Ces lèvres douces et chaudes, ce parfum, ces bras qui entouraient sa taille, tout semblait si sincère. Pourtant, Luce ressentit le besoin de reculer pour mettre fin à son baiser avec Dorman. Et lorsqu'elle l'eut fait, un froid glacial la parcourut.
— Luce ?
La gorge de la jeune femme se resserra. Car son cerveau était allé jusqu'à comparer la voix de Dorman avec celle d'Ange et que bien sûr, ce n'était pas la même.
— Luce, est-ce que tout va bien ? l'interrogea son ami.
Elle eut envie de pleurer, car comme Claire l'avait prédit, elle allait devoir briser le cœur de Dorman. Parce qu'elle le savait désormais, elle n'était pas prête à aimer un autre homme que celui qui avait chamboulé sa vie, cet été. Pas pour le moment en tout cas, car elle avait trop Ange dans la peau. Chaque mot, chaque geste, chaque caresse, chaque baiser, chaque danse, elle avait essayé de le retrouver dans chaque détail qui l'avait entourée.
— Je suis désolée Dorman, lança-t-elle la voix tremblante.
La brune eut l'impression que l'atmosphère toute entière était devenue glaciale. Ce n'était peut-être pas qu'elle finalement que se sentait ainsi.
— Je suis terriblement désolée, répéta-t-elle en sanglotant.
Désormais, elle se détestait. Si seulement elle avait écouté Claire. Si seulement elle n'avait pas refait encore et toujours la même erreur : n'en faire qu'à sa tête.
Certes, elle avait voulu changer, humainement, professionnellement, amoureusement. Mais ne se rappelait-elle pas que son amie avait eu raison le soir où elle avait eu cet accident ? Et une fois de plus, la châtaine avait vu juste. Certes, parfois c'était en merdant qu'on avançait, seulement la brune aurait aimé pouvoir éviter ce chapitre douloureux, autant pour son ami que pour elle.
— Luce, souffla Dorman comme une supplique.
La jeune femme savait qu'elle ne pouvait plus reculer, et encore moins stagner. Il fallait qu'elle prenne son courage à deux mains et avoue tout. Ou du moins, ce qui concernait directement le musicien.
— Tu es une personne formidable Dorman. Et j'aurais vraiment aimé pouvoir vivre quelque chose avec toi. Je suis certaine que tu m'aurais traitée comme peu sauront le faire. Mais la vérité, c'est que j'ai cherché un autre homme derrière chaque échanges que nous avons eus.
Jamais elle n'avait prévu de faire cette révélation ici, sur leur lieu de date. Dorman avait été si génial. Il était même allé jusqu'à leur payer une voiture pour le trajet, car elle lui avait dit que jamais on avait fait une chose pareille pour elle. Il avait essayé de rendre leur rendez-vous princier, et elle venait tout gâcher en lui avouant n'avoir fait que penser à un autre en étant dans ses bras.
— Je n'aurais pas dû accepter ce rendez-vous, c'était malhonnête de ma part de te faire espérer alors que je n'étais pas certaine de pouvoir te donner ce que tu attendais, continua Luce face au silence de son ami.
Comment avait-elle pu être à ce point la sorcière de l'histoire ? A quel moment avait-elle été malade d'Ange au point de ne penser plus qu'à elle ?
— Je t'aime Luce.
— Je sais, répondit la jeune femme encore plus mal qu'avant. Je sais que tu m'aimes depuis le début. Et autrefois, j'en ai été charmée.
Oh oui, elle l'avait été. Et peut-être amoureuse aussi. Mais c'était avant. Avant qu'elle ne rencontre celui qu'elle avait traité de tous les noms avant de finir dans ses bras, complètement accro.
— J'aurais aimé ne pas te faire souffrir et je me rends compte ce soir que j'ai échoué, mais avant de te briser encore plus le cœur, je tenais à te dire ce qu'il en est véritablement de mon côté.
Luce aurait donné n'importe quoi pour ne pas être ici en ce moment. Car malgré l'absence de la vue, elle ressentait tout. Elle était connectée à Dorman et savait par conséquent à quel point elle venait de lui faire mal. Elle savait d'ailleurs que celui-ci ne lui pardonnerait pas. Et c'était plutôt compréhensible.
— Je comprendrais parfaitement si tu ne veux pas maintenir notre amitié.
— Quelle amitié Luce ? Depuis que je t'ai rencontrée, j'espère comme un idiot que tu m'offres une chance d'être à tes côtés. Depuis que je t'ai rencontrée, je passe mon temps à espérer quelque chose qui n'arrivera jamais d'après ton annonce, ce soir.
Ce fut au tour de la brune de recevoir un coup de couteau imaginaire.
Jamais elle n'aurait pensé que Dorman était à ses côtés uniquement parce qu'il attendait quelque chose de sa part. Elle avait cru que leurs heures de travail ensemble, leurs nombreuses discussions, les attentions qu'ils s'étaient accordées mutuellement, que tout ça avait été réalisé sans arrières pensées.
Soudainement blessée, Luce fouilla dans son sac à la recherche d'un billet. Lorsqu'elle eut trouvé ce qu'elle cherchait, elle avança vers Dorman.
— C'est un billet de 20 euros, j'espère que ça couvrira ma part.
Puis, tout en attrapant sa canne, elle soupira.
— J'espère que tu comprends pourquoi je ne me sens pas d'attaque à prendre un dessert et rester ici.
— Avec celui qui vient de t'avouer qu'il t'a offert son amitié uniquement parce qu'il espérait plus, compléta Dorman. Je comprends parfaitement. Et crois-moi Luce, je suis désolé que ça se termine ainsi.
Oh il n'était pas le seul.
A avoir voulu reprendre une vie amoureuse en mains, elle venait de virer quelqu'un de sa vie. Alors certes, il venait de lui annoncer qu'il ne s'était jamais considéré comme un de ses amis, mais Luce elle, l'avait considéré comme tel.
— Je te souhaite d'être heureux dans la vie. Je te souhaite de trouver une chouette personne. Et je te souhaite de réussir dans ton projet musical.
Luce n'attendit pas que son ancien ami énumère les bonnes choses qu'il lui souhaitait à son tour pour donner le billet à ce dernier. Et une fois ceci fait, elle tourna les talons. Sa canne cogna contre deux chaises durant son trajet et elle peina à passer entre les regroupements de personnes qui s'étaient faits autour du comptoir.
En poussant la porte du bar, elle sentit l'air frais s'abattre sur son visage et d'une main agile, elle défit sa coiffure. La soirée était finie alors il n'y avait plus besoin d'artifices. Il n'y avait plus besoin de quoi que ce soit d'ailleurs.
***
Quand elle rentra chez elle, Luce ressentit le besoin de se confier à Claire à propos de sa soirée. Elle avait le cœur trop lourd pour aller uniquement se coucher. Mais après quelques phrases lâchées pour résumer la situation, la châtaine eut la désagréable surprise de voir son amie froncer les sourcils.
— C'est quoi ce parfum masculin ? Comment ça se fait que ça sente le parfum pour homme ? s'étonna Luce en humant l'air.
— Un parfum masculin ? Quoi ? Ah ! Ah tu dois parler du parfum de Marc, mentit Claire en espérant pour que son amie ne le comprenne pas. J'avais oublié un truc au boulot et il a tenu à me le ramener.
Le sourire de la brune laissa Claire tendue. Qu'est-ce que tout cela voulait dire ? Est-ce qu'elle était cramée et s'apprêtait à afficher son visage de diable avant de l'engueuler ? Non, la jeune femme devait se faire un film. Enfin, elle l'espérait.
— Hum, j'en connais un qui craque pour toi !
Ouf, Luce venait de passer à côté. La châtaine était rassurée.
— Peut-être mais je te rappelle que ce n'est pas le genre qui m'intéresse.
Elle, elle préférait les femmes. Ce n'était un secret pour personne désormais. Et encore moins pour ses collègues de boulot.
— Je suis encore trop attachée à Ange, changea de sujet Luce dans un soupir.
Voilà que Claire stressait pour la deuxième fois depuis le retour de son amie. Fabrice avait bien dit qu'il ne voulait pas qu'elle lui annonce l'arrivée d'Ange. Pas ainsi en tout cas. Alors ce n'était pas le moment de lâcher un indice de leur présence.
— Dis-moi, tu m'as appelée, non ?
La question de Luce l'obligea à revenir à l'instant présent.
— Ouais... Ouais ! Je ne trouvais pas ces satanées clés, une fois de plus. Mais j'ai fini par mettre la main dessus, sur le bureau.
Malgré le visage triste de la brune, celle-ci sourit légèrement.
— Dorénavant, lorsque tu les crois perdues, va voir directement sur le bureau. Ça sera plus rapide.
— Tu as raison.
Claire se demanda comment ça se passait chez Fabrice et Ange. Est-ce que le blond était rentré à la maison ? Est-ce que le châtain avait réussi à contacter son ami avant que celui-ci ne voit Luce à table avec Dorman ?
Après son départ, Fab n'avait plus donné de nouvelles. Qu'est-ce que cela voulait dire ?
Luce n'est pas au courant mais elle n'a pas brisé uniquement le cœur de Dorman ce soir, celui d'Ange aussi.