"Le moment est arrivé. Celui pour lequel tu es né, celui que tu as choisi. Sois forte, sois fière. N'oublie pas que les étoiles et l'univers entier tremblent sous tes pas."
MM
J'avais formellement demandé à Ava de me laisser seule. Je lui avais simplement demandé de m'acheter certains produits ce matin ; dont de l'huile d'Arsox. Elle m'avait regardé d'un drôle air, mais n'avait rien ajouté. Peu importait. Elle pouvait bien raconter ce qu'elle voulait, bientôt tout cela n'aurait plus aucune importance.
Mes mains tremblaient, mais j'étais sûre de moi, comme jamais je l'avais été.
Trop de gens étaient morts par ma faute. Je ne le supportais plus. Pourquoi ma vie vaudrait-elle plus que la leur ?
Je posai les mains sur mon ventre.
-Pardonne-moi, mon bébé... Un jour, tu comprendras que je devais le faire. Un jour, tu seras fier de ta maman.
Il me restait trois heures avant le début du bal. Trois heures pour redevenir celle que j'étais.
Debout devant le miroir de la salle d'eau, je contemplai une dernière fois Lévana Sildek. La fille que je n'avais jamais été et que je ne serai jamais plus.
Lentement, je pris l'huile d'Arsox et l'étalai sur mes longs cheveux. Bientôt, pas une seule de mes mèches n'en était pas couverte. Puis je l'appliquais sur mon visage, mon cou. Et je me plongeai dans la baignoire.
L'huile d'Arsox, faite du même arbre que la gomme, était la seule manière d'enlever la matière qui avait modelé mes traits et caché la marque des Malkam sur mon cou. Elle avait de nombreuses vertus ; dont celle de rendre aux cheveux leur couleur d'origine. On l'appelait souvent l'huile de vérité, elle faisait disparaitre tout artifice, toute personne qui aurait masqué ou changé les traits de son visage.
L'arbre et la gomme dont elle était issue ont été créés en laboratoire il y a bien longtemps. Dans la Tour la gomme est à la base d'une technologie de pointe pour remodeler entièrement des visages : la gomme était intelligente, elle s'adaptait à la forme et aux mouvements du visage d'une façon impressionnante. En Bas, elle restait exceptionnelle, mais pas autant que là d'où je viens. Dans la Tour, un tout autre procédé aurait été utilisé pour enlever la gomme de mon visage, mais ici, je devais faire plus simple.
Je restais une bonne demi-heure à enlever doucement tout résidu de la gomme, même si ce n'était pas aussi parfait que prévu.
Mon cerveau tournait à toute allure, mon cœur battait de plus en plus vite. J'avais peur de sortir, de me voir dans le miroir.
D'un mouvement vif, je retirai mes lentilles rouges.
Je sortis du bassin, ruisselante.
Avec un mélange de crainte et d'euphorie, je me plantai devant le miroir. Je fondis instantanément en larmes.
Era Eléazar.
Qu'il était étrange de mettre à nouveau ce nom sur mon visage, ce visage d'une effrayante perfection qui me fixait, plein de larmes.
Je ne me souvenais plus que mes yeux violets brillaient avec autant d'éclat et qu'ils étaient si étonnants. J'avais oublié à quel point mes cheveux rayonnaient comme un petit soleil autour de ma tête. J'avais presque oublié la blancheur d'albâtre de ma peau, mes pommettes hautes, mes sourcils parfaits, mon nez droit... j'avais presque oublié l'encre noire des Malkam sur la peau de mon cou.
Je coiffai lentement mes cheveux. Je souris en les voyant reprendre leur tendre ondulation. La couleur noire les avait alourdis, les rendant plus lisses au cours de mon séjour En Bas. Leurs ondulations m'avaient manqué, leur texture aussi.
Je les attachais au sommet de mon crâne, enfilai une longue robe couleur ivoire et laissai tomber un fin voile blanc du sommet de ma tête à ma poitrine. Il était assez fin pour qu'on me reconnaisse, mais pas assez pour que l'on comprenne qu'ils avaient face à eux Era Eléazar. Mes cheveux, cachés par un fin foulard nacré, ne laissaient rien deviner de leur blondeur spectaculaire.
J'étais presque prête. Je glissai dans mon décolleté un fin objet noir. Le biper qu'Ayaan avait donné à Seth à Narda. J'avais l'impression que c'était il y a des siècles... Il ne m'avait pas été difficile de le retrouver, Seth le gardait dans un petit coffre qui contenait quelques autres objets de valeur. Il ne s'apercevrait de rien, puisque je lui avais volé il y a quelques minutes à peine.
Seth était prêt pour le bal des Saren depuis quelques heures déjà. Il avait enchainé depuis les rendez-vous avec des ambassadeurs et représentants politiques, il ne reviendrait pas directement dans la chambre. Dès que j'aurai quitté la pièce, dans quelques minutes, les domestiques iront amener les bagages sur le navire. Et nous les rejoindrons le plus tôt possible.
Lorsque je fus enfin prête, je sortis de nos appartements, où Seth m'attendait.
Il me sourit.
-Tu n'es pas obligé de dire que je suis magnifique, fis-je d'un ton mielleux. Je le sais déjà.
Il éclata de rire.
-Pourquoi cela ne m'étonne pas ?
Je lui rendis son sourire. Essayant d'oublier le nœud qui se formait dans mon estomac et mon cœur qui se brisait déjà un petit peu.
-Pourquoi ce voile ? fit-il en caressant mon visage du bout du pouce.
Je serrai sa main dans la mienne.
-En signe de deuil.
Il haussa un sourcil interrogateur. Lui était vêtu de vert où de fines bandes argentées s'entrelaçaient.
-Le blanc nacré est couleur de deuil dans la Tour ? s'étonna Seth. Je ne le savais pas.
-Non, c'est le noir. Mais j'ai décidé de faire différemment. Ce qui s'est passé à Amidror...
Il posa un doigt a l'endroit où se trouvaient mes lèvres.
-N'y pense plus. Ce qui est fait est fait. Rien ne sert de s'infliger plus de tourments, d'autres nous attendent encore.
Il ne croyait pas si bien dire...
-Et toi ? demandai-je d'une toute petite voix. Comment vis-tu tout ça ?
Il eut un petit sourire triste.
-Comme un futur roi doit le vivre. Une guerre terrible approche, Lévana, je me dois d'être complètement lucide. Je ne peux pas laisser mes sentiments polluer mon esprit et mes actes.
-C'est stupide.
Il déposa un baiser sur mes lèvres à travers le voile
-Peu de personnes pensent comme toi, Lévana. Et c'est bien pour ça que je t'aime.
-Tu seras un roi stupide, alors ? le taquinai-je.
Il rit.
-Pas tant que tu seras à mes côtés pour me le rappeler.
Je me figeai.
-Tu n'as pas besoin de moi pour être un bon roi. Tu l'es déjà.
-Je ne suis pas d'accord. Tu feras une reine exceptionnelle.
Je le regardai, surprise.
-Je ne veux pas être reine.
Il eut un sourire en coin.
-Je pensais bien que tu me répondrais quelque chose dans ce genre. C'est à toi de décider, tu ne veux pas être reine ? Très bien, tu ne le seras pas.
-De toute façon, jamais ton peuple ne m'acceptera comme souveraine. Je reste une étrangère, une Ivoirienne.
-Je ne comptais pas leur demander leur avis. J'ai passé ma vie à faire ce qu'on me demandait, à apprendre pour devenir le meilleur roi possible. Je t'aime, Lévana. Sur ça, je ne laisserai personne me dicter ma conduite.
-Tu es fou, soufflai-je. Cela risquerait d'embraser le monde.
-C'est déjà fait, je te rappelle, nous avons déjà annoncé nos fiançailles.
-Oui, mais c'était un mensonge ! m'exclamai-je.
-Lévana, ouvre les yeux. Le monde est en train d'imploser, ce n'est pas un mariage qui fera tout s'écrouler.
-Non, mais cela fera trembler toutes les fondations.
-Peu m'importe.
Son visage était à quelques centimètres du mien. Pourquoi me disait-il tout ça maintenant ? Pourquoi ?
-Si je te le demandais vraiment, Lévana, accepterais-tu de m'épouser ?
Son visage à la fois serein et passionné rayonnait. Dans ses yeux dansaient mille promesses.
-Je te l'ai dit : je ne veux pas être reine.
Il secoua la tête.
-Je ne te parle pas de devenir reine. Je te parle de lier ta vie à la mienne.
Son souffle chaud me chatouillait le visage. J'avais envie de l'embrasser et de le serrer dans mes bras. J'avais envie de lui dire oui, mille fois oui. Mais je me forçai à le repousser.
-Tu sais très bien ce que je ressens pour toi, et tu sais très bien que c'est impossible.
-Dis-moi simplement ce que tu ressens, dis-moi ce que tu ferais si tout était possible.
Je ne répondis rien. Imaginer tout ce qui aurait pu être était bien trop douloureux.
-Tu avais un jour parlé d'amour interdit, continua-t-il. T'en souviens-tu ?
-Oui.
-C'est vraiment ce que tu penses ?
-Oui.
-Alors je peux te dire que l'amour surpasse tout. Même les interdits.
-Ce n'est jamais aussi simple, chuchotai-je.
-Tu as qualifié notre relation d'amour, souffla-t-il. Je refuse de renoncer à toi.
-Tu ne sais pas qui je suis. Je ne suis pas là personne que tu crois.
-Peu m'importe, me coupa-t-il. Lévana, je t'aime. Je t'aime depuis le jour où je t'ai vu admiré le ciel étoilé. J'ai vu une partie de ton âme, ce jour-là, j'ai vu la personne merveilleuse qui se cachait sous ton arrogance et ton assurance à toute épreuve. Je t'aime, et je ne supporte plus d'être éloigné de toi.
-Tais-toi, le suppliai-je.
Mais ma voix était douce, tendre. Ces mots étaient merveilleux, puissants... destructeurs.
-Dis-moi que mon sentiment est à sens unique. Que tu ne ressens rien pour moi.
-Je ne ressens rien pour toi, lui répondis-je.
-Tu mens, dit-il après quelques minutes de silence. Tu as peur, Lévana. Laisse-nous une chance. Laisse-moi t'aimer.
Je fermai les yeux.
Qu'est-ce que je risquerai à laisser parler mes sentiments ? De toute façon, tout prendrait bientôt fin. Mon cœur se serra douloureusement. Malgré mes résolutions, je ne voulais pas perdre Seth. Finalement, je lui ouvris mon cœur.
-Je t'aime, Seth Sarkis, soufflai-je, en prenant son visage entre mes mains tremblantes. Je n'ai jamais aimé quiconque avant toi. Je pensais... je pensais savoir ce que c'était l'amour, je me suis trompée. Te perdre m'anéantirait. Perde ton amour me tuerait.
-Tu ne perdras jamais mon amour.
Il posa son front contre le mien.
Que j'aurais aimé le croire...
Je gravai cet instant dans mon esprit. Dans les moments sombres, je me raccrocherai à ce souvenir, ce moment magique et hors du temps. Je me raccrocherai à Seth.
-Je t'aime Lévana Sildek.
Je ne suis pas Lévana Sildek, avais-je envie de lui crier.
-Mais tu sais bien que tout cela n'est pas possible...murmurai-je.
-Je sais...
Sa voix était emplie de chagrin et de douleur.
-Il est temps d'y aller, fit soudain une voix dure derrière nous.
Myriam et Clara, vêtue de magnifiques robes vertes, dos nu pour Clara et fendu à la cuisse pour Myriam, étaient sorties de leur appartement et nous attendaient à quelques pas de là. Ma grand-mère, vêtue d'une robe vert clair en satin, les rejoignit également.
Je pris une profonde inspiration et plantai mon regard dans celui de Seth.
-Allons-y.
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Bonjour à tous !
L'histoire s'accélère à présent et prend un tout autre tournant vous l'avez compris ! 😁
Alors, que pensez-vous de ce chapitre et de la décision que semble vouloir prendre Era ? Que va t'il se passer d'après vous ?
À bientôt mes chers Ivoiriens,
Marie
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