Point de vue Mamadou Sy
Je ne peux plus tenir. Il faut que je vois ma fille. Si elle est en colère contre moi qu'elle me le fasse savoir mais ce silence de sa part me tue à petit feu. Bientôt un mois qu'elle ne me parle plus et je lui ai laissée tout ce temps pour qu'elle assimile les choses mais là ça suffit. Elle n'est ni la première ni la dernière à vivre ce genre de situation.
Je suis au bureau et ma pause est dans une heure, je vais prendre ma journée et aller chez elle. Mouhamed m'a dit qu'elle n'allait pas au bureau ces temps-ci et je sais que c'est une casanière donc je suis sûr que je vais la trouver là-bas.
On toque à la porte puis la personne entre après mon autorisation. C'est ma secrétaire, Dieynaba. On s'est beaucoup rapprochés ces derniers temps et j'apprécie vraiment sa compagnie.
- « Bonjour je t'ai amené le dossier que tu demandais » déclare-t-elle
- « Oui merci » dis-je en prenant le dossier de ses mains
- « T'as pas l'air bien. J'aurai cru que tu serais heureux de me voir après le dîner d'hier » fait-elle avec un air séducteur
Effectivement je l'ai invitée à dîner hier parce que je devais me changer les idées mais aussi notre relation a commencé à évoluer d'une autre manière.
- « Non j'ai passé une excellente soirée avec toi. C'est juste que je pense à ma fille et ça me rend un peu morose »
Je devais parler de cette situation à quelqu'un et elle était la seule personne, extérieure on va dire, qui était là pour moi.
- « Tu lui as parlée ? » demande-t-elle en s'installant en face de moi
- « Pas encore mais je compte aller la voir tout à l'heure. Je vais prendre le reste de la journée » confié-je
- « Je suis sûre que vous redeviendrez comme avant. Je l'ai vue quelques fois lorsqu'elle venait ici mais tu peux voir dans ses yeux à quel point elle t'admire »
- « Merci beaucoup Dieyna »
Elle me sourit chaleureusement avant de me laisser travailler. J'attaque directement le dossier qu'elle vient de me donner. Un nouveau contrat avec un hôtel en Allemagne. C'est pour un programme d'échange entre employés et je trouve que c'est une idée intéressante.
J'arrive chez Soukeyna vers 15 heures. C'est seulement la troisième fois que je viens ici. Mon chauffeur se gare devant la porte et je respire un grand coup avant de descendre. Je sonne à la porte et c'est une jeune femme qui vient m'ouvrir.
- « As-salamu alaykum. Soukeyna est là ? » demandé-je avec un ton chaleureux
- « Qui êtes-vous ? » dit-elle avec méfiance
- « Je suis son père » je réponds simplement
- « Excusez-moi je ne savais pas. Entrez, je vais l'appeler »
Je souris et la suis dans le salon où je m'installe. Elle monte pour appeler Soukeyna et cette dernière descend vingt minutes après quand même.
- « J'espère que tu ne m'as pas fait attendre tout ce temps parce que tu m'en veux toujours » dis-je pour la taquiner
- « Non j'avais une réunion importante, ce n'était pas mon intention. Allons dans le salon qui est en haut »
Je hoche la tête. Arrivés en haut, on reste quelques minutes sans que personne ne parle. Je vois qu'elle est gênée, elle joue avec ses doigts. Je décide donc de prendre la parole.
- « Tu sais que tu es ce que j'ai de plus cher au monde. Tu es le plus cadeau que la vie m'ait offert. Tu es la raison pour laquelle je me bats tous les jours. Les premiers jours sans ta mère a été le moment le plus difficile de toute ma vie. Je venais de perdre l'amour de ma vie, mon tout. Je lui avais dit de ne pas garder le bébé, qu'on aura l'occasion d'en avoir d'autres mais c'était inconcevable pour elle de te laisser partir. J'en voulais aux médecins, à Allah de m'avoir pris ma femme mais je ne remercierai jamais assez Allah de t'avoir comme fille »
Elle me regarde longtemps et je vois ses yeux s'humidifier. Je déteste la voir comme ça et surtout si c'est à cause de moi. Je ne suis peut-être pas le meilleur des pères mais ma fille est la prunelle de mes yeux. Je ne ferai rien d'intentionnel qui puisse la blesser.
- « Et c'est pourquoi tu me laissais tout le temps seule ? Je te voyais un mois sur trois. Tu étais longtemps en voyage je te rappelle » dit-elle calmement
- « Je croyais que tu m'avais déjà pardonné pour ça ? Mais comme je te l'ai déjà dit, tu ressembles énormément à ta mère et te voir me tuait de l'intérieur. Je n'ai jamais réussi à l'oublier »
- « Comment elle était ? » demande-t-elle avec un petit sourire
- « Quand je dis que vous vous ressembliez, c'est que vous l'êtes vraiment. Aussi physiquement que mentalement. C'est fou mais on dirait qu'elle s'est réincarnée en toi. Elle avait le même caractère que toi. Vous êtes les personnes les plus gentilles que je connaisse mais il ne faut pas vous chercher. Il y'a cette moue que tu fais avec ta bouche pour bouder et elle faisait la même chose. La première fois que tu l'as fait, tu n'avais que 8 mois je crois »
- « Et elle s'appelait Soukeyna comme moi » dit-elle en conclusion
- « Oui. On voulait t'appeler Nafissatou mais je pense que Soukeyna te va mieux. Je sais que tu auras encore besoin de temps mais je te demande pardon encore une fois. Je croyais bien faire. Si c'était à refaire, je te l'aurai dit le plus tôt possible »
- « Je ne veux pas refaire ton erreur. Si je n'avais pas vécu cela je crois que j'aurai fait pareil avec Zahra. Maintenant c'est sûr que je vais lui dire que je ne suis pas sa véritable mère lorsqu'elle sera en âge de comprendre »
- « Je suis d'accord. Est-ce que je peux la voir ? La fille de l'ex de Mouhamed c'est ça ? » je demande
Mouhamed m'a en parlé brièvement et j'ai cru comprendre qu'ils l'avaient adoptée dorénavant. Je n'avais pas imaginé avoir ma première petite fille dans ces conditions mais ça ne change rien. Je suis tout aussi content.
Point de vue Soukeyna
Mon père a joué avec Zahra pendant au moins deux heures avant de partir. Cela m'a fait chaud au cœur de les voir tous les deux, et mon père qui était redevenu un enfant l'espace d'un instant. Il m'avait manqué. Je sais qu'au fond de moi je ne lui en voulais plus depuis longtemps. J'étais juste trop fière pour l'admettre et je dois avouer que notre discussion est venue au bon moment. On n'a pas trop parlé mais on a tout dit. C'est toujours comme ça avec nous.
Momo est rentré aujourd'hui assez tôt donc j'ai pu tout lui raconter. On était couché sur notre lit avec Zahra et on se racontait nos journées comme d'habitude.
- « Nous sommes vraiment un couple de casaniers » dis-je en rigolant
- « C'est toi qui me retient comme prisonnier dh »
Je lui lance le premier oreiller que je vois. En voyant son père éclater de rire, Zahra prend l'oreiller avec ses petites mains et manque même de tomber à la renverse. Je l'aide à frapper Momo avec et elle rigole trouvant la chose amusante. Et comme tous les bébés, il faut refaire l'action encore et encore.
- « Pourquoi sortir alors qu'on a ça ? J'aime pas les gens » déclaré-je en souriant
- « Da nga siss iow. Tu n'aimes pas te mélanger mais ya kham. Au fait il se peut que ma mère arrive avec une autre personne » confie-t-il
Mère Aïda était partie à Kaolack et normalement elle devrait rentrer dans une semaine. Elle part beaucoup là-bas ces temps-ci. C'est sa ville natale mais c'est quand même bizarre.
- « Quelle personne ? » demandé-je sans grande conviction
- « Une cousine » dit-il simplement
Ah les cousines.
- « Elle veut que tu l'épouses ? » je demande même si je connais déjà la réponse
Il se relève, Zahra sur ses genoux. Cette dernière me snobe complètement lorsque son père est là. Elle commence même à l'appeler dada.
- « Non qu'est-ce que tu racontes ? » s'exclame-t-il en fronçant légèrement les yeux
- « Je sais comment ça fonctionne hein. Je ne suis pas bête. Elle va venir habiter ici, elle va encore plus s'occuper de ta mère que de moi, elle va devenir la chouchou de tout le monde, la suite on la connaît tous »
- « Je ne crois pas que ma mère soit ce genre de belle-mère » déclare-t-il
- « Peut-être pas ta mère mais le reste de ta famille. Est-ce que tu veux une deuxième femme ? » je demande et je dois avouer que c'est pour le piquer
- « Tu es vraiment entrain de me poser cette question ? Encore ? » fait-il exaspéré
C'est vrai que je lui pose cette question souvent ces temps-ci. Je ne sais pas pourquoi mais je sens qu'on est entrain de comploter dans notre dos.
- « Je demande juste. Comme ça j'aurai le temps de préparer mes valises » plaisanté-je
- « Tu vas me quitter si je prends une deuxième femme ? » demande-t-il avec un sourire au coin
- « À la seconde même khay » dis-je en essayant de contrôler mon rire. « Toi même tu sais que je ne blague pas et surtout je ne partage pas. Réfléchis très bien avant de faire ça monsieur Gueye »
- « Honnêtement j'ai trop peur de toi pour prendre une deuxième femme » dit-il sérieusement mais j'aperçois toujours son petit sourire
- « En tout cas » sourié-je
Une semaine plus tard
Mouhamed avait effectivement raison. Sa mère est revenue avec une de ses nièces qui doit aller étudier à l'UCAD. Elle a vingt ans mais elle en a fait cinq de plus. Elle a le corps de Khloe Kardashian et je dois avouer qu'elle est très belle. Elle s'appelle Alima. Pour l'instant elle a fait deux jours à la maison et elle se comporte bien. Elle est très gentille et on s'est bien entendues. Tant qu'elle reste à sa place et qu'elle ne drague pas mon mari, ça me va. Je ne ferai aucun problème.
J'ai repris le travail à l'entreprise ce lundi et j'étais assez triste. C'est donc ce que ça fait lorsqu'on quitte son enfant ? Je suis trop une maman poule je crois. Sophia se moquait de moi mais je lui ai dit d'attendre d'accoucher. Elle devrait accoucher à tout moment et elle est en congés mais elle est passée nous voir pendant quelques minutes avant de s'en aller.
J'étais donc dans mon bureau lorsque quelqu'un entre sans même frapper.
- « Hé .... Enzo ! Qu'est-ce que tu fais à Dakar ? » dis-je en allant immédiatement lui faire un câlin
Enzo quoi. Mon ami italien. On se parle quelques fois au téléphone mais le voir en face de moi est la dernière chose à laquelle j'aurai pu imaginer.
- « Et comment ça tu entres sans frapper ? » ajouté-je
- « Je voulais te faire une surprise. Je suis arrivé hier »
- « Qu'est-ce qui t'emmènes ? » lui demandé-je pendant qu'on s'installe sur les fauteuils
- « Figure-toi que ton mari m'a invité pour son défilé et c'est lui qui m'a indiqué ton bureau »
Le défilé n'est pas avant deux semaines mais bon.
- « Je suppose qu'il voulait me faire la surprise aussi. En tout cas t'es tout beau » dis-je
- « Assez beau pour me trouver une sénégalaise ? » répond-t-il avec son accent italien
- « T'es toujours célibataire ? »
- « Mais oui vu que tu m'as brisé le cœur. Non je rigole. Mais je suis sérieux pour la requête. J'aimerai bien essayer avec une sénégalaise. Belle et sexy comme toi de préférence » déclare-t-il plus sérieusement
- « Évite de me complimenter comme ça devant mon mari »
- « Mais tu viens de dire que j'étais beau aussi »
- « C'est pas la même chose. Je n'ai pas dit que tu étais sexy » me défendis-je
- « Mi scusi, signora » fait-il en mimant une révérence
Après ça, il m'a invitée à déjeuner et j'ai accepté. Momo était trop pris pour nous rejoindre donc on y est allés seuls. On était au resto et on s'amusait à caster un peu les filles qui était à l'intérieur et personne ne semblait au goût de notre bel italien. Soudainement une personne spécifique m'est venue à la tête.
- « Est-ce que tu aimes les Kardashian ? » demandé-je à mon ami qui hoche la tête avec hésitation
Très bien.