Je dévisageai ma mère comme si elle était folle, puis j'éclatai de rire. Elle ne pouvait pas être sérieuse, j'étais tout sauf un ange. Oui, je m'appelle Angelina mais c'est parce que mon arrière grand-mère s'appelait Angélique et puis, j'étais tout sauf sage. La plupart du temps je m'échappais en douce de la maison pour aller faire la fête avec mes amies.
— Angel, je ne plaisante pas, c'est sérieux et pourquoi tu ne peux pas te débarrasser de ces ailes ? Ton père n'a jamais eu ce problème.
Peut-être que maman avait beaucoup inhalé les vapeurs de peinture de notre voisine récemment, parce qu'elle n'abandonnait pas cette idée absurde. Ce qu'elle disait semblait presque vrai, mais comment était-ce possible ? Les anges n'existent pas, ou peut-être qu'ils existent, mais un humain ne peut pas se transformer au hasard en un ange.
— Nous devons t'envoyer à l'académie Sérail Sentinelle dès que possible, tu ne pourras pas faire le tour de la ville avec ces ailes intactes. Je dois en parler à ton père. Rejoins-nous en bas dans une heure ou deux, il devrait être là.
Elle sortit de ma salle de bain, se dirigea vers la porte de ma chambre. Décidée à avoir des explications, je murmurai son prénom ou plutôt le criai, la faisant s'arrêter dans son élan.
— Attends une minute, lançai-je sans pouvoir m'en empêcher. Tu es en train de... enfin... Tu dis que... des créatures comme...
— Les anges existent ? me coupa-t-elle. Exact.
J'ai dû déglutir pour ne pas éclater de rire.
— Des créatures comme des anges, mais c'est stupide, dis-je ironique. Tout le monde est au courant que les anges et ce genre de bêtises n'existent pas et puis je ne peux pas me transformer brusquement en un ange.
Voyant que ma mère semblait ne pas vouloir changer d'avis, je commençai sérieusement à me poser des questions. Depuis quelques semaines, je me développais de plusieurs manières que je ne comprenais pas et dont aucun livre de médecine ne faisait mention. D'abord, ma chevelure châtain clair prenait curieusement une teinte blond platine, parcourue de mèches dorées, sans mon intervention. Puis, ma peau autrefois hâlée devenait de plus en plus laiteuse et pour finir les plumes dans mon dos. Je pourrais presque y croire. Non. Je refusais de commencer à...
Maman se retourna pour me faire face, son visage montrant de la sympathie.
— C'est pour ça que j'ai besoin de parler avec ton père. Parce que je ne connais rien des anges, je n'en suis pas un, mais lui en était un. Donc, il aura les réponses à tes questions.
Elle sourit et puis partit.
Encore une fois j'étais seule, perdue et confuse. Devais-je vraiment partir pour aller à cette sorte d'académie ? Je devrais laisser toutes mes amies et famille derrière. Et si personne ne m'aimait là-bas ? Oui, les êtres angéliques étaient censés être gentils, mais que se passerait-il si je ne m'intégrais pas ?
Ô mon dieu, je deviens folle ! C'était forcément une sorte de farce d'anniversaire. Je pouvais pas réellement devenir un ange ? Enfin, je crois.
Cela me rappela qu'aujourd'hui c'était mon anniversaire, j'étais légalement une adulte maintenant et je devais aller me faire tatouer, mais bien sûr je ne pouvais pas avec ces ailes stupides attachées à mon dos. J'allais probablement être enfermée dans une sorte de vieille école. Sérail Sentinraelle... Je ne sais pas quoi, pour longtemps. Pourquoi ne pouvais-je pas simplement reprendre ma vie en tant qu'être humain charmant au lieu de me transformer en un monstre ?
La vie était tellement injuste. Votre dix-huitième anniversaire est censé être un pas vers l'âge adulte, proche du monde réel quel qu'il soit. Mais regardez ce que j'allais faire, c'était malheureusement une école dont je ne savais rien. On dirait que grandir ne m'avait pas fait de bien, d'abord mon charmant petit ami m'avait trompée et maintenant j'allais être enfermée dans une ancienne école pour des adolescents qui pensaient qu'ils étaient des anges. Il n'y avait aucun moyen que cela puisse empirer. J'avais prévu un été rempli de séances de bronzage, de rencontres avec de beaux garçons et de faire la fête jusqu'à minuit avant de partir pour l'université mais maintenant je ne pensais pas que ce serait encore possible puisque j'irai dans une école pour les anges.
En train de déprimer, je décidai de descendre les escaliers. Juste au moment où je descendais la dernière marche, la sonnette retentit.
— J'y vais maman ! dis-je courant vers la porte, avant de l'ouvrir.
Papa se tenait là, l'air joyeux pour une raison quelconque, tandis que moi, en revanche, je me méfiais. C'était la faute de cet homme si maintenant j'étais un ange. Ô mon Dieu, j'avais l'air si stupide de blâmer mon père comme ça.
Mettant mes plaintes de côté, je m'écartai pour qu'il puisse entrer. Dès qu'il passa le seuil de la maison, il m'attrapa dans ses bras puis me fit tournoyer dans les airs, un immense sourire accroché aux lèvres. Complètement choquée de son comportement, je lui tapotai maladroitement le dos.
— Allons à l'intérieur, je dois te dire comment ça va fonctionner, lâcha-t-il rapidement.
Je le regardai en fronçant des sourcils mécontente.
— Oh ne fais pas cette tête-là, tôt ou tard ça devait arriver, c'est ton destin chérie. Je suis sûr que tu vas l'adorer, me rassura-t-il.
Je suivis mon père à l'intérieur en m'installant sur le fauteuil inclinable de notre salon. Papa s'assit à côté de maman sur le canapé, leurs deux regards fixés sur moi dans l'expectative me faisant sentir mal à l'aise.
— J'étais un ange, et j'ai adoré en être un. Tu t'occupes de la naissance tandis que d'autres s'occupent de la mort. Chaque ange est jumelé avec un démon et ensemble ils apparaissent tous les deux en vue de la naissance ou de la mort. Si vous êtes responsable de la naissance, tout ce que vous faites est de vous rapprocher du nouveau-né et chuchoter la bénédiction à ses oreilles et le démon fait exactement le contraire. Cela est fait pour s'assurer que l'enfant contient à la fois des attributs angéliques et démoniaques, ce qui en fait un être humain normal.
Il s'arrêta de parler quelques instants avant de reprendre ses explications.
— Mais si vous êtes responsable de la mort, vous comptez les péchés et les bonnes actions de la personne décédée, puis vous et le démon discutez de s'il doit être envoyé en enfer ou au paradis. La partie naissance est facile alors que la mort est la partie la plus difficile, parce que parfois nous, les anges, devenons émotifs et refusons ensuite d'envoyer quelqu'un en enfer, peu importe combien il le mérite. Tu vas adorer !
Papa finit avec un sourire sur ses lèvres. Je le regardai fixement, essayant de comprendre ce qu'il aimait dans le fait d'être un ange.
Cela ressemblait à de la torture pour moi, surtout si je devais gérer l'envoi de gens en enfer ou au paradis, mais je supposai qu'avoir des ailes devait être plutôt pratique. J'avais toujours voulu voler, parce que descendre un arbre pour me faufiler discrètement afin que je puisse aller à une fête m'étant interdite, me donnait à chaque fois beaucoup d'ecchymoses.
Maintenant que je pouvais voler, je ne devrais plus avoir de problème mais, contre toute attente, je ne serai plus ici. Je serai à l'école des anges. Ma vie ne pouvait pas être pire.
Ignorant complètement mes parents qui discutaient joyeusement de mon futur déménagement, je commençai à jouer à Angry Birds sur mon téléphone. Quand ils finirent enfin de parler, ils me demandèrent d'aller faire mes valises car je devais absolument partir pour apprendre à utiliser mes pouvoirs et faire disparaître mes ailes le plus tôt possible.
Pour une fois, j'étais d'accord avec eux.
D'après ce que j'avais entendu de la conversation que papa et maman avaient eu, c'était que maman n'était pas un ange et papa lui l'était.
Papa adorait être un ange, mais ensuite il était tombé amoureux de maman qui était humaine, donc il ne pouvait pas être avec elle parce que les anges et les humains ne peuvent pas être ensemble. Je ne sais pas pourquoi, mais ils ne peuvent pas, c'était interdit ou quelque chose comme ça. Papa étant fou amoureux de maman, il avait alors tout abandonné, ses pouvoirs et ses ailes, quand il avait décidé de s'accoupler avec maman. Oui, c'était répugnant dit comme ça. À la fin, papa avait eu maman en sacrifiant son côté angélique.
Lorsque mon père et ma mère se retournèrent enfin vers moi, terminant leur conversation ridicule, je relevai la tête de mon jeu pour soutenir leurs regards.
— Angel, les anges sont des anges dès la naissance, ils obtiennent des ailes immédiatement à la naissance mais parce que ta mère n'est pas un ange, tu n'as tes ailes que maintenant. Ta présence à l'académie Sérail Sentinelle reste énormément importante pour apprendre à te contrôler. Tu ne dois pas franchir les limites une seule fois sinon tu seras renvoyée et seulement pour ton sang impur. Tu devras reprendre tous les cours et tous les entraînements des novices de ton âge. Tu ne pourras pas sortir t'amuser comme tu le fais depuis toujours.
Je laissai échapper un rire amer.
— Privée de fête ? Vous essayez de m'envoyer dans une académie surnaturelle ou dans une maison de rééducation pour adolescents turbulents ? Je ricanai en déposant fortement mon téléphone sur la table basse. Pourquoi tout un discours sur les règlements ? Tu as peur que je n'ai aucun sens de la discipline ?
Mon père soupira.
— Je prends des précautions. Comme tu t'en souviens sûrement, tu n'as jamais été punie pour avoir détruit le jardin de ta mère après être revenue ivre d'une de tes soirées nocturnes. Tu as beaucoup à te faire pardonner.
Ses lèvres minces s'étirèrent en une ligne dure.
— C'est une des plus belles occasions pour toi, Angelina. Tu seras bien avisée de ne pas la gâcher par ton attitude de dévergondée.
Je m'apprêtai à répliquer que je ne voyais rien de beau là-dedans lorsque je croisai le regard de ma mère. Elle était difficile à déchiffrer. Me disait-elle qu'elle croyait en moi, ou bien que j'étais stupide de continuer à provoquer mon père ? Je ne saurais le dire. Je m'arrachai à son regard et baissai les yeux vers mes pieds.
Après un long soupir, je levai les yeux vers mon père.
— Très bien. J'accepte.
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TS