Prince

By je-serais-libre

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Un royaume. Une religion. Un pantin. Anthony est parfait. Denis est gay. A quel point peut-on changer un homm... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16

Chapitre 9

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By je-serais-libre

Denis se réveille les yeux bouffis et douloureux. Il hésite avant de se lever, mais constate que le prince dort encore. Il sort le plus silencieusement possible et descend. Le jour est étonnamment avancé,habituellement, le paysan se lève à l'aube, mais le soleil est bien haut dans le ciel et chauffe déjà son visage. Harry s'approche de lui en lui faisant un petit signe que Denis lui rend, un peu gêné.Le brunet demande des nouvelles au paysan qui s'excuse encore pour la veille. Harry rit.

"Ce n'est rien, vraiment. Ma sœur faisait aussi des crises d'angoisse après avoir été violée."

Le jeune homme affiche une expression de profonde tristesse qui pousse Denis à demander.

"Que lui est-il arrivé ?"

"Elle... S'est donnée la mort. Il y a quelques années."

Denis pose une main réconfortante sur l'épaule de son acolyte. Ils se taisent,partageant un petit moment d'amitié interrompu par la voix d'Anthony derrière eux.

"Denis ?"

Le concerné sursaute et se retourne en enlevant vivement sa main. Harry sourit et s'éclipse en les saluant, Denis se sent mal par rapport à ce qu'il a dit la veille, mais Anthony lui sourit.

"Veux-tu manger ou préfères-tu que nous partions ?"

Le blond sourit timidement.

"Partons."

Sur ces mots,ils prennent leurs affaires en silence et quittent le village pour continuer leur route. Ils restent silencieux de longues minutes,jusqu'à ce que Denis prenne la parole sans oser regarder le prince.

"Je suis désolé pour hier."

Anthony secoue la tête.

"Non, ce n'est rien, je comprends."

"J'étais fatigué, mais je n'aurais pas dû m'en prendre à toi."

Le prince sourit tendrement.

"Ce n'est rien", répète-t-il avant que le silence ne s'installe de nouveau. Denis cherche longuement un sujet de conversation avant d'abandonner dans un soupire.

Au palais, Ali entre dans la chambre préparée pour sa maîtresse. Cette dernière y est entrée en cachette peu de temps avant et est donc levée, ce qui est rare. La suivante trouve étrange de trouver Emily presque dénudé, les cheveux emmêlés à l'extrême, mais le lit parfaitement fait. Emily toussote, gênée quand Ali lui en fait la remarque et tente de cacher son visage rubicond, mais la jeune fille découvre bien vite en soulevant ses cheveux des traces de morsures ainsi que des marques de suçons. Elle soupire et les montre à la marquise à travers le miroir.

"Devrions-nous les cacher ?"

Emily rougit et après une longue hésitation due à un débat intérieur entre sa raison et l'envie de voir la réaction de Daisy, elle finit par hocher la tête.

"La princesse vous prête une robe, souhaitez-vous la porter ?"

La marquise souffle.

"Oui, apporte-la."

Ali apporte ladite robe et aide Emily à s'en habiller. La jeune femme se pare d'abord d'un corset qui fait ressortir ses seins et affine abusivement sa taille, puis elle revêtit le tissu bleu clair. La robe possède des manches bouffantes et une jupe plissée, Emily la trouve magnifique. La jeune femme apporte un soin particulier à sa toilette l'obligeant à ne sortir que de longues heures plus tard pour rencontrer de nouveau la princesse. Ali en profite pour retrouver Emmy avec qui elle a sympathisé la veille. Selon la jeune femme, Daisy était dans le même état que la marquise lorsque la domestique est arrivée. Grâce à la complicité de sa nouvelle amie, Emmy s'éclipse pour se rendre aux cuisines où elle vole discrètement quelques gâteaux destinés au thé de la princesse,puis elle entre de se dirige vers sa chambre en riant. Dans un croisement elle se cogne contre une armure. Emmy relève la tête en s'excusant et découvre face à elle l'un des gardes possédant la pire réputation, Édouard. L'homme aux cheveux gras sourit en apercevant la petite souris tombée dans ses bras, ce qui fait trembler cette dernière qui cache ses biscuits.

"Où cours-tu ainsi, petite ?"

"Je retourne dans mes appartements pour y chercher quelque chose que j'ai oublié, Monsieur."

"Et si nous faisions quelque chose de plus intéressant, tous les deux ?"

Le garde s'approche et coince la jeune fille contre le mur en pierre.

"Je-je suis pressée, Monsieur."

"J'aime que tu m'appelles Monsieur."

Susurre l'homme dans son oreille avant de lui lécher la joue. Emmy frissonne et serre les gâteaux dans ses petites mains. Édouard commence à soulever la robe miteuse que porte la jeune fille qui gigote pour l'en empêcher. Un bruit se fait entendre, attirant l'attention du garde, Emmy en profite pour se dégager et se met à courir dans les couloirs. Elle monte rapidement tous les escaliers menant aux quartiers des domestiques et entre en trombe dans sa chambre. Amaury se relève d'un bond, surpris.

"Emmy ? Que fais-tu ici ?"

Essoufflée, la jeune fille se laisse tomber en tremblant. Le valet se lève du lit et s'accroupit devant elle.

"Que s'est-il passé ?"

Emmy plonge son visage dans le torse nu d'Amaury et expire lentement.

"Tu connais Édouard ? Je l'ai croisé dans un couloir, j'ai vraiment cru ne pas pouvoir m'échapper."

Amaury se tend et répond d'une voix grave de colère.

"Que t'a-t-il fait ?"

"Il n'a pas eu le temps de faire grand-chose, mais cet homme est un pervers."

Emmy recommence à trembler. Amaury se redresse et pose sa main sur la poignée de la porte.

"Que fais-tu ? Tu ne peux pas sortir, les gens te pensent mort !"

Emmy lui attrape le poignet pour le retenir, lui étalant de la crème sur le bras. Amaury se fige face à la texture collante.

"Qu'est-ce ?"

La jeune fille retire sa main et présente les gâteaux qu'elle a dérobé avec un grand sourire.

"Je voulais qu'on les mange ensemble."

Immédiatement,Amaury s'apaise et sourit. Il ébouriffe les cheveux de la servante et s'assoit sur le lit en grignotant un bout.

"C'est sucré."

Emmy sourit et s'installe à côté de lui. Ils dégustent les pâtisseries pendant quelques minutes avant que la jeune servante ne doive retourner à son poste. Amaury lui intime de faire attention avec une mine si inquiète qu'Emmy ne peut s'empêcher de le lui promettre en embrassant sa joue, puis elle quitte hâtivement la pièce en rougissant. Elle rejoint au plus vite Ali et s'empresse de tout lui raconter. Son amie remarque avec quel engouement la jeune femme parle d'Amaury et demande en souriant.

"Il y a quelque chose entre vous deux ?"

Emmy rougit, puis affiche une mine triste.

"Il ne me verra jamais comme une femme. Pour lui je suis sûrement quelque chose comme une jeune sœur."

"Mais il s'est mis en colère pour toi !"

Emmy secoue la tête.

"Une enfant je te dis, rien de plus. A ses yeux, cette action n'avait rien de romantique."

Ali se renfrogne.

"Et bien c'est un idiot. Certes tu es jeune, mais tu es une adulte maintenant,une très belle adulte d'ailleurs. Combien d'années avez-vous d'écart ?"

"Je ne sais pas parfaitement compter, mais j'ai dix-neuf ans, et lui en a vingt-sept."

Ali réfléchit quelques longues secondes.

"Ce n'est pas tant que ça ! Je suis sûre qu'il le remarquera très vite !"

Emmy sourit.

"Merci, Ali."

Les deux femmes sont interrompues par la sortie brusque de la marquise. Elle jette un regard rapide à Ali qui s'empresse de la suivre.

"Nous rentrons, le carrosse est-il prêt ?"

La domestique salue son amie et part préparer leur départ. Emmy entre dans la pièce et y trouve la princesse se tenant la tête dans les mains.

"Tout va bien votre Altesse ?"

Daisy rit amèrement.

"Je crois que je viens de ma faire rejeter pour la première fois de ma vie."

Emmy s'approche et la princesse lui explique.

"Nous avons discuté, et il semble que nous n'avions pas la même vision des événements de cette nuit. J'ai voulu lui montrer mon attachement, mais à ces yeux je n'étais... Qu'une aventure sans lendemain."

La domestique pose sa main sur l'épaule de la princesse.

"Vous aimez la marquise ?"

Daisy soupire.

"Comment ne le pourrais-je pas après tout ce temps passé en sa compagnie ?Tu ignores toutes ces adorables petites manies qu'elle possède.Lorsqu'elle fait face à un problème, elle se mordille la lèvre inférieure, et quand elle en trouve la solution ses yeux se mettent à pétiller. Quand elle est fatiguée elle frotte doucement ses yeux, comme une enfant mais elle a énormément d'énergie en général, elle ne reste jamais assise très longtemps. Et quand elle est excitée elle devient toute tremblante, c'est adorable. Oh Emmy,oui je l'aime, mais il semble que ce ne soit pas son cas, elle me l'a bien fait comprendre. Elle n'a eu de cesse d'utiliser mon titre pour me parler, et elle a qualifié notre nuit d'heureuse erreur."

La princesse se laisse tomber sur la table, Emmy replace une mèche de ses longs cheveux.

"Allons,vous pouvez toujours essayer de la séduire, princesse. Continuez de l'inviter et soyez charmante comme vous l'êtes toujours, la marquise ne pourra que follement tomber amoureuse de vous."

"Est-ce là la manière grâce à laquelle tu as trouvé ton amant, Emmy ?"

La jeune femme rosie.

"Mon amant comme vous venez de le nommer ne me rendra jamais mon amour, peu importe à quel point je peux essayer."

Daisy se redresse et prend les mains de la jeune femme.

"Ne dis pas cela ! J'ai une idée, je vais t'aider. Je vais te prêter du maquillage et je te ferai faire de belles robes pour que tu puisses faire tomber l'élu de ton cœur sous ton charme."

"Je-je ne peux pas accepter, princesse ! Vous m'avez déjà offert tant de poudres, je ne peux accepter plus de votre générosité."

"Mais si, en échange tu m'aideras à créer les thés les plus romantiques pour les jours où Emily vient au palais."

"P-princesse..."

"Je jouerai la princesse capricieuse pour justifier que je te fasse de nouvelles tenues, j'expliquerai que j'en avais assez de te voir dans un habit aussi laid."

Emmy hésite.

"Princesse, je suis inquiète."

"Il n'y aucune raison que quoique ce soit ne se passe mal."

La jeune fille reste troublée, et Daisy remarque que quelque chose n'est pas normal.

"Y a-t-il quelque chose dont je ne suis pas au courant ?"

"Ce-ce n'est rien de grave, princesse, mais il y a un homme dans la garde qui a la réputation de s'en prendre aux domestiques, et tout à l'heure déjà..."

Emmy pince ses lèvres et ce mis à trembler, elle prend une grande respiration.

"Alors si je porte des robes encore plus... Révélatrices, j'ai peur de ce qu'il pourrait me faire."

La princesse affiche une expression sérieuse de colère glaciale.

"Qui est cet homme ?"

"Je ne suis pas sûre que ce soit une chose dont vous devriez vous occuper, Altesse, ce n'est rien de grave après tout."

Daisy serre les mains d'Emmy dans un geste rassurant.

"Si cet homme te menace de quelque manière que ce soit, cette affaire me concerne. Tu es ma précieuse suivante, je n'accepterai pas que quoique ce soit ne t'arrive. Donne-moi son nom, je l'enverrai à la recherche de mon frère."

"Il se nomme Édouard, votre Altesse."

"Maintenant que ce problème est réglé, accepteras-tu mon idée ?"

Emmy sourit.

"Bien évidemment princesse. Je vous remercie infiniment."

Alors que le silence règne encore entre eux, Anthony s'arrête sans prévenir sur le bord du chemin, regardant le sol. Denis le regarde se pencher avec un sourire pour cueillir une jonquille. Il se redresse et la tend au paysan.

"Elle a la même couleur que tes cheveux."

Denis l'attrape maladroitement et se laisse dépasser alors qu'il rougit furieusement. Il sert la jonquille dans sa main en respirant doucement puis rattrape son ami. Les deux compagnons discutent enfin joyeusement tout le long du chemin. Les semaines passent, les villages changent. Bientôt trois mois que Denis cache le prince dans les bosquets à l'approche de chevaux, si bien que le prince se cache à présent de lui-même pour fuir ceux qui le cherchent. Ils croisent quelques brigands, mais Denis s'est beaucoup amélioré dans le maniement de sa dague, alors les bandits sont rapidement mis en déroute. Anthony sourit.

"Tu dois maintenant être au même niveau qu'un chevalier."

"Dans ce cas, je te dépasserai bientôt !"

"Je n'en doute pas."

Le paysan hésite.

"Mais ma position n'est pas exactement comme la tienne, tu vas encore devoir m'apprendre."

Il détourne le regard.

"Je trouve ta position très bien."

"Mais non ! Regarde, je me place toujours comme ça, alors que toi tu fais un truc bizarre, là, et..."

Denis se met à imiter le prince en donnant des coups dans le vide, Anthony pouffe puis rit et s'approche du paysan qui s'est figé alors qu'il tranchait l'air. Le prince pose ses mains sur la taille de Denis et le fait pivoter en soufflant près de son oreille.

"Fait attention à ton pied d'appui ou tu risques de tomber. Et soit plus souple dans ton mouvement."

Il fait doucement bouger le bras du paysan qui tente vainement de compter les grains d'herbes.

"Tes muscles vont éclater si tu es aussi tendu."

Le prince rit et s'écarte alors que Denis se redresse en marmonnant.

"Je ne suis pas tendu comme ça en combat."

"Pardon ?"

Denis affiche un grand sourire.

"Rien, je n'ai rien dit. Avançons."

La journée avance encore sans qu'aucun village n'apparaissent à l'horizon,alors à la nuit tombée, les deux voyageurs cherchent un coin d'herbe où ils pourraient s'allonger, heureusement, la terre est un peu moins aride que celles de quelques villages où ils ont pu s'arrêter auparavant. Denis s'enroule dans sa cape et s'allonge sur le sol en prenant ses vêtements de rechange comme oreiller, mais le vent s'insinue jusque dans sa chair et le paysan se met à frissonner. Un bras s'enroule timidement autour de lui, Denis se tend. Le prince le serre contre lui et peu à peu le froid se fait moins sentir. Le paysan se détend et se tourne vers Anthony pour se blottir contre lui.

"C'est plus agréable ainsi, non ?", murmure le prince.

Denis hoche la tête en signe d'approbation, puis il plonge doucement dans le sommeil. Il rêve être allongé dans un champ de jonquille, entouré d'une douce chaleur. Il est réveillé vers minuit par Anthony pour qu'il monte la garde. Le jeune blond a des difficultés à reste réveillé, ainsi allongé dans les bras du prince, alors il se tourne légèrement et observe les étoiles. Celles-ci brillent de mille feux magnifiques et grandioses. Elles lui semblent à la fois si lointaines et si proches qu'il se perd entre deux constellations jusqu'à ce qu'un bruit le tire de son demi sommeil. Il se redresse doucement pour ne pas réveiller Anthony et pose sa main sur sa dague. Il n'aperçoit d'abord aucun mouvement dans les alentours,mais il sent peu à peu une présence se rapprocher. Sa présomption se confirme lorsqu'il entend un froissement de l'herbe derrière lui.Il se lève d'un bond, parant de justesse la lame assassine d'un bandit dont les compagnons se dévoilent rapidement. Réveillé par l'agitation, Anthony se joint rapidement au combat, mais ils sont encerclés et submergés par le nombre. Denis trébuche et s'effondre, échappant à peine au fer ennemi et sauvé par l'épée du prince. Il se redresse alors qu'Anthony le charrie.

"Je te l'avais dit, si tu n'as pas d'appuis solides, tu tomberas"

"J'avais un peu de mal à me concentrer quand tu me l'as expliqué Anthony, mais c'est gentil de m'avoir sauvé afin de te moquer."

Anthony rit brièvement et peu à peu les deux voyageurs purent se défendre et repousser les brigands. Épuisé, Denis se laisse tomber au sol alors que les attaquants prennent la fuite. Le ciel s'éclaircit, faisant disparaître les dernières étoiles, puis l'aurore paraît avec ses doigts de rose et Anthony tend sa main au jeune paysan.

"En route."

Denis sourit et se redresse avec l'aide du prince. Ils récupèrent leurs affaires,dépouillent les cadavres, les chassent du chemin et se remettent en marche. Ce soir là non plus, ils ne trouvent pas de village et doivent dormir au bord du chemin. Le prince bâille et étire son dos douloureux.

"J'espère que nous trouverons une auberge pour cette nuit."

Denis rit.

"Le dos de son Altesse n'aime pas les lits de terres ?"

"Cesse de te moquer, toi non plus tu ne dors pas bien sur les chemins rocailleux."

"Rassure-toi,nous ne devons pas être loin d'un village."

"Comment le sais-tu ?"

Le paysan hausse les épaules, mais bientôt, comme il l'a pressenti, des champs apparaissent à la lumière du crépuscule et l'ombre de maisons commence à se détacher du paysage vide. Le ventre de Denis se noue à mesure qu'ils approchent sans que lui ne saisisse exactement pourquoi alors qu'Anthony se presse à l'idée de manger un repas chaud. Quand les maisons sont enfin visibles, les jambes du paysan commencent à trembler et le jeune homme s'arrête devant l'entrée, il comprend son sentiment de peur qui s'est insinué en lui au long de la journée. Anthony se retourne vers lui, inquiet, et trouve le blond d'une pâleur effroyable, mais ce dernier sourit et enfonce sa capuche profondément sur son visage, cachant aussi bien ses boucles blondes que ses yeux verts. Denis respire profondément et oblige ses jambes à avancer en fixant le bout de ses chaussures abîmées. Ils pénètrent le village et Anthony trouve une petite auberge dans laquelle il pénètre, suivi besogneusement par Denis dont le ventre reste tordu. En remarquant que le paysan ne parle pas,le prince passe commande pour la première fois à l'aubergiste qui les fixe bizarrement. Il demande des plats chauds et des lits pour dormir, quand la soupe arrive enfin à leur table, Anthony la dévore rapidement alors que le blond en face de lui la mange à peine. Il préfère s'éclipser en laissant son assiette presque pleine. Le prince regarde Denis monter dans la chambre et s'inquiète. Il avale le reste de soupe de ce dernier, puis suit le paysan. Il le retrouve allongé dans le lit, totalement silencieux. Anthony s'installe à côté de lui et tire sa capuche.

"Denis, que se passe-t-il ? Es-tu malade ?"

"Je suis fatigué, et je n'aime pas ce village. Dormons et quittons-le vite. S'il te plaît."

Le paysan a la voix anormalement rauque. Anthony hoche la tête et s'installe dans son lit. Il souffle les bougies et la pièce se voile de noir. Le prince ne dormi pas avant de longues heures, et à en juger par la respiration saccadée de Denis, lui non plus ne dors pas. Le brun sentait bien que quelque chose n'est pas habituel. Le paysan est bien trop silencieux, bien trop renfermé, mais le prince ne peut que se rendre compte que le malaise de son ami est différent du silence énervé qu'il a pu prendre lorsque Anthony avait discuté avec Leslie. Ce qu'il ne peut pas deviner, c'est que Denis est effrayé.Ce village est l'endroit qui l'a vu naître, et cette auberge a été témoin de ses multiples rencontres, dont celle avec Marius, et il panique à l'idée que quelqu'un puisse le reconnaître et le dénoncer à nouveau. Son esprit ne cesse de lui rejouer le soir de son arrestation, les cris, les visages effarés de ses parents, ses épaules lui sont douloureuses au souvenir de la violence avec laquelle le soldat l'avait attrapé. Il espère simplement pouvoir quitter ce village avant d'apercevoir sa famille. Denis voit le jour se lever sans réussir à avoir fermé l'œil, il se redresse dès qu'il entend le prince remuer. Ce dernier comprend instinctivement l'empressement du paysan et se lève rapidement, bien qu'encore fatigué. Les deux descendent, Anthony remercie rapidement l'aubergiste qui les fixe toujours étrangement. Denis de dirige précipitamment vers la sortie de l'auberge, mais il s'arrête sur le pas de la porte quand l'aubergiste lance de sa voix enrouée.

"Denis ? Tu pars sans dire au revoir ?"

Anthony fait passer son regard de l'un à l'autre, ne comprenant pas tout à fait la situation jusqu'à ce que Denis ne s'enfuie. Le prince court à sa suite sur quelques mètres, mais ils sont arrêtés par une vieille femme au visage ciselé de rides et l'homme qui semble être son mari. Le paysan s'arrête devant elle et Anthony se place à côté de lui. Personne ne parle durant un long moment, mis à part Anthony demandant un éclaircissement sur la situation qui reste sans réponse. Le prince doute même que son ami ne l'ai entendu au vu de l'expression qu'il arbore, un mélange de choc et d'une peur terrible et contagieuse. Enfin le vieil homme parle d'une voix bourrue.

"Suis nous Denis."

Il les conduit jusque dans une petite maison, mais encore une fois, Denis s'arrête sur le pas de la porte. La femme pose sa main dans le dos du paysan pour le pousser à avancer, elle murmure.

"Tout va bien, fils, nous voulons juste te revoir."

Anthony ouvre de grands yeux et observe plus attentivement les deux personnages. Ils ont tous les deux les cheveux d'un blanc très clair. La femme possède des iris bleues très lumineuses et l'homme a les mêmes yeux que Denis. La ressemblance lui semble maintenant frappante. Le paysan prend une grande respiration et entre dans la maison qui était la sienne. La pièce sombre n'est composée que d'une table et d'un coin où la cuisine peut être faite. Denis s'assoit d'un côté de la table, face à ses deux parents, et Anthony s'installe à côté de son ami de qui il effleure la main pour demander d'un regard s'il va bien. Le blond répond d'un sourire contrit avant de reporter son attention sur les vieillards qui restent silencieux devant lui. Après quelques instants sa mère prend une inspiration et commence la discussion.

"Tu as changé."

Elle pince ses lèvres et détourne le regard, l'homme lui prend affectueusement la main sous la table.

"Nous savions pour tes... Préférences amoureuses, mais nous n'avons jamais rien dit."

"Vous saviez ?"

La vieille femme sourit tendrement.

"Nous avons toujours su, mon fils. Tout le monde au village s'en doutait depuis longtemps. Et tu n'as pas toujours été très discret, surtout lors de tes premières expériences avec le fils de la Jacqueline."

Denis secoue la tête, perdu. Les aînés expliquent durant un long moment que personne ne déteste les homosexuels mis à part les nobles et leurs soldats. Cette nuit, un an auparavant, personne ne les avait dénoncés, Denis et son amant n'ont juste pas eu de chance en étant surpris par une patrouille. Le concerné tout comme Anthony écoutent ces révélations avec surprise. Le paysan apprend non seulement que ses parents savent pour son orientation sexuelle mais qu'à aucun moment ils n'ont cessé de tenir à lui. Jamais ils ne lui diront un seul des mots qu'il a pu imaginer.

"Nous ne comprenions pas tout, évidemment, et ce n'est toujours pas le cas,mais personne ne juge une personne à celui qu'elle aime. C'est l'une des discussions du village, et tout le monde est d'accord pour dire que ces lois envers les personnes homosexuelles sont obsolètes. Ces personnes sont comme les autres, et toi, tu as toujours et tu seras toujours notre fils."

Denis baisse la tête et se met à trembler alors qu'il tente vainement de retenir ses larmes qui commencent à tomber sur ses genoux.

"Je pensais- je pensais que vous me détesteriez, que vous me rejetteriez, que vous..."

"C'est de notre faute, nous n'avons jamais osé te parler réellement...", commence la vieille femme.

Anthony sourit, ému. Il se rend compte que l'avis de ses parents comptait beaucoup pour le jeune paysan. Le père laisse échapper un grognement en détournant son regard avant de se lever d'un bond.

"Assez discutés, au travail, au travail ! Tous au travail !"

Denis suivit son père accompagné du prince, curieux, mais il se retrouve bien vite avec une bêche à la main, à devoir ameublir la terre. Anthony est rapidement épuisé alors que les deux paysans, depuis longtemps habitués aux travaux répétitifs continuent le travail quelques heures durant. Le brun se repose en nourrissant les animaux avec la mère de Denis.

"Excusez mon mari, votre Altesse. Il règle tous ses problèmes en travaillant, et il semble qu'il vous ait entraîné avec lui."

"Ce n'est rien, c'est très amusant de travailler."

"Puis-je vous demander pourquoi vous accompagnez mon fils ?"

Anthony réfléchit un instant mais ne trouve pas de réponse satisfaisante, il finit par répondre.

"Je l'ignore."

La vieille femme rit.

"Denis aussi vous a entraîné n'est-ce pas ? Cet enfant est intenable. Il ne nous a jamais véritablement écouté, il partait toujours jouer sans nous écouter, et il répondait. Mon époux s'est souvent énervé contre lui pour cette raison, ce n'a pas dû être simple de le supporter durant une année."

"Il est l'une des personnes les plus intelligentes que j'ai eu l'occasion de rencontrer. Il a appris très vite comment ne pas apprendre ce que je lui enseignais."

"Il est particulièrement têtu n'est-ce pas ?"

"Oui, et maintenant c'est lui qui s'emploie à m'apprendre des choses."

"Vraiment ? Qu'est-ce qu'un prince peut bien avoir à apprendre d'un paysan ?"

Anthony réfléchit, puis il sourit en regardant Denis au loin.

"Il m'a appris à rire."

Le prince aide à la ferme jusqu'à ce que le soleil décline, alors la petite famille retourne à l'intérieur de la maison et s'installe autour de la table pour déguster un demi œuf chacun accompagné de quelques légumes bouillit. En voyant son assiette Denis s'exclame.

"C'est un véritable festin !"

La vieille femme sourit.

"Après tout nous accueillons un prince à notre humble table."

"Je n'ai pas mangé d'œuf depuis des semaines, merci beaucoup madame !"

"Allons, allons, vous pouvez m'appeler mère vous aussi, Votre Altesse. Tout comme Emily avant vous."

"Appelez-moi Anthony dans ce cas.", sourit le prince.

Le vieil homme frappe son poing sur la table.

"Il n'a pas mangé d'œuf depuis des semaines ? C'est comme ça que tu le traite Denis ? Il ne risque pas de devenir notre beau-fils si tu ne le nourris pas ! Pour demander ta mère en mariage j'ai abattu l'un des porcs je te signale ! Il faut que tu ailles au moins voler des œufs dans les nids des oiseaux une fois par semaine !"

Denis rougit jusqu'aux oreilles.

"Je ne comptes pas le demander en mariage !"

"Vos légumes sont délicieux, mère, si vous étiez à la Cour vous seriez la meilleure cuisinière, en plus d'éclipser toutes les dames par votre beauté."

"Attention gam- je veux dire, prince, non, Anthony ! Pour voler ma femme il vous faudra offrir quelque chose de meilleur qu'un porc, or vous êtes en cavale, donc..."

"Pouvons-nous arrêter de parler de mariage ou d'amour et prendre nos repas dans le même silence bourru que celui qui a marqué mon enfance ?", s'exaspère Denis.

"J'aime bien ce genre de repas.", rigole Anthony.

La vieille femme le regarde, attendrie.

"Je suis heureuse de constater que mon fils est un bon professeur."

Le prince sourit, les joues légèrement roses alors que Denis les regarde, perplexe. Après le repas, le paysan conduit son compagnon jusque dans sa chambre dans une pièce voisine. La toute petite salle est constituée d'un espace vide où traîne encore quelques jouets grossièrement taillés dans des branches pourries ainsi qu'une alcôve où deux lits sont collés l'un à l'autre. Anthony attrape l'une des babioles qui traîne au sol, elle ressemble à une poupée.Il sourit en imaginant Denis s'amuser ensemble lorsqu'il était enfant.

"Mignon."

"Je n'y joue plus depuis des années, tu sais."

"Je n'ai jamais eu de poupée avec lesquelles jouer étant enfant."

Le paysan le regarde un instant.

"Je te l'offre si tu le désire."

Anthony relève brusquement la tête, Denis lui sourit.

"J'adorerai, merci !"

Le jeune blond rougit face au sourire enfantin du prince.

"Merci pour tout. Je ne crois pas te l'avoir dit... Merci de m'avoir fait sortir du château. Je n'avais jamais été aussi... Libre de toute ma vie. Je ne savais pas qu'on pouvait ressentir autant de choses,surtout en aillant si peu. Depuis qu'on a quitté le palais, je ne mange plus à ma faim, et je combats des brigands presque tous les jours en risquant d'être blessé, pourtant c'est la première fois que je ne me sens pas vide. Et tu m'as littéralement appris à rire ! "

Denis regarde le prince, surprit. Il sourit.

"Tu as enfin compris que tu n'avais pas exactement une vie normale ?"

Anthony rit.

"Oui, merci."

"Le plaisir est pour moi. Même si je m'excuse pour... Les moments où j'ai été horrible avec toi."

"Ce ne sont pas les plus nombreux."

"Je ne parle pas que depuis que nous sommes fugitifs, au palais aussi j'ai... Dépassé les limites."

Denis fixe le sol.

"T'excuses-tu réellement de ne pas t'être laissé influencé par mes enseignements ?"

"Non, bien sûr que non. Mais j'ai... Le soir où je t'ai... Je n'aurais pas dû."

Anthony réfléchit un instant, puis il rougit.

"Le soir où tu m'as embrassé ?"

Le visage entier du paysan devient brusquement vif. Il hoche doucement la tête et murmure.

"Désolé."

Le prince sourit timidement.

"Ce n'est rien."

Denis se redresse.

"Bien sûr que si ! Tu es la personne la plus gentille que je connaisse. Tu es attentionné, généreux, tu m'as soigné toutes les fois où je me suis blessé, tu m'as appris à lire, à écrire, à compter avec patience, et tu n'as jamais eu de geste... Inapproprié, alors que moi, uniquement parce que je me sentais mal, je t'ai fait ça, et malgré tout ce que tu as toujours connu tu ne m'as jamais fait de mal. Tu es vraiment adorable, en plus d'être magnifique, ce serait presque tricher que d'être à la fois aussi beau et gentil que toi!"

Un bruit se fait entendre en dehors de la chambre, puis les deux jeunes hommes ouïrent le père de Denis jurer avant d'essayer de s'éloigner discrètement. Le paysan soupire.

"Et excuse mes parents."

Anthony rit.

"Je les trouve très gentils et affectueux."

"Mon père est mal à l'aise dès qu'un signe d'affection est sous-entendu quant à ma mère elle ignore totalement comment parler de presque tout et tu les penses affectueux ?

"Mon père n'a jamais été pour moi que le roi à qui je devais obéir. Il ne m'a jamais ni félicité ni blâmé. Je prenais mes repas seul et ne recevait sa visite qu'à son bon plaisir lorsqu'il avait besoin de mes services. Ma mère, qui n'était rien de plus que l'objet de mon père, ne m'a jamais ni aimé ni désiré. Elle a enfanté huit fois et n'en a jamais aimé aucun. Elle est morte qu'en nous ayant le vu le temps que l'on n'ai plus besoin d'elle pour survivre. J'ai toujours été séparé de mes sœurs, quant à mes frères, la plupart rêvent de m'évincer. Je trouve donc que ta famille est particulièrement aimante et gentille. Certes, vous êtes tous maladroits et vous n'osez jamais vous dire à quel point vous tenez les uns aux autres, ce qui créer des quiproquos, mais il se trouve que vous le montrez dans de petites actions. Vous passez du temps ensemble, vous mangez ensemble, vous travaillez ensemble. Vous vous connaissez, c'est à peine si je connais ma famille."

Denis pose une main compatissante sur l'épaule d'Anthony.

"Peut-être pourras-tu apprendre à les connaître la prochaine fois que tu en auras l'occasion."

Les deux voyageurs se changent, le paysan ayant retrouvé deux vieilles tenues totalement propres, au contraire de celle qu'ils portent depuis plus d'un mois, puis ils s'allongent dans le grand lit.

"Est-ce qu'il s'agit de deux lits collés l'un à l'autre ?", chuchote le prince.

"Oui, pour que Annie puisse dormir avec moi lorsqu'elle faisait des cauchemars."

"Elle en faisait souvent ?"

"Je ne sais plus, mais j'aimais bien la savoir près de moi."

Denis affiche une expression triste que le prince déchiffre malgré l'obscurité. Il se rapproche.

"Elle te manque ?"

"Oui, beaucoup."

"J'aurais aimé la rencontrer."

Le paysan rit doucement.

"Tu l'aurais adorée. Elle était drôle et gentille, elle t'en aurait fait voir de toutes les couleurs par contre, elle était encore plus têtue que moi."

"J'ignorais que c'était possible."

Ils discutent encore quelques longues minutes et finissent pas s'endormir tout proches l'un de l'autre. Anthony rêve, ce qui n'arrive que rarement.Il se trouve dans un champ de lilas s'étendant à perte de vue. Le vent y est frai et il se sent plus libre que jamais. Le soleil brûle doucement, entouré de quelques nuages qu'Anthony observe, allongé entre les fleurs. Denis apparaît alors, entouré de jonquilles et il s'allonge à côté de lui en riant. Le prince se réveille doucement et sourit. Face à lui, le paysan respire profondément, et le prince ne peut s'empêcher de passer délicatement sa main dans ses boucles blondes. Il murmure avant de se rendormir.

"J'aurais eu au moins quelques pensées inappropriés."

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