'accorde parfaitement avec son teint plus sombre. Ses deux bras sont tatoués -bien sûr, il a fallu que Monsieur tombe dans ce cliché-. Je distingue plusieurs motifs entrelacés, quelques mots en vrac. Le tout s'accorde à merveille. Toutefois, c'est le dessin sur son bras gauche qui retient mon attention.

Un peu plus bas que son épaule, l'encre noire prend la forme d'un homme aux ailes d'ange légèrement recourbées vers le haut. Certaines des plumes de ces dernières flottent autour de lui. Le tatouage est entouré de plusieurs autres mais il est de loin le plus voyant. Et le plus beau.

J'ai déjà vu ce tableau.

"The Fall Of Icarus".

Je ne sais plus si l'Icare originel avait des ailes d'ange, cependant, il semble encore plus majestueux de cette manière. On pourrait le confondre avec une image de Lucifer lorsqu'il est chassé du ciel.

Un type du nom d'Angel qui s'est tatoué une image évoquant un ange déchu, j'ignore si je trouve ça poétique ou ridicule.

— T'as perdu ta langue ?

Je suis brusquement extirpée de mes réflexions par sa question ironique. Quelle idiote, il a dû remarquer la façon dont je l'ai reluqué. Le contraire aurait été plutôt étonnant, compte tenu du fait que j'ai dû le faire pendant plus d'une minute alors que nous étions en pleine conversation.

— Pas du tout, je fais semblant de le fusiller du regard, j'ai juste entendu dire que l'ignorance était la meilleure des réponses face à un idiot.

Un miracle se produit quand je crois voir un petit sourire moqueur se dessiner sur ses lèvres. Par ailleurs, il se détourne tellement vite que je n'ai pas le temps de confirmer mes doutes. En quittant le salon, il s'adresse une dernière fois à moi.

— Le peu de voisins qui habitent dans cet immeuble ont entendu dire qu'une nouvelle personne venait d'aménager -j'imagine qu'il fait référence à mon arrivée à moi-. Ils sont très solidaires entre eux. Ils organisent une soirée tango ce soir et ils aimeraient te rencontrer par la même occasion, Angel jette un bref coup d'œil par dessus son épaule pour me regarder. On partira vers dix-neuf heures.

Il ne me laisse pas l'opportunité de répliquer car il ferme la porte de sa chambre. Je suis tentée d'aller la rouvrir comme l'hystérique que je peux être, mais je préfère m'abstenir.

Une soirée tango ? Dans quel immeuble de fous suis-je encore tombée ?

Et puis il se prend pour qui à me donner des ordres comme ça ?

Il m'agace. Pourtant, en repensant à mon manège d'hier soir, je me rends compte que je le mérite peut-être. Je termine mon repas en silence, contrariée que ce soit toujours aussi bon alors que je méprise un peu celui qui l'a préparé. Je lave mon assiette puis file à mon tour dans ma chambre.

Une boule s'est logée dans mon ventre depuis qu'il a mentionné la rencontre de nouvelles personnes. Parfois, je me soupçonne d'être un peu asociale.

En voyant l'état de mes cheveux dans le miroir, je commence à jouer machinalement avec l'ongle de mon pouce.

Je ne sais pas encore si je compte l'accompagner -bien que son ton implacable ne laissait pas à penser que j'aurais le choix-, cependant je dois faire quelque chose pour sauver ce carnage. Habituellement, je n'aurais jamais infligé ça à mes cheveux, j'ai passé des années à les chouchouter après avoir fait n'importe quoi avec eux durant mon lycée.

Je me donne deux tapes sur les joues puis rentre dans ma salle de bains. J'ai l'esprit en vrac. Il faut que je me ressaisisse. Je ne dois pas tout foirer. Mon père m'a donné quatre mois. Je vais lui prouver que j'en suis capable.

Pour une fois dans ma vie, je serai à la hauteur.

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