Décembre
— Des guirlandes épaisses, douces et... Bref, des guirlandes, souffla Luce avant d'entrer dans le centre commercial.
Claire, débordée par son travail, avait demandé à son amie d'aller acheter des décorations de noël à sa place. Aussitôt, Luce lui avait dit qu'elle était certainement plus en mesure de le faire qu'elle, mais la châtaine avait été formelle : elle était surbookée.
Bien sûr, Luce aurait pu insister, en disant que ce n'était pas chose facile pour une aveugle d'aller choisir des décorations. Mais avant même qu'elle ne puisse le faire, Claire avait rappelé que son travail de manager l'épuisait ces derniers temps, puis la brune s'était dit que parler de sa condition ne devait pas devenir une excuse pour tout et rien. Alors elle avait fini par accepter, et se retrouvait désormais ici.
Dès le premier pas, Luce reconnut le morceau de Mariah Carey que diffusait les hauts-parleurs du centre commercial. Ce n'était pas l'ancien, qui avait fait furie durant des années. C'était le nouveau, en collaboration avec Ariana Grande et Jennifer Hudson. Elle ne savait pas vraiment s'il avait eu du succès, mais la jeune femme préférait l'autre morceau.
Après quelques pas supplémentaires, la jeune femme entendit des enfants parler du père noël, sur sa droite. En ce jour de repos scolaire, puisqu'il était mercredi, Luce se doutait qu'elle allait rencontrer beaucoup de monde.
Quelle joie, songea-t-elle dans un soupir, les doigts serrés sur sa canne blanche.
— Comment peut-elle me demander d'aller dans un tel endroit à moins d'une semaine de ma rentrée ? marmonna entre ses dents la brune. Elle sait bien pourtant que je n'aime pas la foule.
Et où était les petits points pour la guider dans le centre commercial ? A cause des exclamations des enfants, elle s'était déconcentrée et venait de perdre sa route. Si jamais elle s'égarait dans cette jungle...
— Oh maman, regarde il y a le papa noël ! s'écria une petite fille sur sa gauche.
Décidément, les gosses étaient vraiment partout. Quand ce n'était pas en lui rentrant dedans ou bien il lui criant dans les oreilles, c'était pour annoncer l'arrivée d'un monsieur qu'elle ne souhaitait pas croiser, que les enfants l'embêtaient.
Tout en se rappelant le malaise qu'elle avait ressenti dès la fin de sa croyance envers le père noël en présence d'un de ses comédiens, elle ravala sa salive et se concentra sur le chemin qu'elle devait emprunter.
Pourtant, alors qu'elle commençait à fuir la pile électrique qui criait qu'elle voulait faire une photo avec le papa noël, Luce fronça les sourcils. Ce parfum bon marché, elle le connaissait. Le temps que son cerveau percute et le cœur de la jeune femme accéléra.
— Ange ? murmura-t-elle pour elle-même.
Non, c'était impossible, parce que des kilomètres les séparaient. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle avait fini par faire le deuil d'une histoire qui n'aurait pu durer.
Peut-être que certaines personnes arrivaient à vivre un amour à distance, mais elle ne faisait pas partie de celles-là. Et même si ça l'avait attristée autrefois, elle avait fini par l'accepter, enfin du moins, vivre avec.
— Ange ? répété-t-elle pourtant car une partie d'elle était certaine de ce qu'elle avançait.
Avec son odorat sur-développé depuis son accident, il était rare qu'elle se trompe. Ne plus pouvoir voir amenait le cerveau à se concentrer sur d'autres éléments, tels que l'audition, l'odorat, le toucher, le goût, et comme certains aimaient l'appeler : un sixième sens.
En ce qui concernait le sixième sens, Luce n'était pas du genre à se vanter en disant l'avoir. Les mauvaises impressions, ça lui arrivait parfois. Mais de la à dire qu'elle avait un sixième sens...
— Ho, ho ! répondit une fausse grosse voix, je crois que vous vous trompez de personne ma p'tite dame, moi je suis le père noël.
Même si cela semblait impossible, il n'y avait plus aucun doute : il s'agissait bien de son compagnon de vacances. Le parfum et maintenant la voix, c'était trop gros pour être une coïncidence.
— J'y crois pas ! lança Luce abasourdie, c'est bien toi Ange.
C'était complètement dingue, de le savoir ici. Lyon n'était pourtant pas la porte à côté...
— Non ma p'tite dame, je répète, vous faîtes erreur ! répondit le fameux père noël.
Désormais que la petite fille fronçait les sourcils, Ange n'était plus très sûr de pouvoir garder son poste. Déjà qu'il s'agissait d'un simple CDD qui prendrait fin après le 24 décembre, il ne voulait pas qu'on lui annonce que sa collaboration avec le centre commercial allait être plus courte que prévu.
— Est-ce que vous êtes vraiment sans cœur au point de détruire l'espoir des enfants avec vos réflexions infondées, madame ?
Il avait mis tellement de cœur dans cette phrase que Luce saisit enfin que ce n'était pas le moment de révéler sa véritable identité. Malheureusement, Ange comprit au regard de la maman qu'il venait de perdre une cliente (ou peut-être deux même).
— Putain, elles sont parties, soupira le jeune homme.
Sa fausse barbe le grattait. Sans parler du bonnet qui lui était trop grand. Il détestait ce déguisement. Son faux ventre glissait tout le temps, si bien qu'il était parfois obligé de tenir le coussin. Ça lui donnait une drôle de démarche.
— Je suis désolée, souffla Luce à quelques pas de lui.
Bien remonté à cause de la situation, il jeta une œillade à la jeune femme et la vue de son visage gêné eut raison de lui. Mais comment faisait-elle pour avoir autant de pouvoir sur lui, même après des mois de séparation ?
Ange roula des yeux.
C'était le pouvoir de Luce. Le pouvoir qu'elle avait toujours eu sur lui. Le pouvoir qui l'avait autrefois amené à s'excuser même lorsqu'il n'était pas en tort. Le pouvoir qui faisait de lui un esclave de la belle Pocahontas rebelle.
— Je suis en service là, et je dois faire un certain nombre de distributions si je veux m'assurer la continuité du poste alors...
Ce fut à cet instant qu'Ange réalisa vraiment que c'était la première conversation qu'ils avaient depuis des mois. N'avait-il pas rêvé de cet instant durant une éternité ? Alors certes, ils n'échangeaient pas tout à fait les mots qu'il avait imaginés, mais ce n'était qu'un détail.
— D'accord, oui je m'excuse. Je te laisse travailler. De toute façon, j'ai des décorations à acheter.
Puis parce que la brunette commençait à reprendre sa route, la canne à la main, Ange grimaça et s'élança vers la jeune femme.
— Attends Luce !
En posant sa main sur son bras pour l'amener à se retourner, son cœur rata un battement. Le beau visage de la concerné se tourna vers lui et il peina à ne pas lui dire qu'il la trouvait toujours aussi belle, voire plus encore. Elle semblait épanouie et sereine. Elle semblait si différente et identique.
— Je finis dans 30 minutes. On pourrait aller chercher tes décorations ensemble, qu'est-ce que tu en dis ?
La jeune femme eut envie de lui dire qu'elle ne savait pas vraiment, puisqu'après tout, il n'était pas du genre à répondre ou bien à prendre tout simplement des nouvelles. Puis elle se rappela qu'elle devait rester calme. Après tout, elle avait fait pas mal de travail sur elle, alors elle pouvait y arriver.
Une future professionnelle du bien-être se devait d'avoir un contrôle total sur son corps et son esprit... Le problème, c'était que c'était plutôt compliqué de rester calme face à l'homme qui avait battre son cœur.
— Et comment je te retrouve moi ? s'emporta-t-elle malgré elle. Parce que je n'ai pas l'intention de poireauter ici durant 30 minutes ! cracha-t-elle en montant le menton pour confirmer que, oui elle avait toujours du caractère.
Et tant pis si ça venait de la faire échouer dans sa quête de calme et sérénité.
Ange sourit avant de se mordre les lèvres. Il y avait tellement d'émotions qui l'habitaient en ce moment que c'était difficile de savoir ce qu'il se passait.
— T'inquiète, avec ta veste léopard, je pense que je pourrais te retrouver parmi mille.
— Ma veste léopard ? releva Luce avant de toucher le vêtement. Je croyais que j'avais mis la marron... Flûte, elles sont faites de la même matière. Oh mon Dieu, l'allure que je dois avoir !
En effet, avec ses rayures multicolores et sa veste léopard, Luce avait un style plutôt spécial.
— Puis d'abord, pourquoi tu es sur Toulouse ? demanda-t-elle, sur la défensive.
Visiblement, apprendre qu'elle était habillée comme un clown lui avait fait oublier qu'elle ne devait pas interrompre le travail d'Ange.
— Je te raconterai tout après, promit le jeune homme avant de reprendre la route.
Luce resta quelques secondes immobile et muette.
— Encore faut-il que j'aie envie de t'attendre, souffla-t-elle pour elle-même avant de reprendre la route.
Est-ce qu'il croyait vraiment qu'après l'avoir ignorée comme il l'avait fait, elle allait bêtement attendre ? Il se foutait le doigt dans l'œil. Non mais !
Quelle était la meilleure période que celle de noël pour que nos deux amoureux de vacances se retrouvent ? Bon, j'avoue que ça sent le coup monté de la part de Fabrice et Claire xD
Maintenant, reste à savoir si Luce va laisser, ou non, une chance à Ange. Car la jeune femme a eu beau avoir changé, elle semble toujours décidée à montrer son sale caractère en présence du blond.
Ah la la, Luce... Tu ne changeras donc jamais ?